La Petite Sirène (1989) : Disney relit Andersen
5 juin 2013 | Posté par Paul Rigouste sous Films d'animation, Tous les articles |
Sorti en 1989, La Petite Sirène est un immense succès pour les studios Disney et inaugure la période que l’on qualifie habituellement de « second âge d’or »[1]. Classique parmi les classiques, ce film est encore massivement visionné aujourd’hui par nos enfants, et mérite donc qu’on s’y arrête un peu.
Mon angle d’approche dans cet article consistera à comparer le film de Disney au conte d’Andersen dont il est inspiré. Il ne s’agira pas de considérer a priori tous les écarts par rapport à l’original comme des « trahisons » forcément condamnables, mais plutôt d’utiliser cette comparaison pour mieux mettre en évidence les choix opérés par Disney, en particulier d’un point de vue politique. Je mentionnerai aussi parfois rapidement l’adaptation japonaise du conte produite 10 ans plutôt par la Toei Animation (Marina la petite sirène, 1979), beaucoup plus fidèle à l’œuvre d’Andersen que le fut Disney.
Devenir femme
Dans la relecture qu’il en fait, Disney étouffe quasiment toutes les dimensions progressistes de l’œuvre d’Andersen pour y substituer ses valeurs politiquement nauséabondes. En effet, si le conte original est trop ambigu pour être réduit à un propos univoque et explicite, il contient néanmoins un grand nombre d’éléments qui permettent de le lire comme une fable anti-patriarcale. C’est du moins comme ça que j’aime le lire personnellement.
Dans sa trame générale, l’histoire est celle d’une jeune sirène qui attend impatiemment le jour de ses quinze ans pour avoir le droit de sortir de chez elle et aller voir le monde des humains, et qui tombe follement amoureuse d’un homme pour lequel elle quittera sa famille et le royaume de son enfance. Ainsi, il est facile de voir dans ce conte une métaphore du passage à l’âge adulte, et plus particulièrement de ce qu’il signifie pour les jeunes filles.
La grosse différence entre le conte original et la relecture qu’en fait Disney est la manière dont est présenté ce « devenir femme » de l’héroïne. Là où Andersen insiste sur les souffrances et les sacrifices endurés par la sirène et tend à dépeindre sa transformation en femme comme une malédiction dont elle finit par mourir[2], Disney montre au contraire la conquête de la féminité comme une aventure pleine de joies et d’excitation dont le mariage hétérosexuel constitue l’apogée. En supprimant tous les éléments du conte qui permettaient d’en faire une lecture féministe et en remplaçant la mort de l’héroïne par son mariage avec le prince, le studio a donc déformé l’esprit de l’histoire jusqu’à lui faire dire précisément l’inverse de ce qu’elle disait sous la plume d’Andersen. D’une critique du patriarcat, on est passé à une apologie.
Symboliquement, c’est en troquant sa queue de sirène contre des jambes humaines que l’héroïne devient une femme. Dans la bouche de la sorcière, le conte original mettait en garde la jeune héroïne de toutes les souffrances qu’elle allait devoir endurer pour devenir une femme digne de ce nom, c’est-à-dire belle et gracieuse, et ainsi susceptible de séduire un homme :
« Mais je te préviens que cela te fera souffrir comme si l’on te coupait avec une épée tranchante. Tout le monde admirera ta beauté, tu conserveras ta marche légère et gracieuse, mais chacun de tes pas te causera autant de douleur que si tu marchais sur des pointes d’épingle, et fera couler ton sang. Si tu veux endurer toutes ces souffrances, je consens à t’aider ».
Ces « qualités féminines » que sont la beauté, la légèreté et la grâce n’ont donc rien d’inné, mais sont au contraire le fruit d’une éducation qui s’accomplit dans la souffrance. Lucide quant à la condition des femmes sous le patriarcat, le conte illustre alors l’adage bien connu selon lequel « il faut souffrir pour être belle ». Andersen décrira ainsi les scènes de séduction avec le prince comme un mélange inextricable de plaisir et de douleur, rendant ainsi clairement manifestes les violences corporelles que subissent les femmes dans leurs tentatives de correspondre aux normes de beautés féminines.
« Chaque pas, comme avait dit la sorcière, lui causait des douleurs atroces ; cependant, au bras du prince, elle monta l’escalier de marbre, légère comme une bulle de savon, et tout le monde admira sa marche gracieuse. (…)
Après le chant, les esclaves exécutèrent une danse gracieuse au son d’une musique charmante. Mais lorsque la petite sirène se mit à danser, élevant ses bras blancs et se tenant sur la pointe des pieds, sans toucher presque le plancher, tandis que ses yeux parlaient au cœur mieux que le chant des esclaves, tous furent ravis en extase ; le prince s’écria qu’elle ne le quitterait jamais, et lui permit de dormir à sa porte sur un coussin de velours. Tout le monde ignorait les souffrances qu’elle avait endurées en dansant.
Le lendemain, le prince lui donna un costume d’amazone pour qu’elle le suivît à cheval. Ils traversèrent ainsi les forêts parfumées et gravirent les hautes montagnes ; la princesse, tout en riant, sentait saigner ses pieds. »
Or, chez Disney, toutes les allusions à ces souffrances intrinsèquement liées à la condition féminine ont disparu. Devenir une femme, ce n’est plus que du bonheur…
Le studio retourne par exemple complètement le sens de la scène où la petite sirène gagne ses jambes (et devient donc symboliquement une femme). Dans le conte, cette accession à la féminité était décrite comme une mort : « Elle s’assit sur la côte et but l’élixir ; ce fut comme si une épée affilée lui traversait le corps ; elle s’évanouit et resta comme morte ». L’adaptation japonaise avait d’ailleurs très bien restitué l’esprit de ce passage en montrant la sirène suffoquer et gémir longuement de douleur après avoir absorbé l’élixir.
Au contraire, Disney transforme cette mort en une deuxième naissance. On voit ainsi Ariel sortir d’une cellule en étant propulsée hors du temple d’Ursula qui n’est pas sans évoquer un appareil génital féminin. Elle achève enfin sa remontée en remplissant ses poumons d’air, comme un nouveau-né sortant du ventre de sa mère.
L’érotisme du plan où l’héroïne vient une nouvelle fois au monde en jaillissant de l’eau les seins en avant est significatif du déplacement de point de vue qui a été opéré par rapport au conte original. De l’expression de la souffrance féminine on est passé à la féminité comme spectacle érotique pour le regard masculin. Difficile d’être plus en contradiction avec l’esprit de l’œuvre d’Andersen.
Une seconde naissance… étrangement érotique
De la même manière, les scènes où la petite sirène apprend à marcher dans la douleur ont été remplacées par une scène comique où l’héroïne tente maladroitement de tenir debout sans y parvenir, dans un esprit plus proche de Bambi que du conte d’Andersen.
Le fait que l’héroïne du conte doive sacrifier sa voix pour devenir une femme servait aussi un propos anti-patriarcal. Sa soumission à l’injonction sexiste « sois belle et tais-toi » était vécue par la sirène comme une malédiction et une source de souffrance, et non comme une voie d’accès au bonheur. On retrouvera cette idée chez Disney, avec en plus la chanson d’Ursula qui explicite encore plus le discours patriarcal entourant cette injonction des femmes au silence : « Ah, je peux dire que les Humains n’aiment pas les pipelettes / Qu’ils pensent que les bavardes sont assommantes ! / Que lorsqu’une femme sait tenir sa langue / Elle est toujours bien plus charmante / Et qu’après tout à quoi ça sert d’être savante ? / … / C’est la Reine du silence qui se fait aimer ! ».
Si le fait qu’Ariel ne puisse pas parler à son prince est aussi parfois source d’angoisse et de souffrance dans le Disney, il me semble que le studio montre aussi ce silence forcé comme quelque chose d’amusant, voire séduisant. J’ai l’impression qu’Ariel muette ressemble plus à un petit animal mignon qu’il s’agit d’apprivoiser qu’à une femme opprimée par le patriarcat (comme c’était à mon avis plus le cas chez Andersen).
Mais le plus important dans tout ça est que Disney finisse par donner à Ariel le mariage qu’elle désire. Ce choix est loin d’être anodin. En faisant cela, le studio récompense l’héroïne pour sa capacité à s’être rendue conforme à ce que le patriarcat attendait d’elle (ce qui ne lui a pas demandé beaucoup d’efforts tant la féminité est présentée comme naturelle chez les héroïnes Disney). A l’inverse, la mort de la petite sirène dans le conte original (et son adaptation japonaise) sonnait comme une mise en garde à l’intention des jeunes spectatrices. On pouvait en effet y constater que, malgré tous les sacrifices et toutes les souffrances endurées pour séduire son prince, l’héroïne voyait celui-ci se détourner d’elle et en mourrait. Ainsi, plus qu’une promesse de félicité, l’accession à la féminité s’avérait être une malédiction causant la perte de le jeune femme. Alors que le conte original démystifiait le discours patriarcal, la relecture qu’en fait Disney reconduit au contraire la mystification : « soit belle, tais-toi, et tu séduiras l’homme de tes rêves qui te rendra heureuse ».
Non content de déformer l’histoire d’une manière aussi réactionnaire, Disney reprend des motifs du conte original pour les vider totalement de leur sens. Chez Andersen, la petite sirène se transformait après sa mort en « fille de l’air » et s’élevait alors dans le ciel. La dernière image de l’adaptation japonaise montrait ainsi une nuée d’étoiles scintillantes partir vers l’horizon, poursuivie par Fritz, l’ami dauphin de l’héroïne, tentant en vain de la rejoindre en hurlant : « Marina ! Marina ! ». A cette fin profondément triste, Disney substitut un happy end où Ariel et le prince partent en bateau vers l’horizon, et transforme la nuée étoilée en un arc-en-ciel sans autre signification que de faire joli.
« C’est ainsi que l’âme de la petite sirène s’envola vers le ciel. FIN »
« Loin de la mer, et pour toujours, vivons sur terre, rêvons au grand jour. Prince de la terre, la vie commence, pour toi et moi. FIN »
Constructions fantasmatiques et masculinité virile
Le conte d’Andersen tendait à montrer l’amour pollué par des constructions fantasmatiques empêchant de voir les véritables individus. Si le prince se marie avec une autre que la petite sirène, c’est parce qu’il est obsédé par le souvenir de cette autre femme qui l’avait recueillie sur la plage lorsqu’il avait failli se noyer. Plutôt que d’aimer l’héroïne pour ce qu’elle est, le prince n’envisage de l’épouser que parce qu’elle ressemble à cette femme dont la vision l’a marqué à jamais. Et lorsqu’il s’aperçoit à la fin que la princesse à laquelle ses parents veulent le marier est justement cette femme dont il rêvait, il se détourne définitivement de la petite sirène. Je pense qu’il est possible de voir cet idéal féminin à l’aune duquel le prince juge les autres femmes comme une construction fantasmatique faisant obstacle à l’amour naissant entre les deux amants.
Cette lecture me semble d’autant plus défendable que l’on retrouve le même genre de projection du côté de l’héroïne. En effet, celle-ci s’amuse depuis son enfance à parer une statue représentant un charmant garçon au milieu de son jardin. Quand elle rencontrera le prince, elle lui trouvera une ressemblance avec sa statue. Ici aussi, il me semble que l’on peut voir cette statue comme le symbole de l’idéal masculin sur lequel l’héroïne se fixera sans parvenir à s’en détacher, et qui la mènera à la mort.
L’adaptation japonaise reprendra ce thème en montrant la petite sirène tomber d’abord amoureuse d’une statue trouvée dans une épave de navire, pour ensuite fixer son désir sur un jeune homme ressemblant à ce modèle.
Disney récupèrera ce thème de la statue, mais en changera la signification. En effet, Ariel tombe d’abord amoureuse du prince réel, et trouve seulement ensuite la statue à son image. Ici, le fantasme ne précède donc pas la rencontre amoureuse, et ne peut donc pas influer sur elle. Chez Disney, l’amour est donc pur et véritable, indépendant des constructions fantasmatiques que les hommes et les femmes projettent les un-e-s sur les autres.
Cette relecture inverse donc le rapport entre fantasme et réalité. Alors que Marina voyait dans le prince une incarnation de son fantasme, Ariel voit dans la statue une matérialisation du prince réel (comme le montre la scène où elle se sert de la statue pour simuler une relation de séduction avec le prince Eric).
Néanmoins, le film cherche tout de même à faire jouer à la statue le rôle d’idéal masculin. Lorsque Grimsby l’offre à Eric pour son anniversaire, ce dernier fait une moue dubitative et déclare, un peu gêné : « Eh bien… Il est vrai que… c’est… c’est monumental ». On nous invite donc ici à prendre acte de la différence entre le prince réel et la statue faite à son image. Par cette scène, le film semble insinuer ici qu’Eric n’est pas aussi caricaturalement héroïque et viril que la statue à son effigie. Or, juste après, lorsqu’Ariel trouvera la statue au fond de l’océan, elle s’exclamera : « C’est tout à fait lui ! La même allure, le même regard ». Tout excitée par cette représentation virile de l’homme de son cœur, elle s’amusera ensuite à mimer une scène de séduction reprenant le scénario hétéro-normé de l’homme fort venant délivrer la princesse de sa prison : « Comment Eric ? M’enfuir avec vous ? Vous êtes fou. Mais sans hésiter ! ».
Ces passages auraient pu être intéressants s’ils avaient été intégrés à un propos cohérent, qui se serait attaché à déconstruire les normes de la masculinité virile et des constructions fantasmatiques dont elle peut être l’objet. Sauf que c’est tout l’inverse qui se produit. Non seulement, comme je l’ai dit, Ariel tombe amoureuse du prince avant d’être fascinée par la statue. Mais en plus, le film fait finalement du Eric réel un héros viril traditionnel, reconduisant ainsi les normes masculines qu’il faisait mine de critiquer lorsqu’il invitait le public à rire de la statue.
Certes, Eric est présenté au départ comme un homme un peu romantique et rêveur, et par là assez « féminin ». Il déclare ainsi ne pas vouloir se marier à la princesse à laquelle on le destine parce qu’il attend de rencontrer la femme de sa vie. Lorsqu’on le voit pour la première fois, il caresse son chien de manière très affectueuse et joue de la flûte en dansant. Ainsi, le rapport est inversé par rapport à la scène de rencontre classique entre le prince et la princesse chez Disney. Dans La Belle au bois dormant par exemple, Aurore est surprise par le prince alors qu’elle est en train de chanter et de danser avec les animaux de la forêt. Dans cette configuration, seul l’homme est sujet du regard, la femme étant réduite au statut d’objet, à un spectacle. Or, dans La Petite sirène, ce dispositif est inversé puisque c’est l’homme qui est objet du regard féminin. En faisant jouer de la flûte à Eric, le film renverse en plus le schéma de la sirène ensorcelant les marins de son chant, puisque c’est ici Eric qui charme Ariel en jouant de son instrument. La suite de la scène entérinera ce renversement des rôles puisqu’Ariel sauvera Eric de la noyade, se retrouvant dans la position traditionnellement masculine du chevalier sauvant sa belle de la mort.
Mais dès le début, cet aspect « féminin » du personnage est contrebalancé par un grand nombre de traits indiscutablement virils. Dans son physique et son attitude, Eric est en effet foncièrement masculin, et le film insiste sur ce point en l’opposant à Grimsby, son valet efféminé.
De plus, Eric ne rêve pas de sa princesse comme Blanche-Neige rêvait par exemple de son prince charmant en attendant sagement à sa fenêtre qu’il vienne la cueillir. Non, Eric cherche activement et inlassablement l’élue de son cœur : « je sais qu’elle existe quelque part, mais je ne l’ai pas encore trouvée ».
Il est donc d’emblée posé comme un personnage actif et puissant physiquement. Dans la scène de la tempête, il se montrera ainsi particulièrement courageux en allant chercher son chien sur le bateau en feu, au péril de sa vie.
Loin de faire fond sur les aspects féminins de la personnalité d’Eric, le film insistera au contraire de plus en plus sur sa virilité. Et on peut même dire qu’un des enjeux du film est que le prince accède à une virilité pleine et entière pour pouvoir être digne de la princesse. Par exemple, tout le suspense de la scène de séduction sur la barque repose sur le fait qu’Eric n’est pas assez entreprenant dans le rapport de séduction. Tout le monde attend que celui-ci attrape la bouche d’Ariel pour que le sortilège soit rompu, mais le prince est trop timide pour passer à l’acte. Les paroles de la chanson qu’entonnent en chœur les animaux de l’étang sont éloquentes :
« [COUPLET] Regarde-la, douce et fragile à la fois / Elle ne dit rien, elle se tait / Mais ton cœur brûle en secret / Tu ne sais pas pourquoi / Mais c’est plus fort que toi / T’aimerais bien… l’embrasser / Tu rêvais d’elle / Tu l’attends depuis toujours / Si c’est un roman d’amour / Faut provoquer l’étincelle / Et les mots crois-moi / Pour ça, il n’y en a pas / Décide-toi, embrasse-la / [REFRAIN] Sha-la-la-la-la-la, my oh my / Il est intimidé / Il n’ose pas l’embrasser / Sha-la-la-la-la-la, s’il est sage / Ça serait vraiment dommage / Adieu la fiancée /[COUPLET] Prends-lui la main / Dans la douceur du lagon / Décide-toi mon garçon / Et n’attends pas demain / Elle n’dit pas un mot / Et n’dira pas un mot / Avant d’être embrassée / [REFRAIN] Sha-la-la-la-la-la, n’aies pas peur / Ne pense qu’au bonheur / Vas-y, oui, embrasse-la / Sha-la-la-la-la-la, n’hésite pas / Puisque tu sais que toi / Toi, tu ne penses qu’à ça / Sha-la-la-la-la-la, c’est si bon / Écoute la chanson / Décide-toi, embrasse-la / Sha-la-la-la-la-la, vas-y fait vite / Écoute la musique / Dépêche-toi, embrasse-la / Embrasse-la, embrasse-la, embrasse-la… allez, vas-y / Embrasse-la »
Mais qu’est-ce que t’attends ? Fais pas ton timide, attrape-lui la bouche ! Soit un homme bon sang !
