Neuilly-sa-mère : humilier et punir le «gosse des cités »
19 mars 2013 | Posté par Sigob et Thomas J sous Cinéma, Tous les articles |
Comédie produite par Djamel Bensalah, Neuilly sa mère raconte l’histoire de Sami, 14 ans. Fils d’immigré-e-s algérien-ne-s, il habite avec sa mère dans une cité présentée comme « difficile » de la ville moyenne de Chalon-sur-Saône. Suite au changement d’emploi de sa mère, Sami est contraint de déménager à Neuilly-sur-Seine chez sa tante, laquelle est mariée à un riche industriel. Sami fera la connaissance de ses cousin-e-s à peu près du même âge (Charles, fan invétéré de Nicolas Sarkozy, et Caroline, présentée comme une « bobo » en pleine crise d’adolescence), et des élèves du collège privé de Saint-Exupéry. La confrontation inattendue entre ces deux univers (« quartiers de banlieue »/quartiers chics) donnera lieu à quelques conflits, mais également à une belle histoire d’amour entre Sami et Marie, jeune fille de « bonne famille ».
Voici la bande annonce du film : http://www.youtube.com/watch?v=ypAFX1l-Jog
Sorti en salles en 2009, le film a connu un grand succès, en se classant au 17ème rang du box-office français, devant par exemple Very Bad Trip et juste derrière OSS 117[1]. A en croire les critiques élogieuses de la presse, ce succès serait dû au fait que cette comédie sympathique caricature et ridiculise de façon égale ces deux mondes opposés que sont les « cités difficiles » (représentées par la cités de Chalon-sur-Saône et la cité Picasso) et les quartiers bourgeois (représentés par la ville de Neuilly-sur-Seine). Avec un humour bon enfant, le film se moque tant des sarkozystes de Neuilly, que des bobos gauchistes, sans oublier les gosses de banlieue paresseux et prompts au racket. Comme le montre une critique du Point, le film est une comédie consensuelle, susceptible de plaire à tout le monde: la « comédie est un genre qui se plaît à rapprocher les contraires (…) : ils se confrontent et l’exercice aura été profitable. Il y a des cons et des braves types partout. » [2]
C’est même ce dont se vante explicitement le réalisateur Djamel Bensalah, dans un entretien réalisé à l’occasion de la sortie du DVD : « Je voulais faire un film qui tape sur tout le monde mais qui ne fait de mal à personne. Je pense que c’est réussi. Il n’y a pas de parti pris méchant, ni de prosélytisme. On ne dit pas que les riches sont des salauds et les pauvres des gens merveilleux, on ne dit pas l’inverse non plus. C’est un film qui crée du lien social. (…) Ce n’est pas de la propagande, c’est une propagande du bonheur. »[3]
La confrontation de ces deux mondes également caricaturés est censée donner au film une vertu réconciliatrice. Ainsi, d’après Le Monde, le film agit « comme un onguent délicat sur la crispation sociale quotidienne dont les banlieues sont le symptôme »[4]. Le film a d’ailleurs été soutenu par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE).
Une telle lecture du film nous apparaît extrêmement superficielle, voire aveugle. Ce dernier a effectivement recours à la caricature tant à l’égard des bourgeois de Neuilly que des « jeunes des banlieues », mais il serait très naïf d’en conclure à une absence de parti pris de la part du film. Au contraire, ce film nous apparaît comme un condensé de violence raciste, de stigmatisation des habitant-e-s des « banlieues »[5] et des classes populaires sous couvert d’humour. Par ailleurs, le film réussit à se faire passer pour une comédie consensuelle et neutre alors même qu’il légitime une idéologie libérale d’une violence extrême bien que banalisée (il faut se battre pour « s’en sortir » et celleux qui échouent n’ont pas eu assez de volonté, tant pis pour elleux, c’est de leur faute) ainsi qu’un discours paternaliste vis-à-vis des immigré-e-s et de leurs descendant-e-s.
Le problème, c’est que Neuilly-sa-mère n’est pas une daube parmi tant d’autres : c’est une comédie récente ayant eu un énorme succès en France et qui réussit l’exploit de faire passer un discours raciste, islamophobe, et stigmatisant à l’égard des immigré-e-s et de leurs descendant-e-s pour un hymne à la réconciliation fraternelle et au « vivre-ensemble ». Le fait que des films de ce genre[6] aient un succès aussi phénoménal en salles et rencontrent une approbation aussi unanime ces dernières années nous apparait symptomatique du fait que le racisme s’exprime de façon de plus en plus banalisée, que soit dans la bouche des politicien-ne-s, dans la presse ou encore dans les films.
Il serait difficile de décrire dans le détail la totalité des horreurs véhiculées par le film. Nous allons simplement tenter de présenter les aspects du film les plus saillants et les plus récurrents :
Tout d’abord, le caractère consensuel du film, qui est censé reposer sur l’« équivalence » des deux mondes qui se rencontrent (« équivalence » de traitement de la ville de Neuilly et de la cité de Chalon + « équivalence » dans la caricature humoristique de tous les personnages) est une mystification totale.
Au contraire, le film dévalorise systématiquement, et de façon massive, les banlieues et celleux qui y résident. Cette dévalorisation n’est en rien « équivalente » au traitement de Neuilly-sur-Seine dans le film.
Ensuite, nous procèderons à la description du calvaire que subit Sami et de la violence raciste dont il fait l’objet durant tout le film, violence qui n’est jamais remise en question : les discriminations racistes subies par Sami à tous les niveaux de son existence (familial, scolaire, amical, amoureux) sont au contraire présentées de façon positive, et comme tout à fait normales (après tout, s’il souhaite « s’intégrer », il faut qu’il accepte de se faire vomir dessus sans broncher, en s’excusant d’exister, voire en remerciant celleux qui l’écrasent).
Le film dresse aussi explicitement, par l’intermédiaire du personnage de Sami, un portrait de l’immigré parfait : barbare potentiel, mais qui réussira peut-être à s’intégrer s’il réussit à dompter ses instincts violents pour adhérer aux belles valeurs françaises. On note que Sami n’est pas immigré, puisqu’il est né et a grandi en France ; pour autant il est considéré comme tel par tous les personnages du film (et y compris par lui-même), sa couleur de peau ou encore sa religion faisant de lui un étranger radical au monde de Neuilly (et par extension, à la société française).
Le fait qu’une personne immigrée (ou perçue comme telle) soit arbitrairement rejetée, discriminée et attaquée pour des motifs racistes est présenté par le film comme tout à fait anodin : après tout, cette société (ici Neuilly-sur-Seine) fait déjà l’effort de l’accueillir, au lieu de protester pour ses droits, elle devrait plutôt être reconnaissante et garder la tête basse.
Deux mondes que tout oppose et qui se rencontrent (Neuilly-sur-Seine / les « banlieues ») : une fausse équivalence de traitement
Le film est censé nous montrer avec humour la rencontre de deux mondes très différents, sans hiérarchisation ni parti pris. Ce présupposé est totalement faux, puisqu’en fait la supériorité de Neuilly est montrée et affirmée tout au long du film.
Une supériorité physique
Dès les premières minutes du film, la supériorité physique des filles blanches et blondes est posée comme une évidence, puisque Sami déclare « Mon truc c’est les blondes. Et là, je vous l’accorde, je suis comme tous les rebeux de cité. Le problème, c’est que dans mon quartier, les blondes, c’est aussi rare que du pétrole (…) C’est pour ça que j’ai toujours su que pour rencontrer l’amour de ma vie, il faudrait que je parte très loin de Chalon. Je pensais pas que ça arriverait si tôt… ». Le problème ici n’est pas qu’un brun puisse avoir une attirance particulière pour les blondes, mais que cette attirance soit présentée comme une norme de beauté idéale, à laquelle sont censés adhérer tous les arabes. Le film ne remettra en effet jamais en question cette affirmation arbitraire et raciste, et au contraire nous présentera la conquête par Sami de Marie, « blonde, belle, riche » et résidant à Neuilly, comme une réussite exceptionnelle –en particulier pour un arabe des banlieues. Sami se compare par ailleurs lui-même à plusieurs reprises à Quasimodo tentant de conquérir Esméralda, ce qui ne laisse aucun doute sur son infériorité physique par rapport à Marie.
Brunes, noires, et voilées : la laideur féminine selon Neuilly-sa-mère
Blonde, belle et riche : l’idéal féminin incarné par Marie
C’est ce qui apparaît clairement à travers la scène du confessionnal (Sami est tellement de bonne volonté pour « s’intégrer » qu’il va se confesser à l’église alors qu’il est musulman…). Sami dévoile au prêtre ses difficultés à conquérir Marie : « là ça va être difficile. Elle est pas comme moi. Elle est belle, elle est riche, elle est blonde. Moi, jsuis pas riche et jsuis pas blond. » Au lieu de montrer à Sami qu’il a intériorisé des préjugés racistes par rapport à son apparence, ou de l’inviter à ne pas idéaliser la couleur de cheveux de Marie, le prêtre l’encourage au contraire à foncer pour accomplir cet exploit hors du commun : conquérir une blonde.
Une supériorité culturelle
Sami est propulsé dans un monde dont il ne maîtrise pas les codes culturels, ce qui donne lieu à des situations cocasses. Par exemple, dans la classe de musique, Sami se voit attribuer le droit de sonner la dernière note de la symphonie avec un triangle –tandis que tou-te-s ses camarades jouent du violon, de la clarinette, etc…
La caricature semble « équitable » au moins dans une séquence du film, où trois camarades de classe de Sami tentent de faire du rap devant lui et se ridiculisent. Il semble donc que tout le monde en prenne également pour son grade : chacun est étranger à la culture de l’autre.
Sami est ridicule…
… mais ses camarades de Neuilly aussi. Tout va bien !
Malgré cette séquence, le film matraque le fait que la culture de Neuilly est supérieure par essence à la culture détenue par Sami, présentée comme une sous-culture.
C’est ce qui apparaît clairement lorsque la culture de Marie est confrontée à la culture de Sami. Lorsque Sami aperçoit pour la première fois Marie par la fenêtre de sa salle de bains (elle est sa voisine), celle-ci est en train de jouer du violon. Sami est immédiatement et naturellement fasciné par la beauté de ce spectacle et arbore un sourire béat d’admiration.
La fascination naturelle de Sami envers la culture légitime.
A l’inverse, lorsque Marie interroge Sami sur ses goûts musicaux et que ce dernier lui cite des groupes de rap, Marie le regarde avec dédain, et Sami, comprenant sa faute de goût, cite maladroitement Debussy et Mozart pour tenter de se rattraper.
Marie a hâte de discuter avec un mélomane cultivé.
La répulsion naturelle de Marie face à la culture illégitime de Sami.
Dans la mesure où la culture détenue par les enfants de Neuilly est dominante dans le monde social en général et dans le milieu scolaire en particulier, les difficultés de Sami à acquérir leur culture n’auront évidemment pas le même impact déterminant que les difficultés des enfants de Neuilly à faire du rap. Cela dit, le film transforme cette hiérarchie sociale en donnée naturelle évidente. Un tel parti-pris a notamment pour effet de faire abstraction des conditions d’acquisition de la culture perçue comme légitime.
C’est ce que l’on remarque lors d’une scène où Sami demande à regarder la télévision chez sa tante. Le mari de sa tante, après lui avoir fait remarquer qu’ils n’avaient pas de télévision, lui demande d’un air étonné : « Mais Sami, tu n’aimes pas lire ? » Face à la réponse nuancée de ce dernier (« Si si, mais vite fait, à l’école »), l’oncle le réprimande (« Ah ! Et le plaisir de lire ?! Tu connais pas ça ? Le plaisir des grandes lectures ! ») et lui conseille de lire directement l’édition Pléiade de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.
Comment ?! Tu ne lis jamais du Victor Hugo en Pléiade avant de te coucher ?
Une fois éveillé en lui le plaisir naturel de la lecture, mystérieusement enfoui jusque-là, Sami va dévorer l’édition Pléïade de Notre-Dame de Paris, dont il citera quelques extraits au spectateur à la fin du film. Le film invite donc à considérer l’acquisition de la culture perçue comme légitime, ainsi que la familiarité avec celle-ci, uniquement comme une affaire de bonne volonté et de plaisir naturel. Une telle conception, en plus d’être fausse, est particulièrement dangereuse, dans la mesure où elle tend à stigmatiser celleux qui ne disposent pas des outils nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des productions culturelles considérées comme légitimes (notamment dans le milieu scolaire) : ces dernier-e-s ne seraient que des êtres dépourvu-e-s d’ « intelligence » et faisant preuve de mauvaise volonté.
Le départ de Sami vers Neuilly : la « chance de sa vie »
La supériorité de Neuilly-sur-Seine étant ainsi attestée par le film, le départ de Sami pour Neuilly apparaît logiquement comme la « chance de sa vie ». C’est bien ce qu’indique la bande annonce du film : « Il n’a connu que sa cité » /« C’est la chance de sa vie ».
La cité de Chalon est certes présentée au début du film comme un endroit convivial, où tout le monde se connaît, et où il fait bon vivre (pour un enfant). Malgré cet aspect positif, le film recycle dès les premières minutes l’ensemble des stéréotypes classiques attribués aux « banlieues difficiles » (telle que cette catégorie a été construite, notamment par les médias) : des jeunes qui ont pour seul horizon la cage d’escalier de leur immeuble, un collège dévasté par des élèves turbulents et où les professeurs n’ont plus aucune autorité, des trafics de drogue et une circulation d’armes généralisés, des obèses alcooliques.
Concernant l’école, le film dépeint un collège dévasté par des élèves de mauvaise volonté, qui prennent plaisir à persécuter le professeur. Le message du film est le suivant : s’il y a des problèmes à l’école, c’est à cause des élèves, qui, pour des raisons mystérieuses, refusent d’y apprendre quoi que ce soit.
Un collège de « banlieue difficile » selon Neuilly-sa-mère.
Quant à Sami, il se distingue de la masse grouillante des paresseux par sa bonne volonté et par le désir qu’il a d’ « avoir de bonnes notes » « pour ne pas finir comme eux », c’est-à-dire comme ces adolescents qui, à cause de leur fainéantise, n’ont obtenu ni diplôme ni emploi.
Jeune, fais attention. Si tu continues à être paresseux, violent et de mauvaise volonté comme tu en as l’habitude, regarde à quoi tu ressembleras.
Pour autant, le film laisse transparaître un embryon de critique des inégalités sociales. En effet, Sami mentionne le fait que beaucoup de jeunes diplômés résidant dans sa cité n’ont pas réussi à trouver de travail correspondant à leurs qualifications. Sami prend les exemples d’Habib, bac + 4 en mathématique devenu vigile en grande surface, et de Mouss, bac + 5 en informatique devenu balayeur. Le film montre ici, bien que de façon très brève et à la limite de l’implicite, que des personnes noires possédant des noms à consonance étrangère et résidant dans des endroits stigmatisés, ont plus de probabilité de subir de la discrimination à l’embauche[7].
En voyant cela, l’on se prend à rêver… Peut-être le film déconstruira-t-il les préjugés à l’égard des « quartiers » dits « sensibles »… Peut-être pourrait-il inviter à considérer que la violence la plus forte s’effectuant à l’école n’est autre que la violence de l’exclusion systématique des mêmes catégories de la population sous couvert d’« égalité des chances »… Ou encore que la violence scolaire habituellement mise en avant (celle des élèves turbulent-e-s pleins de « mauvaise volonté ») est peut-être en partie une contre-violence désespérée à cette violence primordiale et beaucoup plus importante de l’exclusion scolaire systématique… Le film va-t-il cesser de reprendre grossièrement à son compte la totalité des stéréotypes à sa disposition sur « les banlieues difficiles » et tenir un discours soudainement subtil ?
La séquence suivante du film suffit à éteindre notre lueur d’espoir…
En effet, le film passe immédiatement à la critique (toujours par la voix de Sami) des jeunes trafiquants de banlieue, qui comme chacun sait, roulent dans d’énormes BMW décapotables.
Un jeune trafiquant de drogue en « banlieue », vu par Neuilly-sa-mère.
Deux choses ressortent principalement de cette séquence. Premièrement, les jeunes qui vendent de la drogue sont des tire-au-flanc qui abandonnent leurs études à cause de leur incorrigible mauvaise volonté et de leur appât du gain. Sami commentant l’arrivée du jeune trafiquant de drogue présenté ci-dessus décrit ainsi : « ça c’est Nouredine. Bac – 6. Mais pas besoin que je vous donne sa spécialité hein, je crois que c’est clair » (voyons voir… Une voiture de luxe décapotable et visiblement neuve… Bien sûr, c’est un jeune vendeur de cannabis, ça crève les yeux !) Deuxièmement, le film reprend à son compte l’idée selon laquelle l’économie souterraine (telle que le trafic de drogues) relèverait uniquement d’un problème d’éducation parentale. En effet, cette séquence du film montre l’héroïsme de Mme Diallo, mère de famille respectée dans la cité, qui repousse courageusement le trafiquant à coup de pied, en le traitant de « racaille », et en menaçant de lui couper ses organes génitaux à la machette. Mme Diallo incarne la mère responsable et soucieuse de l’avenir de ses enfants, par opposition aux parents démissionnaires qui laissent leurs enfants succomber à l’attrait de l’argent facile.
« Vous en avez assez de cette bande de racailles ? Ben je vais vous en débarrasser !!! »
La « responsabilisation » des parents comme principale solution aux problèmes sociaux (a fortiori lorsqu’il s’agit de parents des classes populaires, jugés peu aptes à éduquer leurs enfants) est par ailleurs une idée qui s’est largement diffusée ces dernières années. Cette dichotomie entre parents responsables et parents démissionnaires repose sur le postulat que les déterminismes sociaux n’existent pas, mais qu’il n’est question que d’éducation et de valeurs morales[8].
Ce portrait de Chalon-sur-Saône, qui n’est en réalité qu’un ramassis de stéréotypes sur les « banlieues », est dressé par Sami lui-même au début du film. On voit d’emblée, grâce aux commentaires de Sami, que celui-ci est lucide par rapport à sa cité (« quand on est gosse, Chalon, c’est génial, c’est quand on est plus grand que ça se gâte »). Il rejette certains comportements, comme le fait de préférer l’argent facile du trafic de drogue au travail scolaire (« Moi, si je travaille à l’école, c’est pour ne pas devenir comme eux »). Ainsi, Sami est l’archétype du jeune des banlieues qui « veut s’en sortir », par opposition aux voyous qui pourrissent la vie dans les cités, pour reprendre la dichotomie utilisée par la droite.
Le départ vers Neuilly-sur-Seine prend donc tout son sens. « S’en sortir » est alors synonyme pour Sami de « sortir de sa cité », afin de fuir les éléments perturbateurs qui, malgré toute sa bonne volonté, pourraient le faire sortir du droit chemin. A lui de saisir cette chance extraordinaire et d’en être digne.
L’humour au service d’une idéologie raciste et réactionnaire
Si la supériorité morale, économique, culturelle et physique de Neuilly est évidente, la caricature et le choix de certains personnages doivent permettre malgré tout de faire croire à une équivalence de traitement et de jugement par le film de ces deux contextes.
Les caricatures flagrantes et humoristiques de beaucoup d’habitants de Neuilly sont censées être garantes de l’absence de parti pris en faveur de Neuilly et de ses habitant-e-s.
Ainsi, Charles, le cousin de Sami est un Sarkozy miniature. Lors de sa première apparition, il termine son footing ; il a pour objectif de devenir président de la république (et à plus court terme délégué de classe), et est un fan inconditionnel de l’UMP, comme le montre la décoration de sa chambre.
Charles De Chazelles, futur hyperprésident.
Bienvenue à Neuilly, Sami…
Le film pousse la caricature jusqu’à mettre dans la bouche de Charles des insultes issues du vocabulaire de Nicolas Sarkozy : dès leur première rencontre, Charles accuse Sami d’être une « racaille de banlieue ». Cette accusation sera reprise sous diverses formes tout au long du film. Le fait que ces propos soient totalement exagérés participe de la caricature des personnages de Neuilly. Pour autant les réponses qu’apporte Sami aux accusations de Charles et la suite du déroulement de l’intrigue tendent à avaliser ces propos.
Il s’agit là d’un procédé récurrent tout au long du film, et qui apparaît notamment à l’occasion de la première rencontre entre Charles et Sami.
Charles attaque d’emblée Sami d’une façon peu subtile : « pas mal ton déguisement. Mais à moi on me la fait pas : t’es une racaille de banlieue ». Charles continue à l’agresser verbalement, veut fouiller dans son sac pour voir s’il n’y dissimule pas une capuche, et va jusqu’à l’accuser d’avoir participé (en personne ou en tant que complice) à des incendies de voitures à Chalon. Il termine la conversation en ordonnant à Sami de ne rien voler dans la maison.
Meuh non, c’est pas moi qui ait brûlé des voitures, pendu des grands-mères avec ma capuche, et braqué des banques pour m’acheter ma dose quotidienne !
La hargne paranoïaque de Charles semble disqualifier ses propos. Cependant, les réponses que fait Sami pour se défendre montrent que ces accusations sont en réalité globalement fondées.
Concernant le fait d’être une « racaille de banlieue », au lieu d’inviter Charles à aller se faire voir et à remballer ses insultes stupides, Sami reprend ce terme de « racaille » en indiquant simplement qu’il n’en est pas une. Le film invite donc ici à considérer le terme de « racaille » comme une catégorie sociale indiscutable, qui sert d’outil de classification des individus, la seule question étant alors de savoir si l’on est une ou pas. La réponse de Sami justifie donc les propos de Charles : ce dernier se trompe simplement de cible (et c’est en cela qu’il est caricatural parce que Sami est si gentil…) mais il ne fait aucun doute par ailleurs que les « banlieues » sont remplies de « racailles ».
Concernant les incendies de voitures, si Sami répond qu’il n’en a jamais brûlé, il reconnaît qu’il n’a jamais dénoncé ses ami-e-s incendiaires parce qu’il n’est « pas une balance ». Charles lui assène donc : « en droit français, ça s’appelle de la complicité, tu es une racaille », et Sami se tait. Le caractère caricatural du propos de Charles tient encore une fois au fait qu’il attaque directement et façon agressive ce pauvre Sami (qui lui est si gentil et si mignon) mais le fond du propos (à savoir que les jeunes de « banlieues » passent leur temps à brûler des voitures par pure méchanceté) n’est en rien contredit.
Concernant la tentative de Charles de fouiller de force dans le sac de Sami (pour voir s’il n’y dissimule pas une capuche), ce dernier y répond en agrippant Charles par le col de son tee-shirt, en le repoussant et en commençant à protester (« touche pas à mon sac ou je te nique la… ») avant de le lâcher au bout de quelques secondes. Charles arbore alors un air triomphant, et affirme qu’il a simplement voulu le tester pour voir s’il était violent comme tous les jeunes de banlieue, ce dont il est à présent convaincu. Sami ne répond rien, et semble s’en vouloir à lui-même, comme si Charles venait effectivement de dévoiler une facette enfouie de sa personnalité. Encore une fois ici, ce qui est exagéré, c’est de penser que Sami (qui est si gentil !) puisse être une personne vraiment violente. Cependant, l’on voit tout de même qu’il a un côté « banlieusard agressif » dont il doit se protéger lui-même (agripper les gens par le col en parlant de leur « niquer la gueule », c’est pas un réflexe de « banlieue », ça ?), et l’on peut légitimement supposer qu’en « banlieue », tous les jeunes sont automatiquement violents. Le fait que Sami ne faisait ici que se défendre contre une personne qui l’insulte et essaye de fouiller de force dans ses affaires est totalement effacé par le film.
Charles est heureux : il a mis à jour la vraie nature de Sami.
Le procédé employé ici est donc simple et il sera utilisé de façon systématique tout au long du film : les attaques racistes qui sont proférées dans le film à l’égard des « jeunes de banlieue » sont mises dans la bouche de personnages qui se trompent de cible en visant ce pauvre Sami. En somme, les propos racistes et stigmatisants ne sont pas gênants en eux-mêmes, ce qui est gênant et est censé susciter la compassion, c’est que Sami subit toutes ces injures à la place de toutes ces « racailles » –qui les auraient bien mérité quant à elles.
La première rencontre entre Sami et sa cousine Caroline (la sœur de Charles) donne aussi lieu à une caricature de cette dernière, mais il apparaît nettement à cette occasion que toutes les caricatures ne se valent pas…
Contrairement à Charles, qui est certes un personnage absolument infect et présenté comme excessif dans son amour pour l’UMP comme dans ses agressions envers Sami, Caroline, elle, apparaît ridicule simplement pour le contenu de ce qu’elle dit et de ce qu’elle fait. En somme, alors que les propos de Charles apparaissent caricaturaux parce qu’ils s’adressent à la mauvaise personne, les propos de Caroline apparaissent caricaturaux parce qu’ils sont stupides, et que Caroline est présentée comme une idiote hystérique.
La première rencontre entre Caroline et Sami illustre déjà cela. Ainsi, Caroline affirme d’emblée être très heureuse d’accueillir Sami puis lui fait remarquer abruptement : « wouaw… je t’imaginais vachement moins typé. Mais c’est très bien hein ! Avec ta gueule d’arabe, tu vas faire chier tous les bourgeois réacs du quartier ! » Cette remarque est à mettre en parallèle avec la première remarque qu’a faite Charles en voyant Sami : « wouaw… je t’imaginais moins… euh… moins petit… ».
Ce parallèle effectué par le film vise à se moquer tant du racisme que de l’antiracisme, tous deux étant posés comme également ridicules. Dans la mesure où Charles est sarkozyste et Caroline est présentée comme une « bobo » de gauche, la réaction de Charles incarne un racisme « de droite », qui consiste à déprécier des individus sur la base de leur apparence arabe, tandis que Caroline incarne un antiracisme « de gauche » qui correspondrait au contraire au fait de valoriser à outrance l’apparence « typée » (c’est-à-dire une couleur de peau non blanche) des gens, au point de ne voir en elleux que cela. Cette focalisation sur l’apparence est tournée en ridicule par le film. En présentant ainsi sur un pied d’égalité le racisme insidieux de Charles l’UMP, et ce qui serait l’antiracisme enthousiaste et hystérique de Caroline la gauchiste, le film reprend à son compte l’idée absurde selon laquelle l’antiracisme serait une position au mieux inutile, au pire aussi condamnable et dangereuse que le racisme lui-même[9].
Caroline l’antiraciste emmerdeuse : une plaie pour toute la famille.
Caroline est en effet présentée comme une adolescente hystérique : elle exprime ses multiples opinions politiques de façon exaltée, et en exagérant beaucoup trop. Immédiatement après avoir sauté au cou de la « gueule d’arabe » de Sami, celle-ci jette subitement le gâteau que ce dernier avait apporté comme cadeau à sa tante parce que « c’est plein de cochonneries hydrogénées ». Là encore, Sami ne dit rien, abasourdi par le moulin à paroles excité qu’il a en face de lui. En quelques secondes, le film nous indique l’essentiel de ce qu’il faut penser de Caroline la gauchiste : elle est casse-pieds, ridicule, hystérique, dogmatique, écolo (ce qui selon le film est probablement synonyme des quatre termes précédents), et monte sur ses grands chevaux pour des broutilles.
Par la suite, on voit Caroline s’amouracher d’un immigré chinois sans papier menacé d’expulsion et travaillant comme ouvrier dans l’entreprise de son père, puis d’un indien d’Amazonie menacé d’être chassé de ses terres, et pour finir d’un immigré nigérien menacé d’extradition. Caroline est totalement ridicule pour plusieurs raisons.
Ses engagements sont toujours impulsifs et sont présentés comme des lubies d’adolescente immature. Elle menace ainsi de se suicider si son père s’oppose à son mariage avec l’ouvrier chinois. Ses désirs de mariages apparaissent d’autant plus ridicules, que, comme le fait remarquer son père dans un soupir exaspéré, elle est de toute façon encore mineure…
De plus, ces engagements se font toujours en opposition avec son milieu familial (et en particulier son père), et, loin d’être de correspondre à de réelles convictions politiques, ne servent que de prétexte pour se fâcher avec son père et son frère. Au beau milieu d’un repas de famille, elle attaque ainsi sournoisement son père (PDG de l’industrie Porc Ever) sur le thème de la pollution industrielle des industries de porcs.
En bref, Caroline n’est donc rien d’autre qu’une « bobo », à savoir une riche bourgeoise qui, pour faire son intéressante, adopte hypocritement des idéaux de gauche et défend des revendications caricaturales ou insignifiantes juste pour emmerder le monde[10]. Peindre le personnage de Caroline de cette façon a donc directement pour effet de présenter les idées censées être représentées et défendues par « la gauche » comme tout à fait stupides en elles-mêmes : concrètement, cela se traduit par le fait que la défense des droits sociaux des immigré-e-s en situation irrégulière, l’écologie, l’anti-capitalisme, et l’anti-racisme sont explicitement présentées par le film comme des lubies absurdes et sans importance. C’est ce qui est souligné avec beaucoup d’insistance durant tout le film, où l’on voit, dès que Caroline ouvre la bouche, tout l’entourage de cette dernière hausser les yeux au ciel, soupirer, ou faire semblant d’acquiescer à ses propos pour qu’elle leur foute la paix[11]… Les spectateurs/trices sont invité-e-s à partager l’exaspération des personnages que Caroline saoule à longueur de journée et à considérer également ses opinions comme tout à fait stupides.
Ah ah ah ! Mais quelle idiote celle-là ! Comme si la répartition incroyablement inégalitaire des richesses au niveau mondial et l’encouragement à la surconsommation pour tous ceux qui ont les moyens d’acheter ce qui leur passe par la tête pouvait nous conduire à un désastre écologique qui épuisera les ressources de la planète, et dévastera la faune et la flore planétaire, êtres humains compris (en particulier les pauvres)… Ah là là, ces « bobos », toujours à s’occuper de choses pas importantes en exagérant tout…
Caroline s’en sort donc globalement beaucoup moins bien que son frère, et il n’est pas étonnant que dans les confrontations verbales avec sa sœur, Charles soit souvent mis par le film dans la position victorieuse de celui qui dévoile tout haut ce que les spectateurs/trices sont censé-e-s penser d’elle tout bas (« retourne bouffer des graines de soja avec des SDF, espèce de bobo connasse » /« T’en a rien à faire de l’environnement, la seule chose qui t’intéresse c’est de faire chier papa »).
En plus de ces deux personnages hauts en couleur (Caroline et Charles), le film propose aussi quelques caricatures « humoristiques » plus que douteuses. Ainsi, par exemple, la tante Djamila, qui accueille Sami chez elle à Neuilly, est d’origine algérienne comme la mère de Sami. On apprend assez tôt qu’elle soupçonne son mari d’avoir une amante : cette péripétie secondaire sera parsemée de remarques au sujet du caractère « algérien » de Djamila –comprendre par là, semble t-il, son inclination à régler ses comptes par la violence. Celle-ci souhaite « régler cette histoire à l’algérienne », c’est-à-dire (comme le montrera la suite du film) tabasser l’amante supposée de son mari[12].
L’humour du film, tel qu’il s’exprime notamment dans les caricatures des personnages, converge ainsi vers le message suivant :
– les immigré-e-s (et leurs descendant-e-s) sont des êtres violents,
– celleux qui les trouvent formidables sont hypocrites, intéressé-e-s et défendent des opinions absurdes,
– celleux qui les attaquent sont lucides sur le fait qu’illes sont majoritairement des « racailles ».
On pourrait toutefois penser qu’en de très rares occasions, la caricature et l’exagération servent à tourner en ridicule les stéréotypes sur les immigré-é-s et les « banlieues » et non à les renforcer. C’est ce que l’on pourrait objecter notamment lorsque l’on voit Sami et ses amis discuter entre eux de la violence auxquelles seraient soumises les « banlieues » : le groupe d’amis est tellement caricatural dans la stigmatisation (« dans le 9-3, ils sont passés au lance-roquettes, je te jure ! ») qu’il semblerait que cette dernière soit dénoncée. Le film nous apparaît toutefois très ambivalent sur ce point. En effet, l’on entend beaucoup plus dans le film les amis de Sami (ainsi que ce dernier lorsqu’il leur téléphone) évoquer explicitement la violence des banlieues, et le fait qu’y circuleraient des armes en vente libre et des délinquants quasi-kamikazes à tous les coins de rue. S’ils le font certes d’une façon qui saute aux yeux par son caractère exagéré, le film semble en même temps indiquer que le stéréotype des « banlieues violentes » est véhiculé surtout par des jeunes « de banlieue » eux-mêmes, qui prennent un plaisir malin à tout exagérer pour se vanter auprès des copains, comme si la stigmatisation des « banlieues » était produite par les personnes qui y habitent (ou, tout au moins, comme si elles y participaient tout autant que n’importe qui, qui plus est, avec une grande complaisance). Sous-entendre une telle idée est évidemment aussi nauséabond que si l’on prétendait que les personnes résidant dans des endroits stigmatisés se discriminaient à l’embauche tou-te-s seul-e-s[13]… Qui plus est, le procédé consistant à exagérer un propos jusqu’à le rendre incroyable est à double-tranchant : l’on peut tout aussi bien n’accorder aucune importance à un propos présenté sous cette forme, ou alors penser que le propos est ici ponctuellement exagéré mais qu’il contient du vrai, au fond… Etant donné la tournure générale du film, le film ne nous paraît pas, même ici, contredire l’idée à la racine de ce préjugé, à savoir que ce qui caractérise les « banlieues » de façon générale, c’est leur dangerosité et la violence de leurs habitant-e-s.
L’humour du film contribue donc à conforter la supériorité écrasante de Neuilly sur tous les plans, et à stigmatiser les immigré-e-s et leurs descendant-e-s résidant dans les « banlieues ». Cette hiérarchie est présentée comme naturelle, et prétendre comme le fait Djamel Bensalah que le film ne contient aucun « parti-pris, ni prosélytisme » en faveur de quoi que ce soit, relève d’une singulière hypocrisie.
Le calvaire de Sami, et sa docilité méritoire.
Loin d’être une sympathique comédie qui cherche à montrer qu’ « on peut tous vivre ensemble si on y met un peu du sien »[14], le film nous raconte donc ceci : une graine de « racaille » de bonne volonté a la chance d’atterrir à Neuilly. Là, il subira une avalanche d’humiliations, de violences physiques, et d’attaques racistes contre lesquelles il apprendra à ne pas se révolter, à ne rien dire, et à demander pardon. Grâce à sa docilité, Sami réussira à s’intégrer et sera reconnu comme n’étant pas une « racaille ».
Le chemin de croix de Sami la « racaille » pour s’intégrer : humiliations et violences en tous genres.
Ce qui frappe au premier abord, c’est que le martyre que subit Sami à Neuilly n’est pas du tout présenté comme violent, le terme de « violence » étant réservé à Sami et aux habitant-e-s des banlieues. Les violences racistes subies par Sami sont plutôt présentées comme des réactions normales d’un milieu recevant un élément étranger, et auxquelles Sami est sommé de s’adapter sans broncher. Il va de soi, pour le film, que les habitant-e-s de Neuilly n’ont aucun effort à faire pour ne pas persécuter Sami, et qu’il serait illégitime de leur en réclamer : après tout, c’est lui qui doit s’intégrer, c’est à lui de s’adapter (avec le sourire de préférence) à tout ce qu’il subira.
C’est ce qui apparaît très clairement si l’on procède à un inventaire (non exhaustif) des violences perpétrées à l’encontre de Sami, de son arrivée à Neuilly à la fin du film.
– Comme indiqué précédemment, Sami arrivant à Neuilly chez sa tante Djamila est immédiatement pris à parti par son cousin Charles, avant de se voir asséner dans la chambre de ce dernier (dont il veut changer la décoration) « ma chambre, tu l’aimes ou tu la quittes ». Cette phrase est drôle dans la mesure où l’on reconnaît le clin d’œil à Nicolas Sarkozy[15] et où il est tout à fait exagéré de demander à Sami de montrer sa volonté d’intégration jusque dans la chambre de son cousin. Cependant (comme toujours, avec les propos de Charles) si son propos apparaît drôle ici parce qu’il est déplacé, l’idée générale qu’il défend, à savoir que sous prétexte qu’il n’est pas chez lui, Sami doit s’intégrer sans faire de vagues même si on le brutalise, est véhiculée par l’ensemble du film et sera directement confirmée par la suite de l’intrigue[16].
– Dès son arrivée au collège privé de Saint-Exupéry, Sami est confronté à des humiliations racistes et au mépris de classe de la part des enseignants et des élèves. Ainsi, le prof de maths introduit Sami face à la classe de la sorte : « Alors monsieur Ben Ba… Ben Bou…je vais vous appeler Ben : ça ne vous dérange pas. », tandis que les élèves s’exclament « Ben Laden », « Ben Mouloud » etc. Ces attaques racistes ne font l’objet d’aucune réprimande de la part du prof, tandis que Sami baisse la tête et ne répond rien. Immédiatement après, le prof le prend à partie sur son niveau scolaire qu’il suppose bas, et l’avertit qu’il n’a pas intérêt à faire baisser le niveau de la classe : « M. Ben, sachez qu’il y a un programme pour les futurs leaders, et un programme pour les futurs losers », « Vous allez apprendre à vous lever tôt ». Une fois cette leçon de morale effectuée, le prof procède à un bizutage de Sami en effectuant une interrogation surprise, accompagnée de la remarque « Bienvenue à Saint-Ex, M.Ben ». De même, durant le cours d’histoire, les élèves se moquent de Sami en remarquant qu’il porte un costume bas de gamme, là encore sans s’attirer aucune réprobation de la part de la prof.
Le film met ainsi en scène à de multiples reprises un racisme décomplexé et un mépris de classe dont Sami fera constamment les frais. Evidemment, les spectateurs et spectatrices sont invité-e-s à compatir avec ce pauvre Sami. Cependant, le film montrera que c’est par sa docilité, autrement dit son aptitude à s’aplatir en silence face aux violences dont il fait l’objet, que Sami réussira progressivement à s’ « intégrer ». Si le film condamne donc superficiellement ces attaques racistes, il les banalise et érige le silence face à l’oppression en modèle.
« Je vous présente votre nouveau camarade, Sami Ben-bambou qui vient d’une banlieue dite difficile, dont le papa est mort et la maman travaille sur un bateau. C’est bien ça ? » (il s’agit d’une citation réelle de la prof d’histoire)
L’unique possibilité laissée à Sami face aux multiples attaques racistes : ronger son frein silencieusement.
Il importe de remarquer au passage que la distinction de la société entre « leaders » et «losers », bien qu’elle soit présentée ici de façon brutale par le prof de maths est très loin d’être remise en question par le film, et constitue en réalité le cœur de l’intrigue de Neuilly-sa-mère. En effet, le film ne remet pas un instant en question le fait que notre société doit être structurée selon une dichotomie (accompagnée de récompenses pour les uns et de discriminations pour les autres) entre celleux qui ont réussi, en particulier à l’école, et celleux qui n’ont pas réussi. Au contraire, toute la beauté du film est censée résider dans le fait que l’on voit un individu qui semblait condamné à rester dans le « camp des futurs losers » réussir à entrer dans le « camp des futurs leaders » grâce à son travail et à son mérite (on le verra dans le film se coucher tard pour réviser). La réussite exceptionnelle d’un Sami implique donc que l’on abandonne les personnes qui ne sont pas Sami au triste sort qu’elles ont au fond bien mérité. C’est bien ce qui est indiqué à maintes reprises par le film : durant un repas, alors que Charles attaque encore une fois Sami en disant qu’il est une racaille, sa tante Djamila le défend de la manière suivante : « Non, il a sauté une classe, il travaille bien à l’école et a 12 de moyenne ! ». Traduction : s’il avait redoublé une classe, avait des difficultés à l’école et 8 de moyenne, il serait naturel de le qualifier de « racaille » ou de « loser ».
– Durant la récréation, Sami est interpellé par les trois « frères pistons » (surnommés ainsi car ils ont redoublé plusieurs fois, ce qui est interdit par le règlement intérieur), qui l’accusent d’être un « infiltré de la cité Picasso », cité peuplée de « barbares qui nous dépouillent à la sortie du bahut ». La réponse de Sami correspond au schéma habituel : « j’ai rien à voir avec eux, je viens de Chalon » (autrement dit, moi je suis gentil, je ne suis pas un barbare comme les autres habitants des cités). La tentative de racket par une bande de la cité Picasso de Sami et Charles confirmera par ailleurs les affirmations des frères pistons.
– Après ces attaques racistes et liées à son origine sociale, il ne manquait plus qu’à Sami d’être humilié en tant que musulman. Le film ne manquera évidemment pas une telle occasion, et proposera même deux variantes. La première prendra la forme d’une blague de mauvais goût de la part de Charles, qui lui fait croire qu’il n’y a que du porc dans le frigo en guise de goûter.
Ah la bonne blague !
La seconde est encore plus sadique et sournoise, et sera lourde de conséquences pour Sami. Guilain, le chef des « frères pistons » fait mine de se réconcilier avec Sami, et l’invite à manger à sa table à la cantine du collège (un élève vient en effet de bousculer Sami, faisant tomber son repas). Guilain, soudain mielleux, lui offre son repas, en précisant, à la demande de Sami, qu’il ne s’agit pas de porc (il affirme que lui-même, étant juif, n’en mange pas). Après que Sami ait avalé quelques bouchées, Guilain dévoile la machination : il s’agissait d’un piège pour lui faire manger du porc. Toute la cantine éclate de rire face à cette énième humiliation et les frères pistons miment des cochons. Sami, poussé à bout, se jette alors sur Guilain, et le frappe.
Sami est heureux de discuter avec son ancien ennemi, devenu depuis 15 secondes son seul ami
« Au fait… jsuis pas juif. Et c’est pas du veau, c’est du porc »
Les amis de Guilain font des bruits de cochon. Que c’est drôle !
Il va de soit que cette scène est horrible, mais ce qui l’est encore davantage, ce sont les conséquences qu’aura le coup porté par Sami à Guilain en réaction à cette immonde machination.
En se bagarrant avec Guilain, Sami répond pour la première fois du film à une attaque autrement qu’en baissant la tête et en restant silencieux. Il va en payer les conséquences à trois reprises. Le film nous offre donc une démonstration implacable du fait que la rébellion, même ponctuelle, contre les humiliations racistes/de classe/islamophobes est toujours condamnable. Sami est donc explicitement puni de son absence de passivité par trois personnages : le fantôme de son père, la principale du collège, et enfin Marie. Ces trois personnages étant les seul-e-s personnages globalement positifs/ves du film, et les plus admiré-e-s par Sami, la sanction est d’autant plus forte, et leurs accusations apparaissent comme d’autant plus légitimes.
1- Commençons par la punition paternelle . (Précisons que le père de Sami, immigré algérien fan de football et admirateur de Zinedine Zidane, est décédé lors de la coupe du monde de 1998, alors que Sami était tout petit).
Pour prendre la mesure du traumatisme vécu par Sami, on voit qu’il est malade toute la soirée et la nuit, au point de vomir à la table de son oncle et sa tante. L’attaque islamophobe de Guilain se prolonge ainsi en humiliation corporelle.
Alors qu’il essaie tant bien que mal de s’endormir, le fantôme de son père lui apparaît. Après des années d’absences, et sachant que Sami traverse une passe très difficile, on pourrait s’attendre à une entrée en matière plus réconfortante que « C’est pas comme ça que je t’ai élevé Sami, tu me déçois profondément, j’espère que tu as honte ». Sami (qui a repris les bonnes habitudes), s’excuse et avoue avoir honte. Le père minimise alors la violence subie par Sami : le fait d’avoir mangé du porc par machination est une broutille sans importance, puisque le Coran ne blâme pas le fait d’avoir mangé du porc à son insu. Le père reproche alors à Sami de s’être senti humilié au point d’en être tombé malade, et surtout d’avoir réagi à l’attaque de Guilain : « Le problème c’est qu’on ne crache pas sur les gens ». Ensuite, il se lance dans un plaidoyer en faveur de Zinedine Zidane, ce qui parait incongru, mais prendra tout son sens dans la suite du film.
Sami, malade et traumatisé, juste avant l’apparition de son père
Tu me fais honte, c’est pas comme ça que je t’ai éduqué à être un gentil fils d’immigré qui ferme sa gueule !!
Sami, réconforté par l’apparition de son papounet chéri
2- La punition scolaire .
Le lendemain, Sami et sa tante sont convoqué-e-s dans le bureau de la principale. La principale est une des seules personnages à prononcer correctement le nom de famille de Sami ; elle incarne une autorité sévère mais juste. Bien que celle-ci soit parfaitement au courant de la manipulation machiavélique dont a été victime Sami, elle va tout de même le réprimander et le menacer de sanctions (Guilain, quant à lui, n’a pas été inquiété). La directrice part en effet du principe suivant : « Vous venez d’arriver dans cet établissement, M. Benboudaoud, c’est à vous de vous adapter, c’est à vous de faire un effort d’intégration ».
Quelles que soient les violences racistes/classistes/islamophobes que vous subissez, de toute façon, c’est de VOTRE faute, vous n’avez qu’à la fermer !
3- Marie
A la scène suivante, Marie (qui s’était rapprochée peu à peu de Sami dans la première partie du film) répond sèchement à Sami qui voulait engager la conversation. Elle délaisse ce dernier au profit de Guilain avec qui elle joue au tennis, et se justifie de la façon suivante : « Je ne supporte pas les mecs violents ».
« Je déteste les mecs violents ». Par contre, les mecs fourbes, racistes, et imbus d’eux-mêmes, ça, y’a pas de problème…
Le lendemain, Sami va tenter de se faire pardonner auprès de Marie. Il tente une dernière fois de lui expliquer qu’il n’a fait que répondre à une agression préalable et qu’au fond, il déteste la violence. Ce à quoi Marie répond d’un ton péremptoire : « la violence contre la bêtise c’est pas une solution » (traduction : ferme ta gueule quoiqu’il arrive et intègre-toi). Après avoir asséné cette sentence, Marie explique sa répulsion envers la violence par son histoire personnelle : « Tu sais quand j’étais petite, mon père battait ma mère, j’ai vu ça pendant toute mon enfance, et dans mon milieu à moi y’a pas d’assistance sociale ».
On retrouve ici le procédé de la fausse équivalence de traitement entre le monde de Neuilly et celui des « banlieues ». En somme, les riches souffrent davantage que les pauvres de la violence, car ces derniers sont privilégié-e-s en tant qu’ils bénéficient de l’assistance de l’Etat. Sous prétexte qu’il existe des femmes battues à Neuilly (ce que nul ne conteste), Sami est invité à relativiser les humiliations qu’il subit. Marie finit par accepter les excuses de Sami, en lui précisant que « c’est la dernière fois » qu’elle tolère un écart de sa part.
Malheureusement, peu après, Sami va commettre un nouvel écart…
Marchant avec son cousin Charles à la sortie des cours, ils se font interpeller par les fameux « barbares » de la cité Picasso qui tentent de les racketter. En essayant de négocier avec eux, Sami reçoit un coup dans l’œil. Il crée alors une diversion et réussit à s’enfuir avec Charles. Le coup qu’il a reçu laisse cependant un œil au beurre noir.
Le lendemain, il tente de dissimuler cette blessure à Marie, avec qui il passe un après-midi en quasi-amoureux/ses, mais celle-ci la remarque par hasard, se dispute avec lui, et le quitte. En effet, alors qu’il tente de se justifier de s’être fait agresser, Marie rétorque « et bien sûr, c’est sur toi que ça tombe » : en tant qu’il vient d’une « banlieue », Sami a une présomption de culpabilité. Comme le dit explicitement Marie, que Sami se fasse violemment agresser ou qu’il soit lui-même l’agresseur ne change strictement rien au jugement qu’elle porte sur lui.
Sami est puni : il a osé se faire agresser
Pour se faire pardonner une énième fois par Marie, Sami utilisera sa technique préférée : il se distingue de la « racaille » violente des « banlieues » et mérite, lui, d’avoir une autre chance : (« jte jure j’ai pas fait exprès, avant d’arriver à Neuilly, jme suis presque jamais battu, et pourtant là-bas y’avait que des nerveux)
– Sami se verra aussi confronté à une violence assez subtile : une injonction contradictoire de la part de Marie. Celle-ci a lieu lors d’une soirée organisée en cachette par Charles et Sami en l’absence des parents. Lors de cette soirée, des troubles-fêtes issus de la cité Picasso (payés par les « frères pistons » pour gâcher la soirée) feront irruption dans la maison et commenceront à tout saccager. Alors qu’ils commencent à tout détruire, ils aperçoivent Sami et Marie côte à côte et s’exclament « c’est elle ta meuf ? wah elle est bonne ! ». Sami, qui vient tout juste d’être pardonné des ses prétendus actes de violence, reste silencieux pour ne pas être accusé par Marie d’être impulsif. L’échange qui suit est ahurissant : « il me dit ‘t’es bonne’ et toi tu dis rien ? » « ben je croyais que t’étais contre la violence » « pff… c’est ça ouais…» En somme, si Sami réplique, cela veut dire qu’il est violent comme sont censé-e-s l’être tou-te-s les « banlieusard-e-s »[17], mais s’il ne répond pas cela signifie qu’il tolère les insultes sexistes à l’égard de sa copine, et qu’il doit la protéger…
– Une dernière humiliation attendait Sami : l’expulsion de Neuilly et de son collège. En effet, la bande de la cité Picasso, s’étant fait finalement rejeter de la soirée, décident de passer leur énervement sur le chef des « frères piston » (Guilain) et le tabassent. Sami, qui est comme d’habitude présumé coupable, sera alors accusé d’avoir provoqué les blessures de Guilain et devra en payer le prix.
Cette séquence est probablement l’une des plus violentes du film.
La tante Djamila et son mari croisent la mère de Guilain qui souhaite s’entretenir avec ce dernier seul à seul. Djamila se fait donc snober de façon sexiste (c’est seulement au mari que l’on parle de choses sérieuses) et raciste (la mère de Guilain refuse de serrer la main à Djamila, et précise quelques secondes après à son mari « vous savez, je ne suis pas raciste, je n’ai rien contre votre femme »).