Cette passivité masculine dans le rapport de séduction est ainsi condamnée sans appel par le film, puisqu’elle manque de peu de coûter la vie à l’héroïne. Heureusement, Eric se rattrapera à la fin en sauvant héroïquement sa princesse et le royaume des mers par un geste éminemment viril, consistant à transpercer le corps d’Ursula avec son bateau…
En 1989, les mouvements féministes sont passés par là, et Disney ne peut donc plus se permettre de mettre d’emblée en scène des personnages incarnant les normes traditionnelles de masculinité et de féminité. Il commence donc par renverser un peu les rôles et tenir un semblant de discours critique sur la virilité traditionnelle (incarnée par la statue), pour mieux réaffirmer au final les bonnes vieilles valeurs patriarcales. Alors que le conte original et son adaptation japonaise contenaient des éléments menant vers une critique cohérente des constructions fantasmatiques qui s’appuient sur les normes de genre traditionnelles, Disney étouffe cette dimension et réaffirme finalement sans ambiguïté une conception hétéro-normée et patriarcale de l’Amour comme rencontre pure et magique entre deux êtres.
Bonne et mauvaise féminité
On retrouve la même réaffirmation des normes patriarcales dans l’évolution de la figure d’Ariel tout au long du film. Au début, celle-ci est présentée comme une héroïne curieuse et active qui ne se satisfait pas de sa condition et se rebelle contre l’autorité paternelle. En faisant de la petite sirène une telle aventurière, Disney la démarque des figures traditionnelles de princesses auxquelles il avait habitué son public. En effet, alors que les Blanche-Neige, Cendrillon ou Aurore étaient fondamentalement passives, Ariel prend en main son destin et joue un rôle moteur dans la narration.
Malheureusement, comme dans le cas d’Eric, ce point de départ plutôt progressiste en ce qui concerne les représentations sexuées sera totalement renversé dans la suite du film. Progressivement, Ariel perdra toute initiative pour finir dans la position de la princesse sauvée par son prince et trouvant le bonheur dans le mariage hétérosexuel avec un homme viril.
Le film valorise la féminité passive et soumise en montrant non seulement qu’elle mène au bonheur (le mariage avec le prince), mais aussi en l’opposant à un exemple de mauvaise féminité, incarnée par Ursula. Si cette dernière est diabolisée, c’est avant tout parce qu’elle recherche le pouvoir et menace ainsi l’ordre patriarcal (dans lequel le pouvoir doit être un privilège exclusivement masculin). Je reviendrai plus loin sur cette dimension du personnage, car ce qui m’intéresse pour l’instant, c’est le type de féminité qu’elle incarne au sein du rapport de séduction hétérosexuel.
Alors que le dispositif scénaristique condamne Ariel à une totale passivité (elle doit recevoir du prince un baiser d’amour pour rompre le sortilège), Ursula est au contraire dépeinte comme une femme sexuellement entreprenante, voire carrément agressive. Son physique même est déjà placé sous le signe de l’excès (ses fesses et sa poitrine sont énormes, sa bouche gigantesque).
Dans le même esprit, on la voit aussi se maquiller outrageusement devant sa glace. Disney insiste ainsi énormément sur le fait que sa féminité est artificielle, contrairement à la féminité « naturelle » d’Ariel. Les créateurs du studio se sont d’ailleurs inspirés du travesti Divine (l’acteur fétiche de John Waters) pour concevoir le personnage d’Ursula. Cette dimension transphobe (ou du moins « travesti-phobe ») du personnage est intéressante à remarquer car elle montre bien que ce qui est diabolisé ici, c’est une femme qui n’est « pas vraiment une femme » (et ne pourra jamais l’être pour Disney). Cette inspiration en rajoute donc sur le côté artificiel de la féminité d’Ursula (puisque celle-ci est claquée sur un homme qui « sur-produit » de la féminité, notamment à l’aide de maquillage), et stigmatise aussi en même temps sa dimension « trans », ainsi que son côté « homme dans un corps de femme » (dont je reparlerai plus loin).
Ursula et son maquillage putassier
Elle expliquera ensuite à Ariel qu’il n’est pas besoin de parler pour séduire les hommes, car l’instrument le plus efficace que possèdent les femmes en ce domaine est leur corps : « Tu as de l’allure, une frimousse d’ange, et ne sous-estimons surtout pas l’importance du langage du corps ». En même temps qu’elle donne ces conseils, Ursula les illustre en se trémoussant de manière ultra-sexuelle.
Pour couronner le tout, Ursula revêtira une apparence humaine pour aller séduire le prince et tenter ainsi d’empêcher son union avec Ariel.
Disney diabolise ici la femme active dans le rapport de séduction. Car si, sous le patriarcat, les femmes se doivent d’être suffisamment désirables pour les hommes (sous peine sinon d’être qualifiées de « frigides », « mal baisées », « garçons manqués », etc.), elles ne doivent pas non plus être trop entreprenantes sexuellement (sous peine d’être alors traitées de « salopes », « putes », « nymphomanes », etc.). C’est cette deuxième faute impardonnable que commet Ursula. Celle-ci est diabolisée parce qu’elle utilise la séduction comme un pouvoir, alors qu’une femme doit au contraire offrir sa beauté à l’homme, se donner à lui en attendant qu’il vienne la cueillir (comme le fera Ariel).
Au passage, cette tendance à valoriser la féminité passive dans la relation de séduction et à stigmatiser au contraire la féminité active est un motif récurrent chez Disney. Toutes les princesses sont en effet dans l’immense majorité des modèles de passivité qui se contentent d’attendre que leur homme vienne les prendre, comme le résume exemplairement le mot d’ordre de Blanche-Neige « un jour mon prince viendra ». A l’inverse, les femmes cherchant activement à séduire un homme sont soit diabolisées, soit ridiculisées (comme le sont par exemple les sœurs de Cendrillon ou Charlotte dans La princesse et la grenouille, véritables « hystériques »).
Il est notable que Disney ait créé de toutes pièces ce personnage. En effet, s’il y a bien une sorcière dans le conte, celle-ci n’est aucunement décrite comme une femme prédatrice. Elle est juste celle qui propose à l’héroïne d’échanger des jambes humaines contre sa voix. Or, non seulement Disney transforme cette sorcière en contre-modèle de féminité, mais il en fait en plus la rivale directe de l’héroïne dans sa quête pour obtenir l’amour d’Eric. Ainsi, le studio fusionne en un seul deux personnages féminins du conte : la sorcière et la femme pour laquelle le prince délaisse la petite sirène. Ce dernier personnage est donc diabolisé par Disney, alors qu’il ne l’était nullement chez Andersen. Cette opération a pour conséquence d’innocenter totalement le personnage masculin (en montrant Eric hypnotisé par un sort d’Ursula) et d’introduire une histoire de rivalité féminine. Ariel n’est donc plus victime du système patriarcal comme l’était l’héroïne d’Andersen, mais la victime d’une autre femme. C’est bien connu, ce ne sont pas les hommes ou le patriarcat qui oppriment les femmes, mais les femmes qui s’oppriment entre elles toutes seules…
Belle toute nue et naturellement sexy
Comme on l’a vu, Disney stigmatise la féminité artificielle et excessive d’Ursula en l’opposant à la féminité naturelle d’Ariel. Même si l’héroïne n’est en principe qu’une adolescente de 16 ans en passe de devenir une femme, le film la féminise énormément, et d’une manière qui fait passer cette féminité pour naturelle. En effet, le seul moment où l’on voit Ariel recevoir des conseils de féminité est la scène avec Ursula, où celle-ci lui montre par exemple comment bouger ses fesses pour exciter les hommes. Or il est à mon avis intéressant de remarquer qu’Ariel bouge déjà son corps de la sorte avant même d’avoir rencontré Ursula, lorsqu’elle danse innocemment avec Polochon.
Le « langage du corps » est-il quelque chose d’inné chez Disney ?
De la même manière, on voit l’héroïne se regarder dans le miroir, mais sans l’attirail d’Ursula.
Or si l’on ne voit jamais Ariel se maquiller, ses lèvres me semblent tout de même étonnamment rouges, ses sourcils incroyablement fins, et ses cils remarquablement bombés. En fait, c’est comme si Ariel incarnait un type de beauté accessible uniquement par l’usage de maquillage, mais sans jamais en utiliser.
Sans maquillage ? Vous êtes sûr-e-s ?
On pourrait faire le même type d’observation à propos de ses cheveux. Ceux-ci semblent toujours se disposer miraculeusement de manière à composer des coupes toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Là encore, c’est sans effort et tout naturellement qu’Ariel accède à une perfection esthétique qui demanderait en réalité un travail énorme.
J’ai l’impression qu’on touche là le cœur de l’oppression liée à cette valorisation de la « féminité naturelle » sous le patriarcat. En imposant un tel idéal aux femmes, on leur demande l’impossible, à savoir de correspondre à des normes de beauté inatteignables sans l’usage de cosmétique et sans un travail énorme sur leur apparence, mais cela sans utiliser de tels produits ni se livrer à un tel travail (car il faut que cette beauté soit « naturelle »). Les femmes sont donc prisonnières d’une double contrainte, puisqu’on exige à la fois d’elles qu’elles soient belles pour les hommes et correspondent ainsi aux normes de beauté artificielles et arbitraires qu’on leur impose, mais sans travailler leur apparence (sous peine de risquer d’être, comme Ursula, trop putassière). Toujours menacées d’être « trop » ou « pas assez » par rapport à un idéal qui n’existe pas, les femmes sont ainsi constamment sur la sellette, toujours exposées au jugement masculin et jamais assez bien, donc toujours dévalorisées.
Pour en finir sur les cheveux d’Ariel, il est à mon avis intéressant de noter que c’est uniquement lorsqu’elle devient humaine et qu’elle veut se rendre belle pour son prince que l’héroïne commence à travailler sa coiffure.
L’idéal impossible de la « féminité naturelle » rencontre donc ici l’injonction à se faire belle pour le regard masculin. Sébastien le crabe l’expliquera d’ailleurs clairement à Ariel que, si elle veut séduire son prince, elle devra « utiliser toutes les armes de la séduction » en « battant des cils » et « faisant des effets de bouche ». S’il ne faut donc pas trop en faire pour rester « naturelle », il faut quand même faire des efforts pour séduire son homme. Compliqué tout ça hein ? Ben oui, c’est fait exprès…
Pour couronner le tout, la beauté d’Ariel n’échappe pas à l’incontournable « impossible hourglass figure » (la « silhouette en sablier impossible »), à laquelle ont droit quasiment toutes les héroïnes Disney. Dans la mesure où ce film s’adresse en priorité à des jeunes filles invitées à s’identifier à l’héroïne, je pense qu’il ne faut pas sous-estimer la violence des injonctions qui leur sont martelées ici, dès le plus jeune âge, à correspondre à des normes de beauté tout simplement inatteignables.
Le sablier impossible, en toute simplicité…
Par ailleurs, cette féminité naturelle d’Ariel a à mon avis principalement pour but dans l’histoire de contrebalancer d’emblée tous les traits un peu trop « masculins » de sa personnalité. Ainsi, lorsqu’elle part à la recherche d’objets humains dans une épave de bateau, cette aventure pleine de danger (elle manque de peu de se faire dévorer par un énorme requin) ressemble beaucoup à une sortie shopping.
Ariel va faire les soldes avec son sac à main
Ou encore, lorsqu’elle chante sa tristesse d’être prisonnière de la mer et de l’autorité de son père, le film entremêle les aspirations d’Ariel à l’aventure et au savoir (« moi je voudrais parcourir le monde » / « moi je veux savoir, moi je veux pouvoir poser des questions et qu’on me réponde ») à son désir, encore inavoué, d’une histoire d’amour hétérosexuelle.
… mais au fond je veux surtout rencontrer un phallus qui me fasse danser
Et effectivement, à partir du moment où Ariel aura rencontré le prince, le film se focalisera sur l’histoire d’amour, et tout le reste passera au second plan. Au final, l’émancipation d’héroïne se résumera surtout à passer d’un homme à un autre. Une fois qu’Eric aura réussi son test de virilité en remportant son combat contre Ursula, papa Triton autorisera généreusement sa fille à passer sous la domination d’un autre homme en lui offrant les jambes dont elle rêvait et en donnant sa bénédiction au mariage.
Le transfert de la femme, du père au mari, dans la plus grande tradition patriarcale. C’est beau l’émancipation féminine selon Disney…
Le gentil papa et la méchante dominatrice
Dans le conte original comme dans l’adaptation japonaise, le roi de la mer est un personnage quasi-inexistant. C’est Disney qui décida de lui donner de l’importance en faisant du Roi Triton le patriarche bienveillant que l’on connaît. Par cette opération, le studio évacua un autre personnage (pourtant absolument essentiel) du conte d’Andersen : la grand-mère de la petite sirène, qui dirige le château et s’occupe de l’éducation de l’héroïne. En supprimant cette figure maternelle positive, Disney laisse donc Ariel seule face son père, avec pour seul autre référent possible la démoniaque Ursula.
Personnellement, j’ai du mal à voir ce choix de substituer le matriarcat bienveillant de la grand-mère au patriarcat du Roi Triton comme autre chose qu’une réaction antiféministe aux mouvements égalitaires des années 60-70[3]. Pendant les années 80, une femme qui a du pouvoir ou le recherche (comme Ursula) ne peut être qu’une harpie dominatrice, alors qu’un homme qui règne en maître tout-puissant sur son peuple est un être fondamentalement bon. Dans ce contexte, la grand-mère de la petite sirène n’a plus donc plus droit d’existence.
Revenons sur le personnage du Roi Triton. Si celui-ci apparaît quelque fois comme autoritaire vis-à-vis de sa fille (notamment lorsqu’il pulvérise la statue d’Eric dans un accès de colère), le film prend toujours bien soin de nous le montrer plein de remords (comme lorsqu’il demande à Sébastien : « Tu crois que j’ai été trop sévère avec elle ? »). Si Disney montre qu’il a entendu les revendications féministes en présentant le pouvoir patriarcal comme problématique, tout le propos du film par la suite consiste néanmoins à nous montrer en long, en large et en travers, que le patriarche est mu au fond par les meilleures intentions du monde. Si le Roi Triton empêche sa fille de vivre sa vie, c’est juste parce qu’il s’inquiète pour elle. Et le pauvre homme souffre d’ailleurs de ce pouvoir, lui qui est si incompris par sa fille…
Remarquons au passage que ce n’est pas seulement les femmes que le Roi Triton domine en toute bienveillance, mais aussi les noirs. En effet, son fidèle serviteur Sébastien est le seul personnage du film à avoir un « accent africain » très prononcé[4]. Pour que ce soit bien clair, Disney réserve même au crabe une chanson très « exotique » (« Sous l’océan »), dont le rythme et la sonorité sont inspiré du Calypso[5]. Cette chanson est un petit bijou de caricature raciste sur le thème « ici c’est super, qu’est-ce qu’on s’amuse ». Et il n’est donc pas anodin que ce soit Sébastien-le-noir qui la chante. En effet, ce ici-où-on-s’amuse-et-où-il-fait-bon-vivre, c’est le pays des noirs qui ont le rythme dans la peau, vivent dans le farniente et dansent toute la journée. Du coup, le passage du monde de l’Océan (tel que présenté par Sébastien) au monde de la Terre est aussi, en un sens, un passage du monde archaïque des noirs paresseux où on s’amuse bien, même s’il est heureusement dominé de main ferme par le grand roi bienveillant, au monde de la civilisation sérieuse et mature : celui du Prince blanc et de la bonne société blanche.
Les paroles de cette chanson sont assez explicites : « Regarde bien le monde qui t’entoure / Dans l’océan parfumé / On fait carnaval tous les jours / Mieux, tu ne pourras pas trouver », ou encore : « Là-haut, ils bossent toute la journée / Esclavagés et prisonniers / Pendant qu’on plonge / Comme des éponges / Sous l’océan ». Le propos se précise ensuite de plus en plus : « Chez nous, les poissons se fendent la pipe / Les vagues sont un vrai régal / Là-haut, ils s´écaillent et ils flippent / A tourner dans leur bocal », ou encore « Tu vois l´esturgeon et la raie / Se sont lancés dans le reggae / On a le rythme, C´est d´ la dynamite, Sous l´océan! / etc. ». Un crabe à l’accent « des îles » qui nous explique que ses amis qui font du rap, du jazz et du reggae ont le rythme dans la peau et se la coule douce toute la journée, voilà qui me semble pour le moins douteux[6].
Les « poissons-nègres », une famille de poissons aux grosses lèvres aujourd’hui encore trop peu connue des scientifiques
A côté de ça, Sébastien-le-noir est un peu avec Triton dans le même rapport que Zazou avec Mufasa[7] : il est ce serviteur dévoué qui passe son temps à râler gentiment tout en ne remettant jamais en question la domination qu’il subit. Et le pire, c’est que c’est censé être drôle. Dans sa chanson, Sébastien sous-entend d’ailleurs qu’il n’est pas du tout exploité par son maître blanc, vu que l’esclavage ça n’existe que chez les humain-e-s, pas sous l’océan (« Là-haut, ils bossent toute la journée, esclavagés et prisonniers / Pendant qu’on plonge, comme des éponges, sous l’océan »).
Comme dans le cas de la relation Ariel-Triton, Disney dénie donc totalement le rapport d’oppression qu’il est en train de mettre en scène. Et l’homme blanc peut ainsi continuer à dominer tranquillement ses semblables, en toute bienveillance bien sûr…
Face à lui, Ursula est diabolisée parce qu’elle est une femme qui aspire au pouvoir. Avec ses multiples tentacules et sa bouche démesurée, elle incarne typiquement la menace féminine telle que le patriarcat la fantasme.
Disney insiste bien sur sa soif de pouvoir, comme lorsqu’il la montre en train de caresser avec envie le trident de Triton, symbole phallique de son pouvoir souverain.