Serrer la main à une arabe ? Même pas en rêve…
Elle explique alors à l’oncle que Sami « s’est acoquiné avec toutes les racailles du quartier » et qu’il est responsable des blessures de son fils. Une fois la tante rentrée à la maison, Sami se fait réprimander très violemment par sa tante qui précise qu’elle a eu « la honte de [sa] vie ».
En effet, ce qui est honteux pour Djamila, ce n’est pas la stigmatisation qu’elle subit de la part de la mère raciste, c’est le jugement que porte cette raciste sur elle, et ce qu’il faudrait faire pour lui faire plaisir (en l’occurrence ici, sanctionner Sami sans se poser de questions). Djamila fait donc la leçon à Sami, et l’accuse d’avoir gâché sa vie idyllique à Neuilly : « Pendant 10 ans j’ai pas eu de problème à Neuilly et toi en un an tu me pourris tout !! ». Le film invite une fois encore à considérer que les humiliations racistes subies par les immigré-e-s et leurs descendant-e-s ne comptent pas comme des « violences » : la preuve, Djamila envers qui l’on témoigne des petites marques de mépris raciste eu égard à son origine, affirme quand même n’avoir jamais eu « de problème à Neuilly ».
Djamila représente explicitement le modèle de l’intégration réussie d’après le film : bien qu’elle subisse quelques humiliations racistes par-ci par-là, elle a appris à se taire, elle a un mari « de souche » et elle a fini par « s’intégrer » petit à petit. Qui plus est, elle ne mange pas de porc et a donc réussi quand même à garder un peu de « sa » culture de « là-bas ». En somme, malgré quelques manifestations de violence qui témoignent de son origine[18], elle a réussi à contenir cette violence barbare inhérente à sa condition d’immigrée d’Afrique du nord, et parvient, la plupart du temps, à être d’une parfaite docilité vis-à-vis de toutes les violences perpétrées contre les immigré-e-s par la société de Neuilly.
Dans cette scène, Sami, quant à lui, représente les méchant-e-s immigré-e-s qui pourrissent tous les efforts d’intégration des gentil-le-s et dociles immigré-e-s par sa « violence » et méritent donc d’être relégué-e-s de la société. C’est bien ce que lui hurle Djamila, le film faisant de façon explicite le parallèle que l’on ne cesse de deviner entre la situation de Sami à Neuilly et la situation des immigré-e-s en France : « T’avais une chance incroyable en venant ici et t’as tout gaché. Et tu sais pourquoi t’as tout gaché ? Parce que t’es un petit con. Et c’est parce qu’il y a des petits cons comme toi que les gens de chez nous se font traités de sale arabe ! Parce que c’est exactement ce que tu es, t’es un sale arabe ! ».
On peut difficilement faire plus clair : les stigmatisations et les discriminations racistes sont une sanction légitime par rapport aux comportements de certains «petits cons » qui refusent de s’intégrer dans une société qui fait l’effort de les accueillir et leur a donné la chance de leur vie. L’insulte raciste que reçoit Sami en pleine figure est totalement légitimée par le film, puisque qu’elle est proférée par une arabe elle-même (mais une arabe « intégrée »). Encore une fois, les propos ne sont disqualifiés que parce qu’ils s’appliquent à la mauvaise personne : Sami est accusé injustement, alors qu’il est, lui, si gentil et docile ; mais le propos en lui-même n’est pas mis en cause. Le film effectue ainsi une pirouette raciste encore plus spectaculaire que tout ce qu’il avait réalisé auparavant : les discriminations racistes subies par les immigré-e-s et leurs descendant-e-s, dont le film reconnaît pour certaines la réalité [19], sont de simples réactions de légitime défense face aux immigré-e-s, ces « barbares ». C’est effectivement ce que dit Djamila : « les gens comme toi ça ne s’élève pas dans maisons, ça s’élève dans les zoos ».
Djamila est en colère : le « sale arabe » qu’elle a pour neveu s’est fait humilier, violenter, punir de façon injustifiée dans tous les domaines de sa vie durant la totalité de son séjour à Neuilly et n’est pas capable de se rendre compte de la chance qu’il a de supporter tout cela en silence.
Au cas où l’humiliation ne suffirait pas, toute cette scène se passe sous l’œil de Marie, qui habite juste à côté et observe la scène (elle semble certes un peu attristée, mais en même temps elle savait bien que Sami était violent)…
Sami reçoit donc la punition suprême : être renvoyé à Chalon, et être éjecté du système scolaire avant d’avoir eu le temps de passer son brevet. Il a raté la chance de sa vie, n’a pas fait d’efforts et mérite de retourner vivre dans son pays (euh pardon, dans sa cité)… L’on comprend donc que la phrase de Charles prononcée au début du film qui avait l’air si caricaturale et ridicule (« ma chambre, tu l’aimes ou tu la quittes ») ne l’était finalement pas : la totalité du film en constitue une démonstration écrasante à l’échelle de la société.
Zinedine Zidane comme modèle d’intégration pour un petit arabe.
Si Sami a réussi à s’améliorer tout de même durant toutes ces épreuves, et s’il va finalement ne pas se faire éjecter de Neuilly grâce à un rebondissement inattendu, c’est qu’il a un modèle : Zinedine Zidane. En effet, Zinedine Zidane (ou du moins, la peinture qui en est faite dans le film) va droit au but pour avoir ce qu’il veut, considère les épreuves qu’il subit comme normales, et tente de les surmonter en silence, en prouvant simplement qu’il est non seulement à la hauteur de ce qu’on attend de lui mais capable de faire bien plus encore. L’on comprend donc bien, à travers un tel modèle, que seul-e-s les français-e-s ont le privilège de pouvoir être normales/aux. Les immigré-e-s et leurs descendant-e-s (manifestement considéré-e-s comme une catégorie de français-e-s à part par le film) ont quant à elleux le devoir d’être exceptionnel-le-s pour « s’intégrer ».
La figure quasiment mythologique de Zidane traverse tout le film et s’impose progressivement comme modèle à Sami. Il serait beaucoup trop long de relever la totalité des préjugés racistes qui sont associées aux occurrences de la figure de Zidane dans le film[20]. On peut simplement relever une mention de Zidane assez représentative du rôle qu’il joue dans l’intrigue.
Dans une des scènes, Sami va se confesser à l’Eglise parce que « la directrice a dit qu’il fallait » qu’il s’« intègre ». Au moment où Sami lui confie ses difficultés à conquérir Marie, la belle blonde, le prêtre (qui est aussi son professeur de sport…) l’encourage à foncer et prend comme modèle Zidane : « aah ! mais ça m’énerve ça, tu crois que Zidane savait qu’il allait gagner l’Euro 2000 avec un pénalty ?! Ben, les filles c’est comme les pénaltys, si tu gamberges trop t’arrives à rien ! »[21] A la suite de ce sermon footballistique, Sami reprend son courage à deux mains et court rejoindre Marie et tenter de la séduire.
Zinedine Zidane dans le film est ainsi présenté comme un symbole du mérite individuel et de la bonne volonté qui ne se décourage jamais. L’on comprend donc pourquoi le fantôme du père de Sami accusait celui-ci de ne pas respecter Zidane lors de l’épisode de la viande de porc à la cantine. En effet, en considérant qu’une personne extérieure lui avait fait du tort (Guilain qui lui a fait avaler du porc) Sami était en train d’oublier que ses échecs, ses déboires, ses souffrances comme ses réussites, ne sont dues qu’à lui seul, et à personne d’autre. La figure de Zidane, telle qu’elle est mise en scène dans Neuilly-sa-mère, est un modèle qui condense toutes les ambivalences de la « méritocratie », synonyme à la fois pour Sami :
– d’injonction à se dépasser lui-même face aux difficultés,
– de culpabilisation mortifère dès lors qu’un obstacle extérieur vient perturber sa trajectoire (dans la mesure où il ne doit s’en prendre qu’à lui-même et à lui seul, pas aux autres qui l’agressent, ni à de quelconques déterminismes sociaux)
– et d’espérance qu’il peut avoir de se distinguer de ses ami-e-s « racailles » afin de passer dans le « camp des leaders » (tant pis si pour un Zidane il y a 3000 carrières de footballeurs/euses brisées et invisibles, et si pour se réjouir d’un Sami qui réussit à « s’en sortir », il faut admettre que 3000 non-Sami ne s’en sortent jamais)
Zidane fait un clin d’œil à Sami à la toute fin du film : il sait que ce dernier a saisi « sa chance » et a triomphé des épreuves par sa capacité à encaisser les coups sans rien dire, en attendant qu’on reconnaisse sa valeur un jour.
Le dénouement du film : la réussite et « l’intégration » de Sami
Alors que Sami était sur le point de se faire renvoyer de Neuilly et du collège, un rebondissement inattendu lui permet de passer de l’enfer (être renvoyé de l’école et repartir à Chalon) au paradis (rester à Neuilly dans le collège privé Saint-Exupéry) : la bande de la cité Picasso, qui a agressé Guilain, se dénonce auprès de la principale, et innocente Sami.
À la principale qui leur demande la raison de cet élan de remord, les Picasso se justifient en disant qu’ils ne veulent pas « faire virer un petit » et se mettent aussitôt à pleurer sur leur propre sort, en racontant les échecs qu’ils ont subis dans leur propre vie. Le premier a été « jeté dehors comme une merde par sa mère et depuis dort dans le local à poubelle », le second a été largué par sa copine « qui est partie avec mon chat et est sortie avec le type des Assedic », le troisième se lamente : « j’avais 18 ans quand j’ai arrêté l’école en 5ème D, tout ça a cause du prof de techno. Un matin il m’a dit ‘Malik, soit tu travailles, soit tu vas taper le fer à l’usine’, et moi jlui ai tapé sa gueule ». C’est ainsi une autre facette des Picasso qui est mise en lumière : derrière leur violence et leur barbarie se cachent en réalité des bons-à-rien sensibles se lamentant d’avoir gâché leur vie et toujours prompts à se victimiser. Loin d’effectuer un embryon de critique des facteurs sociaux des exclusions (scolaires, familiales, etc.), le film ridiculise les explications des Picasso, qui ont échoué du fait des particularités absurdes de leurs histoires individuelles et de leurs mauvaises volontés[22]. D’ailleurs, leurs lamentations sont tellement ridicules que Sami, lui-même, en rigole.
On est des racailles, on est des losers, et on l’a bien mérité.
Comme si cela ne suffisait pas, le film semble indiquer qu’ils sont de mauvaise foi, puisque l’on voit ensuite Marie leur tendre des billets en disant « on avait dit 100 euros chacun ». Et à la scène suivante, on les voit goguenards racketter Guilain, et voler son scooter.
Franchement, est-ce qu’on a une tête à avoir subi des déterminismes sociaux ?
Le film se clôt sur un bilan effectué par la voix de Sami de son séjour à Neuilly : « finalement ces deux mois à Neuilly, ça a été une véritable leçon pour tout le monde. Comme le dit Victor Hugo dans Notre-Dame-de-Paris, il ne faut jamais désespérer des hommes, toujours leur laisser une seconde chance ».
Si Sami parle ici au pluriel, c’est qu’il fait référence à son propre parcours, comme à celui de Charles, qui sont posés comme équivalents. Sami, lui, a eu son brevet de justesse, est passé en seconde, et a donc le droit de renouveler sa carte de séjour à Neuilly… Sa mère est revenue à ses côtés, et tou-te-s deux se sont installé-e-s dans la cité Picasso. Illes sont donc voisin-e-s de la « bande de barbares » des Picasso, dont le chef se prénomme Abd Al Malik (la référence est effectivement bien venue)[23]. De son côté, Charles, qui souffrait d’un manque de popularité dans sa classe, a mis de côté son orgueil, et a finalement été élu délégué grâce à Sami. Le film met donc sur le même plan ces deux les « souffrances » et évolutions des deux personnages : Sami a été à deux doigts d’avoir sa scolarité interrompue, d’être renié par sa famille, s’est lui-même perçu comme un « sale arabe », tandis que Charles a eu du mal à devenir délégué de classe…
Le film se termine en apothéose face à la cathédrale Notre-Dame-de-Paris (symbole de la culture française que Sami, grâce à sa bonne volonté, s’est appropriée). Il a réussi à s’intégrer, et pour couronner le tout, Quasimodo l’arabe a réussi à conquérir Esméralda la blonde : « Entre Marie et moi, c’est encore plus fort qu’entre Esméralda et Quasimodo ».
Sami est en couple avec une fille qui l’a humilié, méprisé, et considéré comme une « racaille » durant tout le film : il a saisi « la chance de sa vie ».
On peut conclure avec cette phrase du réalisateur Djamel Bensalah à propos de Neuilly-sa-mère : « l’idée était de raconter un peu la France d’aujourd’hui, de façon décomplexée »[24]. C’est effectivement très réussi : la France d’aujourd’hui, raciste, islamophobe, méprisante à l’égard des exclus de la société est parfaitement représentée par le film. De façon décomplexée.
Sigob et Thomas J
[2] http://www.lepoint.fr/actualites-cinema/2009-08-13/les-nouveaux-groseille-et-le-quesnoy/903/0/368396
[3] http://www.telleestmatele.com/article-interview-de-djamel-bensalah-pour-le-dvd-neuilly-sa-mere–41935225.html.
Suite aux remarques de Bloch, nous avons approfondi notre analyse des propos de Djamel Bensalah dans les commentaires. La présentation que fait le réalisateur de son film nous paraît en effet intéressante, et il nous semble de plus qu’elle confirme nettement notre analyse. (Cf notre commentaire du 17 avril 2013 à 10h34 min, à partir du point 2- en particulier)
[4] http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/08/11/neuilly-sa-mere-dans-la-misere-des-banlieues-riches_1227721_3476.html
[5] L’opposition qui structure le film autour de Neuilly-sur-Seine d’un côté, et les « banlieues » de l’autre nous apparaît par ailleurs très problématique. Le terme « banlieue » désigne tout simplement les extensions urbaines autour des centres-villes (par conséquent, Neuilly-sur-Seine constitue autant, voire davantage, une banlieue que le quartier Debussy d’une petite ville telle que Chalon-sur-Saône…). Depuis quelques décennies, le terme banlieue est utilisé par les médias et beaucoup de politiques pour désigner des « zones de non-droit », où sévissent des « jeunes à capuche » « issus de l’immigration » au pied des tours : le terme « banlieue » condense ainsi des fantasmes paranoïaques à l’égard d’une population jugée dangereuse. La construction médiatique du terme « banlieue » a notamment été analysée dans cet article : http://www.metropolitiques.eu/La-construction-mediatique-des.html
[6] Nous pensons ici en particulier à la comédie raciste et sexiste Intouchables dont la critique a été réalisée sur ce site (http://www.lecinemaestpolitique.fr/intouchables-2011-lintouchable-domination-masculine-2/ ). Ici, la bande-annonce du film revue et corrigée pour en dénoncer le caractère stigmatisant (http://vimeo.com/35361627)
[7] Les statistiques établissant ce fait sont suffisamment concordantes, précises et nombreuses pour que même un film du niveau de Neuilly sa mère ne le conteste pas. Voir ici, par exemple, une étude de l’Observatoire des inégalités portant sur la discrimination à l’embauche des personnes issues de l’immigration (http://www.inegalites.fr/spip.php?article1099&id_mot=103).
[8] Ainsi, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, les allocations familiales étaient susceptibles d’être supprimées en cas d’absentéisme marqué des enfants (loi Ciotti, récemment abrogée). Dans la même logique, Eric Ciotti, rapporteur du projet de cette même loi, préconisait la condamnation pénale des parents à la place des enfants. Comme le disait Eric Ciotti : « On ne peut pas éternellement s’abriter derrière l’excuse sociale ou de faiblesse pour ne pas agir. Nous ne soulevons pas un problème social mais un problème de valeurs ». http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Ciotti-Jusqu-a-deux-ans-de-prison-pour-les-parents-210903
[9] Mettre sur le même plan l’antiracisme, (c’est-à-dire la lutte contre des discriminations généralisées sur la base de caractéristiques physiques, géographiques, et sociales) et le racisme est une aberration stupide que l’on peut lire par exemple ici. http://www.lefigaro.fr/debats/2006/03/27/01005-20060327ARTFIG90219-l_antiracisme_ordinaire.php
[10] Les deux aspects sont en effet présents, et indissociables dans le film : les opinions de Caroline sont ridicules non seulement parce qu’elle n’y croit pas elle-même, mais aussi parce qu’elles sont présentées comme complètement absurdes en elles-mêmes.
[11] Comme le dit à un moment le père de Caroline : « oui, oui, je sais… et bientôt, la banquise va fondre, et les ours polaires mourront dans d’atroces souffrances… Bon, si tu veux bien, on en reparlera plus tard mon cœur…»
[12] D’autres remarques du même type seront prononcées par Djamila à diverses reprises : « en plus c’est une marocaine », « t’as le bonjour de Mohammed Six [en frappant l’amante supposée de son mari] », « t’inquiètes pas, la marocaine est solide » « une libanaise, mais c’est encore pire ». En montrant Djamila en proie à un racisme latent, le film laisse entendre que le racisme est une réalité banale, généralisée, et qui touche le monde de la même façon, que ce soient les immigré-e-s et leurs descendant-e-s ou les habitants de Neuilly.
[13] La stigmatisation de « banlieues » dites « difficiles » a évidemment une portée beaucoup plus grande et des effets beaucoup plus désastreux que des chamailleries entre adolescents facétieux : http://www.lesechos.fr/24/08/2010/LesEchos/20747-24-ECH_le-lieu-de-residence-peut-engendrer-des-discriminations-a-l-embauche.htm
[14] http://www.telleestmatele.com/article-interview-de-djamel-bensalah-pour-le-dvd-neuilly-sa-mere–41935225.html
[15] En réalité, « la France, tu l’aimes ou tu la quittes » était le slogan du Mouvement Pour la France de Philippe de Villiers mais la phrase est restée associée à Nicolas Sarkozy depuis un discours effectué en 2006, où il a tenu des propos similaires (« s’il y en qu’ça gêne d’être en France, qu’ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu’ils n’aiment pas ») : http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/La-France-tu-l-aimes-ou-tu-la-quittes-Sarkozy-oublie-vite-detecteur-de-mensonges-493908
[16] Sami va en effet être à deux doigts de quitter Neuilly parce qu’il n’aura pas fait preuve d’assez de docilité (nous développerons cet épisode plus bas).
[17] On note par ailleurs que ce sont les camarades de Sami habitants à Chalon qui arriveront opportunément lors de la soirée, et enclencheront une bagarre aboutissant à l’expulsion hors de la maison de la bande de la cité Picasso.
[18] Ce que nous avons montré à la fin de la partie sur « l’humour ».
[19] Cf note 7 sur la discrimination à l’embauche. L’on voit aussi, au tout début du film, un contrôle de police effectué envers un groupe de jeunes. La scène est beaucoup trop brève pour que l’on puisse affirmer qu’elle critique réellement la réalité raciste des « contrôles au faciès », mais le film est si mauvais par ailleurs que nous allons par générosité lui accorder ce point. Cf notamment sur ce point les deux articles suivants : l’un du Figaro (http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/06/30/01016-20090630ARTFIG00497-la-police-francaise-pratique-largement-le-delit-de-facies-.php), l’autre du Monde (http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/11/les-controles-au-facies-sont-ils-condamnables_1682942_3232.html).
[20] Par exemple, Sami affirme au début du film qu’il est « le seul rebeu de la planète qui déteste le foot et qui déteste Zidane »…
[21] On remarque au passage que le film, qui semble si préoccupé par l’antisexisme dont Sami devrait faire preuve à l’égard de Marie (cf « l’injonction contradictoire »), n’a par ailleurs aucun problème avec le fait de comparer les femmes à des cages de buts attendant passivement leurs ballons…
[22] S’il avait 18 ans en 5ème, on se doute qu’il s’agissait plutôt d’une feignasse de mauvaise volonté…
[23] Le rappeur Abd al Malik est en effet l’auteur de la chanson « C’est du lourd », qui constitue un véritable résumé du message véhiculé par Neuilly-sa-mère : quelles que soient les humiliations et discriminations que tu subis, même si ta vie « ressemble à un cauchemar » parce que tu es immigré-e, ferme ta gueule, n’aie aucun ressentiment, et intègre-toi. Une critique détaillée de ce clip a été effectuée par Faysal Riad ici : http://lmsi.net/Un-truc-de-malade
Autres articles en lien :
- Taken (2008), un florilège des pires clichés du film d’action américain
- Le Roi Lion (1994), ou l’histoire de la vie expliquée aux enfants
- 2014, l’année du patriarche (I) : qu’est-ce qu’on ferait sans papa ?
« « Je voulais faire un film qui tape sur tout le monde mais qui ne fait de mal à personne. »
Tout est dit…
ça rétablit un peu l’équilibre par rapport au gloubiboulga « antiraciste » complaisant (les cités sont « sensibles », les policiers harcèlent « les jeunes », les voyous sont des rebelles incompris…) dont on nous abreuve tous les jours par peur d’éveiller les instincts fascistes qui ne demandent qu’à se réveiller chez les « brutes blondes » que nous sommes…
Du genre, au lieu de montrer des jeunes gentils mais turbulents harcelés par la police, on montre un jeune gentil mais « turbulent » (cad poussé à bout) harcelé par son entourage ? Wah, ce changement.
je remarque que la simplification et la complaisance ne choquent que lorsqu’elles sont dans un sens, pas dans l’autre : c’est tout.
« Peut-être pourrait-il inviter à considérer que la violence la plus forte s’effectuant à l’école n’est autre que la violence de l’exclusion systématique des mêmes catégories de la population sous couvert d’« égalité des chances »… Ou encore que la violence scolaire habituellement mise en avant (celle des élèves turbulent-e-s pleins de « mauvaise volonté ») est peut-être en partie une contre-violence désespérée à cette violence primordiale et beaucoup plus importante de l’exclusion scolaire systématique… » : qu’est ce que j’disais 😉
Bonjour,
Votre article est assez pertinent en ce qui concerne la description du film. Bien que très orientée. (Vous mettez en avant plusieurs signes contradictoire mais sans chercher à les analyser vraiment. Si ce n’est pour dire « Oui alors là on essaie de ne pas être raciste mais on l’est quand même finalement. »)Mais son analyse est biaisée.
Je pense que comme certains rédacteurs de ce site, vous n’avez pas pris en compte le caractère cinématographique du film. Vous résolvez toutes les manifestations de violence symbolique par des jugements de valeur dans le genre de:
« Le fait que Sami ne faisait ici que se défendre contre une personne qui l’insulte et essaye de fouiller de force dans ses affaires est totalement effacé par le film » pour « prouver » que cette violence n’est pas critiquée. Ce que vous entendez par là c’est que DANS LE FILM, le contexte de la violence n’est pas pris en comte. Pas plus que celle qui provoque son expulsion de la ville.
Vous avez tendance à établir une équivalence qui serait pour le spectateur NOUS=Neuilly EUX=Cité, alors que la caricature adoptée dans le film renvoie dos à dos les deux espaces aux clichés qui sont entretenus sur eux. L’équivalence est dans le traitement choisi, pas dans ses résultats. En cela, c’est vous plutôt que le cinéaste qui cherchez à attribuer des équivalences (« la culture des cités (rap)/culture légitime », « violence subies à Neuilly et à dans les cités », « bons arabes/méchants arabes »). Ce que vous faites, en listant tous les signes de violence qui s’exerce contre le « désir d’acceptation » (qui renvoie probablement à un désir d’intégration, de la part des habitants des banlieues) de Sami correspond à ce que fait le spectateur (alors on dirait que vous faites une différence entre « compatir » et « ressentir la violence de la situation », puisque vous dites que cette violence est gommée par la comédie. Je pense que c’est faux. C’est le principe de la caricature, et du langage cinématographique, que de proposer un discours au spectateur qui résonne en lui, mais qu’il sait (en l’occurrence) fausse. Le film ne propose pas la critique du comportement des habitants de Neuilly non pas pour le légitimer mais pour en faire ressentir l’inégalité au spectateur.
« Les spectateurs/trices sont invité-e-s à partager l’exaspération des personnages que Caroline saoule à longueur de journée et à considérer également ses opinions comme tout à fait stupides. » Oui, si les « spectateurs » sont sa famille de Neuilly, sinon, ce que vous dites est faux et c’est bien la façon dont elle le dit qui pose problème, et le décalage avec sa condition sociale et son âge qui amuse. (Vous le montrez bien d’ailleurs, puisque votre seul argument est qu’elle est présentée comme hystérique). C’est encore un jugement de valeur qui vous fait dire qu’elle s’en sort globalement moins bien que son frère. Dans le film, c’est assez évident, puisque ces valeurs sont présentées comme minoritaires dans son environnement. Mais devant le spectateur c’est beaucoup moins sûr. Il m’a semblé que ses considérations politiques sont présentées comme plus pertinentes que celles de Charles, dont la conscience politique est carriériste et simplement singée. Le spectateur type que vous proposez serait un spectateur a priori peut réceptif à un propos « humaniste », antiraciste ou intégratoire. Mais je ne crois pas que c’est le spectateur-cible du réalisateur. cf l’article que vous citez.
Bonjour,
Nous avons eu un peu de mal à comprendre ce que vous entendez par « caractère cinématographique ». Cela étant, après avoir examiné votre argumentation dans vos autres commentaires (que vous avez effectué aux articles sur Aladdin, Ame et Yuki et surtout Killer Joe, et dont nous allons reprendre quelques extraits ci-dessous), ce que vous dites nous apparaît plus clairement. Il nous semble que toutes les objections que vous présentez dans votre commentaire tiennent à cette divergence au sujet du « caractère cinématographique » du film que nous laisserions de côté, c’est pour cela que nous nous nous focaliserons sur cet argument.
–> Si nous vous comprenons bien, le « caractère cinématographique » d’un film désigne le fait qu’un film met en scène certaines situations et certains problèmes, et les présente aux spectateurs/trices. (« c’est un film de cinéma. C’est-à-dire de la réalité représentée sous forme de cadres, de plans, de scènes, de choix de mise en scène en vue d’être montré à un public. » sur Killer Joe). Le point important de votre argumentation, c’est que le film présente cette situation aux spectateurs/trices, et que ce sont donc ces dernier-e-s, à qui le film est destiné, qui interprètent ensuite ce qu’illes voient à partir des éléments que le film met à leur disposition. Autrement dit, le film met en scène des situations particulières (de violence physique, de racisme, ou tout ce qu’on veut) mais laisse aux spectateurs/trices la liberté d’interpréter ce qu’illes voient. C’est même ce qui est caractéristique de toute œuvre d’art (on pourrait donc en dire autant d’une pièce de théâtre, d’un livre etc) : « Avez-vous envisagé la possibilité qu’une partie des représentations naisse de l’interprétation du visionneur, comme par exemple heu… pour n’importe quelle oeuvre d’art? » (sur Aladdin)
Ainsi, le « caractère cinématographique » du film désigne le fait qu’il est une production mettant en scène des situations à destination d’un public qui les regarde et qui sera amené à les interpréter à sa sauce. Par conséquent, il ne faudrait pas, selon vous, commettre deux erreurs :
1ère erreur = oublier que le film se focalise sur un évènement en particulier qu’il donne à voir, mais qu’il n’en montre pas les causes politiques ou sociales (s’il montrait l’évènement + les causes de cet évènement, ce ne serait plus un film, ce serait une analyse sociologique). Il présente simplement ces évènements aux spectateurs/trices et c’est à elleux d’interpréter et de juger (positivement ou négativement) ce qu’illes voient : « le personnage clef de l’analyse du film c’est le spectateur. C’est à lui de chercher à expliquer la violence qu’il voit et qui lui est habituellement cachée (…) Le film lui-même se contente de comprendre la violence (à la manière d’un ethnologue, de l’intérieur du groupe qu’il filme) c’est-à-dire d’en laisser apparaître les causes. » (sur Killer Joe) ; « C’est le principe de la caricature, et du langage cinématographique, que de proposer un discours au spectateur qui résonne en lui, mais qu’il sait (en l’occurrence) fausse. » (sur Neuilly-sa-mère)
2ème erreur = oublier que le film montre une action qui est effectuée par des personnages bien particuliers. Par conséquent, il exclut de fait (et c’est normal, car c’est un film et pas une enquête ou une démonstration) les éléments d’explication qu’on pourrait avoir si on se situait avec d’autres personnages. On a le point de vue de ces personnages-là qui est décrit, mais ce n’est que le point de vue de ces personnages là, il n’est en rien présenté comme supérieur ou inférieur, le film le montre (éventuellement accentue le trait en caricaturant), et laisse ensuite les spectateurs/trices réfléchir à tout ça, évaluer les limites du point de vue qu’illes viennent de voir, etc : « Vous avez tort de chercher une « thèse » EXPLICATIVE de la violence dans ce film, parce que le réalisateur filme ce milieu indigène de l’intérieur ce qui exclue la possibilité d’un regard critique sur les effets de la violence et les représentations des personnages dans le film. Les scènes de violences (…) ont souvent pour fonction de choquer le spectateur c’est entendu et de le fasciner, mais dans le même temps de lui faire réfléchir sur cette attraction ressentie pour la violence » (sur Killer Joe) + « DANS LE FILM, le contexte de la violence n’est pas pris en compte. Pas plus que celle qui provoque son expulsion de la ville (….). C’est encore un jugement de valeur qui vous fait dire que Caroline s’en sort globalement moins bien que son frère. Dans le film, c’est assez évident, puisque ces valeurs sont présentées comme minoritaires dans son environnement. Mais devant le spectateur c’est beaucoup moins sûr. » (sur Neuilly sa mère).
Dites-nous si la reformulation que nous proposons de votre argumentation est incorrecte, bien entendu.
–> Si c’est bien là ce que vous défendez, nous sommes en désaccord avec vous, pour plusieurs raisons.
1- le film ne fait pas que présenter une situation que les spectateurs/trices sont amené-e-s à interpréter, il les pousse à émettre des jugements de valeur vis-à-vis de ces situations, il les détermine à les interpréter de telle façon, il valorise certaines situations et certains personnages et en dévalorise d’autres, et incite le spectateur à juger positivement ou négativement certain-e-s idées/personnages/situations. Ainsi, la « mise en scène » du film, la présentation qu’il fait n’est en rien neutre, mais contient des incitations plus ou moins claires à voir les choses de telle façon plutôt qu’une autre. Ce sont ces incitations que nous repérons, et éventuellement critiquons.
Comment repérer ces incitations ? Notre méthode est simple : nous faisons attention à la fréquence d’une situation dans le film, à l’importance qu’elle a ou non pour le déroulement de l’intrigue, à la diversité des personnages qui y sont confronté-e-s (et à l’uniformité ou non de leurs réactions), ainsi qu’à la mise en valeur/la dévalorisation d’un personnage ou d’un propos (par la musique, ou par les mimiques des autres personnages qui sont à côté).
Exemple : il y a une scène au début de Neuilly sa mère où Sami essaye de sympathiser avec un enfant noir dans sa nouvelle école à Neuilly (« Salut renoi, comment ça va frère, bien ou bien ? La famille tout ça ? ») et se fait repousser par celui-ci (« hum, pardonnez-moi je suis confus, je crains qu’il y ait méprise, mon père est ambassadeur du Gabon »). Nous nous sommes demandé-e-s un instant si ce qui était censé être drôle ici, c’était le fait qu’un noir parle de façon très distinguée… Nous ne l’avons pas mentionné, car c’était l’unique fois du film où une telle situation se produisait : y voir la mise en scène d’un préjugé raciste à l’encontre des noir-e-s aurait donc été beaucoup trop exagéré car nous aurions extrapolé à partir d’un gag unique, qui plus est tout à fait anodin dans l’intrigue. Bref, cela aurait été très exagéré de fonder une démonstration là-dessus.
Exemple inverse : la « violence » des habitants de banlieue, par opposition à la gentillesse de Sami, qui lutte contre le côté « racaille » qu’il a en lui, est une situation qui revient systématiquement dans le film. Elle revient dans la bouche de tous les personnages : Sami (« là-bas, y’a que des nerveux »), Marie, Charles, la tante Djamila, les frères piston, les camarades de Sami. Elle est systématiquement condamnée : par Sami (« je suis pas une racaille »), par la tante, par Marie, par Charles, par la principale. Ainsi, le film présente toujours la violence comme indissociable du fait d’être un jeune habitant « en banlieue », condamne toujours cette violence par tous les personnages qu’illes viennent de Chalon ou de Neuilly, et présente le personnage principal comme exceptionnel, dans la mesure où il échappe à son côté « racaille ». On note sur ce dernier point que Le Figaro est allé jusqu’à titrer « Neuilly sa mère, la gentille racaille s’installe à Neuilly ». A notre avis, illes ont tout compris, ce titre correspond exactement à ce que le film dit –et que nous mettons en lumière (http://www.lefigaro.fr/cinema/2009/08/18/03002-20090818ARTFIG00482-la-gentille-racaille-s-installe-a-neuilly-.php )
Ce n’est pas un jugement de valeur, c’est un repérage simple. Cette configuration est fréquente, un panel de personnages très différent y est confronté, ce panel parle d’une seule voix, a les mêmes réactions sur ce sujet quelle que soit la situation, et il n’y a aucune exception à ce que nous venons de dire sur la « violence » dans ce film.
Autre exemple : Caroline, dont vous affirmez qu’elle est mieux présentée que son frère. Celle-ci est mise au même plan que son frère Charles par sa belle-mère Djamila (« il est un peu spécial… Remarque, sa sœur aussi est spéciale… Ca doit être de famille… »), est perçue comme hystérique par Sami (il faut voir la tête qu’il fait lors de leur 1ère rencontre, et ses sourires gênés), et chaque fois qu’elle ouvre la bouche, on la voit refuser les démonstrations d’affection de son père de façon très sèche, hurler, mettre Sami dans l’embarras, ou noyer tous les personnages à qui elle est confrontée sous son flot de paroles. Et si Charles est effectivement un carriériste prêt à retourner sa veste, à trahir ses amis et à mentir pour parvenir au pouvoir (il y a en effet une scène très drôle avec Michel Galabru qui lui donne des conseils pour devenir président, que nous n’avons pas citée), les idées qu’il défend sont défendues de façon plus « soft » par tous les autres personnages : le terme « racaille » est par exemple utilisé un nombre incalculable de fois pour désigner les jeunes des banlieues, par tous les personnages, y compris Sami lui-même (« moi je ne suis pas une racaille ») et durant tout le film. Charles est donc un individu mesquin, prétentieux, fourbe et insupportable qui défend des idées qui sont tout de même reprises par d’autres personnages de façon moins agressive en apparence. A l’inverse, les idées de Caroline ne sont défendues que par elle seule, l’hystérique hypocrite « bobo » (personne, à part elle, ne parle de sans-papiers. Personne à part elle, ne parle des inégalités riches/pauvres. Personne à part elle, ne parle des conditions sociales des travailleurs). Il y a donc une inégalité dans la caricature, le film véhicule une image désastreuse des idées de Caroline qui contrairement aux idées de son frère, n’est compensée par rien d’autre, ni par des personnages moins excessifs qui reprendraient ses idées, ni par le déroulement de l’intrigue du film.
Autre (petit) exemple : quand le curé fait son speech sur Zidane et la conquête de Marie-la-blonde, une musique s’élève en fond sonore (« Aaaaleluia !!») et l’on voit Sami ébahi et émerveillé par ce discours. A la scène suivante, il court essayer de (re)conquérir Marie. Il est évident que le discours du prêtre est valorisé par le film : par la musique, par la tête de Sami à ce moment-là, par la réaction que cela provoque en lui et par l’importance de la conquête de Marie dans le déroulement de l’intrigue.
Dans tous ces exemples, nous ne voyons pas où est le « jugement de valeur ».
2- Quand vous prétendez en gros que ce que « dit » le film est contenu dans les réactions et les interprétations des spectateurs/trices, interprétations qui différent selon chacun-e, nous sommes en désaccord avec vous pour deux raisons.
Premièrement, les signes donnés par le film dans la mise en scène de diverses situations, où certains traits sont valorisés au détriment d’autre, ont pour effet (voulu ou non) d’inviter les spectateurs/trices à réagir et à percevoir les choses d’une certaine façon : l’on peut par conséquent analyser ces signes et les discours qu’ils véhiculent pour eux-mêmes. Certes, une œuvre provoque aussi une pluralité d’interprétations diverses, en raison de la diversité des histoires personnelles et des références culturelles des spectateurs/trices ou lecteurs/trices. Cela n’empêche pas que le film lui-même « dit » quelque chose, consciemment ou non, et que l’on peut examiner ce qu’il « dit » de façon objective, indépendamment de la manière dont les spectateurs/trices interprètent ce qui est « dit » (interprétations qui restent quand même, dans une certaine mesure, déterminé par ce qui est « dit » expressément par le film : personne ne prendra Neuilly sa mère pour une analyse marxiste de la société de consommation, tout simplement parce qu’aucun élément objectif ne permet d’affirmer que le film dise cela, par exemple).
Deuxièmement, surtout, le grand inconvénient de votre manière d’analyser les films, c’est qu’elle est irréfutable et invérifiable. En effet, si ce sont les réactions des spectateurs/trices qui déterminent ce que l’on peut dire au sujet d’un film, dans la mesure où personne ne connaît (et les réalisateurs/trices non plus) le profil psychologique et l’histoire personnelle de tou-te-s les spectateurs/trices, on peut dire absolument n’importe quoi. Tel film de propagande nazi, s’il est vu par des spectateurs/trices amazoniens qui ne connaissent rien au cinéma ne sera peut-être pas perçu comme un film politique…. Un film qui présente tou-te-s les immigré-e-s comme des monstres sanguinaires sera peut-être perçu par certain-e-s comme une dénonciation (au 3ème degré…) des préjugés qui existent à l’égard des immigré-e-s… Et il n’y a pas de raison que cela ne marche pas aussi pour les livres. Mme Bovary de Flaubert qui montre le personnage éponyme rater toutes ses histoires d’amour et finir par se suicider parce qu’elle lit trop de romans à l’eau de rose (et le narrateur se paie explicitement sa tête avec des remarques cyniques…) a peut-être été lu un jour par quelqu’un comme une incitation à lire beaucoup de romans d’amour pour avoir une imagination fertile… Bref, on peut spéculer sur tout et son contraire à propos d’une œuvre, et il est impossible d’en dire quoi que ce soit d’à peu près objectif si l’essentiel de ce qu’il faut en dire est contenu dans les réactions diverses voire contradictoires des spectateurs/trices, lecteurs/trices.
Notre méthode, présentée au point 1-, a le mérite d’être vérifiable et discutable. Nous repérons les occurrences d’une situation et les signes qui dans la mise en scène de ces occurrences nous semblent la valoriser, la dénigrer, et nous inviter à voir les choses comme ceci plutôt que comme cela. Et si une personne n’est pas d’accord, ille peut contrecarrer cette analyse en repérant d’autres occurrences, avec d’autres traitements, ou en repérant que les occurrences choisies ne se présentent que chez un certain type de personnages et pas chez d’autres et que ça change tout etc etc. Bref, cela permet 1- de voir ce que le film dit objectivement, 2- de faire une analyse fondée sur des faits, qui ne peut être suspectée de délirer abstraitement, ou d’être un simple « jugement de valeur ».
3- Par ailleurs, il nous semble que vous-mêmes ne croyez pas vraiment à cette histoire de « caractère cinématographique » car lors des discussions que vous avez eu avec deux autres rédacteurs du site, vous avez à certains moments utilisé la méthode que nous avons décrite au point 1-, car vous sentiez bien qu’elle rendait effectivement vos analyses plus solides : « A mon avis vous simplifiez la scène qui conduit à la ballade en tapis volant. Aladdin est présenté comme ridicule quand il « joue le prince » et enfin Jasmine reconnait le type du marché par qui elle était attirée. Ils sont enfin amoureux quand il lui dit la vérité mais pas toute. Et c’est la part de mensonge qui reste qui manque de tout détruire (parce que Jafar le sait, et qu’Aladdin supporte mal le poids qui s’exerce sur lui dans le centre du pouvoir -tout comme Jasmine le sentait), et qu’il ne libère pas le génie. Si ça c’est pas une leçon de morale pour dire aux enfants qu’il ne faut pas mentir… »
Notre méthode, que nous avons explicité précédemment nous semble être celle qui, à des degrés divers, est utilisée par les autres rédacteurs/trices du site, et elle nous semble très efficace dans la mesure où elle est aussi retournée contre elleux par les lecteurs/trices qui ne sont pas d’accord avec leurs articles. Pour cela aussi, elle nous semble bien meilleure que celle que vous proposez en parlant de « caractère cinématographique »
Avant tout, merci d’avoir pris la peine d’aller chercher ma prose aux quatre coins des commentaires de ce site. Bien évidemment, ma conception de ces questions s’est formée au fil des discussions et je pense qu’elle est mieux exprimée dans mes coms les plus récents que dans l’article sur Aladdin. Vous allez peut-être comprendre qu’elle n’est pas différente de votre méthode.
Concernant l’importance du « caractère cinématographique », mon idée est la même qu’exprimée pour Killer Joe, « de la réalité représentée sous forme de cadres, de plans, de scènes, de choix de mise en scène en vue d’être montré à un public ». Si j’ai pu vous laisser croire que la deuxième partie de cette définition était plus importante, c’est je pense parce que cette dimension est souvent absente des articles présentés ici. Je crois en effet que la réception d’un film (mais aussi de tout produit culturel, comme vous le voyez bien en prenant pour exemple Madame Bovary, est tributaire en dernière part des caractéristiques sociales, esthétiques, des parcours individuels des récepteurs. Mais le « rôle » du spectateur dans ma démonstration ne se cantonne pas uniquement à la réception justement. Je ne prétends pas « en gros que ce que « dit » le film est contenu dans les réactions et les interprétations des spectateurs/trices, interprétations qui différent selon chacun-e » (vous dites très bien pourquoi cela rendrait impossible toute analyse), je prétends que c’est le spectateur qui donne en dernier ressort, dans une opération de décodage, si vous voulez, un sens au film. Et je prétends que ce rôle de décodeur est perçu par le cinéaste (mais aussi par tout créateur d’objet culturel) au moment où il construit le film.
En simplifiant au maximum, disons que nous avons d’un côté un producteur (cinéaste) et de l’autre côté un récepteur (public composite). Le cinéaste écrit une histoire, la met en images. Pour cela il est amené à effectuer des choix esthétiques et narratifs. C’est l’ensemble de ces choix conscients ou inconscients qui compose le film. Là où vos analyses gagneraient à étudier la place du spectateur (qui est aussi un choix opéré par le producteur), c’est à ce niveau là, parce qu’une partie des choix est guidé par cette position. Dans Neuilly… par exemple, je maintiens que l’absence de réactions de la part des protagonistes à l’injustice vécue par Sami n’a pas pour but de légitimer la condamnation mais d’en faire ressortir l’injustice pour le spectateur. C’est la place du spectateur en tant qu’il est pensé dans la production du film qu’il serait intéressant d’étudier pour ne pas tomber systématiquement dans le premier degré de type « C’est dit par un protagoniste du film= c’est ce que le film veut dire). Cette place accordée au spectateur est tout à fait analysable (Pour peu qu’on veuille bien y prêter attention) et varie d’un film et d’un auteur à l’autre.
Friedkin, par exemple, (je reprends ici mes commentaires sous l’article consacré à Killer Joe) fait le choix de tout montrer au spectateur de la violence SANS lui fournir d’explications claires. Il décide donc en toute conscience de ne pas le guider (P.Rigouste regrette d’ailleurs le caractère embryonnaire de l’explication). Il exprime ce choix ici, par exemple : http://www.franceinter.fr/emission-le-grand-entretien-william-friedkin . Je pense que c’est mon propos, appliqué à ce film particulier (qui pour l’analyse lâche la bride au spectateur) qui a pu vous tromper sur le sens de ce que j’avançais.
Est-ce que cet état de fait interdit une critique politique de ce film ? Certainement pas, puisqu’on peut le rattacher à un genre, le white trash ; à une histoire, un affrontement mal réglé entre le Nord et le Sud des USA et à un contexte, un repli conservateur dans ces Etats (sur les questions de l’avortement et des armes par exemple). On peut aussi (pour ce film c’est même très sain) en retenir des thèmes traités comme l’horreur de la violence faite aux femmes, mais on peu difficilement dire que le film la légitime puisqu’il repose sur un contrat de lecture où l’explicite n’a pas cours. Il la fait en tout cas ressentir. « Mon » caractère cinématographique, n’est pas une méthode concurrente mais un vrai manque dans vos analyses.
Ce que je reproche à votre article, se sont les jugements de valeurs (je persiste) qui résultent du fait que vous ne prenez en compte ni le caractère caricatural de l’ensemble du film (et pourtant dieu sait si on vole de poncifs en poncifs) ni le rapport de connivence avec le spectateur (c’est-à-dire que vous le traitez d’abord, non pas comme un objet de fiction, mais comme un discours implicitement politique). Ces deux faits sont d’ailleurs le revers d’une même médaille, puisque les formes caricaturales choisies ne prennent leur sens qu’à partir du moment où elles renvoient à des idées préexistantes chez le spectateur (le mythe de Sarkozy, Neuilly, ville où en 2008 le second tour des municipales a opposé deux hommes de droite, où les pouvoirs publics ont longtemps préféré payer des amendes plutôt que construire leur quota de logements sociaux, http://www.politis.fr/A-Neuilly-sur-Seine-la-ville-anti,14954.html ).
Dès lors, vous faites un certain nombre de raccourcis qui biaisent (comme je l’ai dit dans la première phrase de ma première intervention) l’analyse prétendument « objective » du film. J’aimerais que vous me disiez selon vous, « qui » (ou qu’est-ce qui) dit le film ? Parce que l’on n’est jamais très bien fixé. D’après votre méthode, le film semble se dire tout seul indépendamment du discours du créateur dont vous n’employez quasiment pas l’entretien.
Beaucoup des faits que vous construisez peuvent-être interprétés différemment, comme le montre Pierre-Yves ci-dessous. Je pensais moi-même vous opposer le cas de la réaction de Marie et votre schématisme quand il s’agit d’évoquer les réactions violentes en général, mais surtout vous montrer que non seulement vos faits sont réfutables séparément mais que si on les réorganise, on obtient une analyse objective du film tout à fait différente.
(Dans le courant de la semaine parce que, bon, j’ai du travail moi aussi… Mais je vois bien un plan du genre:
I- Le désir d’intégration, celui de Sami mais aussi des autres, qui reprendrait vos arguments sur la prétendue supériorité de Neuilly (les blondes, la culture dite légitime, qui dépend en fait de l’endroit où on se place, le personnage de la tante, Zidane…). Tout ça, vous oubliez de dire que ce sont des représentations et du discours prêtés aux personnages. Ils montrent à mon sens une prise en compte de l’injonction à l’intégration qui marque la politique intérieure des années Sarkozy. Plus que ça, elles montrent une effet pervers de ces politiques, la reprise à leur compte des définitions médiatiques par les habitants des banlieues.
II- Les réactions de rejet qui varient au cours du film dont la violence n’est pas niée dans le film, au contraire. Il y a donc une distance entre les paroles (l’injonction à l’intégration)et les actes (le rejet, le racisme etc…) Cette distance se retrouve dans l’hypocrisie de tous les personnages de Neuilly (la directrice qui lui demande de travailler alors qu’elle accueille des pistonnés, le rejet de la tante de Sami, la réactions de Marie…).
Le motif du décalage entre les discours et le réel est récurrent puisqu’on parle ici de deux mondes schématiquement opposés. Vous avez tendance à prendre ces représentations attribuées aux personnages comme des expressions du réel, ce qui n’est pas équivalent. J’insiste! Vous n’êtes pas objectif, car vous n’étudiez pas la fiction comme mise en scène (indirecte) du réel mais comme l’expression d’une volonté politique.
Bonjour.
Votre commentaire contient beaucoup d’éléments intéressants.
Pour ne pas nous noyer dans les citations de citations de citations, nous allons essayer de ne pas reprendre votre commentaire ligne à ligne mais d’en discuter la portée de façon un peu globale.
–> Merci d’avoir précisé un peu plus ce que vous vouliez dire par « le caractère cinématographique » du film et la « prise en compte du spectateur ». Votre remarque nous semble très pertinente.
-Nous allons essayer de la reformuler :
Vous dites que le film effectue bien une peinture indirecte de la réalité, en usant de tous les procédés qui sont à sa disposition –comme par exemple la caricature. Mais que le film soit « une mise en scène indirecte du réel » ne doit pas faire oublier que le sens de cette peinture indirecte du réel repose en définitive sur l’interprétation qu’en feront les spectateurs et, par voie de fait, sur l’anticipation de ces interprétations futures par le/la producteur du film.