Mmmm, c’est quelque chose de bien excitant que tu as là brave Triton…
Et Disney ira très loin dans son délire antiféministe. En effet, il apparaîtra rapidement qu’Ursula ne cherche pas uniquement le pouvoir, mais qu’elle veut aussi et surtout émasculer le Roi Triton (« Je veux le voir se tortiller comme un ver à l’hameçon ! »). Comme elle le dira elle-même, la petite Ariel n’est qu’un instrument dans son plan machiavélique, un « appât » qui lui permet de ferrer ce « plus gros poisson » qu’elle a en vue. Elle parviendra finalement à réaliser ses plans, réduisant notre Roi bodybuildé en une sorte de polype tout décrépi.
Lorsqu’elle s’empare finalement du pouvoir, Ursula prend des proportions gigantesques, symbolisant un pouvoir tyrannique et destructeur. On retrouve ici l’opposition (classique chez Disney) entre bon-ne et mauvais-e souverain-e (Triton vs Ursula, Richard Cœur de Lion vs Prince Jean, Mufasa/Simba vs Scar, etc.), le premier gouvernant pour le bien du peuple, contrairement au second qui n’est motivé que par l’égoïsme et la volonté de puissance. Or c’est peut-être dans La Petite Sirène que ce pouvoir tyrannique est le plus effrayant (et renforce donc encore plus la légitimité de ce « dominant bienveillant » qu’est Triton).
Lorsqu’elle grossit jusqu’à devenir un véritable monstre des mers, Ursula a tout à coup une voix masculine. Cette mue soudaine nous rappelle ainsi que la transgression de la sorcière est avant tout une transgression de genre : celle d’une femme qui n’a pas su rester à sa place et a voulu usurper le pouvoir masculin.
« Je suis la souveraine de tous les océans ! Les vagues obéissent à mes moindres désirs. Le peuple de la mer plie devant mon pouvoir »
Heureusement, la pécheresse sera punie et le patriarcat sauvé par le brave Eric, qui portera un coup fatal à la sorcière en la pénétrant littéralement de son bateau. Difficile de faire plus symbolique comme meurtre…
Comme j’ai essayé de le montrer, Disney ne s’est donc pas contenter de « changer la fin du conte en happy end pour faire plaisir aux enfants », comme on peut souvent l’entendre. Sa relecture de l’œuvre d’Andersen est en effet beaucoup trop cohérente politiquement pour être considérée comme une simple « édulcoration ». En effet, d’un conte ambigu et plutôt anti-patriarcal, il a tiré un pamphlet antiféministe d’une violence hallucinante.
Paul Rigouste
[2] Le conte est ambigu sur ce point puisque, lorsqu’elle meurt, la sirène est récompensée de son courage en devenant une « fille de l’air », et peut donc espérer gagner une âme immortelle si elle fait le bien pendant trois cents ans. Dans la mesure où l’héroïne avait manifesté au début le désir d’avoir une âme immortelle, on peut voir cette conclusion comme une sorte de happy end. Mais reste que la fin du conte est tout de même très noire puisque la sirène perd quasiment tout ce qui faisait son bonheur (sa famille, l’homme dont elle était amoureuse, la vie d’humaine à laquelle elle aspirait) puis s’élève, en larmes, vers le ciel.
[3] Cf. sur le sujet le livre Backlash : The Undeclared War Against American Women, de Susan Faludi
[4] Ce sont toujours des Noirs qui doublent le personnage de Sébastien dans La Petite Sirène 1 et 2, que ce soit dans la version originale ou française (Samuel E. Wright pour la VO, Henri Salvador, Christophe Peyroux et Frantz Confiac pour les VF).
[6] S’ajoute à cela dans la version française le choix, pour doubler Sébastien, du chanteur Henri Salvador, interprète (souvent avec un accent énorme) de plusieurs chansons du même esprit, qui font l’éloge du farniente des tropiques et de la paresse de celleux qui y habitent par opposition aux français -blancs- de France continentale noyés dans le sérieux mortifère et le travail. Cf. par exemple « Faut rigoler » (http://www.dailymotion.com/video/xffu93_henri-salvador-faut-rigoler-1960_news), « Je ne peux pas travailler » (http://www.youtube.com/watch?v=mBVawWzQQFI) ou encore « Tant pis pour
Paris » (http://dededu59.musicblog.fr/1658499/tant-pis-pour-paris-par-henri-salvador/
Autres articles en lien :
- Les Enfants loups, Ame et Yuki (2012)
- Mulan (1998) : féminisme et patriarcat chez Disney
- Le sexisme du Roi Lion
Excellent article. J’aurai peut-être aimé une petite étude du rôle de la sorcière des mers dans le conte (ça fait longtemps que je ne l’ai pas relu). Je connaissais également l’adaptation japonaise que j’ai longtemps préféré (pas forcément pour les bonnes raison mais uniquement parce que je trouvais la sirène plus belle)… Après, il faut reconnaître que l’animation Disney est d’un autre niveau mais idéologiquement, c’est à vomir.
Les contes d’Andersen sont assez martyrisés sinon, il faut voir la cruche qu’est devenue Doucette/Poucette/Poucelina dans l’adaptation de Don Bluth. Et dire que Disney va bientôt sortir sa Reine des Neiges. Rien qu’au résumé je crains le pire.
A noter que dans toutes les adaptations que j’ai vues (à part l’excellent dessin animé Russe de Lev Atamanov) la Reine des Neiges, figure glaciale qui symbolise l’absence d’émotion est transformée en vamp sexy et que la relation entre Kai et Gerda : une amitié platonique marquée par une dévotion incroyable l’un envers l’autre, est toujours transformée en romance hétérosexuel classique. C’est à hurler ^^ (il me semble que même dans la petite sirène l’amour n’est pas vraiment sexualisé (on a des symboles bien entendu mais rien d’aussi évident que chez Disney) il faut dire qu’Andersen était un homosexuel refoulé qui s’identifiait aux femmes (il fut un petit garçon très féminin à la voix de soprane et qui rêvait de danser le rôle de Cendrillon) il avait également un réel dégoût du coït. Beaucoup d’adaptations trahissent la délicatesse et l’ambiguïté de ses contes, c’est fort dommage. Je ne dis pas qu’il faut sacraliser les intentions de « l’auteur » mais faire preuve de respect envers le matériau d’origine, peut-être)
J’ai déjà lu la même chose sur Andersen. On ne sait pas si c’était un homosexuel refoulé, mais il était effectivement très efféminé et on ne lui connaît aucune relation amoureuse. Lu à cette lumière, la Petite Sirène est un conte quasiment autobiographique. Je n’ai pas vu le dessin animé, mais dans le conte la parabole sur l’homosexualité, voire même sur la transsexualité, est évidente. Il ne s’agit bien sûr pas d’un propos général sur l’homosexualité, mais de la façon dont une personne particulière a pu la vivre à une époque où elle était inacceptable.
La petite sirène est tout de suite présentée comme « différente », car elle ne s’intéresse pas aux mêmes choses que les autres. Elle rêve d’un amour extérieur à sa sphère. Il existe pourtant un équivalent masculin de la sirène, à peine évoqué dans le conte, et qui ne l’intéresse pas du tout. L’idée d’un amour transgressif, auquel s’oppose sa famille, peut déjà évoquer l’homosexualité.
Mais surtout, pour avoir une chance de vivre cet amour la petite sirène doit se livrer à un travestissement. Elle doit se transformer pour faire croire qu’elle est autre que ce qu’elle est réellement. Je n’ai pas relu le texte récemment, mais je me demande même s’il n’est pas dit à un moment que la sirène est dégoûtée par sa queue. Ce motif du travestissement est même explicite, car si je me souviens bien, la petite sirène commence à séduire le prince habillée d’un costume d’homme.
Sur le dégoût de la sexualité, la transformation de la petite sirène en femme est également transparente. Car ce n’est pas tant des jambes qu’elle acquiert, qu’un sexe (les sirènes qui vivent dans un monde de pureté et d’insouciance n’en possèdent pas), et cette acquisition est pénible (elle est même ressentie comme un « coup d’épée »). Pour pouvoir accéder à la sexualité, elle doit en outre abandonner ce qu’elle a de plus précieux, sa voix, c’est-à-dire son âme. Vu sous cet angle, la perte de la voix ce n’est pas seulement le fameux « sois belle et tais-toi », mais aussi l’obligation de se taire sur ses désirs et ses secrets.
Le conte d’Andersen est donc l’histoire d’un amour contre nature et impossible, d’un dégoût de soi, d’une dissimulation, d’une transformation pénible et d’un rapport difficile au corps, qui se termine par le renoncement, la frustration et la mort. C’est assez marrant d’avoir réussi à en faire l’histoire de l’éveil à une féminité épanouie.
Merci beaucoup à tou-te-s les deux pour ces pistes de réflexion. Je n’avais pas du tout connaissance de cet aspect de la personnalité d’Andersen, et je n’avais pas du tout pensé à une interprétation en terme d’orientation sexuelle, mais c’est effectivement très intéressant. Merci beaucoup.
Le seul truc que j’ai lu sur Andersen et qui me semblait aussi très intéressant (mais dont je n’ai pas parlé ici car ce n’était pas ma perspective) est ce que développe Jack Zipes dans son livre « Les contes de fées et l’art de la subversion », en l’occurrence dans son chapitre sur Andersen intitulé « Hans Christian Andersen et le discours du dominé ».
J’essaie de résumer l’idée de ce chapitre en deux mots, et donc de manière très caricaturale (il vaut mieux le lire directement si ça vous intéresse, car je vais déformer) : Andersen était d’origine prolétarienne (voire « lumpenprolétarienne ») et aspirait à intégrer la haute société, à être reconnu et accepté par les classes supérieures. Ce qu’il réussit en un certain sens grâce à son succès d’écrivain, mais au prix de souffrances et sans jamais se sentir comme un membre à part entière d’aucun groupe social. Beaucoup de ses contes (donc entre autres La Petite Sirène) parleraient de ces souffrances de dominé qui cherche à intégrer le monde des dominants sans jamais vraiment y parvenir, avec le déracinement que ça implique par rapport à son milieu d’origine.
Pour l’auteur du livre, les contes d’Andersen sont profondément ambivalents en tant qu’ils retravaillent les sentiments ambivalent de l’écrivain vis-à-vis de ses origines et de la noblesse. La sympathie dans ses contes se porte vers l’opprimé et l’esclave, mais manifestent aussi un amour de la classe dominante. Je le dis très mal, mais j’espère que vous entrevoyez l’idée. Une analyse plus en terme de classes qu’en terme de genre ou d’orientation sexuelle quoi.
Et sinon, sur le passage où la sirène se travestit en homme dont parle Cisco. Il me semble que dans le conte il y a juste mention en passant du fait que le prince donne à la sirène un « costume d’amazone » pour qu’elle puisse le suivre à cheval. Et ce qui est intéressant je trouve, c’est que le dessin animé japonais insiste un peu plus sur ce détail, puisqu’il me semble que les domestiques du château commencent par donner à la sirène des vêtements du prince (donc des vêtements masculins), en insistant sur le fait que ces vêtements lui vont à ravir. Alors que, au contraire, chez Disney, on a d’abord Ariel qui, à peine transformée en humaine, commence à essayer de se trouver une tenue féminine, puis finit par revêtir au château l’inévitable robe de princesse (bien rose, bien féminine), dans un esprit à l’opposé de la version japonaise donc…
Ah oui, bien vu. Le sentiment attirance/répulsion, la honte de soi, le reniement… sont très cohérents dans le contexte de l’ascension sociale. Je ne savais pas ça.
C’est ça qui fait de ce conte un classique aussi riche, les sentiments qu’il décrit peuvent être interprétés de pleins de façons possibles.
(Je ne comprends pas bien l’histoire des soutien-gorges. J’imagine mal un dessin animé pour enfants où tout le monde a les seins à l’air. C’est juste par pudeur, non? Comme quand on met un slip à Tarzan…)
Coucou,
Je met ici en vrac, pas vraiment mega reflechi, mes idees sur le soutien gorge. J’ecris sur un clavier qwerty donc il n’y a pas d’accent, et c’est ecrit a l’arrache donc ptet des trucs confus, vous me direz si c’est le cas 🙂
perso ca me parait evident que le truc de la pudeur c’est politique. plus on va cacher des parties du corps, plus on va les rendre taboo, donc excitantes et erotisees. le coup de mettre un soutiens-gorge et pas genre n’importe quel autre vetement aussi, me semble avoir pour consequence direct d’erotiser ariel, et donc pour les gamines qui regardent ca ca leur envoie bien le message que deja vos seins faut les cacher (mais pas trop, tout le « jeu » horrible de « cacher mais montrer, mais pas trop non plus parce que oooooh c’est titillant pour les hommes »), et faut les cacher paskils sont un objet erotique, et donc en fait ils appartiennent surtout aux hommes qui les erotisent.
la pudeur ca me parait etre a la fois une cause et une consequence de la relation problematique que nous avons tous mais surtout toutes avec nos corps. je dis surtout toutes paske les nanas sont constamment jugees et renvoyees a leurs corps des qu’elles sont gamines. leurs corps leur appartient pas vraiment, et elles ont pas le droit d’en faire ce qu’elles veulent de toute facon, avec les consequences que l’on connait sur l’estime de soi de plein de nanas. yavait des chiffres dans le docu « miss representation » qui etaient assez hallucinant a ce niveau, ca portait sur le pourcentage de femmes qui etaient insatisfaites avec leurs corps a un jeune age (13 ans), puis compare au meme pourcentage a la fin de l’adolescence (17 ans). les chiffres etaient de 53% et 78%.
apparemment 40% de filles de 9-10 ans aux etats-unis ont deja essaye de perdre du poids. http://depts.washington.edu/thmedia/view.cgi?section=bodyimage&page=fastfacts
si on aurait montre ariel qui se sert PARFOIS du soutiens gorge parce que genre c’est pratique quand tu fais du sport ou quoi (et encore, a priori que quand on a des gros seins. en meme temps je ne suis pas expert), et a d’autre moment elle s’en fout totalement paskelle a pas a cacher son corps ni a l’erotiser, ca aurait ete plus intelligent a mon avis. mais bon ici le soutiens gorge c’est une injonction, en plus non-dit, ca passe comme un lettre a la poste.
apres bon, disney c’est pas les seuls pour ca, c’est constant et tellement banal que la pour le coup disney ne sont surement pas les pire, mais en meme temps cette erotisation du corps d’une gamine de 15 ans c’est pas anodin, surtout dans l’horreur anti-feministe qu’est la petite sirene de disney. ca montre bien a mon avis la volonte de disney de definir ce qu’est une femme et ce que c’est de devenir femme avec des schemas bien patriarcaux comme il faut.
les mecs ils ont bien le droit de montrer leurs nichons, ca ne choque personne, pourquoi on le refuserait aux nanas?
« Il me semble que dans le conte il y a juste mention en passant du fait que le prince donne à la sirène un « costume d’amazone » pour qu’elle puisse le suivre à cheval. Et ce qui est intéressant je trouve, c’est que le dessin animé japonais insiste un peu plus sur ce détail, puisqu’il me semble que les domestiques du château commencent par donner à la sirène des vêtements du prince (donc des vêtements masculins), en insistant sur le fait que ces vêtements lui vont à ravir. »
Je ne vois pas bien le rapport entre le costume d’amazone et des vêtements d’homme. La tenue d’amazone pour l’équitation est tout ce qu’il y a de plus « féminine » :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Amazone_(%C3%A9quitation)
C’est une robe d’équitation, avec bien évidemment l’obligation de mettre les deux jambes du même côté (pour sauvegarder la pudeur et l’hymen).
Oui, comme je le disais, je ne crois pas que ce détail ait une grande importance dans le conte, mais ce qui est marrant je trouve, c’est comment les animateurs/trices japonais-es ont interprété ce détail. Illes auraient pu effectivement habiller Marina avec une grande robe, mais illes ont préférer l’habiller en homme (ne gardant par là que la connotation « femme masculine » qu’à le mot d’« amazone »).
Je ne dis pas que c’était pertinent par rapport au conte original (et par rapport à ce qu’est une robe d’amazone), mais juste qu’il est amusant de voir les choix opérés par les japonais-es et par Disney, choix qui différent radicalement. Là où les japonais-es valorisent la sirène habillée en homme dans une course à cheval plutôt sportive, Disney nous montre Ariel en robe de princesse rose bonbon, avec ensuite une balade en calèche, avec bien sûr Eric qui conduit…
Après avoir lu cet article, j’ai relu le conte de la petite sirène et ,dans l’édition que j’ai, la traduction parle d’un costume d’homme. J’ai ensuite vu que dans la version originale, et on y trouve le terme Mandsdragt qui voudrait la tenue de l’homme. Ce qui semble plus logique, comme ça a été dit, la tenue d’amazone n’est pas du tout adaptée pour suivre au galop un homme à cheval.
Et j’ai remarqué autre chose, les souffrances physiques de la petite sirène commencent alors qu’elle est encore sirène quand sa grand mère lui pose des huîtres sur la queue pour « marquer sa haute naissance », ce qui est justifié par la phrase « il faut souffrir pour être belle »
J’ai aussi pu relever que la petite sirène trouve (comme vous l’avez mentionné) que le prince ressemble à la statue, mais ensuite on parle de « la jolie statuette de marbre qui ressemblait au prince ». C’est un détail assez intéressant il me semble.
En tous cas je vous remercie pour votre article qui m’a permis de relire ce conte!
Merci beaucoup pour ces remarques très intéressantes.
Je n’avais pas pensé à aller voir la version originale du texte, mais c’était effectivement la chose à faire pour avoir le fin mot de l’histoire. Si le texte original parle donc bien d’une « tenue d’homme » (et pas d’un « costume d’amazone », comme je l’avais dit en m’appuyant sur la traduction française que je possède), cela veut dire que les animateurs/trices japonais-es ont été encore sur ce point fidèle à l’œuvre d’Andersen. Reste à réfléchir au sens que peut avoir ce détail (auquel l’adaptation japonaise donne encore plus d’importance comme je l’ai dit).