Pour le dire plus clairement : les caricatures n’ont de sens que parce que les spectateurs devinent ce à quoi elles renvoient (la preuve, c’est que sinon elles ne seraient pas drôle). Les références explicites ou implicites à telle ou telle situation externe au film n’ont de sens que parce que les spectateurs les déchiffrent. Et telle ou telle scène n’a de sens que parce qu’elle est organisée de manière à ce que les spectateurs la « lisent » d’une façon bien précise. Du coup, bien sûr, le/la producteur du film, quand ille fabrique son film dans son coin, anticipe les réactions des spectateurs, c’est-à-dire qu’ille prévoit plus ou moins que les gens vont essayer d’interpréter tel clin d’œil, telle caricature, telle situation d’une façon bien précise, et par là-même, ille essaye d’organiser son film de façon à ce que, effectivement, les spectateurs comprennent bien ce qu’ille a voulu leur montrer. Bref l’important ici, c’est donc non seulement ce qu’ille montre, mais la manière dont ille le montre aux spectateurs, en anticipant sur leurs réactions probables. D’où votre remarque : « là où vos analyses gagneraient à étudier la place du spectateur, qui est aussi un choix opéré par le producteur, c’est à ce niveau-là [au niveau des choix esthétiques et narratifs qui composent le film], parce qu’une partie des choix est guidée par cette position. »
De ce fait, (en gros), repérer une scène soi-disant « raciste » ou un personnage qui dit une énormité raciste par exemple, et hurler « ah là là, qu’est-ce que c’est vilain pas beau, le film véhicule du racisme beurk », c’est fortement risquer d’être à côté de la plaque, dans la mesure où c’est voir le film au 1er degré. C’est se focaliser sur ce que le film dit littéralement (il y a un personnage qui dit « sale nègre ») sans s’intéresser à la manière dont est présenté ce qu’il dit, et à l’anticipation que le/la producteur a fait des réactions des spectateurs (le/la producteur avait probablement prévu que les spectateurs trouveraient le propos du personnage raciste, et par conséquent, accuser le film de faire de la propagande raciste, c’est prendre les propos d’un personnage au 1er degré et c’est n’importe quoi). Comme vous le précisez bien : « c’est la place du spectateur en tant qu’il est pensé dans la production du film qu’il serait intéressant d’étudier pour ne pas tomber systématiquement dans le premier degré de type « C’est dit par un protagoniste du film= c’est ce que le film veut dire). »
Oui mais, pourrait-on vous objecter, comment repérer ces fameuses anticipations que le/la producteur fait des interprétations des spectateurs ? Comment affirmer avec certitude que le/la producteur prévoyait que tel personnage serait plutôt perçu comme ceci ou comme cela, et qu’il est donc illégitime de faire du propos de tel personnage le propos du film ? Votre réponse est la suivante : en plus de notre méthode, présentée au point numéro 1 de notre commentaire du 24 mars à 2h03 (repérer la mise en scène, la musique, ce genre de choses), il est souhaitable de compléter celle-ci par une analyse des propos des producteurs du film, qui, lorsqu’illes explicitent leurs choix, les publics auxquels illes entendent s’adresser et la manière dont illes affirment avoir organisé le film en fonction du public, indiquent comment interpréter le film qu’illes ont produit, et permettent de ne pas se planter sur le sens qu’il importait de donner à telle scène, à tel propos ou à telle situation. (« ‘Mon’ caractère cinématographique, n’est pas une méthode concurrente mais un vrai manque dans vos analyses. »)
Voilà pour ce que nous avons retenu, grosso modo, de votre objection. Comme d’habitude, si vous avez tout de même l’impression que nous occultons des détails significatifs, signalez-le nous !
–> Nous sommes plutôt d’accord avec ce que vous dites. Nous aurions pu ou dû analyser plus en détail les propos du producteur de Djamel Bensalah et ce qu’il disait sur l’esprit dans lequel il avait fait ce film, la manière dont il le voyait son film, et la manière dont il avait anticipé sur les réactions des spectateurs pour tourner telle ou telle scène. Cela aurait en effet été très pertinent (l’article sur Neuilly-sa-mère étant déjà très long, nous ne nous sommes pas focalisé-e-s là-dessus, mais nous pourrions en effet nous intéresser à cela de façon plus exhaustive dans nos prochains articles). Donc, merci de votre remarque.
Cela dit, nous avons quand même plusieurs gros désaccords avec votre commentaire.
En gros, nous affirmons 3 choses, que nous allons développer ci-dessous : 1- votre manière de prendre en compte (pour mieux interpréter un film) l’anticipation que fait le/la producteur des futures réactions du public nous semble devoir être nuancée 2- nous pensons que la prise en compte de cette dimension dans notre article n’aurait pas changé grand-chose à notre analyse, et même, l’aurait confirmée ; 3- nous contredisons les quelques directions que vous donnez à la fin de votre précédent commentaire concernant une « analyse objective du film tout à fait différente ».
(Ces trois points sont séparés un peu artificiellement car ils se recoupent un peu tous, c’est juste pour être plus clair-e-s.)
1- Une des nuances que nous souhaitons apporter à votre analyse, c’est que vous semblez attribuer aux propos des producteurs du film une confiance démesurée.
Nous n’allons pas argumenter sur l’interview de Friedkin concernant Killer Joe que vous nous avez fourni dans votre commentaire, ni sur Spring Breakers (bien que nous estimons que cela entrerait aussi tout à fait dans le sujet ici) car nous n’avons pas vu ces deux films, il serait donc compliqué pour nous de répondre de façon précise. Il nous semble en tout cas que, pour prendre en compte l’anticipation que fait le/la producteur de la place des spectateurs et de leurs réactions probables, vous êtes amené à ne pas envisager remettre en doute la parole des producteurs. En gros (on caricature, évidemment) si X dit « j’ai fait ce film pour que l’on comprenne que les gens peuvent vivre ensemble et que le racisme c’est mal, et je vise un spectateur sensible au racisme de notre société », il nous semble que vous serez du coup amené à contester une analyse indiquant que le film réalisé par X semble véhiculer un discours raciste, parce que X dans son interview aura présenté son film de façon inverse, et que l’on ne peut pas comprendre le film adéquatement si on ne saisit pas que le film a été pensé de façon à ce que les spectateurs comprennent que [ce-que-vous-voulez], et c’est ce que précise bien X dans son interview etc etc… Mais il nous semble que, tout à votre volonté de redonner sa place à une dimension importante de l’interprétation des films (que vous soulignez légitimement), vous ne concevez pas vraiment l’hypothèse suivante : X peut très bien se foutre de la gueule du monde 😉 ! Pire, X fait peut-être semblant de dire que son film veut dire ceci ou cela parce qu’ille a anticipé les réactions qui suivront le film, parce qu’ille l’a fait exprès, et qu’ille veut s’en dédouaner par avance en disant n’importe quoi de totalement non-politique du style : « ouais mais vous savez en fait mon film véhicule une symbolique poétique qui se réfère aux peintures rupestres de la grotte de Lascaux et à l’infinie lassitude de la condition humaine face à la temporalité génératrice d’angoisse existentielle» (ou n’importe quel blabla à peu près similaire…) X peut ainsi très bien instrumentaliser les interprétations des spectateurs et la manière dont ille prétend les avoir envisagé pour s’exonérer du fait d’avoir produit une bouillie raciste/sexiste ou on-ne-sait-quoi. Il nous semble que c’est un usage de « l’interprétation » tout à fait banal, que Paul Rigouste analyse (dans un contexte différent, et en parlant non des producteurs elleux-mêmes mais des critiques de cinéma) dans cet article que nous jugeons excellent : http://www.lecinemaestpolitique.fr/the-ghost-writer-2010-polanski-et-la-critique-francaise/ . Bref, nous serions spontanément méfiant-e-s vis-à-vis de ce que dit le/la producteur sur son film car nous estimons qu’ille est loin de nous apporter une clé d’interprétation « neutre » qu’il faudrait prendre en compte sans trop de recul et qui viendrait simplement « enrichir » l’analyse. Pour nous, les propos de celleux qui produisent les films font partie de la mise en scène du film, au sens où ils indiquent la manière dont illes essayent de mettre en valeur leur film, de se protéger des critiques (peut-être justifiées), voire de dissimuler ce que leur film indique peut-être de façon flagrante. Alors s’il semble important d’analyser aussi ces propos (ce que vous mettez bien en lumière) nous ne considérons pas que cela soit une dimension absolument centrale de l’analyse d’un film (bien que cela soit important), ou en tout cas, pas quelque chose que l’on pourrait prendre « pour argent comptant », ce que vous semblez faire.
2- C’est donc avec méfiance que nous abordons l’anticipation que le producteur (ici Djamel Bensalah) affirme avoir fait des réactions des spectateurs, et les choix qu’il prétend avoir fait. Il est vrai que cela nous a conduits à être un peu cavalier-e-s dans la mesure où nous nous sommes contenté-e-s de dire qu’il se payait la tête du monde en voulant dissimuler le caractère raciste de son film…
Mais il nous semble que l’analyse précise des propos de Djamel Bensalah est en effet intéressante à effectuer dans la mesure où ils nous paraissent confirmer le propos de notre article.
Pour rappel, les propos de Djamel Bensalah sont disponibles ici :
http://www.youtube.com/watch?v=3Ob3s7f3YD8 (interview à l’occasion de la sortie du DVD)
http://www.cinemotions.com/interview/85751 (retranscription complète de l’interview –avec des ajouts, visiblement-)
http://www.canalplus.fr/c-cinema/pid2959-c-emissions-cinema.html?vid=284625#pid2959-c-emissions-cinema.html?vid=284625&_suid=136611044007304315106916717491 (une interview sur Canal +)
Sauf précision contraire, nous nous appuyons sur la retranscription (le deuxième lien) qui est le plus complet.
-Tout d’abord, vous dites : « le spectateur type que vous proposez serait un spectateur a priori peu réceptif à un propos ‘humaniste’, antiraciste ou intégratoire. Mais je ne crois pas que c’est le spectateur-cible du réalisateur. cf l’article que vous citez. » Effectivement, Djamel Bensalah prétend n’avoir fait son film ni pour les habitant-e-s « de banlieue » ni pour les habitant-e-s de Neuilly mais pour tou-te-s celleux qui estiment que « de la discussion jaillit la lumière » et qu’ « on peut tous vivre ensemble si on met du sien ». C’est ce qu’il précise aussi dans l’interview à Canal + : l’esprit dans lequel il a produit ce film, c’était de permettre à « 2 Frances qui vivent côte à côte et qui s’ignorent de rire ensemble ». Comme le disait le Monde de façon dithyrambique, et c’est exactement comme cela que D. Bensalah perçoit (ou fait semblant de percevoir, ou veut faire percevoir) son film, Neuilly sa mère est « un onguent délicat sur la crispation sociale quotidienne» que traversent ces 2 Frances qui s’ignorent… D. Bensalah précise carrément, en faisant un parallèle entre Bienvenue chez les chtis et son film, «quand on est dans une société en crise, quand on a une perte de repères, on a besoin d’une boussole». Et la boussole d’amour et de fraternité, cette boussole qui « ne fait pas de mal à personne » et qui « crée du lien social », c’est, notamment, Neuilly sa mère. Il est donc tout à fait clair que le film semble s’adresser aux personnes plutôt antiracistes, que ces personnes soient par ailleurs riches, pauvres, originaires de Neuilly, de Seine Saint-Denis, de Chalon, ou d’ailleurs. C’est bien cela le «spectateur-cible » du producteur.
Mais justement, l’on remarque bien que la manière même dont le producteur prend en compte ici le public à qui est destiné le film est un indice assez flagrant du fait que Neuilly sa mère nie (à quelques infimes nuances près) l’existence de déterminismes sociaux et la discrimination s’exerçant à l’encontre de certaines parties du territoire français considérées comme des « banlieues difficiles » (cf notes 5, 7, 13 et 19 de notre article). En effet, Neuilly sa mère vise un-e spectateur/trice sensible à l’ignorance, c’est-à-dire au fond au manque d’amour, de ces « deux Frances » qui refusent de se faire des bisous… Comme c’est triste… Il faut donc qu’elles acceptent de se rencontrer et de s’aimer afin que les problèmes disparaissent ! Il n’y a pas de violence raciste, pas de discriminations, rien qui soit lié à quoi que ce soit de social nulle part, juste un peu de mauvaise volonté de part et d’autre. La preuve ? Admirez cette affirmation de Djamel Bensalah dans la retranscription de l’interview : « C’est le principe du cinéma que je fais, faire en sorte que les gens se retrouvent. J’ai envie de désenclaver les milieux. (…) Finalement, on a parlé de deux mondes qui étaient totalement enclavés, qui vivaient en autarcie, éloignés de tout. On a parlé de deux mondes qui pour des raisons différentes sont extrêmement proches. Ce sont deux mondes d’exclusion. Quand les exclus se retrouvent, ça donne ‘Neuilly sa mère’. » Dire que « les exclus » se retrouvent, c’est sous-entendre que les dites « banlieues » (avec les descendant-e-s d’immigré-e-s nord-africain-e-s) et les villes riches dont les habitant-e-s ne subissent pas de discrimination massive et systématique liées à leur origine sociale, à leur couleur de peau, à leur nom ou à leur lieu de résidence, sont toutes deux à peu près similaires, ce qui est une aberration. Bien sûr, Neuilly et Chalon sont caricaturées dans le film, mais l’on constate d’emblée que le principe sur lequel repose la caricature, la manière dont elle semble avoir été pensée par D. Bensalah, et les spectateurs à qui cette caricature est destinée et que « cible » D. Bensalah, confirment un grand nombre de nos observations sur la « fausse équivalence ».
– Djamel Bensalah confirme qu’il a cherché à caricaturer la représentation commune que tout le monde est censée avoir de Neuilly : « ce n’est pas la ville la plus riche mais dans l’esprit de tout le monde, c’est la ville la plus riche, et puis c’est la ville du président donc voilà… » (interview sur Canal +). C’est ce que vous indiquiez vous-mêmes fort justement dans votre commentaire : « les formes caricaturales choisies ne prennent leur sens qu’à partir du moment où elles renvoient à des idées préexistantes chez le spectateur (le mythe de Sarkozy, Neuilly, ville où en 2008 le second tour des municipales a opposé deux hommes de droite, où les pouvoirs publics ont longtemps préféré payer des amendes plutôt que construire leur quota de logements sociaux : http://www.politis.fr/A-Neuilly-sur-Seine-la-ville-anti,14954.html) ».
Cependant, il est aisé de constater dans les propos de D. Bensalah les choses suivantes. D’une part, la caricature de Neuilly cherche (dans son esprit en tout cas) à être plutôt charitable, dans la mesure où malgré ses défauts, « l’intégration » est pour lui de mieux en mieux réalisée aujourd’hui. Il effectue en effet explicitement des parallèles entre la société française où tout est censé aller de mieux en mieux (« Il y a des mariages mixtes. Il y a des Rachida Dati qui deviennent ministre. Les arabes ne sont plus cantonnés aux rôles d’épicier qui s’appellent Momo, en bas de la cité »), et la famille de Chazelle, incarnant pour lui les habitant-e-s de Neuilly, qui sont quand même assez tolérants, au fond… (« L’idée était de raconter que la France est un peu plus métissée qu’à l’époque, et qu’il se passe des choses comme dans ce film là. (…) Les de Chazelle qu’on nous a montrés jusqu’à présent au cinéma n’étaient pas mariés avec Rachida Brakni ».) D’autre part, concernant « la banlieue », Djamel Bensalah a explicitement souhaité la présenter de la façon binaire que nous avons repéré dans notre article et dont nous avons fait un élément-clé de notre analyse : d’un côté les « racailles », les ordures à jeter dans les poubelles de la société, les violent-e-s ne méritant aucune considération et qui font n’importe quoi de façon primaire (et sans que l’on comprenne bien pourquoi), de l’autre le gentil Sami, doux, obéissant, docile, un petit peu violent certes, mais qui comprend vite qu’il doit baisser la tête, bref le parfait futur intégré. Citation extraite de la retranscription de l’interview : « Je pense que ce film répond à deux obsessions : désenclaver le monde de Sami, la banlieue, pour dire qu’il n’y a pas que des sauvages dans ce monde là mais aussi des gens comme Sami, qui sont jeunes et naïfs, et qui n’aspirent qu’à être heureux sans faire la guerre et sans avoir la rage. Le monde de Neuilly est aussi très enclavé (…) ». Cette citation parle d’elle-même et confirme ce que nous avions perçu dans notre analyse du film Neuilly sa mère. Premièrement, D. Bensalah défend et affirme qu’il veut faire passer dans son film sa vision étroitement manichéenne des dites « banlieues » et cette séparation entre « bons » banlieusard-e-s qui ne veulent « pas faire la guerre » et n’ont pas « la rage » et les « sauvages » énervé-e-s, comme si « avoir la rage » était a priori, dans toute circonstance, et quelle que soient les pourritures que l’on subit au quotidien, absolument condamnable sans aucune réserve et totalement incompréhensible. Une critique de cette vision caricaturale des « banlieues » que reprend à son compte D. Bensalah (et Nicolas Sarkozy, soit dit en passant…) a été critiquée notamment par les sociologues Stéphane Beaux et Michel Pialoux dans cet article : http://www.liens-socio.org/IMG/pdf/dossiers_liens_socio_02_beaud_pialoux.pdf . Deuxièmement, mais nous l’avions déjà signalé dans l’article lui-même, cela signifie que la violence, notamment raciste, subie par les habitant-e-s des « banlieues », par les immigré-e-s et leurs descendant-e-s soupçonné-e-s de ne jamais vouloir « s’intégrer », est invisibilisée, ou tout au moins, rendue très très très secondaire. Dans l’interview de Djamel Bensalah, la seule fois où il parle de violence, c’est en parlant de ces « sauvages » qui ont la « rage » et veulent faire la «guerre » (dont Sami dessine le portrait en creux). Il n’est jamais question de la violence que subissent celleux qui, comme le personnage principal de son film, ne demandent pourtant qu’à «s’intégrer ». Jamais. Juste du fait que Sami est un type sympa, que l’intégration une fois menée à son terme, c’est super, et que bizarrement, des « sauvages » en banlieue veulent faire « la guerre ». Mais sur la difficulté et la douleur du processus d’intégration (et pas le résultat apparemment magnifique qui est le fait d’être « intégré-e »), pas une phrase, pas une ligne, pas un mot. Notons par ailleurs que Samy Seghir qui joue le rôle de Sami Benboudaoud présente dans une interview les aventures de son personnage comme simplement «drôles ». C’est tout. Sami vit des aventures « drôles » et grâce à sa « gentillesse », il réussit dans le film à s’intégrer sans « avoir trop de problème » : « Il va se retrouver chez sa tante Djamila, qui vit à Neuilly, et il va lui arriver toutes sortes d’histoires drôles. (…) Si on prend quelqu’un de banlieue qui est assez gentil, pas agressif et avec un minimum d’intelligence, et qu’on le ramène à Neuilly, je pense qu’il n’y aura pas trop de problème et que ça se passera comme dans le film.» (http://www.cinemotions.com/interview/85741 ) Alors certes, Samy Seghir est juste un adolescent à ce moment-là, et il n’est pas le producteur du film. Mais il est quand même concerné par le film, il en est le rôle principal, il a fréquenté D. Bensalah durant toute la durée du tournage, et ses propos nous semblent donc en dire long sur l’esprit dans lequel a été réalisé le film –et nous paraissent confirmer totalement notre article.
– Là où analyser le rôle du spectateur, et tout particulièrement l’anticipation que fait D. Bensalah des réactions et interprétations des futurs spectateurs, aurait pu apporter à notre article autre chose qu’une série de confirmations éclatantes, c’est peut-être au niveau des « catchphrases », des clins d’œil explicites et appuyés à N. Sarkozy tout au long du film (l’article de Wikipédia sur le film en repère quelques-unes à la rubrique « citations » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Neuilly_sa_m%C3%A8re_! . L’article oublie juste de mentionner Carla Bruni-Sarkozy et Enrico Macias en fond sonore dans la chambre de Charles, ainsi que la référence au karcher à table lors du repas de famille). En effet, ce n’est là qu’une hypothèse, mais nous la jugeons suffisamment probable pour la partager, le fait de glisser dans la bouche de personnages des références explicites à des phrases de N. Sarkozy permet de se faire passer pour critique de N. Sarkozy à peu de frais. C’est d’ailleurs ces phrases que retiennent la quasi-totalité des présentations ou critiques du film (« on étudie plus pour réussir plus » de la principale du collège de Neuilly et « ma chambre tu l’aimes ou tu la quittes » de Charles sont à peu près systématiquement cités chaque fois qu’un article quelconque évoque Neuilly sa mère). Il nous semble donc que D. Bensalah, en glissant ces phrases là dans le film, prend effectivement en compte la mémoire commune des spectateurs et leurs réactions par rapport à celles-ci (en somme, des réactions d’humour dues au fait de repérer et comprendre les clins d’œil). Mais il nous semble aussi que D. Bensalah ne fait pas qu’anticiper les réactions de son futur public et jouer avec lui en disséminant ces petites phrases partout, mais se construit sans trop d’efforts une image de critique de N. Sarkozy, qui lui permet de masquer le discours réactionnaire véhiculé par le film. Cela nous semble être une hypothèse probable dans la mesure où D. Bensalah, dans la retranscription de l’interview, se vante longuement et d’une façon assez pompeuse de ses petites attaques contre N. Sarkozy, allant même jusqu’à se comparer à un contre-pouvoir à la politique de N. Sarkozy : « C’est le souci principal de ce film, faire un film ancré dans son époque. Et à notre époque, on a un président extraordinaire qui s’appelle Nicolas Sarkozy qui fait des effets de manche exceptionnels, qui est hyperactif. (…) Mon rôle en tant qu’auteur, cinéaste ou producteur est de réagir là dessus. Pour moi ce n’est pas un cinéma engagé mais un cinéma responsable, qui décide ouvertement d’utiliser son sens critique. Critiquer, c’est un peu rétablir l’équilibre. Il a un pouvoir, j’ai le mien, on ne m’entend qu’une fois par an, quand je fais un film, mais l’idée est de faire des films qui racontent l’époque dans laquelle nous sommes et qui s’en amuse, de façon à faire un peu réfléchir les gens. Ce n’est pas un film à charge contre Sarkozy mais contre certains éléments de sa politique. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il fallait se rappeler de certaines choses, comme la phrase : « La France on l’aime ou on la quitte », qui devient chez nous : ‘Ma chambre, tu l’aimes ou tu la quittes’. Ça permet de s’en amuser, et de se dire que ça a quand même été dit. Chez nous c’est plus marrant, plus léger, mais ça n’en reste pas moins vrai ; les gens savent à quoi cela fait référence. On a une faculté extraordinaire, celle d’oublier. On oubliera moins vite cette phrase que cette pensée politique pas terrible. » Cela nous a paru d’abord assez absurde que D. Bensalah se vante à ce point… Nous ne savions pas que le «cinéma responsable » qui « décide ouvertement d’utiliser son sens critique » consistait à mettre en scène un automobiliste qui crie « casse-toi pov’ con » devant un passage piéton, ou un adolescent qui écoute du Carla Bruni en boucle dans sa chambre… Mais en y réfléchissant, nous nous sommes rendu-e-s compte du profit extraordinaire que D. Bensalah peut tirer (ou qu’il semble chercher à tirer visiblement) de l’existence de ces petites « catchphrases ». En disséminant tout au long du film quelques petites répliques de N. Sarkozy, D. Bensalah prend en compte la mémoire des spectateurs, et semble s’en servir pour en tirer un bénéfice facilement identifiable : prendre la posture d’un contre-pouvoir de N. Sarkozy, de quelqu’un qui utilise « son sens critique » contre « certains éléments de sa politique » et dont le film Neuilly sa mère peut être vu comme tout à fait progressiste, et en rupture avec N. Sarkozy. Cela permet de dissimuler allègrement toutes les représentations qu’il semble avoir en commun avec N. Sarkozy et que véhicule Neuilly sa mère ainsi que nous l’avons montré (comme la vision binaire des « banlieues », « racailles » d’un côté, gentil-le-s banlieusard-e-s et descendant-e-s d’immigré-e-s dociles de l’autre), tout en pouvant vendre son film à un large public qui est censé n’y voir que du feu.
Nous argumentons en ce sens dans le quatrième tiret de notre réponse à pierre-yves, sur la référence au « karcher ».
3- Comme vous l’avez compris, nous contestons totalement les directions que vous proposez pour effectuer une « analyse objective du film tout à fait différente ». Bien entendu, vous n’avez proposé qu’une ébauche, mais voici déjà en quoi nous ne sommes apparemment pas d’accord.
D’abord, il ne nous semble pas que le film montre, directement ou indirectement une quelconque injonction à l’intégration dans le film, dans la mesure où le personnage de Sami, dès le début du film, est présenté comme voulant quitter sa cité. Si cette « intégration » s’avère difficile, le désir d’intégration semble relever d’abord et principalement de Sami lui-même (ce qu’indique le fait que le processus d’intégration est mis explicitement en parallèle avec le fait de conquérir Marie-la-blonde-belle-et-riche). Si Sami se fait réprimander sur le thème « c’est à vous de vous intégrer ! » ce n’est d’ailleurs pas parce qu’il ne veut pas s’intégrer (il n’attend que ça, et il sera très heureux d’y arriver à la fin) mais parce qu’on le confond abusivement avec celleux qui ne veulent pas s’intégrer (les « sauvages » comme dirait D. Bensalah). Mais lui, « s’intégrer », il semble le désirer de toutes ces forces. A quelques nuances près, la seule ambition de Sami dans le film est de se faire tout petit, qu’on lui fiche la paix, et qu’on le laisse séduire Marie tranquillement… Parler de la mise en lumière (voire d’une dénonciation subtile) par Neuilly sa mère d’une « injonction » à l’intégration qui serait hypocrite, nous apparaît abusif.