Ce que je trouvais intéressant dans la valorisation de ce détail par les japonais-es, c’est qu’il introduisait l’idée d’une « indifférence des sexes » (je sais pas comment le dire mieux) : lorsque Marina devient adulte, elle ne devient pas « naturellement » une femme, puisqu’elle a aussi des côtés masculins qui sont valorisés par les autres personnages du film (les tenues d’homme lui vont bien, elle se débrouille très bien à cheval). Du coup, il me semble que le film japonais donne l’impression qu’il existe une « ambiguïté » sexuée/genrée de Marina qui résiste au devenir femme sous le patriarcat (cause de souffrances comme je l’ai dit). Au contraire, dans le Disney, on a l’impression que c’est tout « naturellement » qu’Ariel entre dans sa peau de femme. Le caractère arbitraire de l’injonction à la « différenciation sexuée » disparaît ainsi d’autant plus, alors qu’il reste dans la version japonaise des indices qui laissent voir que d’autres formes de socialisations (moins genrées) seraient possibles.
Sinon, en ce qui concerne le rôle de la grand-mère et l’épisode des huîtres, cela intervient, si je me souviens bien, au moment où la petite sirène est assez grande pour pouvoir monter à la surface. Je trouve du coup que faire de cet épisode le début de la douloureuse éducation à la féminité est très cohérent. Le monde des humains, c’est à mon avis en un sens le monde des adultes, le monde où la sirène va devenir une « vraie femme ». Les souffrances commencent donc logiquement quand on la prépare à entrer dans ce monde, à devenir une femme.
Et pour la mention de la « jolie statuette de marbre qui ressemblait au prince », en quoi trouvez-vous cela intéressant ? Personnellement, je me dis que le fait que la comparaison aille ainsi ensuite dans « le sens inverse » (c’est la statue qui ressemble au prince et plus le prince qui ressemble à la statue) n’enlève rien au primat du fantasme sur la réalité. Mais peut-être que cela introduit une complexité dans le propos, puisqu’on nous montre alors en quoi fantasme et réalité s’entremêlent de manière assez inextricable, et peut-être aussi comment le fantasme donne l’illusion de se fonder sur la réalité alors qu’il est au départ une construction. Ce détail est intéressant en tout cas.
Très bon article, bravo. Je ne verrai plus le conte d’Andersen de la même façon.
Il y a aussi quelque chose qui me dérange profondément avec Ariel: sa « tenue » quand elle est sirène. Pourquoi porte-t-elle un soutien-gorge en coquillages sous l’eau?
Logiquement, un soutien-gorge a quatre usages possibles (pas forcément incompatibles):
1) Empêcher les seins de balloter,
2) Être confortable,
3) Cacher une partie du corps que les femmes et les ados n’ont pas forcément envie de montrer à tout le monde,
4) Être sexy.
Voyons un peu ce qu’il en est avec Ariel et ses soeurs:
1) Elles vivent sous l’eau. Logiquement, quand on nage en permanence, on n’a pas besoin de soutien-gorge.
2) ça m’étonnerait vraiment qu’un sous-vêtement rigide en coquillages soit confortable. J’ai déjà du mal avec certains modèles à armatures (pardonnez-moi de raconter ma vie) alors des coquillages… Au secours!
3) On est dans un Disney, d’accord, pas dans Kirikou. Les animateurs n’auraient sans doute pas osé montrer une poitrine nue aux enfants de l’Amérique puritaine. Seulement, si j’ai bien regardé, TOUTES les sirènes du film portent ce genre de soutien-gorge inconfortable, à une exception près: Melody, la fille d’Ariel, qui apparaît dans la suite du film et porte un simple débardeur. Elle a douze ans.
4) Il s’agit d’une tenue sexy, c’est son seul usage. Les animateurs auraient pu mettre des débardeurs (par exemple) à toutes les sirènes, ou même à la moitié d’entre elles. Au lieu de cela, ils ont donné des tenues sexy inconfortables à toutes les sirènes qui ont quelque chose à mettre dedans. Et l’une d’elle a à peine 16 ans!
Moralité: les héroïnes Disney doivent souffrir pour être « belles »!
Oui, j’ai l’impression que le plus important ce n’est pas l’âge de l’héroïne mais plutôt l’âge des spectatrices du dessin animé, que l’on invite à s’identifier à l’héroïne. Je me demande par exemple quel message on envoie à une gamine de 6 ans en lui montrant une héroïne avec un soutien gorge. J’ai l’impression que ça participe de la même logique de féminisation/sexualisation qui est à l’œuvre dans la manière dont Disney maquille Ariel (en « naturalisant » en plus ce maquillage, comme j’ai essayé de le montrer).
A noter que dans la version japonaise, l’héroïne et les autres sirènes n’ont pas de soutien-gorge, et cette nudité n’est pas du tout sexualisée.
Je crois qu’ils ne se sont pas cassé la tête, ils ont repris le look des sirènes de Peter Pan.
Il ne faut pas voir de la manipulation partout!
J’ai vu ce film à 6 ou 7 ans et croyez-moi que je ne me disais pas que j’allais me mettre des coquillages sur le torse ni je pensais à mes futurs soutien-gorges. Tout ça est venu à l’adolescence et j’avais oublié Disney à ce moment-là… plutôt je n’ai JAMAIS fait le lien. Moi en tous cas, les autres j’en sais rien…
Pareil pour Sébastien le crabe « noir ». J’ai pas, mais alors pas du tout fait le lien avec un noir O_o Peut-être parce que j’ai regardé la version espagnole du dessin animé quand j’étais petite et que celui-ci est doublé par un espagnol du sud (ou alors un cubain, j’ai jamais réussi à bien identifié l’accent) mais bon, je sais pas, j’ai jamais fait ces associations en regardant les films. Il faut vraiment que ce soit frappant, grotesque pour que je tilte.
De plus, j’ajouterais que quand on est gosse, on ne fait pas gaffe aux paroles, encore moins celles des chansons. Ursula a beau dire à Ariel de la fermer pour mieux séduire, j’ai capté ces paroles l’année dernière (et j’ai 24 ans!) en regardant par hasard la vidéo sur Youtube. Mais quand j’étais gosse, ça avait dû me passer par une oreille et sortir par l’autre. Et même si inconsciemment ça avait pu avoir un effet quelconque, ça n’a pas vraiment marché car je ne me « tais pas » pour plaire aux hommes.
Moi je crois qu’on peut reprocher que tel film ait telle ou telle influence, mais je pense que seule une certaine catégorie de personnes est facilement influençable. En grandissant normalement, on arrive à faire la part des choses.
L’article est très intéressant. J’ai toujours regardé beaucoup de Disneys dans mon enfance, et j’attends toujours vos articles sur le sujet avec une grande impatience, parce que je trouve essentiel de pouvoir déconstruire ces productions qui font tellement « partie de moi ». « La petite sirène » en particulier est un de mes préférés, mais il comporte visiblement un grand nombre de messages toxiques ! Merci beaucoup pour cette analyse. Et sinon, certaines légendes des images sont absolument tordantes 😀 qui a dit que les féministes n’ont pas d’humour ?
Il y a quelque chose que je ne comprend pas dans votre analyse. Vous critiquez Disney parce qu’il met en valeur l’idée qu’une femme ne doit pas souffrir pour être féminine et se faire aimer par un homme ?
C’est un peu contradictoire… Je trouve que le message véhiculé par Andersen comme quoi la petite sirène va souffrir toute sa vie de femme bien plus machiste et rabaissant.
Personnellement, je ne souffre pas quand je me maquille et préfère m’habiller de façon confortable sans pour autant me sentir rabaissé dans mon image de femme parfaite que je suis sensée véhiculer.
Encore une fois, vous dénoncez Disney pour avoir fait l’apologie du modèle du couple hétérosexuel… Hum… Je vous rappelle la date de sortie du film ?
On commence juste à voir sortir de nombreux films parlant de l’homosexualité sans être tabou… La petite sirène est sorti il y a un peu plus de 20 ans où les valeurs véhiculées n’étaient pas les mêmes.
De plus, j’ai grandi en regardant des disneys (je ne vais pas les trouver sacro-saint, petite déjà, je trouvais Ariel assez niaise dans sa façon d’agir) et ça ne m’a pas spécialement influencée dans mes choix futurs.
Disney a choisi d’édulcorer le conte d’Andersen afin de lui donner une fin plus heureuse et histoire de ne pas traumatiser des tas de petites filles à base de « regarde comment tu finiras si tu approches les hommes ». Cette version-là est beaucoup plus agressive. J’ai l’impression d’être une des rares femmes à ne pas m’auto-consummer à l’approche de tout objet phallique.
Encore une fois, vous prétendez analyser le dessin-animé sous de nombreux angles mais j’ai eu l’impression durant ma lecture que le féminisme en était le seul.
Je ne dis pas que c’est mal, mais ce site ressemble à un disque qui saute en analysant chaaaaque film sous le prisme du féminisme. Dans chaque article, il va y avoir un moment où le mot « phallus » sera utilisé de façon péjorative. Relax les mecs, c’est pas votre faute si on vous a doté d’un truc qui pendouille hein…
« Il y a quelque chose que je ne comprend pas dans votre analyse. Vous critiquez Disney parce qu’il met en valeur l’idée qu’une femme ne doit pas souffrir pour être féminine et se faire aimer par un homme ? »
Non, je critique Disney parce qu’il invisibilise les souffrances des femmes qui se conforment à ce que le patriarcat leur enjoint d’être, alors que conte d’Andersen, lui, ne les nie pas. Disney perpétue la mystification des femmes opérée sous le patriarcat : « Soyez belles, conformez-vous aux normes de beauté, soyez féminines, recherchez avant tout l’amour d’un homme, et vous serez heureuses ».
« Personnellement, je ne souffre pas quand je me maquille et préfère m’habiller de façon confortable sans pour autant me sentir rabaissé dans mon image de femme parfaite que je suis sensée véhiculer. »
J’ai l’impression que vous mélangez peut-être plusieurs choses. Quand je parle de souffrances physiques, je ne pense pas au maquillage (qui est plutôt quelque chose qui prend du temps et de l’argent), mais plutôt aux vêtements contraignants types chaussures à talons, ou aux souffrances liées à la correspondance aux normes de beauté (régimes, maladies type anorexie, ou plus généralement les souffrances liées au fait de se sentir trop moche, trop grosse, etc.).
Après je n’ai rien contre le maquillage en soi. Ce qui me gêne, c’est la manière dont il sert les intérêts des dominants dans notre société patriarcale (en étant imposé aux femmes, et seulement aux femmes). Pour moi, c’est lié à des formes d’oppression. Si tout le monde, quel que soit son sexe, avait le choix de se maquiller ou pas comme ille le souhaite, je trouverai ça super à tout point de vue le maquillage. Sauf que ce n’est pas le cas dans la société dans laquelle nous vivons.
Et après, tant mieux si vous vous habillez « de façon confortables » sans que cela vous soit reproché et en le vivant très bien. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas de toutes les femmes. Je ne pense pas que les femmes aient aujourd’hui autant le choix que les hommes de s’habiller à leur gré, entre autres « de façon confortable ». J’ai l’impression qu’elle subisse beaucoup plus de pression sociale à ce sujet.
« Encore une fois, vous dénoncez Disney pour avoir fait l’apologie du modèle du couple hétérosexuel… Hum… Je vous rappelle la date de sortie du film ? »
Les homosexuel-le-s/bisexuel-le-s/pansexuel-le-s n’existaient pas en 1989 ?
« De plus, j’ai grandi en regardant des disneys (je ne vais pas les trouver sacro-saint, petite déjà, je trouvais Ariel assez niaise dans sa façon d’agir) et ça ne m’a pas spécialement influencée dans mes choix futurs. »
Je n’ai pas dit que tou-te-s les spectateurs/trices absorbaient les normes Disney comme des éponges. Heureusement que ce n’est pas le cas d’ailleurs. J’analyse juste le propos tenu par le film.
« Encore une fois, vous prétendez analyser le dessin-animé sous de nombreux angles mais j’ai eu l’impression durant ma lecture que le féminisme en était le seul.
Je ne dis pas que c’est mal, mais ce site ressemble à un disque qui saute en analysant chaaaaque film sous le prisme du féminisme. Dans chaque article, il va y avoir un moment où le mot « phallus » sera utilisé de façon péjorative. Relax les mecs, c’est pas votre faute si on vous a doté d’un truc qui pendouille hein… »
Je vous ai déjà répondu sous l’article sur Millenium sur le « truc qui pendouille ». Il y a une différence entre posséder un pénis et exercer une domination.
Je n’ai pas prétendu « analyser le dessin-animé sous de nombreux angles ». Juste en fonction de ce qui m’intéressait : d’un point de vue politique, et en particulier féministe.
Si vous préférez d’autres approches du film, rien ne vous empêche de lire d’autres choses. Mais pourquoi me reprocher de faire la lecture que je fais. C’est pas comme si ce genre de lectures étaient hégémoniques en France et que tous les critiques ciné analysaient cette dimension des films…
pour ma part, c’est du délire pur tout ça! pourriez vous cessez de gâcher un des plus beaux dessins animés de mon enfance en racontant que telles ou telles scènes est racistes,anti-féministes ou sexuelles?? ça serait vraiment pas mal! voir le mal partout, c’est extrêmement lassant! et je l’ai vu 250 fois au moins et je n’ai rien remarqué d’aussi malsain. je dirais que tout provient de votre imagination!
Serena a raison monsieur Rigouste, vous avez l’esprit mal placé et mal tourné. Et encore une fois, Sébastien n’est pas noir ! Je doute qu’ils pensent à tout ça lorsqu’ils font un film d’animation pour têtes blondes. Comment voulez-vous qu’une tête blonde voit le symbolisme d’une sirène qui émerge d’un squelette de monstre marin pour prendre sa première goulée d’air en tant qu’humaine ? À quoi cela servirait-il d’abord ? Réservez les analyses de ce genre aux films destinés à un public plus âgé je vous prie !
ça se discute. En version originale, le doublage est assuré par Samuel E. Wright, qui est noir. Et les studios Disney sont connus pour dessiner et animer leurs personnages après avoir enregistré les acteurs, dont ils s’inspirent ensuite pour le jeu, les mimiques, les traits parfois. Et en version française, Sébastien est doublé par Henri Salvador (pas besoin de vous le présenter, je pense).
La diction du personnage et son visage permettent de constater que son inspiration est bien une personne noire.
Après, les intentions des réalisateurs quant à cet élément peuvent être sujettes à interprétation et discussion…
Hum… Ce n’est pas parce qu’un film est d’abord destiné aux enfants que ceux qui le réalisent n’ont pas des intentions, une vision, un concept moral ou autre à faire passer, en fonction de leurs propres philosophie, morale personnelle, religion ou que sais-je encore.
A mon sens, les films destinés aux enfants sont au contraire ceux qui méritent le plus d’attention et d’analyse, justement pour essayer de comprendre ce que l’on présente aux enfants, qui sont donc à un âge où l’on construit sa pensée critique et ses goûts. Or, ils restent très perméables aux influences extérieures, qu’ils assimilent facilement sans pouvoir se poser de questions.
Ce n’est pas parce qu’un film est destiné aux enfants que son contenu doit être considéré comme anodin. On peut être d’accord ou non avec les critiques formulées sur ce site, pour diverses raisons, cependant il me semble que considérer qu’un film pour enfants doive échapper à toute analyse de ce style n’est pas un argument recevable. Du moins, c’est ainsi que je vois les choses.
Pour ce qui est des dictats de beauté, elles sont, en règle générale, dictées par les femmes. On ne retrouve ces conneries comme quoi un femme qui fait plus qu’une taille 38 est grosse dans les magazines et presses féminines, dont la très grande majorité est tenue et dirigée par des femmes.
Au contraire, quand je parle à des hommes, je les entends bien plus souvent critiquer les filles trop maquillées, trop maigres, trop superficielles que les femmes qui en ont fait l’apologie et le modèle à suivre dans leur magazine et à la télé.
Pour ce qui est des talons, je sais de source sûre que tout dépend du type de pieds et de colonnes vertébrales. J’ai connu des filles qui pouvaient porter des talons de 20 centimètres sans en souffrir le moins du monde, et d’autres, comme moi, qui ne supporte rien qui dépasse les 2 centimètres et demi.
Pour l’anorexie, ayant une personne de mon entourage qui est anorexique, je peux vous assurer que la cause la plus répandue de l’anorexie n’est pas liée aux dictats de beauté actuelle mais à un trouble mental chez la personne ou un choque émotionnel.
Je cite wikipédia qui explique ça bien mieux que moi :
« Plus souvent rencontrée dans les couches sociales moyennes et supérieures et en Occident, l’anorexie est un trouble du comportement alimentaire dans lequel l’anorexique se sert parfois de la maîtrise de son corps pour maîtriser les relations avec son entourage, notamment sa famille. L’anorexie est parfois le compromis que trouve la personne face à un conflit qu’elle ne parvient à résoudre : chagrin d’amour, deuil. Elle se déclenche parfois en présence d’une éducation sévère, et s’accompagne d’une faible estime de soi : les anorexiques recherchent un dépassement de soi, sont souvent brillants, bons en classe. Mais ce peut être aussi la conséquence d’un simple régime quand l’obsession de maigrir devient incontrôlable. Les débuts prometteurs se soldent souvent par une situation d’échec lorsque la maladie prend le pas sur la personnalité, et laissent place à des comportements compulsifs et « maniaques » vis-à-vis de la nourriture dans lesquels s’enferme la personne. Au fur et à mesure que les années passent, plus rien n’a aucun intérêt pour le sujet sauf son obsession pour la nourriture.
L’anorexie a souvent pour conséquence la dépression, alors qu’au début la personne est en état d’hyperactivité. Elle laisse place à un isolement social important, des obsessions qui tournent autour de la nourriture au fur et à mesure des privations. Les carences alimentaires entraînent à long terme une perte d’énergie et une incapacité croissante pour la personne à résoudre ses problèmes. »
C’est une maladie qui touche également les hommes.