Nous estimons que le film ne montre pas, ou alors très peu, les « effets pervers » de la « politique intérieure des années Sarkozy » qui résideraient dans « la reprise » par « les habitants des banlieues » des « définitions médiatiques » de cette dernière. En effet, si l’on peut à la rigueur voir dans le fait que Sami et ses amis parlent en termes très exagérés de Chalon et de la Seine-Saint-Denis un embryon de dénonciation (ce que nous avons envisagé dans l’article), la présentation systématique des habitant-e-s des banlieues comme des êtres globalement violent-e-s à l’exception de quelques rares Samis nous semble limiter considérablement la portée de cette dénonciation. Faire de cette dénonciation un enjeu majeur du film nous apparaît tout à fait exagéré.
Nous contestons totalement le fait que la « violence » des réactions de rejet que subit Sami à Neuilly n’est pas niée dans le film. Nous l’avons déjà un peu indiqué avec les propos de Djamel Bensalah et de Samy Seghir que nous évoquions précédemment. Par ailleurs, si certaines réactions sont caricaturales et ont certainement pour but d’inviter les spectateurs à s’apitoyer sur le sort de Sami confronté à une professeure d’histoire qui le présente de façon grossière ou à un Guilain qui lui fait manger du porc de force, le fait est que Sami ne se révolte quasiment jamais, que sa seule tentative de rébellion est étouffée de façon implacable comme nous l’avons indiqué dans l’article, et que c’est parce qu’il est gentil et docile qu’il va avoir le droit de rester à Neuilly, de rester au collège, et d’embrasser Marie-la-blonde-belle-et-riche à la fin du film. Bref, le bonheur… Vous avez tout à fait raison, il est vrai, de souligner qu’est assez présent dans le film « le motif du décalage entre les discours et le réel ». C’est le rôle que semble pour nous jouer le personnage de l’ex-femme de Stanislas (l’oncle de Sami) jouée par Valérie Lemercier, qui n’apparaît dans le film que pour insulter son ex-mari, sa femme, et fomenter des pièges pour lui piquer la garde des enfants. Le message semble ainsi « à Neuilly aussi on s’insulte, on se fait des coups bas, et on n’est pas forcément gentil-le-s, faudrait donc aussi balayer devant sa porte avant de critiquer ». Cette remarque de votre part nous semble tout à fait pertinente. Cependant dans la mesure où le film montre Sami d’une parfaite docilité par rapport à tout, y compris aux horreurs qu’il subit de la part de Guilain et dans la mesure où le film montre qu’il réussit à s’intégrer à force de résistance, de travail et de bonne volonté (cf Zidane), il nous semble très exagéré de faire du film une dénonciation du caractère « hypocrite » voire « mensonger » de « l’intégration ». Ou alors, cela revient à dire que vous contestez que le film se termine sur (ou du moins que les spectateurs sont censé-e-s y voir) un happy end.
FAIT-DIVERS – Samedi vers 22h, entre 20 et 30 personnes sont entrés dans une rame stationnée en gare de Grigny-Centre et s’en sont pris aux gens qui s’y trouvaient pour les forcer à leur remettre portables et argent…
Un groupe d’une vingtaine de jeunes a attaqué une rame du RER D samedi au niveau de la gare de Grigny-Centre dans l’Essonne, agressant plusieurs passagers, a-t-on appris lundi de sources concordantes.
Samedi vers 22h, entre 20 et 30 personnes ont attaqué un RER stationné en gare de Grigny-Centre. Ils sont entrés dans la rame et s’en sont pris aux gens qui s’y trouvaient pour les forcer à leur remettre portables et argent, a expliqué une source policière. Une dizaine de personnes ont été agressées. «J’étais dans le RER en direction de Corbeil-Essonnes, et à Grigny nous avons entendu beaucoup de bruits et de cris et nous avons vu des gens courir sur les quais», a déclaré à l’AFP un jeune homme sous couvert d’anonymat.
«Une attaque de diligence de l’époque moderne»
Après avoir tiré le signal d’alarme, les jeunes gens, qui avaient le visage dissimulé, sont passés de wagon en wagon et ont attaqué «le plus de monde possible», a-t-il expliqué. «Moi j’ai pris un coup de poing et du gaz lacrymogène dans les yeux. Ils ont arraché le sac à main de mon amie et m’ont pris mon argent. C’était rapide, violent et cela avait l’air très organisé», a ajouté ce jeune homme, étudiant à Evry. «Cela ressemble à une attaque de diligence de l’époque moderne», a estimé la source policière. «De cette ampleur, ce n’est pas habituel.»
Le commissariat de Juvisy a été chargé de l’enquête.
Encore des incompris…
Le racisme du film est justifié parce que des jeunes à visage couvert ont attaqué (vont attaquer vu que le film est paru avant,je suppose) un RER ?
je remarque que la simplification et la complaisance ne choquent que lorsqu’elles sont dans un sens, pas dans l’autre : c’est tout.
Ce que vous voulez dire, c’est que quand on fait un raccourci raciste (jeunes criminels>jeunes immigrés des cités) ça choque l’opinion publique, alors que quand on fait un raccourci à volonté anti-raciste, ça ne choque pas ?
Bah euh… Ça me paraît plutôt sain que ce soit le cas.
@pascal Plutôt toi qu’a rien compris…
@Nîme +1
Juste un regret sur cet article, le manque de sérieux des légendes des images, comparé à la qualité du contenu.
J’ai surtout trouvé que c’était un mauvais film.
Et je trouve vos analyses plus lourdes que pertinentes, comme l’humour de ce film.
Etre islamophobe et être raciste n’a aucun rapport. L’islam est une RELIGION, les musulmans sont de toutes les races ça n’a absolument rien à voir. Ce mot est une aberration, il est permis d’avoir peur ou d’être un désaccord avec une religion, sinon on interdit le blasphème et on retourne à l’inquisition.
Nous n’avons pas confondu « racisme » et « islamophobie » dans notre article, car nous avons réservé le terme « racisme » aux humiliations subies par Sami en tant que fils d’immigré-e-s arabe.
-Notons tout de même que dans la mesure où l’espèce humaine n’est pas divisée en plusieurs races, il n’existe aucun critère légitime ou naturel sur lequel le concept de « racisme » s’appuie. En ce sens, dire que le terme de « racisme » serait mal utilisé dans tel ou tel cas parce qu’il ne s’appliquerait pas à une « race » est faux, car les « races » n’existent pas (soit dit en passant, il nous apparaît problématique pour cette raison de parler de « discriminations raciales », il nous semble que parler de « discriminations racistes » est plus approprié). En raison de cette absence de critère « légitime », la notion de racisme est utilisée dans les faits par tou-te-s celleux qui affirment que telle ou telle catégorie de la population est stigmatisée comme si elle appartenait à une « race » inférieure et qu’elle subit à cause de cela une oppression quotidienne (nous avons déjà entendu parler de « racisme anti-pauvres » par exemple). Cette remarque n’est pas spécialement dirigée contre vous, nous profitions simplement de votre remarque pour rappeler que l’emploi du terme « racisme » est assez fluctuant.
– Sur votre remarque, proprement dite.
Le terme d’« islamophobie » est certes un peu ambigu, dans la mesure où, comme vous le signalez, il donne l’impression que s’attaquer à une religion est contestable par principe. Cependant, ce terme est surtout employé (et c’est le sens que nous lui donnons dans notre article) pour désigner la stigmatisation généralisée des musulman-e-s, très souvent considéré-e-s comme de dangereux/ses terroristes, des personnes violentes ou stupides, des français-e-s à part toujours suspecté-e-s de ne pas bien « s’intégrer », et qui pour cela subissent des discriminations quotidiennes (un très petit échantillon ici : http://islamophobie.net/rapports/synthese-rapport-2008.pdf ). Le terme d’« islamophobie » est aussi employé pour désigner des mesures discriminatoires prises à l’encontre des personnes de confession musulmane, comme les lois interdisant le port du niqab dans l’espace public en France et en Belgique (voir ici la prise de position d’Amnesty International à ce sujet : http://www.amnestyinternational.be/doc/en-attente/presse/article/amnesty-et-la-loi-interdisant-le )
Alors, pourquoi ne pas parler de « racisme anti-musulman-e-s » ou de « discriminations perpétrées contre les personnes musulmanes » plutôt que d’« islamophobie » ?
C’est qu’il nous semble que ces discriminations s’appuient sur (ou se dissimulent derrière) une simple critique des religions en général, et de la place supposée dangereusement envahissante, de l’Islam dans notre société. La frontière entre critique de l’Islam et stigmatisation des personnes de confession musulmane est donc souvent -à l’heure actuelle et dans notre société- assez floue. Un exemple parmi tant d’autres d’une supposée analyse de « l’Islam » qui conduit (ici, dans un article de Marianne) à une stigmatisation brutale des personnes de confession musulmane est analysé dans l’article suivant : http://www.acrimed.org/article3595.html
En résumé, le choix de ce terme « islamophobie », s’il est un peu ambigu, nous semble avoir son efficacité à l’heure actuelle pour désigner et dénoncer un type de stigmatisation bien particulier qui frappe spécifiquement les personnes de confession musulmane. Peut-être que dans quelques décennies, si les français-e-s de confession musulmane ne sont plus présumé-e-s coupables de tout et de n’importe quoi, et en particulier de ne pas vouloir « s’intégrer » dans leur propre pays (!), le terme d’« islamophobie » deviendra inutile, voire dangereux, comme vous le dites. Mais à l’heure actuelle, il nous semble que l’on peut comprendre et défendre son utilité.
Sur l’usage de ce mot et sa signification, nous vous conseillons cet article, qui en défend l’utilisation à des fins politiques, tout en ne faisant pas l’impasse sur les limites et les ambiguïtés d’un tel terme : http://lmsi.net/A-propos-de-l-islamophobie
@Sigob et Thomas J
Bonjour,
« Au contraire, le film dévalorise systématiquement, et de façon massive, les banlieues et celleux qui y résident. Cette dévalorisation n’est en rien « équivalente » au traitement de Neuilly-sur-Seine dans le film. »
Dans l’ensemble de votre analyse je ne vois rien qui accréditerait vos propos.
« Barbare potentiel, mais qui réussira peut-être à s’intégrer s’il réussit à dompter ses instincts violents »
Le problème c’est que vous donnez des informations partielles tout au long de votre analyse.
Par exemple Sami ne réagit violement qu’a des profondes humiliations.
Il y a une scène, en cours de sport, on l’on voit Guilain Lambert frapper Sami (Sami qui au passage a 3 ans de moins que lui) alors qu’il ne l’avait même pas insulté.
Donc qui est un barbare potentiel ? Celui qui ne se maîtrise pas quand on l’humilie ou celui qui frappe quelqu’un sans aucune raison ?
Celui qui vient de Neuilly ou de banlieue ?
« Dans la mesure où la culture détenue par les enfants de Neuilly est dominante dans le monde social en général »
En tout cas si vous faîtes un sondage parmi les jeunes de toute la France (13-20 ans par exemple), les jeunes répondront qu’ils écoutent plus du rap ou plus du Mozart ?
De plus l’on voit que les frères pistons croient qu’ils sont doués alors qu’ils sont nuls
Sami sait qu’il a des difficultés mais comme il en est conscient il pourra travailler pour progresser ce que les autres « crétins » ne pourront jamais faire.
« Responsabilisation » des parents comme principale solution aux problèmes sociaux (a fortiori lorsqu’il s’agit de parents des classes populaires, jugés peu aptes à éduquer leurs enfants) est par ailleurs une idée qui s’est largement diffusée ces dernières années. Cette dichotomie entre parents responsables et parents démissionnaires repose sur le postulat que les déterminismes sociaux n’existent pas, mais qu’il n’est question que d’éducation et de valeurs morales [8].
Parler de la responsabilisation des parents ne veut pas dire que les déterminismes sociaux n’existent pas mais qu’il est normal de demander aux parents plus d’efforts et ceci doit s’appliquer dans tous les milieux. Ce qui est sur c’est que TOUT n’est de la faute de la société.
« Les caricatures flagrantes et humoristiques de beaucoup d’habitants de Neuilly sont censées être garantes de l’absence de parti pris en faveur de Neuilly et de ses habitant-e-s. »
Mais TOUS les personnages de Neuilly sont caricaturés et ridiculisés !
Donc l’on caricature les personnages et l’on explique qu’ils sont tous racistes.
L’on ridiculise les professeurs (maths et histoire) la directrice est corruptible (vu qu’il y a les frères pistons).
« Le film met ainsi en scène à de multiples reprises un racisme décomplexé et un mépris de classe »
Donc le film montre que les élèves de Neuilly sont soit racistes ou bien indifférent au racisme, ce qui ne les caricature pas ?
Parmi les professeurs, on les voit critiquer sans cesse l’école publique et le spectateur pourrait être invité à croire que c’est toujours le cas.
Donc si j’ai bien compris votre point de vue le film de moque de tous les habitants de Neuilly mais montrerait une image positive et morale de Neuilly ?
« Caroline la gauchiste, le film reprend à son compte l’idée absurde selon laquelle l’antiracisme serait une position au mieux inutile, au pire aussi condamnable et dangereuse que le racisme lui-même [9]. »
Caroline n’est pas toujours ridicule ; d’ailleurs une fois Sami dit qu’il est d’accord avec elle, ce qu’il ne fera jamais avec Charles. Caroline n’est pas ridicule lorsqu’elle dit à Charles qu’il n’est jamais allé en banlieue (donc qu’il ne sait pas de quoi li parle)ou lorsqu’elle fait remarquer à son père qu’il ne connait même pas le prénom d’un de ses employés (ce qui est une scène qui dénonce la racisme ordinaire).
Evidement se moquer des gens de droite et les faire passer comme étant tous racistes on a le droit mais l’on ne peut pas toucher aux gens de gauche ?!
De plus je voulais rajouter que les pseudos-antiracistes m’agacent énormément ;
Par exemple lors de la campagne américaine de 2008 ou les journalistes français ne parlaient pas du programme de Barack Obama mais de la couleur de sa peau.
C’est sur que réduire quelqu’un à la couleur de sa peau et ne pas parler de ses idées, son programme n’a rien d’insultant.
A l ‘époque j’étais au lycée et tout le monde dans ma classe trouvait que c’était formidable qu’un noir soit élu Si j’avais été américain j’aurais voté pour lui pour ses idées
J’aurais revoter pour lui en 2012 parce qu’il a réussit à faire baisser le chômage aux USA, contrairement à l’Europe, par rapport au rôle qu’il veut que la FED joue dans l’économie, etc., mais j’en ai rien à faire qu’il soit blanc noir, métis, arabe ,asiatique..
(Je ne fais pas cette parenthèse contre vous en particulier mais contre les médias français qui considèrent que la couleur de peau ou le sexe d’une personne prime sur ses idées ce qui est insultant pour les personnes concernées).
« Cependant, le film montrera que c’est par sa docilité, autrement dit son aptitude à s’aplatir en silence face à aux violences dont il fait l’objet, que Sami réussira progressivement à s’ « intégrer »
Ceci n’est pas vrai. Sami ne s’intégrera jamais avec ceux qui l’insultent mais uniquement avec ceux qui le soutiennent et ne l’humilient pas (comme Sophie Bourgeois) et ceci dès le départ.
« A la scène suivante, Marie (qui s’était rapprochée peu à peu de Sami dans la première partie du film) répond sèchement à Sami qui voulait engager la conversation. Elle délaisse ce dernier au profit de Guilain avec qui elle joue au tennis, et se justifie de la façon suivante : « Je ne supporte pas les mecs violents ».
« Je déteste les mecs violents ». Par contre, les mecs fourbes, racistes, et imbus d’eux-mêmes, ça, y’a pas de problème… »
Vous pensez vraiment que les spectateurs pensent que Marie a raison et qu’elle n’est pas injuste ni incohérente ?
De plus cette représentation de Marie fait qu’elle a l’air un peu niaise (preuve supplémentaire de la « supériorité intellectuelle » des habitants de Neuilly sans doute).
« En tant qu’il vient d’une « banlieue », Sami a une présomption de culpabilité. Comme le dit explicitement Marie, que Sami se fasse violemment agresser ou qu’il soit lui-même l’agresseur ne change strictement rien au jugement qu’elle porte sur lui. »
Mais justement !!! Sami n’a fait que défendre son cousin et Marie ne veut plus lui parler !
Ce qui montre bien qu’elle est intolérante, qu’elle a tort et qu’elle aussi est raciste !!!!
« – Sami se verra aussi confronté à une violence assez subtile : une injonction contradictoire de la part de Marie »
La « violence » de Marie n’est pas « subtile. » Marie est juste RI-DI-CU-LE.
Une fois de plus vous ne dîtes pas ce qui sa passe JUSTE APRES.
Marie frappe ensuite celui qui l’insulte et ceci à plusieurs reprises. Ce qui invalide tous les propos sur la « non violence »qu’elle a pu tenir.
De plus l’on voit qu’elle ne supporte pas les mecs violents mais elle réagit violement à la première insulte. Donc elle aussi est « potentiellement violente. » comme Sami, elle se bat pour se défendre.
Donc le spectateur ne va pas penser que la violence ne devrait s’appliquer qu’aux habitants de banlieue !!!!!!
« Le film nous offre donc une démonstration implacable du fait que la rébellion, même ponctuelle, contre les humiliations racistes/de classe/islamophobes est toujours condamnable »
Le film ne montre en aucune manière que « c’est condamnable » mais que Sami est injustement condamné.
Je me souviens de plusieurs cas dans mon Lycée ou des élèves qui se faisaient insultés se mettaient à « répondre physiquement » et c’est eux qui se faisaient punir !
Ceci m’est déjà arrivé en plus !
Cette situation est injuste mais correspond au monde réel qui n’est pas toujours juste.
En tout cas même si l’on peut interpréter différemment un film jamais je ne me suis dit « Bien fait pour Sami, d’ailleurs jamais je n’aurais jamais réagis comme lui. De plus ça ne me dérangerait pas que l’on insulte ma religion. »
Par exemple, l’on représente la directrice comme une peau de vache et c’est elle qui dit que c’est à Sami de faire des efforts .Comment la représentation de la directrice pourrait amener les spectateurs à être d’accord avec elle ?
« Peut difficilement faire plus clair : les stigmatisations et les discriminations racistes sont une sanction légitime par rapport aux comportements de certains «petits cons » »
Cette habitante de Neuilly est représentée comme étant exécrable.
L’on pourrait trouver mieux comme personnage si l’on voulait montrer que son comportement odieux est une sanction légitime, non ?
« L’insulte raciste que reçoit Sami en pleine figure est totalement légitimée par le film, »
Sami se fait accuser à tort mais l’insulte est totalement légitimée par le film ???
La réaction de Djamila est violente mais elle ne sait pas encore que Sami est innocent (même s’il est vrai qu’elle ne lui a pas laissé le bénéfice du doute).
Elle n’allait donc pas se mettre à réagir sur la mère de Guilain si elle pense qu’il a été frappé par son neveu.
De plus si elle s’était énervée contre cette femme l’on aurait dit que c’était une scène raciste car le spectateur aurait pensé « qu’elle ne saurait pas rester calme à cause du fait qu’elle soit d’origine étrangère ».
Vous voyez que si l’on cherche du racisme, on en trouve.
« Sami était en train d’oublier que ses échecs, ses déboires, ses souffrances comme ses réussites, ne sont dues qu’à lui seul, et à personne d’autre. »
Sami ne considère pas que tous ses déboires soient de sa faute : c’est simplement qu’il ne passe pas son temps à critiquer la société et à se plaindre.
Elle a bon dos la société. De toute manière en France tout le monde se plaint de la société et personne ne se remet jamais en cause.
De plus si l’on avait vu Sami expliquer que de toute manière tout était de la faute de la société qui était pourrie l’on aurait dit que l’on stigmatiserait les français d’origine immigrée en les représentants comme des « fainéants irresponsables et assistés. »
« Comme si cela ne suffisait pas, le film semble indiquer qu’ils sont de mauvaise foi, puisque l’on voit ensuite Marie leur tendre des billets en disant « on avait dit 100 euros chacun ». Et à la scène suivante, on les voit goguenards racketter Guilain, et voler son scooter. »
Ils refusent l’argent que leur tend Marie ce que vous ne précisez pas.
De plus Guilain et ses potes sont représentés comme étant de biens pires racailles que les « Picasso » Les « Picasso » n’ont été violents que parce qu’ils ont été payés alors que les habitants de Neuilly sont des faux-culs qui payent pour faire agresser Charles puis ensuite détruire tout un salon. Les vraies racailles ce sont eux.
D’ailleurs vous expliquez que de nombreux personnages disent que les habitants des banlieues sont violents en général mais AUCUNE SCENE ne vient accréditer leurs propos sauf lorsque les violents sont payés par les habitants de Neuilly !
« D’espérance qu’il peut avoir de se distinguer de ses ami-e-s « racailles » afin de passer dans le « camp des leaders »
C’est qui les leaders ? Les habitants de Neuilly ? Comme les « frères pistons » qui ont 2 ans de retard, ne travaillent pas, sont lâches, stupides, violents, et qui sont prêts à accuser un innocent pour le faire renvoyer ?
.Essayez de voir qui sont les méchants du film et d’où viennent-ils ?
Ils viennent tous de Neuilly car les « Picasso » ne sont plus méchants à la fin.
De plus toute votre analyse se fonde sur le principe de prendre au premier degré les clichés sur les habitants des banlieues et au second sur les habitants de Neuilly.
Est-ce qu’il y a des clichés dans ce film ? Bien sûr ! Mais en tout cas les habitants de banlieue sont représentés bien plus positivement que ceux de Neuilly.
Bonjour.
Merci de vos remarques argumentées (et fichtrement précises ! Vous avez de la mémoire ! 🙂 )
Ayant rédigé la réponse à Bloch avant la vôtre, nous vous répondrons de façon un peu plus courte, dans la mesure où certains éléments qui pourraient servir à vous répondre sont aussi présents dans cet autre commentaire. Nous sélectionnons quelques-unes de vos remarques qui ont le plus attiré notre attention.
– « Il y a une scène, en cours de sport, on l’on voit Guilain Lambert frapper Sami (Sami qui au passage a 3 ans de moins que lui) alors qu’il ne l’avait même pas insulté. Donc qui est un barbare potentiel ? Celui qui ne se maîtrise pas quand on l’humilie ou celui qui frappe quelqu’un sans aucune raison ? Celui qui vient de Neuilly ou de banlieue ? (…) ; Donc l’on caricature les personnages et l’on explique qu’ils sont tous racistes. L’on ridiculise les professeurs (maths et histoire) la directrice est corruptible (vu qu’il y a les frères pistons). (…) Evidement se moquer des gens de droite et les faire passer comme étant tous racistes on a le droit mais l’on ne peut pas toucher aux gens de gauche ?! (…) ; C’est qui les leaders ? Les habitants de Neuilly ? Comme les « frères pistons » qui ont 2 ans de retard, ne travaillent pas, sont lâches, stupides, violents, et qui sont prêts à accuser un innocent pour le faire renvoyer ? (…) ; Est-ce qu’il y a des clichés dans ce film ? Bien sûr ! Mais en tout cas les habitants de banlieue sont représentés bien plus positivement que ceux de Neuilly. »
Nous avons là un gros point de désaccord. Vous dites en gros qu’il y a des méchant-e-s à Neuilly et qu’en fait, les habitant-e-s de Neuilly sont présenté-e-s comme aussi violent-e-s, voire plus, que ceux de Chalon, et par extension des « banlieues ». Nous nions que cela soit le cas, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est qu’il nous semble que les personnages de méchant-e-s réellement méchant-e-s se résument aux trois « frères pistons », et même pas réellement aux trois frères, mais à Guilain, qui apparaît nettement comme le méchant principal du film. Votre commentaire en témoigne bien vu que vous citez les frères pistons et Guilain comme argument à 4 ou 5 reprises. A part eux, il n’y a pas grand monde parmi les méchant-e-s. Par ailleurs, un des arguments que vous utilisez pour défendre votre thèse tombe à l’eau. Vous dites « Sami ne s’intégrera jamais avec ceux qui l’insultent mais uniquement avec ceux qui le soutiennent et ne l’humilient pas (comme Sophie Bourgeois) et ceci dès le départ ». C’est faux. Marie ne cesse de l’humilier et il passe son temps à lui demander pardon tout au long du film et termine en couple avec elle, et quant à son cousin Charles, qui l’a insulté tout au long du film et l’a interdit de marcher sur le même trottoir que lui pour aller à l’école, Sami va dans un élan de générosité gratuite, l’aider à devenir délégué de classe à la fin du film en improvisant un discours plein d’émotion devant la classe –discours qu’il attribue faussement à son cousin Charles qui se trouve à l’hôpital.