Pour ce qui est du maquillage, vous seriez surpris du nombre d’hommes qui se maquillent et s’occupent patiemment de leurs cheveux dans la jeunesse actuelle.
Pour ce qui est du style vestimentaire, je pense qu’à peu près une grande majorité, hommes ou femmes, a déjà porté des vêtements inconfortables à souhait parce que le vêtement en lui-même était beau, et à chaque fois que j’ai discuté fripes avec des amis, quand la plupart s’habillaient de façon un peu sophistiqué, c’était avant tout pour se faire plaisir et se trouver beau. Je n’en connais pas beaucoup qui se sont fait lyncher pour être sorti en « jean’s et t-shirt » dans la rue, au contraire, la mode actuelle privilégie le côté bohème et le fait que le plus important dans la mode, c’est le confort. Là où il y a quelques années, beaucoup de jeunes filles prenaient pour argent comptant le fait qu’un mannequin sur papier glacé était l’idéal à avoir, des campagnes de sensibilisation sont passées dans les écoles depuis pour expliquer que « Non, la mode à l’écran et dans les magazines, ce n’est pas naturel. ».
Vous me dites que les homosexuels, transexuels, pansexuels existaient déjà en 1989. Oui, ils existaient déjà mais représentaient une communauté tabou et marginale, peu acceptée par la société. Là où Disney veut surtout vendre ses nouveaux films, autant qu’ils plaisent à tous, y compris aux enfants issus de famille conservatrice, traditionnelle et homophobe. C’est malheureux mais Disney veut plaire au plus grand nombre pour augmenter son revenu au lieu de se faire fervent défenseur des populations sous-représentées. C’est un business avant tout. Puis regardez, encore actuellement, il y a eu des émeutes dans la rue à cause du mariage pour tous, je pense que les studios Disneys Pixar n’ont pas spécialement envie de se faire incendier en essayant de raconter l’histoire d’un couple homosexuel. Ils laissent ça aux films d’auteur pour adultes, qui seront à même de mieux comprendre le message transmis que des enfants qui, en général, ne se rendent même pas compte de l’existence de l’homosexualité. (sauf pour ceux qui ont été éduqués par des gentils parents leur expliquant que l’homosexualité c’est pas bien et qui les emmènent dans des manifs et qui vont bien victimiser leurs camarades élevés par un couple homosexuel et je trouve ça honteux.)
1989 ? J’avais 11 ans… Les homosexuels n’étaient pas marginaux… enfin… Pas aussi intégrés qu’ils le devraient mais les qualifier de marginaux à cette époque, cela me choque.
Ceci dit, voir une correspondance entre le conte d’Anderson et l’homosexualité, d’accord (je trouve même l’idée particulièrement séduisante), mais voir en Ursula un transsexuel… Enfin bref… La référence esthétique, si vous voulez, mais jusqu’à preuve strict du contraire Ursula est une femme. Si on interroge un enfant, même émerveillé à la sortie du film, c’est ce qu’il dira, non ?
Oui, quand je dis « marginaux », c’est un grand mot. Disons qu’ils étaient moins bien intégrés qu’aujourd’hui et que les réactions négatives à leur égard étaient moins pointées du doigt.
Coucou Wena 🙂
Je voulais reagir a certaines choses que vous avez dit qui me font un peu tilter, souvent parce que vous dites des choses sans vraiment les restituer dans leur contexte, a mon avis.
« Pour ce qui est des dictats de beauté, elles sont, en règle générale, dictées par les femmes. On ne retrouve ces conneries comme quoi un femme qui fait plus qu’une taille 38 est grosse dans les magazines et presses féminines, dont la très grande majorité est tenue et dirigée par des femmes.
Au contraire, quand je parle à des hommes, je les entends bien plus souvent critiquer les filles trop maquillées, trop maigres, trop superficielles que les femmes qui en ont fait l’apologie et le modèle à suivre dans leur magazine et à la télé. »
Alors, premierement on ne retrouve pas ce genre de conneries que dans les magazines et presses feminines, on les retrouve aussi dans plein d’autres presses et magazines. Alors peut-etre sous des formes moins detaillees, je vous l’accorde, mais c’est surtout parce que ce sont des presses ou magasines dediees a autre chose, et qui de toute facon prennent comme acquis que les femmes doivent etre jugees avant tout sur leur physique. Mais les canons de beaute sont aussi dictees par l’ensemble des medias, qui encore une fois vont TOUJOURS preter plus d’attention a l’esthetique d’une femme qu’un homme. L’autre soir je regardais (dans un moment perdu) le debut du G8, et la femme de Barack Obama a fait un speech, et tout de suite apres les « commentateurs politiques » de la BBC ont commence a parler de sa tenue vestimentaire, de ses cheveux, de son sourire, bref tout sauf son cerveau et/ou son speech (qui, perso, je trouvais totalement critiquable, mais on n’en est jamais arrive la). Et c’est un exemple parmi des centaines et des miliers, que ce soit en France, en Angleterre, ou aux Etats-Unis d’ailleurs.
Un bel exemple http://www.dailymotion.com/video/x8yt0a_erika-moulet-victime-des-ardeurs-de_fun#.UcelmjusiSo et l’article d’acrimed qui commente cette excellente illustration de l’horreur patriarcale.
Nous vivons dans une societe ou on attend des femmes qu’elles soient avant tout plaisant a regarder pour un homme (hetero), et c’est quelque chose qu’on apprend aux petites filles tres tres tot, que se soit avec des livres de jeunesses, des jouets ou des jeux, le message est souvent clair: Soigne ton apparence, petite, parce que ton succes depend surtout de ca.
C’est une violence inouie, bien sur, mais qui semble passer inapercu.
Deuxiemement, le sexisme interiorise n’en est pas moins du sexisme, et ne releve pas moins d’un systeme de domination ou les hommes sortent gagnant. L’on trouve la meme chose dans le systeme raciste, a savoir des personnes qui appartiennent a la population « racisee » qui ont tellement integrer le discours racistes qu’illes en sont arrive-e-s a y voir une realite. Le personnage de Samuel L Jackson dans Django me semble etre une bonne illustration de ce mecanisme.
Alors que plein de femmes aient interiorise (souvent des un tres jeune age, grace a l’education sexiste qu’on leur donne) les valeurs patriarcales qui veulent que les femmes doivent etre jugees par rapport a leur physique, je ne trouve rien d’etonnant a cela. Les violences (symboliques et physiques), bin malheureusement ca fonctionne, ce n’est pas un secret. A force d’exercer de la violence physique, psychologique, sociale, culturelle etc. sur les noir-e-s, les societes esclavagistes et racistes ont reussi a creer des Oncles Tom. Et, bien sur, la double violence horrible qu’elles peut ensuite exercer, c’est de pointer cet Oncle Tom du doigt et dire « Vous voyez, les noir-e-s illes aiment ca ».
C’est precisemment comme ca, a mon sens, qu’agit votre phrase (que j’interprete comme accusatrice, desole) de « c’est les femmes qui font ca ». Et vous allez meme plus loin, en dedouanant les hommes de leur place de dominant en nous faisant croire que les hommes seraient contre ce systeme et c’est les femmes qui en sont doublement responsable, car PAR DESSUS les objections (qu’on peut lire ou exactement, qu’on peut voir ou dans la culture dominante? Car je n’en vois aucune trace perso) des hommes. C’est la double violence qui consiste a rendre responsable lae domine-e de sa propre domination.
Les feministes ont parle de cette violence qui consiste a assigner les femmes a certains domaines (qui deviennet donc, aux yeux de la societe patriarcale, devalorisees), comme par exemple la maison, les enfants, le care, la mode, la beaute etc tout en leur interdisant les domaines valorisees, et ensuite les stigmatiser en critiquant leur vanite, leur meconnaissance des outils, leur faiblesse physique etc. Elles appellent ca souvent la fabrique de l’impuissance, ou alors aussi la « double bind ». La « double bind », c’est par exemple une fille qu’on va critiquer parce qu’elle ne s’occupe pas assez de son physique, et ensuite si elle s’en occupe on lui fera peut-etre remarquer (ou alors on pensera) sa vanite. Mais, dans un cas ou dans l’autre, elle est toujours dans une situation ou elle est perdante, d’un facon ou d’une autre.
La fabrique de l’impuissance, c’est reconnaitre que l’education des filles les orientent vers des domaines que la societe devalorise, et les interdit d’investir les domaines que la societe valorise. Par exemple, le rapport des filles a la violence physique. L’interdiction (a la fois formelle et culturelle, bien sur) qui pese sur les filles d’utiliser la violence (pour se defendre ou pour agresser) fait que plein de filles n’apprenent pas a se defendre physiquement, et se retrouve totalement desemparee et impuissante dans un contexte de menace ou de violence physique. Et ensuite on va dire des choses comme « Hehe oui faut un homme pour te proteger, pauvre etre fragile et sans defense. Encore heureux qu’on est la et qu’on veut bien t’aider, nous les hommes ». Ca c’est un exemple de la fabrique de l’impuissance. Et d’ailleurs pour ajouter a l’exemple, une fille qui sait se defendre et peut meme etre agressive physiquement (et qui s’autonomise donc par rapport aux hommes, qui se sont octroyes le monopole de la violence) sera souvent stigmatisee comme trop « masculine », pas assez « douce », et se retrouvera avec le « double bind ». Alors elle peut s’en foutre, la n’est pas la question. Je parle juste des pressions et stigmates sociaux qui pesent sur les femmes, au sein de notre societe qui glorifie la supremacie masculine.
« Pour ce qui est des talons, je sais de source sûre que tout dépend du type de pieds et de colonnes vertébrales. J’ai connu des filles qui pouvaient porter des talons de 20 centimètres sans en souffrir le moins du monde, et d’autres, comme moi, qui ne supporte rien qui dépasse les 2 centimètres et demi. »
Je veux bien votre source, du coup. Moi j’ai lu ca http://foothealth.about.com/od/shoessocks/a/HighHeelsBad.htm, ca http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22311060, ca http://www.osteopathic.org/osteopathic-health/about-your-health/health-conditions-library/womens-health/Pages/high-heels.aspx ou encore ca http://www.livescience.com/18690-high-heels-foot-damage.html
On pourra faire une bataille de sources comme ca 🙂
« Pour l’anorexie, ayant une personne de mon entourage qui est anorexique, je peux vous assurer que la cause la plus répandue de l’anorexie n’est pas liée aux dictats de beauté actuelle mais à un trouble mental chez la personne ou un choque émotionnel.
Je cite wikipédia qui explique ça bien mieux que moi : »
Je note en passant que vous avez retrouve foi en wikipedia. Je m’en rejouie parce que j’aime beaucoup Wikipedia 🙂
Par contre, votre citation me semble aussi souffrir d’un manque de contextualisation.
Premierement, les troubles d’alimentation (ce qui est appele « eating disorders » en Anglais) sont, de ce que j’en comprends, present tres majoritairement chez les femmes (a hauteur de 80-90%, ca varie selon les sources). Donc dire « ca touche aussi les hommes », quoique vrai, me semble assez trompeur.
Deuxiemement, cette phrase de votre citation m’a fait tique « Mais ce peut être aussi la conséquence d’un simple régime quand l’obsession de maigrir devient incontrôlable. » Lorsque l’on sait que les jeunes filles ont beaucoup plus tendance a faire des regimes que les jeunes garcons, et egalement les jeunes filles ont beaucoup plus tendance a etre insatisfaites ou mecontentes de leurs corps (http://depts.washington.edu/thmedia/view.cgi?section=bodyimage&page=fastfacts desole c’est encore en anglais), et que l’on sait que les filles et les femmes sont beaucoup plus enclins a avoir un trouble d’alimentation qu’un garcon ou un homme, l’ont peut, je pense, se poser la question de qu’est-ce qui fait que ce rapport a la nourriture semble plus problematique pour les filles et les femmes, qu’est-ce qui fait que les filles et les femmes sentent qu’elles doivent faire des regimes et se censurer de manger, qu’est-ce qui fait qu’elles sont plus mecontentes de leurs corps?
« Pour ce qui est du maquillage, vous seriez surpris du nombre d’hommes qui se maquillent et s’occupent patiemment de leurs cheveux dans la jeunesse actuelle. »
Vous comparez serieusement les deux? Ou peut-etre cherchez-vous a les mettre en parrallele, et insinuer que les hommes aujourd’hui sont autant juges et stigmatises sur leur apparence que les femmes?
Et quand bien meme cela serait le cas, il est tres clair que les criteres esthetiques avec lesquels ont sera permis de juger un homme sont vastement different que celles avec lesquels ont sera permis de juger une femme. Exemple, un homme en costard cravate, c’est classe, car notre culture assimile ca au pouvoir, et le pouvoir chez un homme, c’est vue comme une bonne chose. La meme chose ne sera pas vrai pour une femme, qui encore aujourd’hui sera plutot stigmatisee (meme si l’ont comprendra quand meme pourquoi elle le fait, le pouvoir reste tres valorise dans notre societe) si elle s’habile dans des vetements qui ont une conotation de pouvoir.
L’inverse est vrai bien sur, un homme en jupe ou robe et en rouge a levres rose sera ridiculise (croyez-moi, ca m’arrive souvent d’en porter), mais c’est peut-etre encore plus violent, et c’est interessant de voir pourquoi. Parce-qu’il s’humilie en faisant l’erreur de se RABAISSER (au yeux de notre culture qui glorifie la supremacie masculine) en se rapprochant du feminin. C’est assez interessant d’en faire l’experience, en tant que mec, car a mon avis on apprend un tas de choses sur la societe dans laquelle on vit, et pas mal de choses sur la position que tu es cense occuper en tant que mec dans notre societe. Et ca montre aussi a mon avis a quel point le « feminin » est devalorisee dans notre societe.
« Là où il y a quelques années, beaucoup de jeunes filles prenaient pour argent comptant le fait qu’un mannequin sur papier glacé était l’idéal à avoir, des campagnes de sensibilisation sont passées dans les écoles depuis pour expliquer que « Non, la mode à l’écran et dans les magazines, ce n’est pas naturel. ». »
Je ne connais pas les campagnes de sensibilisation auxquelles vous faites reference, mais pensez-vous reelement que quelques campagnes de sensibilisation dans les ecoles (apres ca depend de l’ampleur je vous le concede) peuvent suffir pour contrebalancer un matraquage relativement constant et diffuse sur de nombreux supports et medias differents?
Je m’arrete la car je dois aller me coucher :-). Je reagirais peut-etre un peu plus tard a votre paragraphe sur l’homosexualite, mais la c’est dodo!
J’aimerais savoir pourquoi valoriser le physique est mal vu et valoriser l’intellect est bien? Au fond, faire des efforts pour valoriser l’intellect ne pose pas de problèmes (s’éduquer, apprendre par cœur des formules, des dates, lire des livres…) tout ça s’est honorable, mais si on doit mettre des talons et se maquiller, ça y’est on est soumise, victime de la violence patriarcale je ne sais pas quoi.
Oui, j’aime me faire belle (et aussi cultiver mon intellect’) car en étant belle j’ai un atout supérieur par rapport à la nana qui ne se fait pas belle. C’est la loi de la jungle… et elle me convient parfaitement! J’ai choisi de miser sur les deux trucs. Du jour au lendemain les diktats de la mode et de la beauté s’arrêteraient, je continuerais de me faire belle parce que l’être humain est réceptif au physique (pas que, mais on va plus vers les gens « beaux »). C’est comme ça.
On retrouve hélas dans cet article les mêmes erreurs déplorables que dans les précédentes « analyses » de dessins animés disney. Vu qu’il a été décidé par les auteurs que disney était le mal incarné et que chacun de ses dessins animés avait pour but d’inculquer les normes hétérosexuelles-paternalistes-antiféministes et éventuellement monarchiques, tout dessin animé « doit » nécessairement correspondre à cette définition. Au lieu de faire une analyse un peu objective du film, on se retrouve avec une description biaisée, chaque élément du film est présenté de sorte à coller avec votre thèse, tout ce qui pourrait la contredire est passé sous silence ou déformé. Au final, on constate que la quasi-totalité des points pourraient être interprétés dans un sens totalement opposé. Plusieurs éléments de votre raisonnement m’ont particulièrement interpelé.
1)Le conte d’Andersen est présenté comme très positif car il présente une critique du patriarcat. Visiblement, vous considérez qu’il s’agit d’une critique parce que la jeune fille souffre pour devenir la femme séduisante stéréotypée, et finit par en mourir, tandis que chez disney elle devient parfaitement heureuse de sa transformation. On pourrait tenir le raisonnement inverse. Ainsi, on remarque que chez Andersen, la petite sirène attend gentiment ses quinze ans, se pliant ainsi sans broncher aux règles d’un modèle patriarcal interdisant aux jeunes filles de sortir de chez elles avant un certain âge, tandis que chez disney la jeune fille est plus rebelle, échappant à l’autorité paternelle à de multiples reprises pour finalement changer de monde de son propre chef. Triton est d’ailleurs totalement impuissant dans le film: il ne parvient ni à commander sa fille, ni à vaincre Ursula, et ne sert au final qu’à entériner le choix de sa fille de vivre sur la terre ferme. De même, chez Andersen, on a une belle leçon de « morale » quand la sirène est trahie par son prince, malgré tous les sacrifices auxquels elle a consenti. Ses sœurs lui offrent un moyen de retrouver sa liberté, de cesser d’être sous la coupe d’un homme qui la trompe, et malgré tout elle choisit de mourir plutôt que de faire du mal au prince. Moralité: l’homme peut lui faire subir toutes les horreurs possibles, la femme doit quand même se sacrifier pour lui.
Ce ne sont que quelques exemples de la facilité avec laquelle on peut interpréter tant le conte que le film de manières diamétralement opposées. On peut faire dire n’importe quoi à ce film, si on a décidé que c’était ce qu’il fallait lui faire dire, et c’est ce que vous faites en décidant de lui coller l’étiquette « défenseur du modèle oppresseur des femmes ».
2)Que la transformation de la sirène à la femme symbolise le passage de l’enfance à l’âge adulte, pas de doute. Mais vous semblez considérer que « devenir femme » signifie « devenir une femme séduisante, correspondant aux normes de beauté féminine », ce qui est loin d’être certain. Chez disney, comme vous le rappelez plus loin, la sirène ne devient pas plus belle par sa transformation en femme. Maladroite sur ses jambes et dans ses gestes, dans une robe de fortune, on est loin des normes d’élégance. De même, c’est parce qu’elle est muette qu’elle ne parvient pas à séduire son prince, alors qu’Ursula y parvient sans problème grâce à la voix volée. Vous prétendez que « Disney reconduit au contraire la mystification : « soit belle, tais-toi, et tu séduiras l’homme de tes rêves qui te rendra heureuse » », mais on observe que se conformer à ces normes ne suffit pas à séduire le prince. La femme courageuse et capable de converser normalement est de loin supérieure à la poupée muette, qui se ridiculise constamment. La beauté ne fait pas tout, la voix (donc la parole, la conversation, bref tout ce qui se rapporte à l’intelligence) est nécessaire pour atteindre son rêve. Et avant qu’on me dise que présenter comme « rêve » le mariage avec le prince est dégradant pour la femme, je rappelle que pour l’homme aussi (le prince) l’objectif est d’épouser sa bien-aimée. La petite sirène rêve d’amour quand ses proches se contentent d’une vie assez futile et superficielle et le prince rêve d’amour quand ses proches lui offrent une vie d’homme stéréotypé, faite de vantardise (la statue) et de fastes (la vie de château, à laquelle il échappe pour jouer de la flûte). On peut critiquer la niaiserie du rêve du « grand amour », mais c’est un thème commun à la quasi-totalité des films pour enfants, et même de certains pour adultes, et il n’est pas intrinsèquement négatif au moins.
3)En ce qui concerne la statue, vous trouvez plus conforme aux normes machistes la femme qui désire la statue (donc la représentation stéréotypée de l’homme) parce qu’elle y voit une ressemblance avec celui qu’elle aime, que la femme qui désire l’homme parce qu’il ressemble à la statue? J’avoue avoir un peu de mal à comprendre. Donc, dans le conte original et le film japonais la petite sirène apprend à désirer la représentation caricaturale de l’homme viril et tombe amoureuse de l’homme qui s’en rapproche le plus, et vous trouvez cela parfait, tandis que chez disney où la petite sirène tombe amoureuse d’un homme (ce qui arrive dans la vraie vie) puis apprend à désirer la représentation caricaturale uniquement pour les ressemblances qu’elle y voit avec son amour. On note d’ailleurs que dans cette scène, la sirène admire plus le visage, donc la partie la plus proche de la réalité que de la caricature, et délaisse le reste du corps dopé aux hormones: elle s’intéresse à ce qui lui rappelle une personne, pas aux muscles qu’on lui a greffé.
4) »Et effectivement, à partir du moment où Ariel aura rencontré le prince, le film se focalisera sur l’histoire d’amour, et tout le reste passera au second plan. » Oui Ariel ne va plus fouiller les épaves de navires à la recherche d’objets capables d’étancher sa soif de connaissance. Par contre, elle fait tout son possible pour comprendre le monde (entièrement nouveau) qui l’entoure, donc continue malgré tout à apprendre. Et rappelons au passage que, bien malgré elle, sa capacité à « poser des questions » est entièrement dépendante de sa capacité à séduire le prince puisque sa voix lui a été retirée.
5)On pourrait continuer longtemps comme ça à relever tous les moments où le raisonnement est soit faussé, soit si facile à inverser qu’il n’a plus aucune valeur. Le prince » d’emblée posé comme un personnage actif et puissant physiquement », alors que, jusqu’à la toute fin, il ne fait pas montre d’une grande force physique, reste assez passif et même entièrement dépendant de la sirène qui lui sauve la vie. On cherche en vain le Hercules stéréotypé capable de nager dans la pire des tempêtes. Le trident » symbole phallique de son pouvoir souverain », cette phrase montrant bien l’obsession de certain à tout ramener au sexe… Je ne pensais pas qu’il faudrait rappeler que si le dieu des océans Poséidon a un trident, cela n’a rien à voir avec un quelconque symbole phallique mais plutôt avec un outil de pêche pouvant évoquer un sceptre. Si Disney a donné un trident à son Neptune local, ce n’est pas un point à interpréter n’importe comment, mais simplement un respect de la mythologie grecque. Un peu comme quand on voit que les animaux du « Roi Lion » sont dirigés par un monarque félin non pas pour faire l’apologie de la monarchie mais parce que le lion est « le roi des animaux », et représente le roi depuis des siècles. De même, faire l’opposition bon/mauvais souverain n’a absolument rien de condamnable. Quel que soit le régime politique, il y a de bons et de mauvais gouvernants, apprendre aux enfants d’abord que tout chef n’est pas juste, pas digne de régner, et ensuite que l’attrait du pouvoir peut mener aux pires horreurs, est-ce négatif? On ne fait que leur apprendre, de façon simple, à se méfier des ambitieux et à rejeter la tyrannie (au final c’est un simple humain, donc très bas dans la « hiérarchie » des océans, qui renverse la dictatrice). « Eric, qui portera un coup fatal à la sorcière en la pénétrant littéralement de son bateau. Difficile de faire plus symbolique comme meurtre… », en ce cas cela signifie que, pour échapper à votre impitoyable analyse, il est interdit aux réalisateurs de faire tuer quelqu’un en le transperçant avec une épée ou tout autre ustensile pointu, sous peine de recevoir le qualificatif de « mort à connotation sexuelle »?
6)Je reviens sur votre dernier paragraphe, assez amusant, car vous semblez vous moquer de ceux qui énoncent la simple vérité, à savoir que Disney cherche à attirer des enfants au cinéma, et que le conte d’Andersen, qui se réduit à une succession de souffrance (la transformation, la douleur de marcher, la mutité, les cheveux des sœurs) et s’achève par un choix cornélien (tuer son amour ou se tuer soi-même), un rêve brisé et la mort de l’héroïne, est bien trop dur pour des enfants. Eh bien si, Disney essaye de faire rêver les enfants (pour gagner de l’argent) pas de les terroriser. Et ce n’est pas en leur expliquant que c’est une symbolique du passage à l’âge adulte qu’il sera possible de les rassurer. Pour ce qui est de la « cohérence politique » de ce film, je pense avoir donné un bon nombre d’exemples montrant qu’il est extrêmement facile de trouver une telle cohérence si on en décide ainsi au moment de l’analyse. Vous auriez pu dire que ce dessin animé faisait l’apologie du féminisme sans aucune difficulté, pour peu de tourner l’analyse dans un certain sens. C’est ce que j’ai fait un peu plus haut, vous avez fait le choix contraire, les deux analyses sont aussi biaisées l’une que l’autre, puisqu’au final nous ne faisons que faire dire au film ce que nous voulons qu’il dise. La différence est que j’étais parfaitement conscient de la façon dont mon analyse était exagérée (disney n’essaye bien sûr pas de militer pour le féminisme), j’espère vous avoir fait prendre conscience du fait qu’il en était de même avec la vôtre.
7)Enfin, un ultime détail, mais arrêtez d’écrire des phrases comme » bon-ne et mauvais-e souverain-e ». Il y a une chose qui s’appelle la langue française, et qu’on essaye normalement de respecter quand on écrit un article. On dit « les japonais » et pas « les japonais-es », il s’agit juste d’écrire en français correct et ce n’est pas du machisme que de respecter les règles de grammaire. Si votre but en écrivant ainsi est de prouver au monde entier que vous êtes plus féministe que votre voisin, c’est inutile, ce que l’on dit et fait est bien plus important que de massacrer la langue française simplement pour bien préciser que vous n’oubliez pas les japonaises (inclues cependant dans le pluriel « les japonais » qui comprend hommes et femmes). La cause féministe a bien plus à gagner à se battre contre les préjugés et les discriminations qui gangrènent encore notre société qu’à faire ce genre de provocations qui ne font, au final, que ridiculiser une juste cause.
Excusez-moi, je réponds un peu tard à votre commentaire car je suis assez pris en ce moment. Et aussi parce que j’ai hésité à vous répondre, votre ton péremptoire et condescendant m’ayant assez refroidi. Mais je tente quand même…
D’abord, en ce qui concerne votre posture, vous me faites penser à l’individu du nom de G.T. qui a posté récemment ses commentaires méprisants sous l’article traitant de Millenium. Vous adoptez le même ton et vous avez le même gros « argument », à savoir : « on pourrait interpréter le film dans le sens opposé, parce que vous ne voyez dans les films ce que vous avez décidé a priori d’y voir ». Mais j’ai l’impression ce genre d’ « arguments » reposent sur un présupposé assez douteux, car ils consistent au fond à dire : « vous avez une lecture biaisée, alors que moi j’arrive à être objectif ». Et bizarrement, la lecture biaisée, c’est très souvent la lecture féministe qui ose trouver du sexisme dans les films. Par quel miracle arriveriez-vous à être objectif ou neutre alors que moi non ? Ne pensez-vous pas que vous avez, tout comme moi, des positions politiques qui influencent votre manière d’interpréter les films (positions politiques qui transparaissent de manière assez flagrante dans votre dernier paragraphe, transpirant le mépris et le dogmatisme, qui nous explique (comme tant d’autres antiféministes avant vous) que le féminisme n’a pas à mener de combat là où on a la bêtise de le croire, mais ailleurs. C’est bizarre, mais j’ai l’impression qu’à écouter certains, ce n’est jamais le bon moment et le bon endroit pour le féminisme. Bizarre…)
Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ?
J’essaie maintenant de répondre à vos objections de détail.
1/ « Le conte d’Andersen est présenté comme très positif car il présente une critique du patriarcat. Visiblement, vous considérez qu’il s’agit d’une critique parce que la jeune fille souffre pour devenir la femme séduisante stéréotypée, et finit par en mourir, tandis que chez disney elle devient parfaitement heureuse de sa transformation. On pourrait tenir le raisonnement inverse. Ainsi, on remarque que chez Andersen, la petite sirène attend gentiment ses quinze ans, se pliant ainsi sans broncher aux règles d’un modèle patriarcal interdisant aux jeunes filles de sortir de chez elles avant un certain âge, tandis que chez disney la jeune fille est plus rebelle, échappant à l’autorité paternelle à de multiples reprises pour finalement changer de monde de son propre chef. »
Je ne vois pas pourquoi vous dites « on pourrait tenir le raisonnement inverse », puisque vous ne tenez pas du tout le « raisonnement inverse », vous vous focalisez sur d’autres éléments (dont j’ai parlé aussi). Mais passons sur ce sophisme…
Vous avez l’air de dire que le fait que La petite sirène d’Andersen « se plie ainsi sans broncher aux règles d’un modèle patriarcal » ferait du conte d’Andersen un conte patriarcal. Mais tout dépend de comment cela est montré. Or justement, comme je l’ai dit, chez Andersen, cette soumission au patriarcat est montrée comme la cause de grandes souffrances, puis de mort. Il y a donc là condamnation du patriarcat, et pas valorisation. Vous voyez ce que je veux dire ?
Après, pour Disney, je vous rappelle que j’ai parlé de cette dimension rebelle d’Ariel. Mais à mon avis, il importe de la replacer dans le film pris en son entier. Elle est un peu rebelle au début, mais au final elle ne rêve que d’une chose, être l’épouse de son prince (et avec la bénédiction de papa à la fin en plus). Moi j’appelle pas ça du féminisme. Après, peut-être que vous ça vous suffit, mais c’est juste qu’on a pas la même conception du féminisme, c’est tout.
« De même, chez Andersen, on a une belle leçon de « morale » quand la sirène est trahie par son prince, malgré tous les sacrifices auxquels elle a consenti. Ses sœurs lui offrent un moyen de retrouver sa liberté, de cesser d’être sous la coupe d’un homme qui la trompe, et malgré tout elle choisit de mourir plutôt que de faire du mal au prince. Moralité: l’homme peut lui faire subir toutes les horreurs possibles, la femme doit quand même se sacrifier pour lui. »
Effectivement, ce passage d’Andersen est un moment très ambigu. Encore une fois, pas la peine d’essayer de me faire dire ce que je n’avais pas dit, car j’avais bien précisé au début de l’article que « le conte original est trop ambigu pour être réduit à un propos univoque et explicite ». Et ce passage était un de ceux que j’avais en tête lorsque je disais cela. Après on peut discuter ensemble de l’ambivalence du conte d’Andersen, mais juste si vous avez envie de vraiment parler avec moi, et pas juste de disqualifier a priori l’approche féministe des films avec des arguments spécieux et de la mauvaise foi. Dites-moi si c’est le cas…
2/ « Mais vous semblez considérer que « devenir femme » signifie « devenir une femme séduisante, correspondant aux normes de beauté féminine », ce qui est loin d’être certain. Chez disney, comme vous le rappelez plus loin, la sirène ne devient pas plus belle par sa transformation en femme. Maladroite sur ses jambes et dans ses gestes, dans une robe de fortune, on est loin des normes d’élégance »
A partir du moment où Ariel acquiert des jambes et devient une femme, elle doit apprendre à devenir une vraie femme, correspondant aux normes de la féminité. Et je trouve qu’on voit bien tout ce travail dans le Disney. A peine est-elle sortie de l’eau qu’elle essaie de se faire une coiffure séduisante pour son prince et de s’habiller joliment pour lui. Elle ne se met pas juste une voile autour d’elle avec ses cheveux en bataille. Non, elle essaie de devenir sexy, en demandant l’avis du goéland. Et lorsqu’elle arrive au château, ouf, on lui donne une belle robe bien féminine et bien rose.
Donc à mon avis, il y a aussi cette métaphore du devenir femme chez Disney, sauf que contrairement à chez Andersen où c’était représenté comme un chemin de croix, là c’est rigolo et source de plaisir.
« De même, c’est parce qu’elle est muette qu’elle ne parvient pas à séduire son prince, alors qu’Ursula y parvient sans problème grâce à la voix volée. Vous prétendez que « Disney reconduit au contraire la mystification : « soit belle, tais-toi, et tu séduiras l’homme de tes rêves qui te rendra heureuse » », mais on observe que se conformer à ces normes ne suffit pas à séduire le prince. »
Pas exactement, car le prince est à deux doigts de l’embrasser sur la barque, la seule chose qui l’en empêche, c’est l’intervention d’Ursula la diabolique.
Et de plus, Ariel finit quand même par décrocher le prince, et pas grâce à « la parole, la conversation, bref tout ce qui se rapporte à l’intelligence » pour reprendre vos mots, car les deux amants n’ont aucune discussion avant de se marier. Eric élimine la sale Ursula, et hop, mariage. Donc Disney ne valorise pas du tout l’intelligence et la conversation à mon avis. Vous n’êtes pas d’accord ?
« Et avant qu’on me dise que présenter comme « rêve » le mariage avec le prince est dégradant pour la femme, je rappelle que pour l’homme aussi (le prince) l’objectif est d’épouser sa bien-aimée. »
On ne peut pas comparer l’aspiration d’Ariel à trouver l’homme de sa vie et l’aspiration d’Eric à trouver la femme de sa vie, car on est dans le film « La petite sirène », donc un film qui tourne avant tout autour d’un personnage féminin. Il n’y a rien de symétrique là-dedans, il n’y a qu’à comparer les films de Disney avec un protagoniste masculin et ceux avec un protagoniste féminin pour se rendre compte que l’amour est beaucoup plus le sujet central dans les seconds. Aux petites filles, on apprend que l’amour (d’un homme évidemment) est la chose la plus importante de leur vie, alors qu’aux petits garçons, on explique qu’ils peuvent accomplir plein de choses, et que s’ils réussissent, ils auront une jolie fille qui les aime en récompense. Ce n’est pas du tout la même chose à mon avis.
« On peut critiquer la niaiserie du rêve du « grand amour », mais c’est un thème commun à la quasi-totalité des films pour enfants, et même de certains pour adultes, et il n’est pas intrinsèquement négatif au moins. »
L’amour ce n’est pas quelque chose d’intrinsèquement négatif non. Mais marteler que seul le « grand Amour » peut donner sens à la vie des individus (et en particulier des femmes), ça c’est « intrinsèquement négatif » pour moi.
Que faites-vous par exemple des gens qui souffrent de ne pas trouver le « grand Amour » ? Parce qu’ils existent dans la réalité ces gens. Est-ce qu’ils ne seraient pas plus heureux dans une société qui ne considère pas l’Amour comme l’aboutissement de toute existence (et en particulier des femmes encore une fois) ? Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ?
Et est-ce que le fait que le « grand amour » soit «un thème commun à la quasi-totalité des films pour enfants, et même de certains pour adultes » est une raison pour ne pas le critiquer ?
Je m’arrête peut-être ici parce que je sens que si je reprends vos points un par un, ça fera un pavé énorme. De toute façon, je ne suis pas sûr de l’utilité de l’entreprise, car il me semble que c’est surtout votre position de départ (qui consiste à refuser à mon avis l’approche féministe des films) qui est à l’origine de vos objections (et pas un quelconque regard objectif ou neutre sur les films).
Dites-moi si vous comprenez ce que je veux dire. Et si jamais vous vouliez discuter (et pas juste m’apprendre la vie), peut-être pouvez-vous juste vous concentrer sur un ou deux points qui vous tiennent vraiment à cœur, ou qui vous semblent particulièrement représentatifs. Pour que l’on puisse plus développer sans avoir à écrire des pavés tellement énormes qu’ils en deviennent imbuvables. Mais encore une fois, c’est si vous voulez discuter AVEC moi, et pas juste m’expliquer que j’ai tort de lire des films d’un point de vue féministe et tort de féminiser la langue, bref que j’ai tort d’être proféministe…
J’arrive après la bataille (longtemps après la bataille, même, mais on fait ce qu’on peut). Je me permets quand même de réagir car je trouve le commentaire de Pazair très bien écrit et très vrai (et pas du tout condescendant, en tout cas pas plus que le ton de vos réponses lorsqu’on essaie de vous opposer une analyse différente). J’ai eu le courage de lire ces pavés en entier, et je constate que vous démontez l’analyse ci-dessus au motif que « c’est surtout votre position de départ (qui consiste à refuser à mon avis l’approche féministe des films) qui est à l’origine de vos objections (et pas un quelconque regard objectif ou neutre sur les films) ».