L’oncle est un peu psychorigide, la tante qui l’accuse faussement est un personnage globalement positif (on ne voit d’ailleurs jamais qui que ce soit lui en vouloir dans le film, et Sami semble très bien se remettre d’avoir été traité de « sale arabe » par elle), la directrice n’écorche pas le prénom de Sami, les Picassos (qui sont aussi de Neuilly) finissent par devenir amis de Sami, le professeur de mathématiques finit par avoir l’air un peu gentil (on le voit rendre un devoir à Sami où celui-ci est passé de 3/20 à 8/20 et il lui dit avec un sourire chaleureux « Bon… C’est toujours pas ça, mais y’a du progrès ! ») et Marie n’est même pas vue comme une méchante (alors que bon…). En fait, seul Guilain, sa bande (que l’on voit très peu) et sa mère (qui n’apparaît que 50 secondes) semblent être absolument pourris et exécrables. Comme par hasard, d’ailleurs, les monstres abominables (les frères pistons) sont les seuls qui ont redoublé… Quelle coïncidence, ce sont les mêmes individus qui cumulent bassesse morale et résultats scolaires faibles… Les autres sont plus ou moins ambivalent-e-s, et finissent par révéler leurs bons côtés au fur et à mesure du film.
Il nous semble en fait que la peinture de Neuilly et Chalon est « inversement symétrique». En gros, à Neuilly, tout le monde est plus ou moins gentil mais attention, il existe quand même d’immondes salopards comme Guilain Lambert /et en « banlieue », il y a plein de « racailles » plus ou moins violent-e-s mais attention, il existe quand même des gentil-le-s nounours dociles comme Sami.
Si vous estimez que le personnage de Marie est ridicule, raciste, et de mauvaise foi, nous sommes parfaitement d’accord avec vous, mais le film ne la présente pas comme telle. Sauf à considérer que le film fait preuve d’un second degré particulièrement sophistiqué en faisant du but principal de Sami la séduction du pire personnage du film, vous devez reconnaître que Marie est suffisamment présentée comme positive dans le cadre du film pour que sa conquête soit présentée comme quelque chose de positif, et le baiser final comme une scène qui n’a pas été pensée pour faire vomir les spectateurs/trices.
– Sur « l’injonction contradictoire » de Marie, vous dites qu’elle prouve et dénonce en réalité la violence de Marie et le fait qu’elle se contredise elle-même par rapport à Sami : en effet, celle-ci frappe un des « Picassos » qui lui a dit qu’elle était « bonne » -ce qui montrerait bien qu’elle est « violente » elle aussi. Cette lecture nous semble erronée. En effet, lors de cette soirée (quelques secondes avant la scène évoquée ci-dessus) Sami était allé essayer de se faire pardonner auprès de Marie (comme d’habitude) et lui a fait remarquer qu’elle était venue « avec le sosie de Brad Pitt », ce qui sous-entend qu’elle l’a délaissé pour quelqu’un d’autre. Elle répond « aah lui ? Mais c’est mon grand-frère ! » L’échange qui suit cette phrase est le suivant. [Sami] : « ah parce que t’as un frère ?? Ah désolé alors. Je vais lui demander l’autorisation… » [Marie] : « l’autorisation de quoi ? » [Sami] : « ben, de te parler ! » [Marie, en rigolant] : « premièrement, il est sûrement déjà reparti. Et deuxièmement, moi je suis pas de Chalon, alors je fais ce que je veux…. »
Sami, résidant en « banlieue » est spontanément sexiste. Il pense, ce qui est normal vu qu’il a habité à Chalon, que les « grands frères » doivent décider pour les femmes de ce qu’elles veulent faire. Heureusement, Marie le corrige et lui apprend qu’en France… pardon, à Neuilly, les femmes font ce qu’elles veulent.
2 minutes plus tard, Marie subit une remarque sexiste de la part d’une des « racailles » de la cité Picasso. Guettant la réaction de Sami, elle lui dit « alors tu dis rien ? » Il lui répond « ben… c’est-à-dire que… moi je pensais que t’étais contre la violence … ». La réponse de Marie, sur un air à la fois méprisant et entendu est celle-ci « pff… C’est ça ouais ! », et elle colle une gifle au « Picasso » Un ton comme celui-là semble indiquer que Sami, et par extension les spectateurs/trices, voient exactement à quoi elle fait référence. Alors, comment interpréter cette phrase de Marie « pff… C’est ça ouais ! » ? Que signifie cette scène bizarre ? Soit elle est totalement incohérente, incompréhensible et absurde. C’est ce que vous semblez penser, et c’est ce que nous avons pensé dans un premier temps. Soit cette phrase a un sens, et à notre avis, ce sens ne peut être compris que par rapport à la remarque sexiste de Sami juste avant cette scène. Et ce sens nous paraît être le suivant : « pff… c’est ça ouais ! » d’un air entendu = « pff, je sais bien qu’en fait tu cherches un prétexte débile pour ne pas répliquer à la remarque sexiste du ‘Picasso’ parce qu’au fond, ce qu’il vient de me dire ne te gêne pas, vu que tu es sexiste comme lui et comme tous ceux qui vivent en ‘banlieue’ ! » ou, variante soft « pff, tu n’as pas compris que là, le motif de la ‘violence’ était légitime parce que je suis une femme en train de me faire agresser verbalement et que je dois me défendre ! Quel boulet tu fais ! »
Peut-être qu’en effet la remarque de Marie est incohérente, absurde, gratuite et incompréhensible. Mais nous estimons qu’elle se comprend mieux au regard de la séquence précédente mettant en lumière le sexisme « spontané » de Sami (sexisme qui serait dû au fait qu’il vient de Chalon). De notre point de vue, il y a donc bien une «injonction contradictoire » et non pas une mise en lumière par le film de l’incohérence de Marie.
– Vous attaquez plusieurs fois le personnage de la directrice. Bien que le lien entre la directrice et l’illégitimité des « frères pistons » et de Guilain (ayant redoublés 2 fois alors que c’est interdit par le règlement du collège Saint-Exupéry) ne soit pas fait nommément dans le film, leur surnom même (« piston ») semble indiquer que la directrice est corrompue. Vous avez raison, nous n’avions pas pensé à ce point, le personnage de la directrice est donc plus ambivalent que ce qu’il nous semblait. Toutefois, elle ne semble pas exagérément cynique ou de mauvaise foi, mais juste un peu rigide. Elle ne méprise pas spécialement Sami lors de leur première entrevue contrairement au professeur de mathématiques par exemple, mais lui dit juste qu’il va devoir avoir 10 de moyenne s’il veut passer en classe supérieure. Comme nous l’avons mentionné, elle ne massacre pas son nom de famille. Qui plus est, l’on apprend à la fin du film qu’elle a été gentille avec Sami, ce dernier disant (en voix off) lors de la dernière séquence : « moi finalement, malgré mes 9,68 de moyenne, j’ai eu mon BEPC [mon brevet] et la directrice m’a laissé passer en 2nde. Du coup Djamila m’a offert mon année à Saint-Ex’, et comme Maman a accepté un boulot de serveuse à Neuilly, on s’est installés pas loin. » La directrice est donc quand même prête à laisser sa chance aux petits qui comme Sami se battent pour réussir, et font preuve de bonne volonté et de pugnacité… Nous n’avions en effet pas pensé au fait qu’elle avait une sévérité à géométrie variable dans la mesure où elle est en définitive responsable du fait que les « frères pistons » ne sont pas renvoyés de l’école. Cela étant, nous trouvons votre jugement sur la directrice exagérément sévère.
– Sur Caroline, vous avez tout à fait raison, elle triomphe une fois dans le film. Enfin, à notre avis, elle ne triomphe pas exactement, mais elle ne perd pas une dispute (si si, c’est différent 😉 ). Voici la séquence. Toute la famille est à table, et l’oncle demande à Sami de lui parler de « la vie en banlieue ». Caroline s’insurge (« c’est dégueulasse, la façon dont l’Etat a traité ces pauvres gens en les parquant comme des chiens dans des Hlm crasseux, ça c’est dégueulasse !! ») et Charles lui répond « bon en même temps, on connaît tous la solution hein ? Un bon coup de karcher ! ». Pour la première (et seule fois) du film, la tante Djamila interfère dans l’échange Caroline/Charles et dit « Charles !! C’est bon !!! ». Puis, Sami lui répond (ce sera aussi la seule fois du film où il répondra à une attaque sans se faire réprimander) : « moi je crois que c’est ta bouche que tu devrais passer au karcher… ».
Puis [Caroline] : « bien parlé, petit cousin ! » ; [Charles, à son père Stanislas, l’oncle de Sami] : « il m’insulte et toi, tu dis rien ? » ; [Stanislas] : « ben c’est toi qui a commencé…» ; [Charles] : « mais j’ai rien dit de mal, juste la vérité ! » ; [Caroline] : «la vérité ? T’es déjà allé dans une cité ? » ; [Charles] : « Non mais ça va pas ou quoi ? » ; [Caroline] «Bon ben alors de quoi tu parles ??? Tais-toi !! » ; [Sami] « Elle a raison… Tais-toi… ».
Fin de l’échange. 15 secondes après, Caroline se fait traiter de « bobo connasse » par son frère et Sami se fait attaquer par Charles parce qu’il n’y a pas de porc au dîner mais du dindonneau (« et c’est quoi la prochaine étape ? on mange tous hallal ??!! »).
Cette séquence présente en effet la SEULE fois du film où Caroline cloue le bec à son petit frère, et la SEULE fois où Sami répond à une attaque verbale sans se faire taper dessus pour cela. Mais comme on le voit, ce n’est pas exactement que l’opinion de Caroline sur les hlm de « banlieue » ait été défendue, c’est plutôt que Charles a été envoyé sur les roses pour avoir dit une bêtise. C’est donc plus Charles qui a échoué à faire valoir son opinion (contre Sami, contre sa mère, et contre Caroline) que Caroline qui a réussi à faire valoir la sienne. Et cette opinion de Charles qui lui a valu d’être contredit immédiatement, en quoi consiste-t-elle ? Dans le fait d’avoir repris à son compte à table, contre Sami, une expression de N. Sarkozy ayant fait polémique en 2005 et qui lui reste associée depuis : http://www.europe1.fr/Politique/On-va-nettoyer-au-Karcher-la-cite-273835/ .
Cette séquence est pour nous intéressante non pas en ce qu’elle nuancerait vraiment le personnage de Caroline qui nous semble ne jamais réussir à faire valoir son opinion directement, mais en ce qu’elle représente une référence explicite doublée d’une attaque directe suffisamment nette pour être mentionnée, d’une phrase de N. Sarkozy. Ce sera d’ailleurs la seule attaque d’une phrase de N. Sarkozy, les autres références directes n’étant que des clins d’œil disséminés un peu partout dans le film.
Cette séquence nous avait surpris-es lorsque nous l’avions vue, car elle est exceptionnelle à plusieurs titres. Elle va à contre-courant du personnage de Sami (qui ne répond jamais à une insulte), elle va à contre-courant du personnage de la tante Djamila (qui n’interfère jamais dans les disputes entre Caroline et Charles), elle va à contre-courant du personnage de Caroline qui, pour une fois, arrive à faire fermer son clapet à son frère. Nous ne l’avons pas mentionné dans l’article car elle nous semblait infinitésimale par rapport au développement de tous ces personnages et de la suite de l’intrigue du film. Ce n’est jamais qu’une séquence de 40 secondes, qui n’a aucun impact sur la suite du film.
Mais nous aurions peut-être dû en rendre compte car cette séquence nous semble constituer un indice de ce que nous avons cru remarquer concernant le film, hypothèse que nous explicitons dans le dernier tiret du point 2- de la réponse à Bloch ci-dessus : en se focalisant explicitement sur certaines répliques de N. Sarkozy, ou en faisant plusieurs clins d’œil à celui-ci de façon plus ou moins subtile, le film apparaît comme une critique particulièrement corrosive de N. Sarkozy, au point que le producteur pense lui-même son « rôle » comme absolument essentiel pour rétablir un « équilibre » politique face à N. Sarkozy … Nous ne savons pas si c’est voulu ou non de la part du producteur D. Bensalah, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que ce dernier semble tout à fait conscient des effets bénéfiques d’un tel procédé sur son image et sur l’image de Neuilly sa mère, et qu’il en joue allègrement, d’une façon ridiculement exagérée comme nous le montrons dans notre réponse à Bloch, alors qu’il ne s’agit jamais que de deux ou trois clins d’œil par-ci par-là (rien qui prenne la forme d’une dénonciation de haute volée comme semble le fantasmer D. Bensalah dans les rêves éveillés qu’il a l’air d’effectuer dans ses interviews…).
De ce fait, cette séquence assez anodine en termes de temps et d’importance dans le déroulement de l’intrigue, nous semble à la réflexion assez révélatrice de ce procédé utilisé dans Neuilly sa mère consistant à tourner en dérision une phrase, un mot ou un aspect explicitement relié, dans la mémoire des spectateurs/trices à N. Sarkozy. A dessein ou non, un des effets de ce procédé, mis à part le fait d’amplifier l’effet comique et de fournir des « catchphrases » qui marquent les esprits et reviendront en boucle dans la promotion du film, est de donner à Neuilly sa mère un ton en apparence vindicatif à l’égard de N. Sarkozy alors que tout le contenu du film par ailleurs –notamment sur la division manichéenne des « banlieues » entre « sauvages » ou « racailles » d’un côté et gentil-le-s jeunes qui « veulent s’en sortir » de l’autre – est parfaitement réactionnaire.
Nous n’estimons donc pas que cette scène constitue une objection consistante à notre article (sachant par ailleurs qu’elle est très courte, unique en son genre, et sans impact sur le reste de l’intrigue) mais elle est effectivement intéressante et il aurait été judicieux d’en faire mention dans l’article au lieu de la laisser de côté.
– Vous prétendez qu’aucune scène ne vient accréditer les propos de la quasi-totalité des personnages sur le fait que les personnes résidant en « banlieue » sont « violent-e-s en général », et que cela tendrait donc à indiquer aux spectateurs/trices que ces propos sont des préjugés. C’est faux. Il y a la scène dont nous rendons compte dans l’article où Sami agrippe son cousin par le col montrant ainsi sa « violence » latente qu’il semble regretter immédiatement, la scène où la bande des « Picassos » qui vivent à la périphérie de Neuilly (dans la banlieue d’une banlieue ! 😉 ) tentent de racketter Charles et Sami (et ils ne sont pas payés pour le faire à ce moment là…), et la scène où les amis de Sami, venus rendre visite à ce dernier, sauveront la situation lors de la soirée et appuieront Sami dans la bagarre qui chassera les « Picassos » (cf note 17). L’on entend en effet les amis de Sami, entendant de l’extérieur le bruit du début de bagarre entre Sami et les Picassos se regarder et dire « Eh, t’entends ça ?? C’est une baston !! Viens !! ». Il est donc clair qu’ils savent reconnaître le bruit d’une « baston » et qu’ils sont spontanément attirés par elle… D’ailleurs quand l’un des amis de Sami frappe un des « Picassos » on l’entend proférer, comme un cri de guerre : « À la Chalonnaise !! », comme si se jeter sur les gens pour leur casser la figure était une spécialité de Chalon au même titre qu’une spécialité culinaire…
Il est vrai toutefois que peu de scènes dans le film (mais il y en a quand même) viennent accréditer le propos des personnages sur la supposée « violence » des personnes censé-e-s vivre en « banlieue ». Il nous semble cependant indéniable que le personnage de Sami dessine en creux (par contraste) le portrait d’une « banlieue » pleine de « racailles » qui ne veulent pas « s’en sortir », et que ce portrait, s’il n’est pas massivement confirmé par des images où l’on verrait des « banlieues » en flammes ou de vols de voitures à main armée ou n’importe quoi d’autre, n’est contredit à aucun moment du film -c’est le moins qu’on puisse dire…-.
Vous attirez notre attention sur plusieurs points auxquels nous n’avions pas pensé, et nous sommes en accord avec plusieurs de vos observations. Cela étant, il ne nous semble pas que vos remarques remettent en cause les analyses que nous avons présentées dans notre article.
@Sigob et Thomas J
Bonjour,
Je vous remercie de m’avoir répondu.
« Tout d’abord, c’est qu’il nous semble que les personnages de méchant-e-s réellement méchant-e-s se résument aux trois « frères pistons », et même pas réellement aux trois frères, mais à Guilain, qui apparaît nettement comme le méchant principal du film. Votre commentaire en témoigne bien vu que vous citez les frères pistons et Guilain comme argument à 4 ou 5 reprises. A part eux, il n’y a pas grand monde parmi les méchant-e-s. »
Vous avez raison de noter qu’il y a peu de « très très méchants » venant de Neuilly mais les « très très méchants » viennent tous de Neuilly ! Il n’y en a aucun de banlieue !
Donc peu des personnages de Neuilly sont exécrables mais 100% des personnages exécrables viennent de Neuilly !!
De plus, l’on pourrait rajouter un personnage méchant parmi les habitants de Neuilly : le père de Marie. Il est absent du film mais son évocation montre quand même que la violence physique (et aussi les violences conjugales) ne sont pas le monopole des classes populaires (ce que beaucoup de gens pensent faussement je crois).
« Vous dites « Sami ne s’intégrera jamais avec ceux qui l’insultent mais uniquement avec ceux qui le soutiennent et ne l’humilient pas (comme Sophie Bourgeois) et ceci dès le départ ». C’est faux. Marie ne cesse de l’humilier et il passe son temps à lui demander pardon tout au long du film et termine en couple avec elle, et quant à son cousin Charles, qui l’a insulté tout au long du film et l’a interdit de marcher sur le même trottoir que lui pour aller à l’école, Sami va dans un élan de générosité gratuite, l’aider à devenir délégué de classe à la fin du film en improvisant un discours plein d’émotion devant la classe –discours qu’il attribue faussement à son cousin Charles qui se trouve à l’hôpital. »
Je me suis trompé, c’est vrai ! En ce qui concerne Marie elle a un mauvais comportement mais elle explique que c’est à cause du traumatisme de son enfance, donc elle reconnait d’une certaine manière qu’elle a tort .Ceci permet notamment au spectateur de ne pas lui en vouloir tout en étant en désaccord avec elle. Après elle s’arrange quand même pour sauver Samy à la fin. Pour Charles, je crois qu’à la fin du film quand il est à l’hôpital il dit qu’il est un moins que rien et son personnage devient pathétique.
Je pense que le problème du film est justement d’avoir fait Samy trop gentil ! Il est sans rancune et n’a (presque) aucun défaut. Le film fait dans le manichéisme.
« les Picassos (qui sont aussi de Neuilly) finissent par devenir amis de Sami »
Donc les seuls violents viennent de Neuilly !
« la directrice n’écorche pas le prénom de Sami, les Picassos (qui sont aussi de Neuilly) finissent par devenir amis de Sami, le professeur de mathématiques finit par avoir l’air un peu gentil (on le voit rendre un devoir à Sami où celui-ci est passé de 3/20 à 8/20 et il lui dit avec un sourire chaleureux « Bon… C’est toujours pas ça, mais y’a du progrès »
Je vous trouve très indulgent sur la représentation des habitants de Neuilly. Ne pas montrer qu’ils sont tous des monstres ne signifie pas qu’on ne les caricature pas. Après tout les professeurs pourraient se sentir stigmatisés, non ? A un moment la prof d’histoire dit : »nous ne sommes pas à l’école publique »l’idée que l’école privée se moque ouvertement du public est quand même un cliché.
« Quelle coïncidence, ce sont les mêmes individus qui cumulent bassesse morale et résultats scolaires faibles… Les autres sont plus ou moins ambivalent-e-s, et finissent par révéler leurs bons côtés au fur et à mesure du film. »
Pas vraiment : Samy est dans les derniers au début.
Je suis assez d’accord avec vous ici cependant.
« Il nous semble en fait que la peinture de Neuilly et Chalon est « inversement symétrique». En gros, à Neuilly, tout le monde est plus ou moins gentil mais attention, il existe quand même d’immondes salopards comme Guilain Lambert /et en « banlieue », il y a plein de « racailles » plus ou moins violent-e-s mais attention, il existe quand même des gentil-le-s nounours dociles comme Sami. »
Plus ou moins gentil les habitants de Neuilly, mais qui ?
Vous analysez de manière différente les habitants de Neuilly des autres par exemple Charles est odieux et Samy super gentil. Comme je l’ai dis plus haut il y a 0% de méchants dans le film qui sont des habitants de banlieue (méchants au sens « irrécupérables ».)
Et puis si l’on analyse les valeurs morales de Charles et Samy l’on a une opposition totalement manichéenne ce qui fait que je trouve vos propos très…surprenant !
Après Charles lui est un « monstre » mais il y a de l’espoir ! Ce n’est pas un « irrécupérable »comme les frères pistons et la mère de Guilain mais l’on ne peut pas dire que sa représentation est positive quand même ! D’ailleurs le fait que les élèves de la classe de Samy rient de blagues racistes est quand même un cliché fait contre eux.
Samy n’est pas un nounours docile vu qu’il réagit contre les frères pistons mais sa réaction est coupée car au collège et au lycée ceux qui réagissent aux humiliations sont plus punis que ceux qui les provoquent, je l’ai déjà dis mais cette scène me rappelle ceux que je voyais au lycée frapper ceux qui les insultaient et aller en colle après ! Le problème c’est que comme montre le film la violence morale est moins punie que la violence physique car elle ne laisse pas de « traces ».c’est injuste selon moi car l’on peut faire plus de mal avec « sa bouche qu’avec ses mains »par exemple. En tout cas j’avais l’impression que c’est ce que le film dénonçait…
« Et ce sens nous paraît être le suivant : « pff… c’est ça ouais ! » d’un air entendu = « pff, je sais bien qu’en fait tu cherches un prétexte débile pour ne pas répliquer à la remarque sexiste du ‘Picasso’ parce qu’au fond, ce qu’il vient de me dire ne te gêne pas, vu que tu es sexiste comme lui et comme tous ceux qui vivent en ‘banlieue’ ! » ou, variante soft « pff, tu n’as pas compris que là, le motif de la ‘violence’ était légitime parce que je suis une femme en train de me faire agresser verbalement et que je dois me défendre ! Quel boulet tu fais ! »
Je ne vois pas comment l’on peut être d’accord avec Marie vu que c’est elle qui disait « la violence contre la bêtise c’est pas une solution »
Je ne vois pas comment le spectateur pourrait penser qu’elle est cohérente.
Défendre son cousin ce n’est pas légitime mais si cela s’applique à Marie c’est légitime !
Ce que j’ai compris c’est que Marie veut la non violence « pour les autres » car elle n’a jamais été confrontée au problème…d’ailleurs
Si Marie dit qu’elle est traumatisée à cause de son père cela doit servir au spectateur de ne pas lui en vouloir…d’être incohérente ! D’ailleurs elle pense elle-même qu’elle n’est pas cohérente car elle parle de ça pour justifier son comportement vis-à-vis de Samy.
En fait c’est quand elle frappe les Picasso que je commence à apprécier son personnage !!
Avant je la trouvais hautaine et agaçante et pensais que c’est dommage que Sophie Bourgeois soit partie…
Il faudrait être vraiment très « sèvère » vis-à-vis de Samy pour penser qu’il est un boulet.
Vous dîtes qu’il est trop docile donc il a bien le droit de faire des réflexions quand même !
De plus, ce que j’ai pensé de la scène c’est que Marie relève le sexisme de Samy…pour attendre ensuite qu’il la défende comme le chevalier blanc ce qui est aussi incohérent !
Défendre sa copine qui se fait insultée c’est normal mais Marie ne se défend pas car elle pense qu’elle ne peut le faire car elle est une femme et la scène d’après montre qu’en fait si : une femme n’est pas obligée d’être passive.
En ce qui concerne Caroline : elle est pertinente une autre fois : quand elle fait remarquer à son père qu’il en connait pas le nom des ses employés….cette scène comique se fait dans un contexte ou son action parait ridicule et elle ne triomphe pas à ce moment du film mais l’on voit quand même une violence exercée par les classes dirigeantes sur les autres : l’absence de reconnaissance et ici ne même pas voir quelqu’un comme un être humain !D’ailleurs j’ai déjà entendu beaucoup de caissiers et d’ouvriers se plaindre d’être considérés comme des numéros .Ici l’on voit que le père de Caroline fait preuve d’une violence( inconsciente certes )mais tout de même bien réelle.
« Il y a la scène dont nous rendons compte dans l’article où Sami agrippe son cousin par le col montrant ainsi sa « violence » latente qu’il semble regretter immédiatement, »
Charles est une véritable tête à claque !!Personne ne pourrait résister !!!Et si Samy paraît violent il l’est beaucoup moins violent que son cousin qui fait preuve d’une violence beaucoup plus forte…
« la scène où la bande des « Picassos » qui vivent à la périphérie de Neuilly (dans la banlieue d’une banlieue ! ) tentent de racketter Charles et Sami (et ils ne sont pas payés pour le faire à ce moment là…), »
Les Picasso sont bien plus ridicules que violents dans le film.
« et la scène où les amis de Sami, venus rendre visite à ce dernier, sauveront la situation lors de la soirée et appuieront Sami dans la bagarre qui chassera les « Picassos » »
Comme vous dîtes ils sauvent la situation. ! De plus ici toute la classe devient violente.
« et la scène où les amis de Sami, venus rendre visite à ce dernier, sauveront la situation lors de la soirée et appuieront Sami dans la bagarre qui chassera les « Picassos » »
Comparé à des films comme la journée de la jupe ou la Haine ou le plus beau métier du monde ce film ne montre vraiment que très peu de violence. Et si la violence physique n’a pas l’air d’être pour les personnages de Neuilly la violence morale l’est en tout cas et ce n’est vraiment pas mieux !