Or, Pazair précise dans son commentaire, et ça ne vous aura sûrement pas échappé : « les deux analyses sont aussi biaisées l’une que l’autre, puisqu’au final nous ne faisons que faire dire au film ce que nous voulons qu’il dise. La différence est que j’étais parfaitement conscient de la façon dont mon analyse était exagérée ».
Il ne cherchait pas à critiquer le féminisme, simplement votre lecture des films en général, et de La Petite Sirène en particulier. Et pour se faire, il s’est contenté d’inverser la grille des lectures que vous utilisez, pour donner une autre vision du film, non moins biaisée, mais en ayant conscience de le faire. Votre argumentation ne tient donc pas…
Ah d’accord, merci, je n’avais pas conscience que mon interprétation était complètement « biaisée » et que de toute façon on-peut-faire-dire-aux-films-n’importe-quoi-puisque-les-films-ne-disent-rien-en-fait. Mais pourquoi continuez vous de lire nos analyses alors, si elles sont de toute façon et par principe totalement « biaisées » ? Snif… je vous sens déjà vous éloigner et cela m’attriste profondément…
Coucou,
Il ne cherchait pas à critiquer le féminisme, simplement votre lecture des films en général, et de La Petite Sirène en particulier. Et pour se faire, il s’est contenté d’inverser la grille des lectures que vous utilisez, pour donner une autre vision du film, non moins biaisée, mais en ayant conscience de le faire. Votre argumentation ne tient donc pas…
Pardonnez-moi, mais je trouve ce propos absurde. L’on peut, c’est évident, faire dire à n’importe quelle oeuvre d’art absolument n’importe quoi, là n’est pas la question. La question, c’est est-ce que je suis d’accord avec cette interprétation, et quels arguments (porteur de quelles valeurs) sont mobilisés dans l’interprétation, et est-ce que les arguments mobilisés me paraissent crédibles.
On pourrait surement faire une analyse de La Petite Sirène en partant du principe que la terre est plate et que ce film cherche à montrer pourquoi, cela ne ferait pas pour autant une analyse crédible, sauf aux yeux de certaines personnes qui veulent croire que la terre est plate. Or l’analyse de Pazair cherche à nier une évidence materielle, tangible, réelle, visible pour n’importe qui veut s’y interesser deux minutes…à savoir le fait que les relations entre les hommes et les femmes dans notre société (duquel est issu ce film) sont tout sauf égalitaire, et sont, comme bien d’autres relations, le lieu d’oppressions et de dominations.
Dire qu’un regard sur un film est « biaisé », c’est une évidence. N’importe quel regard humain sur n’importe quoi est « biaisé », parce que (attention scoop) les êtres humains ne sont pas Dieu (qui d’ailleurs, autre scoop, est une absurdité, donc irréfutable, vu que improuvable). Pazair a raison de dire que son analyse tout comme celle de Paul est « biaisée », tout comme le serait une analyse qui parle de la lumière, du son, des dessins etc.
Dire que quelque chose est biaisée ce n’est pas refuter cette chose, c’est juste dire qu’un regard humain a été porté dessus.
Du coup ce qui est interessant, c’est de voir COMMENT et selon quelles valeurs le regard est biaisé. Or celui de Pazair est clairement dans une optique qui cherche à nier une domination structurelle, et celle de Paul cherche à la prendre en compte.
C’est pour ça que parler du film n’est pas en soi intéressant, même si bien sûr certain-e-s trouveront tel ou tel argument plus convainquant, mieux formulé etc. Mais au final on s’en fout de ça. L’important c’est de savoir: Pourquoi Pazair et vous-mêmes cherchez à dire qu’une lecture féministe des films est impossible, ou alors n’a aucune valeur?
Une lecture féministe matérialiste des films cherche à analyser et décerner en quoi une domination structurelle peut se retrouver dans nos oeuvres culturelles, et quelles influences ces représentations peuvent avoir sur nous, nous qui forgeons une partie (plus ou moins grande selon la personne, certes) de nos représentations via le prisme des écrans. Encore une fois, demandez à la vaste majorité des gens de vous décrire un-e amérindien-ne, et il y a de très fortes chances que cette déscription sera fortement teinté par les représentations audio-visuelles des amérindien-ne-s dans notre culture. Représentations qui ne sont bien sur pas issues des amérindien-ne-s elleux-mêmes, mais de personnes blanches (qui sont d’ailleurs aussi souvent des gens riches et masculines, et hétéro en passant)
Alors, je repose ma question: Pourquoi une telle lecture vous dérange, si vous n’êtes pas hostile au féminisme matérialiste et à ses préceptes de bases, à savoir que la classe des hommes ont des intérêts concrets à voir se reproduire la domination structurelle des hommes sur les femmes (qui leur donne donc des privilèges nombreux et concrets)? Vous êtes d’accord avec ça, ou pas? Et si non, pouvez-vous argumentez?
Bon, j’écris tout ça, mais je sais pertinemment (vu que j’ai lu vos autres posts sur ce site) que vous êtes bel et bien hostile au féminisme et à l’idée qu’il existe une domination structurelle des hommes sur les femmes dans cette sociéte. Du coup ma question est plutôt: Pourquoi, comme Pazair, cherchez-vous à cacher cette hostilité sous de la rhétorique et du brassage d’air chaud, et pourquoi ne pas nous donner votre vision des relations hommes-femmes une bonne fois pour toute pour qu’on puisse en débattre? Ca me parait plus simple comme solution.
Comment, par exemple, expliquez-vous les inégalités concrètes entre les hommes et les femmes aujourd’hui?
Bonjour, et avant tout merci d’avoir pris le temps de me répondre autant en détail. Je crains qu’encore une fois, vous ne passiez à côté de l’essentiel de mon message : ce que Pazair vous reproche, ce que je vous reproche, ce que plusieurs personnes sur ce site vous reproche, ce n’est pas de proposer une lecture féministe des films. Au contraire, votre intention est louable, et certains points soulevés sont véritablement intéressant. Ce que je vous reproche (je parle en mon nom, bien sûr, mais je pense qu’on peut inclure Pazair, entre autres, dans cette analyse) c’est de chercher à voir le mal partout, quitte à extrapoler. C’est ce qu’il essaie de faire aussi dans son analyse à lui. Vous lui reprochez d’être anti-féministe pour avoir proposé une alternative à votre analyse, et vous étendez d’ailleurs cet argument à beaucoup des internautes qui vous critiquent (moi aussi je lis les coms :)).
Ce que je veux dire, c’est que Pazair n’est pas anti-féministe parce qu’il ne considère pas votre analyse du film comme parole d’évangile et voit le film autrement. Pas plus que le fait de voir un symbole phallique dans le trident du roi Triton (son explication est tout à fait légitime). Vous considérez que c’est un choix de sa part de voir les choses ainsi, mais ça n’en fait pas un adversaire de votre cause. Pas plus que moi, d’ailleurs. J’ai lu beaucoup de vos articles, et c’est un fil de coms lu dans Rebelle qui m’a amené ici (je ne me souviens plus du nom de l’internaute, mais je pense que vous le retrouverez facilement).
Je ne suis pas hostile au féminisme. Je ne nie pas qu’il y a des inégalités homme-femme, je ne vois d’ailleurs pas comment on peut le nier. Et, bien sûr, je suis pour une égalité des sexes. Je pense que c’est un combat qui se vit au quotidien et qui nécessite de lutter. Simplement, je n’approuve pas votre façon de prendre part à cette lutte. Comprenez-moi : oui, changer la vision stéréotypée des hommes et des femmes, souvent véhiculée dans les films et produits culturels, est utile. Non, crier au scandale comme vous le faites n’est pas constructif. Contrairement à vous, je pense que la représentation des hommes et des femmes dans le cinéma évolue, lentement mais elle évolue. Après, il est évident qu’en grattant assez fort, il sera toujours possible de trouver la petite bête, et on aura toujours quelqu’un pour critiquer telle ou telle oeuvre.
D’ailleurs, je constate que c’est ce genre de discours qui est souvent mis en avant sur ce site (pas exclusivement, mais presque). Plutôt que de pondre des pavés sur After Earth, que tout le monde bashe par ailleurs, pourquoi ne pas mettre en avant des exemples de films que vous jugez réussis? Plutôt que de dire « ne faites pas ça, c’est à vomir », ou « boycottez cette horreur » en parlant de films que vous avez vu vous-même et qui, étrangement, ne vous ont pas transformés en gros porcs sexistes, pourquoi ne pas dire « voilà ce qu’il faut faire »? Histoire d’inspirer plutôt que de réprouver. Apprendre par l’exemple me semble déjà plus utile, mais ce n’est que mon avis, bien sûr…
Voilà, je ne voulais pas pondre un pavé mais je me suis un peu emportée, je pense que de toute façon vous avez l’habitude de lire des analyses poussées. J’ai conscience que mon avis n’est pas le vôtre, j’espère pour autant que vous ne le mettrez pas automatiquement de côté comme un nouvel exemple d’hostilité au féminisme. Ce n’est pas parce qu’on ne vous met pas au pinacle de la lutte féministe qu’on est pas féministe soi-même (j’ajouterai que lire ce genre de commentaire est en soi assez blessant). Bref, je poursuivrai avec plaisir le débat avec vous, même si je crains que nos points de vue ne soient incompatibles…
Bonne journée
Coucou,
« Ce que je veux dire, c’est que Pazair n’est pas anti-féministe parce qu’il ne considère pas votre analyse du film comme parole d’évangile et voit le film autrement »
Non, Pazair est anti-féministe ici parce qu’il choisit d’ignorer dans son analyse une réalité concrête qui existe aujourd’hui dans notre société, et qui est la domination structurelle des hommes sur les femmes. Le film parle de quoi, si ce n’est d’hommes et de femmes?
Qu’il ne considère pas l’analyse de Paul comme l’évangile, encore heureux. Vous aussi d’ailleurs. En tout cas perso ça me ferait peur que n’importe qui considère ce que je dis comme l’évangile, et je peux en dire de même de Paul.
Vous dites que ce choix ne le rend pas « un adversaire à notre cause », mais absolument que si!
Il y a par exemple des centaines de façons différentes d’appréhender n’importe quelle état de fait, des centaines d’explications possibles. Une des explications par exemple pour la violence domestique, c’est « bin c’est privé, ça ne regarde au final que le couple en question ». Venez me dire que ce choix de lecture n’est pas anti-féministe, et je vous dirais en toute sincérité que vous n’avez, en tout cas pour moi, rien compris au féminisme. Car le privé est politique, c’est une des bases du féminisme. Après différentes personnes féministes seront plus ou moins d’accord sur comment réfléchir en ce sens, mais toutes seront d’accord que c’est dans ce sens qu’il est interessant et important de réfléchir.
Je vois d’ailleurs que vous avez esquivé quelque peu ma question, peut-être sans vous en rendre compte. Je vous demandais aussi COMMENT expliquez-vous les inégalités entre les hommes et les femmes. La question à son importance, parce que si l’on considère que les hommes ont des intérêts matériels et concrêts à voir continuer une domination structurelle sur les femmes, l’on voit bien qu’il est assez difficile de soutenir, comme j’ai l’impression que vous le faites, que les représentations des hommes et des femmes dans les representations culturelles ne sont pas politiques. Si tout est un malheureux hasard et le méchant patriarcat est désincarné et ce n’est la faute à personne, c’est sur qu’on va vachement moins s’insurger contre le fait que 90% des réalisateurs, écrivains, producteurs etc. sont des hommes, et qu’il en ressort comme par hasard des représentations sexistes des femmes. C’est la faute à padechance, après tout…
Vous parlez de « gratter assez fort », mais encore une fois on ne va pas être d’accord. On n’a pas BESOIN de gratter, le sexisme est présent ou archi-présent dans l’écrasante majorité des oeuvres culturelles qui existent, et elle passe le plus souvent comme une lettre à la poste [comme par exemple pour la vaste majorité de ma vie, où j’étais très sexiste (vous vouliez dire « un gros humain sexiste », non? Les porcs eux ne sont pas sexistes, ils n’ont pas cette bétise) et où je trouvais des intérêts à me complaire dans ces représentations sexistes, qui également nourrissaient et alimentaient mon sexisme]. Il est important, à nos yeux, de s’insurger contre ça (nous ne sommes pas les premier-e-s, nous ne serons pas les dernier-e-s) précisemment parce que, surtout en France, il n’y a que très peu de culture de la critique politique des oeuvres culturelles, le « formalisme » (souvent très élitiste au passage) l’emportant très largement.
Alors il est évidemment de votre droit de penser qu’on y va trop fort de café, perso je trouve vos arguments (ni celle de Pazair, sauf pour le coup du trident de Triton, mais j’avais déjà fait part de mes objections à l’auteur) pas du tout convainquants mais à la rigieur on s’en fout.
Par contre je dirais tout de même que vos critiques ne vont souvent pas dans le sens de dire « le sexisme existe dans les films, mais pas à ce point là », mais plutôt « on peut faire dire aux films tout et n’importe quoi, donc une lecture féministe est biaisée et sans valeur ». C’était votre propos à la base, et il me semble que ce n’est que parce que je vous ai posé une question directe sur vos positions que votre propos à quelque peu changé vers « d’accord mais vous exagérez ».
Vous dites que tout le monde bashe After Earth, mais pour en dire quoi? Pour en faire une lecture féministe? Non, pour dire « pouah c’est un gros navet, harf harf c’est drôle ». Ce n’est pas ce genre de critiques qui nous interesse ici. Car After Earth n’est pas « un gros navet » politiquement, il tient une certaine cohérence politiquement, quoi qu’on en pense esthétiquement.
Lorsque je disais que nous pensons (je parle pour les autres, mais je pense que je ne m’avance pas trop) que la vaste majorité des films comportent une large dose de sexisme (entre autres) qu’il convient de critiquer, cela veut dire bien sur que la majorité de nos critiques sur ce plan là vont être négatives. Et pourtant il existe pas mal de critiques positives (sur cette question-là) sur ce site, quelqu’un-e les avait recenser récemment dans un commentaire, je ne sais plus où.
Pour rester sur cette idée, je trouve que c’est extrêmement important politiquement de savoir « crier au scandale » comme vous dites. Il est très important de savoir ce qu’on ne veut pas, surtout quand ces choses sont tellement omniprésentes qu’elles sont devenues banalisées et acceptées, voire valorisées et glorifiées. Le refus de certaines conditions de vies, de certains comportements, de certaines relations a toujours été un moteur extrêmement important dans les luttes collectives contres les oppressions. Je suis loin de dire que ce que nous faisons ici est comparables à une lutte collective, et je trouve les luttes collectives beaucoup plus important, mais je trouve que votre objection ne tient pas, ou du moins je trouve qu’elle ne refute rien.
Je suis d’accord qu’il faut des moments où l’on peut réfléchir et analyser ce qu’on veut (ce que l’on fait), mais dans une société de classes, il est extrêmement important de réfléchir et de dire ce qu’on ne veut pas aussi. On ne veut pas de l’oppression, de la domination, on refuse ça, et on tire notre force de ça. C’est ce qu’ont fait des centaines et des milliers de luttes collectives qui partaient d’un état d’oppression quasi-total et qui savait AVANT TOUT qu’elles refusaient ça. Proposer vient après, du moins chronologiquement. C’est d’ailleurs comme ça que naissent la vaste majorité des grèves, par exemple. D’abord une condition de travail ou d’existence est refusée, souvent viscéralement car dégradante, et puis des propositions sont discutées, refléchies, mis en avant. Je n’en fait pas une maxime universelle non plus mais je trouve ça assez logique comme REACTION à une aggression. Et le sexisme omniprésent dans nos oeuvres culturelles est une aggression, une violence. Et savoir réagir à cette violence est primordial, et ptet même premier.
C’est là je crois que nous avons notre désaccord profond, c’est que pour vous les oeuvres culturelles sont justes, au final, « du divertissement », et ne peuvent que au final être appréhendées sous cet angle. Or pour nous les oeuvres culturelles sont avant tout porteur de valeurs politiques, de représentations de notre société et des questions et des conflits qui la traversent. On peut apprecier le divertissement tout en refusant et critiquer les valeurs politiques sur lequel il se fonde.
Encore une fois, je pense qu’un de nos grands différents est dans la définition que nous avons du mot « sexisme », ainsi que nos conceptions différentes de comment et pourquoi la domination masculine se perpétue.
J’entends tout à fait qu’on puisse être féministe et ne pas être d’accord avec certains des propos sur ce site. Nous mêmes ne sommes pas d’accord entre nous plein de fois. Le féminisme n’est pas un bloc homogène, et je ne prétends pas détenir la science du bon féminisme.
Cependant vous passez bien plus de temps à objecter à l’idée même qu’une lecture féministe des films puissent être interessant que réellement critiquer NOS lectures féministes (et éventuellement en proposer d’autres), et c’est pour cela que j’ai personnelement beaucoup de mal à me dire que vous n’êtes pas hostile au féminisme. Vous semblez plus interessé par saborder un débat en refusant sa légitimité que vous ne semblez être de le nourrir. Si vous trouvez ce débat si illégitime, pourquoi passer votre temps à venir ici nous le dire?
Parce que perso, des gens qui disent « Je suis pour l’égalité » mais qui passent bien plus de temps à critiquer et ralentir les gens qui essayent d’analyser l’inégalité qu’illes ne passent à critiquer l’inégalité, j’en connais, et je dois vous avouer que j’ai du mal à voir la différence entre ces gens et les gens qui s’auto-proclament anti-féministe. Ou alors si j’en vois une différence, c’est que les gens qui s’auto-proclament anti-féministes ont l’avantage d’être sincères.