« Cela étant, il ne nous semble pas que vos remarques remettent en cause les analyses que nous avons présentées dans notre article. »
Je trouve que vous êtes quand même très sévère car selon moi si tout le monde en prend pour son grade les personnages de banlieue doivent forcement en prendre un minimum.
De plus vous dîtes que tout ce qui est positif dans le film est trop court comme le fait que les habitants de banlieue à bac+5 ne trouvent pas de travail à cause des discriminations…Il est vrai que la scène est courte mais tous les sujets abordés dans le film le sont.
En ce qui concerne Sarkozy nous serons sans doute en gros désaccord mais je ne pense pas que tout ce qui se rapporte à sa politique soit forcément mal.
Dans l’ensemble vous faites des remarques intéressantes mais si l’on compare ce film avec ceux que j’ai cité plus haut l’on voit quand même que ce film est très positif…Il y a quelques bémols bien sûr mais il ne faut pas oublier que les habitants qui ne viennent pas de banlieue peuvent aussi se sentir humiliés.
Venir du groupe des dominants ne signifie pas qu’ils n’ont pas de sensibilités si l’on se moque d’eux .Donc vous avez raison de relever les clichés sur les banlieues mais n’oubliez pas les autres.
Après les banlieues sont quand même plus souvent stigmatisées et ce sont elles qui subissent les déterminismes sociaux.
Le film fait bien de relever les bons côtés de certains personnages comme Charles par exemple .A quoi servirait un film qui montre des racistes qui ne peuvent pas changer ? Si les gens ne peuvent pas changer ceci ne sert à rien de lutter contre le racisme ! C’est pour cela que je pense que ceci est très positif de la part du film pour que lutter contre le racisme ne devienne pas contre productif.
Bonjour.
Pour ne pas être trop long, nous nous focaliserons sur les désaccords avec votre commentaire (c’est une manière de faire peu charitable car elle occulte le fait que nous apprécions pas mal de vos observations, mais bon, il faut bien procéder d’une manière ou d’une autre).
– Sur le fait que Neuilly serait plus caricaturée que « la banlieue », nous estimons que vous nagez en pleine contradiction. Nous vous citons : « Vous avez raison de noter qu’il y a peu de ‘très très méchants’ venant de Neuilly mais les ‘très très méchants’ viennent tous de Neuilly ! Il n’y en a aucun de banlieue ! » // « De plus, l’on pourrait rajouter un personnage méchant parmi les habitants de Neuilly : le père de Marie. Il est absent du film mais son évocation montre quand même que la violence physique (et aussi les violences conjugales) ne sont pas le monopole des classes populaires (ce que beaucoup de gens pensent faussement je crois). »
Si vous voulez faire du personnage du père de Marie, qui est absent du film, et dont Marie ne fait que parler, un personnage méchant à part entière, et que cela est censé servir votre démonstration du fait que « Neuilly » est caricaturée, alors vous reconnaissez ceci : le fait que des personnages parlent de gens qui ne sont pas présent-e-s physiquement dans le film peut quand même participer de la caricature de l’endroit d’où illes viennent.
Par conséquent, le fait de parler tout le temps dans le film des «racailles » violentes qui séviraient en « banlieue » participe bien de la caricature des « banlieues », même si on n’en voit pas des millions dans le film… Par conséquent, le fait que « Sami-tout-gentil-qui-veut-travailler-à-l’école » soit perçu (par les autres personnages comme par lui-même) comme une figure exceptionnelle en totale opposition aux « racailles » qui sont censées peupler les « banlieues » participe de la caricature des « banlieues », même si ces « racailles » ne sont pas présentes massivement dans le film. Par conséquent, vous reconnaissez qu’il est possible de dessiner un portrait caricatural « en creux » des « banlieues » par l’intermédiaire du personnage de Sami, même si on ne voit pas durant tout le film des banlieusard-e-s assoifé-e-s de sang : c’est ce procédé pernicieux (qui passe en particulier par le personnage de Sami) que nous montrons et dénonçons dans notre article.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous vous acharnez à identifier « personnages physiquement présents et visibles dans le film » à « caricature réelle », avec vos arguments du style « il y a 0% de personnages méchants dans le film qui viennent de banlieue » alors que ce que nous montrons, c’est que la peinture des « banlieues» se fait assez peu par une peinture directe, mais beaucoup plus [1] par l’intermédiaire du personnage de Sami qui est censé être à l’opposé des « racailles de banlieue », ainsi que [2] par les propos de tous les autres personnages qui parlent des « banlieues » et de ses « racailles ».
Comme nous le disons aussi dans notre réponse à Bloch du 17 avril à 10h34, le producteur Djamel Bensalah affirme que l’opposition entre Sami le gentil garçon et les « sauvages » de banlieue qui « ont la rage » est une opposition structurante de Neuilly sa mère et qu’il a voulu la mettre en scène pour montrer à quel point Sami est un type merveilleux. Ce que vous appelez le « manichéisme » du film a ainsi un but : dénoncer les « sauvages » qui vivent en « banlieue » et qui sont incapables de faire preuve de bonne volonté et d’un « minimum d’intelligence ». Les propos du producteur (et un peu, ceux de Samy Seghir, l’acteur de Sami) vont explicitement dans ce sens. Il se trouve que cela correspond bien au procédé que l’on a repéré dans le film et mis en lumière dans notre article.
Nous ne comprenons pas votre obstination à refuser ce constat, et estimons que notre article, ainsi que nos réponses aux commentaires précédents en constituent une démonstration suffisante. Argumenter plus longuement sur ce point reviendrait à nous répéter.
-Nous estimons que les Picassos (qui ridicules ou pas, sont présentés comme violents dès le début du film) viennent de « banlieue » et correspondent pour cela à tous les stéréotypes de « la banlieue ». En effet, dans le film, ils vivent à la périphérie de Neuilly, Neuilly qui n’apparaît quant à elle pas comme une « banlieue ». D’ailleurs, quand ils essayent de racketter Charles et Sami, ce dernier leur dit « hey attendez, moi aussi je viens d’une cité », indiquant en ceci qu’ils viennent du même monde.
-Nous trouvons que vous spéculez beaucoup trop sur l’argument de Marie « mon père battait ma mère ». Il ne sert pas du tout de « justificatif » à l’attitude de Marie, et vous avez tort, à notre sens, d’y voir une « explication » ou une « justification » de quoi que ce soit de sa part. Cette phrase, cette révélation qu’elle fait, sert seulement à minimiser les souffrances que vit Sami en lui disant qu’il n’a pas à se plaindre, et à lui intimer l’ordre de la fermer. Elle précise en effet : «et dans mon milieu à moi, y’a pas d’assistante sociale » (comme si le fait de disposer de services sociaux était un privilège dont il faudrait se repentir, et pas un droit à utiliser). Et Sami le comprend bien car il dit tout de suite « ah… désolé , je savais pas …» (traduction : oh, pardon Marie, pardon, j’aurais évidemment dû me taire).
– Nous sommes aussi d’accord (mais nous ne l’avons jamais nié) sur le fait que Charles est un personnage exécrable. Le problème avec Charles et ses propos, comme nous l’avons montré, c’est qu’il a raison en général mais tort juste parce qu’il s’attaque à Sami. Mais il a raison : personne ne contredit le fait que les banlieues sont pleines de « racailles », pas même Sami, simplement Charles a simplement fait ce reproche à la mauvaise personne. Pareil pour le prof de maths, il est dur, mais le film lui donne raison : Sami a « appris à se lever tôt », il a fait des efforts récompensés petit à petit et grâce à son mérite et à sa bonne volonté, il a triomphé et il est content. Nous vous concédons plus ou moins le « nous ne sommes pas à l’école publique », le personnage de la prof d’histoire semble en effet dans le film juste là pour dire des idioties et en particulier présenter « le privé» (les professeur-e-s travaillant dans le privé, et les parents y mettant leurs enfants) comme méprisant « le public ». Peut-être que le film effectue ici une dénonciation de ce qu’il considère comme un préjugé (du style « le public c’est pourri et c’est le chahut tout le temps ») ou peut-être en effet que le film a tort de présenter une prof « du privé » en proie à un tel préjugé comme si les profs du « privé » étaient automatiquement ainsi. Cependant, quand on voit la peinture qui est faite de l’école publique au début du film, où le professeur prend des calmants et où les élèves se jettent des fournitures scolaires en cours, nous ne sommes pas sûr-e-s que le propos est présenté comme si caricatural que ça et présenté forcément comme un « préjugé »…
-Pour le reste, nous avons sincèrement du mal avec vos remarques car nous sommes d’accord avec à peu près tout : ce que vous dites sur la violence morale ou verbale, ce que vous dites sur Marie qui est totalement contradictoire avec Sami, ce que vous dites sur le racisme ordinaire des parents de Caroline, ce que vous dites sur Sami etc etc (liste non exhaustive). Mais nous nions que le film présente aux spectateurs et spectatrices Marie comme une raciste incohérente, Caroline comme une personne qui met judicieusement en lumière des problèmes importants de notre société, et la violence verbale et morale comme quelque chose d’aussi (voire plus) grave que la violence physique (car non seulement Sami ne se révolte pas plus que ça mais vu que sa docilité paye on peut se dire que bon, c’était pas si grave que ça).
Cela dit, nous n’avons pas vu les films que vous citez, et bien entendu nous sommes tout à fait prêt-e-s à reconnaître que des horreurs bien pires que Neuilly sa mère existent…
Nous vous laissons, si vous le souhaitez, le dernier mot de cet échange.
A bientôt ! 🙂
@Sigob et Thomas J
Bonjour.
Dans l’ensemble de votre analyse je ne suis pas en désaccord avec tout mais comme Bloch vous l’avez déjà dis il peut y avoir de nombreuses interprétations différentes surtout du fait que moi et la plupart des spectateurs sont à la fois étrangers des banlieues et de Neuilly.
Par exemple Sami et Marie viennent tous les deux de mondes qui me sont étrangers donc je ne pense pas que le spectateur serait amené à être en accord avec les habitants de Neuilly.
« Si vous voulez faire du personnage du père de Marie, qui est absent du film, et dont Marie ne fait que parler, un personnage méchant à part entière, et que cela est censé servir votre démonstration du fait que « Neuilly » est caricaturée, alors vous reconnaissez ceci : le fait que des personnages parlent de gens qui ne sont pas présent-e-s physiquement dans le film peut quand même participer de la caricature de l’endroit d’où illes viennent. »
Mon propos n’est pas de nier que l’on ne peut pas faire de caricatures même si l’on parle de gens absents du film mais que le poids pour le spectateur sera quand même plus faible.
Par exemple si le film avait montré des scènes de violences comme l’on a l’habitude d’en voir dans les films sur les banlieues la perception du spectateur serait différente.
Il y a quand même une différence avec le père de marie car ici l’on identifie qui est violent.
Il est différent de dire « mon père battait ma mère » que « il existe aussi de la violence conjugale dans les milieux bourgeois».Dans le premier cas le spectateur ressent plus cette violence que dans le second. Evidemment si le père était présent dans le film, le spectateur le ressentirait encore plus.
« Nous estimons que les Picassos (qui ridicules ou pas, sont présentés comme violents dès le début du film) viennent de « banlieue » et correspondent pour cela à tous les stéréotypes de « la banlieue ». »
Les Picasso sont différents des stéréotypes habituels : les stéréotypes habituels ce sont des scènes de forte violence et la représentation de « méchants » ici c’est que l’on se moque d’eux .ils ne correspondent à aucune réalité et la fin du film montre qu’ils ont quand même des valeurs morales (en refusant l’argent de Marie pour sauver Samy).
Je vous cite:
« les Picassos (qui sont aussi de Neuilly) finissent par devenir amis de Sami »
« -Nous trouvons que vous spéculez beaucoup trop sur l’argument de Marie « mon père battait ma mère ». Il ne sert pas du tout de « justificatif » à l’attitude de Marie, et vous avez tort, à notre sens, d’y voir une « explication » ou une « justification » de quoi que ce soit de sa part. Cette phrase, cette révélation qu’elle fait, sert seulement à minimiser les souffrances que vit Sami en lui disant qu’il n’a pas à se plaindre, et à lui intimer l’ordre de la fermer. Elle précise en effet : «et dans mon milieu à moi, y’a pas d’assistante sociale » (comme si le fait de disposer de services sociaux était un privilège dont il faudrait se repentir, et pas un droit à utiliser). Et Sami le comprend bien car il dit tout de suite « ah… désolé, je savais pas …» (traduction : oh, pardon Marie, pardon, j’aurais évidemment dû me taire). »
Comme je l’ai déjà dis je n’arrive pas à voir comment l’on peut concilier le fait que la violence n’est pas la solution à la bêtise et dans le même considérer que Sami est un boulet de ne pas défendre Marie tout en utilisant soi-même la violence contre la bêtise.
Le spectateur ne va pas forcément prendre partie pour Marie :
A la scène de la fête foraine le spectateur sait que Sami n’a fait que défendre son cousin et sait aussi que Marie ne le sait pas. A partir du moment où l’on à vu la scène je ne vois pas comment l’on pourrait ne pas prendre partie pour Sami.
Vous dites que Marie n’est pas représentée comme étant abominable ce qui fait que le film ne « dénonce » pas son attitude.Je pense que comme dans cette scène l’on sait qu’elle n’a pas vu Sami défendre son cousin et que Sami a voulu cacher ses blessures on ne va pas lui jeter la pierre tout en étant en désaccord avec elle :l’on peut très bien (comme moi) être en désaccord avec Marie tout en ne la trouvant pas « affreuse ».
« Le problème avec Charles et ses propos, comme nous l’avons montré, c’est qu’il a raison en général mais tort juste parce qu’il s’attaque à Sami. Mais il a raison : personne ne contredit le fait que les banlieues sont pleines de « racailles », »
Si l’on voulait vraiment faire passer les idées de Charles sur les banlieues comme étant justes l’on aurait quand même pu choisir quelqu’un de moins odieux.
Votre remarque est juste mais Caroline dit à un moment : « Avec ta gueule d’arabe, tu vas faire chier tous les bourgeois réacs du quartier ! »
L’on présente les habitants de Neuilly comme étant des racistes et des salauds et comme avec les clichés sur les banlieues ceci n’est à aucun moment démentit par le film.
Dans le film si l’on considère que les banlieues sont remplies de racailles avec « des exceptions » Neuilly est remplit de salauds avec « des exceptions ».Dans les deux cas l’on a des clichés.
Après le coup du « il y a 0% de personnages méchants dans le film qui viennent de banlieue » c’était pour répondre au fait que je ne pouvais pas m’appuyer sur grand monde pour expliquer que dans le film l’on représentait négativement les habitants de Neuilly, mais il n’y a pas de méchants dans les habitants de banlieues.
Ceci ne signifie pas que l’on ne caricature pas les banlieues mais que cette caricature reste très limitée .
« Mais nous nions que le film présente aux spectateurs et spectatrices Marie comme une raciste incohérente, »
Elle n’est pas présentée comme étant raciste vraiment mais comme je l’ai déjà dis il est impossible de voir la moindre cohérence dans ses propos.
« Caroline comme une personne qui met judicieusement en lumière des problèmes importants de notre société, »
Vous vous contredisez car dans ce cas là si le ridicule de Caroline empêche que ses propos aient une portée , la perfidie de Charles empêche aussi de valider ses propos.
« et la violence verbale et morale comme quelque chose d’aussi (voire plus) grave que la violence physique (car non seulement Sami ne se révolte pas plus que ça mais vu que sa docilité paye on peut se dire que bon, c’était pas si grave que ça). »
Je suis vraiment en désaccord :quand on voit les « frères pistons » je ne vois pas comment l’on pourrait penser que la violence morale n’est pas plus grave que la violence physique surtout quand on voit qu’ils payent des « casseurs » et qu’en plus ils n’en ont rien à faire que Sami se fasse renvoyer à cause d’eux. Et puis quand on voit que Sami a faillit se faire renvoyer et qu’il se fait sauver in extremis par Marie et les Picasso je ne vois pas comment l’on pourrait penser que « c’était pas si grave que ça ».
« Cela dit, nous n’avons pas vu les films que vous citez, et bien entendu nous sommes tout à fait prêt-e-s à reconnaître que des horreurs bien pires que Neuilly sa mère existent… »
Je ne me souviens plus très bien de La Haine mais il s’agit d’un film très violent.
Dans le plus beau métier du monde (avec Gérard Depardieu)il y a une scène de viol et des personnages de banlieue très violents et une classe qui fout vraiment le bordel.
Dans la journée de la jupe(avec Isabelle Adjani) l’on voit une prof « à bout » qui fait une prise d’otages car un élève avait amené un flingue en classe.
Ces représentations sont quand bien plus caricaturales.
Après l’on peut interpréter Neuilly sa mère de différentes manières comme ici :
http://antredelafolie.blogs.allocine.fr/article-neuilly-mere-race–d%3Fdicace-l-ami-vinceneil-87144333.html
Je ne suis pas d’accord avec cette « analyse » mais je la trouve intéressante car si vous voulez mon point de vue serait entre votre analyse et celle-là …Je ne sais pas si je suis très clair mais j’ai l’impression que l’on peut « attaquer » ce film de « tous les côtés. »
Je pense comme vous qu’il y a des points regrettables dans le film. Personnellement je n’envois qu’un principalement : Que Marie ne s’excuse pas VRAIMENT à la fin.
De quoi parle tu en résumé sur le film « Neuilly sa mère »?
Bonjour
je trouve le scénario fait par Djamel formidable parce qu’il traite et parle du « racisme » comme on peut l’avoir deja vu dans lae film « Neuilly sa mère » que l’élève guillain jaloux du fait que sami soit intéressé par marie est contraint pour qu’il n’attire plus l’attention sur lui, fait appele aux picasso pour tabasser sami. Mais après quelques soulèvements on constate qui porte l’accablante punition des « 100 milles deboulèrent mille furieux » parce qu’il est noir.
Mais afin de compte tout fini bien et il réussi afin à conquérir Marie et aussi pour lui cette vie à Neuilly à été une grande esperience pour lui.
Je pense que la fin du film est très importantes:
en effet samy va habiter dans la « belle » cité picasso ou la vie y est « agréable »or je ne sais pas si vous connaissez la cité picasso mais mon meilleur pote y habite et je peux vous dire que c’ est pas la joie.
conclusion du film:
Quand tu arrive à quitter la cité pour aller dans l’une des plus riches villes de france et bien ca ne sert a rien puisque tu finiras par retourner dans une autre mais c’est pas grave parce que la cité c’est génial (comme il est expliqué dans le film) !!!!
bravo, c’est très intéressant et très juste
Analyse intéressante bien que très orientée. Ce film, qui j’apprécie vraiment, me semble être une utopie autour d’un mieux vivre ensemble rendu possible par l’intégration d’un jeune d’origine maghrébine dans un univers de jeunes fortunés dont beaucoup portent des particules.
Il y a cependant plusieurs points, plus ou moins importants, que je veux souligner. Ils viennent dans l’ordre du film.
– Premièrement, la banlieue n’est pas représentée comme un lieu ou ne se retrouvent que des personnes « ethnicisées » et tant la bande d’amis de Chalon que les loubards des Picasso comprennent un membre visiblement blanc. Il faut de plus souligner que le film met en valeur les « colorées » de Chalon, la douce mère de Sami et la courageuse Madame Diallo, alors que le père blanc (joué par Pierre Ménes) est une ordure raciste et probablement alcoolique. Pour l’aphrodisme entre Neuilly et Chalon, regardez mieux votre photo des jeunes filles noires, celle de droite possède un visage très harmonieux souligné par son voile et celle de gauche a un sourire qui ferait craquer n’importe qui. Sami recherche juste des blondes, s’il avait préféré les jolies brunes il aurait trouvé son bonheur à Chalon.
– Pour Zinedine Zidane, il n’arrive pas comme un cheveux sur la soupe au moment de l’apparition du père. On voit au début du film ce même père mourir d’une crise cardiaque un certain 12 Juillet 1998 alors qu’il voit Zidane marquer le deuxième but contre le Brésil. C’est pourquoi Sami voue une haine tenace au footballeur qu’il considère comme responsable de la perte de son père. Lorsqu’il voit une affiche de Zidane sur l’Abribus au moment où il quitte sa chère cité, il lui dit « Tout cela c’est de ta faute, je te déteste ». Ben oui dans la tête de Sami, si Zidane n’avait pas marqué ses deux buts son père serait toujours là pour s’occuper de lui en l’absence de sa mère.
– Troisième point, de loin le plus important. Oui Sami se fait humilier mais, comme c’est le narrateur et que le spectateur s’identifie à lui, les humiliations ne sont pas drôles et leurs auteurs passent au mieux pour des personnes désagréables (Charles) au pire pour de véritables méchants teigneux (Guillain). Pour ce qui est de Charles il faut souligner l’hypocrisie dont il fait preuve lors de sa première rencontre avec Sami lorsqu’il prend un ton cordial quand il sait qu’il est entendu puis devient immédiatement agressif une fois seul à seul. Même hypocrisie pour Guillain lorsqu’il fait semblant d’être juif et fait manger du porc à Sami. La violence est présente à Neuilly sauf qu’elle est insidieuse et ne se présente pas par des coups physiques. Idem pour le prof de math qui fait exprès d’humilier Sami en ne parvenant pas à prononcer son nom.
– Quatrième point intéressant, les garçons/hommes ont généralement du mal à accepter Sami (à part Stanislas) alors que les filles/femmes l’accueillent avec beaucoup plus de chaleur, quitte à devenir ridiculement maternante comme la prof d’histoire géo. Lorsque Sami veut se faire un ami dans son nouveau lycée, il s’approche instinctivement d’un petit noir beaucoup plus jeune que lui mais l’autre le rejette avec toute la morgue d’un fils d’ambassadeur. C’est pas contre par une fille que viendra la solution, la déléguée de classe qui le prend sous son aile et l’initie aux codes du lycée avec humour et franc parler. Les garçons sont ils désagréables avec lui car ils voient en Sami un rival potentiel auprès de la gent féminine? C’est possible, mais le fait est que les filles sont beaucoup plus bienveillantes.
-Cinquième point concernant Notre Dame de Paris. Ce n’est pas n’importe quel classique qui a été choisi. Sami est né en 1994 ou 1995. Cela veut dire qu’il a surement vu, probablement pas au cinéma mais en vidéo, le Bossu de Notre Dame de Walt Disney sorti en 1996 et inspiré de l’oeuvre d’Hugo. Et surtout il a vécu petit garçon le phénomène de la Comédie Musicale qui a eu le succès que l’on sait dans les premières années 2000. Dès tout jeune il a probablement su qui sont Quasimodo, Esméralda ou Frollo. Stanislas le sait aussi et entraine Sami dans un terrain déjà connu et qu’il est donc plus susceptible d’apprécier. Celui ci s’exclame d’ailleurs en recevant le livre « Ah oui je connais, c’est une comédie musicale qui était passée à Chalon »
En somme c’est un film beaucoup plus bienveillant que vous ne le dites envers ce jeune beur et ce sont plutôt les habitants de Neuilly qui en prennent pour leur grade.
Ah ah ! Merci, très bel article, bien écrit et drôle.
J’adore la phrase de fin qui signifie sans doute que ni Sami (ni le réalisateur du film) n’ont lu Notre Dame de Paris, puisque chez Victor Hugo Quasimodo et Esméralda n’éprouvent pas un amour réciproque l’un pour l’autre, mais à sens unique (de Quasimodo pour Esmeralda): ou alors c’est pour signifier la fascination du « gars des banlieue » pour la « blonde civilisée » qui le méprise ?
En tout cas ce film me rappelle beaucoup le récent « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ». C’est en effet assez inquiétant de voir cette banalisation du racisme et de la xénophobie en France, portée par le genre de la comédie qui aurait pour beaucoup de médias français la faculté magique d’esquiver la qualification de « raciste ». La comédie excuserai les présupposés plus que douteux du film sous prétexte « qu’on peut rire de tout ».
Je n’ai jamais vu ce film.
Et après avoir lu cette analyse, je pense que c’est bien parti pour durer.
Je pense que l’injonction de s’intégrer lancée aux immigré(e)s est inutile car elle oublie quelque chose de fondamental : l’intégration se joue à 2. Si 1 des 2 (ou les 2) groupe n’est pas consentant ça ne marchera pas.
L’intégration n’est pas un examen ou les Français(es) sont les examinateurs et les immigré(e)s les candidat(e)s.
Un détail.
Les ados français (comme moi)ne lisent pas les « classiques » pour eux mais uniquement pour le cours de français donc le coup des ados qui lisent Victor Hugo avant de se coucher c’est plus un rêve d’adultes.
Les ados français (comme moi)ne lisent pas les « classiques » pour eux mais uniquement pour le cours de français donc le coup des ados qui lisent Victor Hugo avant de se coucher c’est plus un rêve d’adultes.
Ne généralisez pas 😉
Désolée. Je ne veux pas stigmatiser ceux qui le font, je veux juste dire que ce n’est absolument pas obligatoire pour être Français.
Ah oui, ça c’est sûr ! 🙂