Du coup, pour moi, soit vous êtes féministe (ou en tout cas le féminisme vous interesse) et vous venez discuter de nos interprétations d’un point de vue féministe (en tout cas sur les analyses qui parlent de ça, il y a aussi pleins d’analyses qui parlent d’autres choses), tout en critiquant et en proposant d’autres arguments, bien entendu, on ne vous demande pas d’être d’accord avec nous. Soit perso j’estime que vous n’avez rien à faire ici, car vous refusez le principe même de la pertinence d’une lecture féministe des films, mais sans le dire franchement, à la manière d’un troll, en prenant de l’espace et en sabordant le débat. Non seulement nous n’allons pas être d’accord, mais en plus nous ne dirons à mon avis rien d’interessant politiquement pour une tierce partie qui éventuellement lirait notre discussion.
Alors bien entendu personne ici ne va vous virer si c’est l’option 2, vous faites ce que vous voulez, vous n’êtes ni vulgaire ni insultant, loin de là même. Je vous dis juste que moi perso je ne discuterai plus avec vous, car j’estime que ça sera du temps perdu, et que j’ai mieux à faire. Et j’espère que vous aussi.
Bonne soirée
Bonjour,
D’ailleurs, je constate que c’est ce genre de discours qui est souvent mis en avant sur ce site (pas exclusivement, mais presque). Plutôt que de pondre des pavés sur After Earth, que tout le monde bashe par ailleurs, pourquoi ne pas mettre en avant des exemples de films que vous jugez réussis?
On y a pensé aussi :
– My Mighty Princess (02/01): http://www.lecinemaestpolitique.fr/my-mighty-princess-2008-la-princesse-des-arts-martiaux/
– Someone’s Watching me (29/11): http://www.lecinemaestpolitique.fr/someones-watching-me-une-histoire-de-points-de-vue-2/
– Contact (23/11) (pas que positif, mais une bonne partie de l’article l’est): http://www.lecinemaestpolitique.fr/contact-1997-une-femme-dans-les-etoiles/
– Sleeping With the Enemy (17/11): http://www.lecinemaestpolitique.fr/sleeping-with-the-enemy-1991-le-cauchemar-de-pretty-woman/
– Fair Game (5/11): http://www.lecinemaestpolitique.fr/fair-game-2010-une-proie-pas-si-facile/
– ParaNorman (02/10): http://www.lecinemaestpolitique.fr/paranorman-2012-et-si-les-mechants-netaient-pas-ceux-quon-croyait/
– Battlestar Galactica (pas que du positif mais une bonne partie quand même) (11/09): http://www.lecinemaestpolitique.fr/battlestar-galactica-une-odyssee-feministe-semee-dembuches-ii/
– Landes (09/08): http://www.lecinemaestpolitique.fr/landes-2013-emancipation-dune-femme-et-prise-de-conscience-dune-patronne/
– Princess Arete (19/06): http://www.lecinemaestpolitique.fr/princess-arete-2001-vous-allez-finir-par-vous-hair-a-force-decouter-ces-hommes/
– Millenium (lecture comparée) (10/06) http://www.lecinemaestpolitique.fr/millenium-de-stieg-larsson-a-david-fincher/
– Les héroïnes de Miyasaki (30/03): http://www.lecinemaestpolitique.fr/les-heroines-de-miyasaki-representation-physique-personnalite-et-mise-en-scene/
– Shotgun stories (29/03): http://www.lecinemaestpolitique.fr/shotgun-stories-2007/
– Enlightened (“intéressant”, mais pas négatif) (09/03) : http://www.lecinemaestpolitique.fr/enlightened-illuminee-ou-eclairee/
– D’une école à l’autre (17/02): http://www.lecinemaestpolitique.fr/dune-ecole-a-lautre-2013-les-vertus-politiques-de-la-pratique-artistique-a-lecole/
– Hunger Games (07/02) (globalement positif à part pour le capitalisme) http://www.lecinemaestpolitique.fr/hunger-games-2012-puisse-le-sort-vous-etre-toujours-favorable/
– Daybreaker (globalement positif) (09/12): http://www.lecinemaestpolitique.fr/daybreakers-2010-le-capitalisme-cest-la-mort/
– Mulan (12/11) (neutre): http://www.lecinemaestpolitique.fr/mulan-1998-feminisme-et-patriarcat-chez-disney/
Il y a aussi le forum qui comporte plusieurs sujets proposant des films, série et autres, féministes, anti-racistes, anti-homophobie, anti-specistes…
Je vais faire très court, mais le texte d’Andersen présente la petite sirène comme une cruche de la pire espèce, l’archétype de toutes les héroïnes de conte de fée : définie par la souffrance, le sacrifice, la dévotion. Comme Belle, comme Rose Blanche, elle se sacrifie pour l’homme aimé, s’écrasant pour lui pendant qu’il l’abandonne pour une autre cruche, et… c’est présenté comme un bon choix ! Et oui : elle peut presque devenir un ange grâce à son sacrifice !
Au final, on en vient à envier ses soeurs, beaucoup plus pratiques, qui vivent pour elles-mêmes et protègent bien plus efficacement ceux qu’elles aime. La petite sirène, elle, se dissout. A-t-on image plus frappante de la femme sacrifiée ? Et exemplaire car morte pour l’être aimé ?
Ariel, curieuse, exploratrice, qui accède à l’âge adulte d’une façon plus sécurisée, de son choix, accompagnée de gens qui l’aiment, est une vision plus sécurisante pour les petites filles. Elle montre que ce n’est pas si terrible, d’être grande, que ce n’est pas grave d’être maladroite. Que la communication avec l’être aimé est essentiel. Elle donne envie d’être grande.
Je pensais ça petite, je le pense toujours grande. Le conte d’Andersen n’est que la complainte morbide d’un homme qui aimait faire souffrir ses héros et héroïnes.
Merci de partager votre lecture du conte original et du Disney.
Après je ne comprends pas totalement ce que vous pensez du conte d’Andersen. J’ai l’impression que vous le détestez parce qu’il présente selon vous le sacrifice de la sirène « comme un bon choix ». Mais juste après vous dites qu’ « au final, on en vient à envier ses sœurs ». Mais si on en vient à envier ses sœurs, c’est que le comportement de la petite sirène n’est pas si valorisé que ça non ?
Sinon, personnellement, je trouve la fin effectivement très ambiguë. Car la petite sirène finit par se condamner à la mort par son comportement, et en même temps, le fait de pousser ce comportement jusqu’au sacrifice de soi la transforme en une sorte d’ange qui pourra plus tard éventuellement gagner une âme éternelle.
Pour mon compte, j’aime bien comprendre cette fin de la manière suivante : la petite sirène a fait l’expérience de ce que c’était d’être une femme sous le patriarcat, elle a fait l’expérience de toutes les souffrances qui résultent de la conformité aux normes de la féminité, mais au lieu de s’en prendre à un homme en le tuant, elle préfère ne pas le tuer et en mourir. Je lis ça comme une distinction entre les hommes et le patriarcat. Certes, ça a le défaut de tendre à déresponsabiliser les hommes, mais en même temps, ça montre aussi que le problème c’est pas juste ce type en particulier qui serait particulièrement salaud, mais c’est un problème plus structurel d’oppression des femmes qui dépasse les individus singuliers. Je suis conscient que c’est un peu tiré par les cheveux, mais je pense que c’est une lecture qui se tient, et qui peut donner cohérence à cette fin ambiguë.
Et sinon, en ce qui concerne le Disney, vous dites qu’ « Ariel, curieuse, exploratrice, qui accède à l’âge adulte d’une façon plus sécurisée, de son choix, accompagnée de gens qui l’aiment, est une vision plus sécurisante pour les petites filles » et « donne envie d’être grande ». Mais à mon avis, le truc à se demander aussi c’est : elle donne envie d’être grande comment ? Quels types de comportement elle montre comme « sécurisants » ? Car c’est là le problème pour moi : Disney explique aux petites filles que devenir des femmes correspondant aux normes patriarcales de la féminité, c’est super, et ça finit par être récompensé. Elle ne donne pas seulement « envie d’être grande » à mon avis, elle donne aussi et surtout envie de se soumettre aux normes de féminité dictées par le patriarcat/les hommes. Vous voyez ce que je veux dire ?
« Pour mon compte, j’aime bien comprendre cette fin de la manière suivante : la petite sirène a fait l’expérience de ce que c’était d’être une femme sous le patriarcat, elle a fait l’expérience de toutes les souffrances qui résultent de la conformité aux normes de la féminité, mais au lieu de s’en prendre à un homme en le tuant, elle préfère ne pas le tuer et en mourir. Je lis ça comme une distinction entre les hommes et le patriarcat. »
Je me demande si on ne pourrait pas (aussi) lire ça comme aveu, une preuve d’impuissance, en quelque sorte : se laisser mourir comme seule manière accessible d’en finir dans la mesure où tuer un homme ou attaquer de front le système requiert des outils dont les femmes sont précisément privées par le système — ce dont elles peuvent (nous pouvons) avoir plus ou moins conscience.
Autrement dit, démunie et impuissante face à la vanité de ses combats, la Petite Sirène baisserait les bras, rendrait les armes… tant il est plus facile d’abandonner ou de retourner une « arme » contre soi-même que contre autrui (même si autrui est cause de nos souffrances) : dépression, automutilation ou suicide me semblent plus fréquents que meurtres passionnels ou attaque du système et remise en question de ses injonctions (à l’amour, à la beauté…) — et il s’agirait de se questionner sur la responsabilité du système dans ces processus d’autodestruction.
Je ne sais pas si mon propos est si clair que je le voudrais… mais voilà, c’était une piste !
Oui je crois que j’entrevois ce que vous voulez dire. Ce serait moins la preuve d’une conscience claire de ce qui est la cause de tout cela (le patriarcat et non un homme en particulier) que la manifestation d’une sorte d’aliénation (mais peut-être que le mot « aliénation » est un peu fort). Mais je vois à peu près oui, très intéressant, merci beaucoup.
Sinon, je souhaitais partager cet AMV en 2 parties des deux films que j’ai trouvé sur Dailymotion qui montre à quel point Disney a beaucoup prit a beaucoup puisé dans le film de Toei Animation (peut-on parler de Plagiat?) pour créer sa propre Petite Sirène mais surtout qui montre que dans l’adaptation japonaise, une toute petite liberté a été prise par rapport au conte original: alors que chez Andersen, le Prince est convaincu toute sa vie que c’est son épouse qui lui a porté secours, chez Toei Animation, il se rend compte, trop tard, que Marina est sa vraie sauveuse. Il vivra donc toute sa vie dans la culpabilité d’avoir épousé la mauvaise femme. La 2ème vidéo s’achève sur ces mots très durs (que malheureusement, on voit mal): sometimes, they do remember (mariage heureux d’Ariel), sometimes they don’t remember (mort de Marina) or too late (le Prince réalise son erreur juste après la mort de notre héroïne). Ainsi, contrairement au conte original, les hommes ne sont pas du tout dédouanés dans l’adaptation japonaise. Ils sont même encore plus la cause de toutes les souffrances des femmes et vont jusqu’à devenir leurs propres ennemis. Du moins, c’est ce que j’aime voir de la fin de l’adaptation japonaise.
http://www.dailymotion.com/video/x14557_mermaids-partie-1_creation
http://www.dailymotion.com/video/x109jn_mermaids-partie-2_creation
Pour ce qui est de la fin, je crois que dans la première version du conte d’origine, Andersen présentait la sirène qui se sacrifie et se trouve changée en écume, point. Paraît-il que c’est seulement ensuite qu’il a montré la sirène réincarnée, pour adoucir la fin atrocement triste. http://www.cracked.com/funny-8445-the-little-mermaid/
Idem, dans certaines version du Petit chaperon rouge, la fillette n’est jamais sauvée pour le chasseur (bien fait pour elle?).
Personnellement, j’ai un énorme problème avec TOUTES les versions de ce conte: la fille décide de tout larguer pour un mec dont elle ne sait absolument rien et avec qui elle n’a jamais parlé. C’est comme si une adolescente partait aux Etats-Unis sur un coup de tête pour dans le but de dire « je t’aime, épouse-moi » à un chanteur qu’elle a vu une seule fois à la télé!
Pour moi et à mon humble avis, le conte d’Andersen sonne comme un avertissement (ne te jette pas à la tête du premier beau gosse venu, ça peut faire très mal). D’ailleurs, le conte sous-entend que le prince n’est pas amoureux de la sirène, qu’il se montre amical avec elle parce que c’est quelqu’un de gentil et qu’elle interprète mal ses signaux. J’ai un problème avec la version Disney parce qu’elle laisse entendre qu’il est parfaitement acceptable de tout larguer pour quelqu’un dont on ne sait absolument rien, que quitter pour toujours des gens qui vous aiment constitue le meilleur moyen de connaître le bonheur.
Tenez, j’ai envie de transposer ce scénario dans le monde réel. Sophie (appelons-la Sophie) se rend à l’aéroport avec sa valise et son argent de poche pour déclarer sa flamme à un acteur célèbre qui habite en Californie. Le personnel de l’aéroport se rend compte qu’elle n’a que quinze ans. Ils appellent ses parents qui lui font la leçon. Sophie s’entête et essaie de repartir en se cachant dans la soute à bagages. Elle est de nouveau découverte, ses parents s’inquiètent et prennent rendez-vous chez un psy.
Sophie, qui tient absolument à épouser Justin (appelons-le Justin), lui écrit via sa page Facebook. Justin lui répond ce qu’il répond toujours (je suis flatté mais j’ai déjà une copine, je suis sûr que l’amour de ta vie habite près de chez toi…) Sophie insiste, lui envoie 30 messages par jour, et Justin finit par lui dire que si elle continue à le harceler, il portera plainte. Une semaine plus tard, Sophie voit à la télé Justin qui embrasse sa copine officielle. Sophie fond en larmes et dans un mouvement de rage, elle crée un « hate-blog » pour dénigrer la copine en question, la traitant de « pouffe », de « pétasse » qui lui a « pris son Justin », j’en passe. Le blog est vite supprimé par l’équipe skyrock. Sophie crie à l’injustice.
La thérapie commence. Sophie parle à son psy toutes les semaines. Six mois plus tard, un garçon sirène, je veux dire un garçon de sa classe l’invite à sortir. Sophie pense « d’accord, il a l’air sympa et je n’épouserai jamais Justin de toute façon ». Ils sortent ensemble pendant un an, ils se découvrent des tas de points communs et Sophie réalise qu’après tout, elle n’avait pas besoin de se jeter à la tête d’un inconnu. Elle continue sa thérapie. Vingt ans plus tard, Sophie est bien équilibrée et considère son ancienne fixation comme un mauvais souvenir. ça, à mon humble avis, c’est un happy ending.
Je me rends compte que je viens d’écrire le synopsis d’un téléfilm pour ados. Imaginons le contraire: Sophie s’envole pour les Etats-Unis et rencontre Justin qui tombe amoureux d’elle instantanément et l’épouse alors qu’elle est mineure. Est-ce crédible? Non. Cela ferait-il de Sophie un bon modèle pour les petites filles? Je ne crois pas… C’est juste une vision personnelle mais pour ma part, c’est vraiment l’idée de tout quitter pour quelqu’un qu’on connaît à peine qui me choque le plus.
Bonne journée à tous. 🙂
ps: mes excuses à toutes les Sophie de la Terre. J’ai choisi ce prénom au hasard.
Je me permet d’apporter ma lecture du conte d’andersen. je pense que le fait de devenir une humaine représente plus passage à l’age adulte. au début elle est avec ses sœurs et sa grand mère, à attendre de pouvoir aller à la surface (elle obtient d’ailleurs ce droit avant ses 15 ans en exprimant à sa grand mère son grand désir d’y aller), et elle a une grande fascination pour le monde humain (notamment le fait qu’ils ont une âme immortelle alors qu’elle est condamnée à devenir écume un jour), dont elle ne connait que très peu de chose. elle tombe ensuite amoureuse du prince dont elle sauve la vie, et elle va ensuite sacrifier sa voix pour le rejoindre, mais elle sait parfaitement qu’elle prend des risques: la sorcière lui donne les jambes uniquement par qu’elle sait que ça lui fera son malheur. je ne sais pas vraiment ce que représente la sorcière, à cause d’elle, la petite sirène devient femme, mais grâce à elle (à la demande des soeurs et de la grand mère de la petite sirène et en donnant leur longs cheveux) la petite sirène aurait pu redevenir sirène.
Concernant le prince, ma vision des choses a changé en grandissant, avant je ne comprenais pas qu’il n’épouse pas la petite sirène, mais à présent je me dis que c’est « son droit » d’être amoureux d’une autre.
une chose qui me rendait très triste (et toujours un peu maintenant) c’est le sacrifice « inutile » des cheveux de ses soeurs et de sa grand mère. j’y vois les sacrifices, concessions, avertissements que peuvent faire en vain les personnes qui cherchent à nous soutenir, et à nous faire éviter (du moins tenter) de prendre de mauvaises directions.
à la fin elle devient fille de l’air, et obtiendra une âme immortelle : elle obtient une chose qu’elle voulait (et peut-être ce qui comptait le plus en fait), mais pas de la façon dont elle l’avait prévu et voulu, et quand elle est n’y croyait plus. c’est un peu ce qui se passe dans la vie, on a des illusions, le voile se lève, et on fait ce qui est Réellement possible.
peut-être que ma vision est simpliste (on pourrait résumer en disant « dans la vie il y a des épreuves mais on s’en sort »), mais c’est actuellement ce que j’y vois. je ne pense pas que les lectures doivent être figées, on y voit un peu ce qu’on veut y voir en fonction de ses propres besoins (on le voit bien sur ce site d’ailleurs)
concernant le disney, je ne préfère pas chercher à y voir de significations, je considère les disney comme des « concentrés de bonne humeur » (et pourtant ça me désespère de voir que oui, le système genré, patriarcal y est omniprésent)
Je réponds également un peu tard, et pour des raisons à peu Je réponds également un peu tard, et pour des raisons à peu près équivalentes aux vôtres, la vie est bien faite.
Avant toute chose, je n’ai rien à voir avec ce G.T. (au cas où vous penseriez que nous sommes une seule et même personne), n’ayant pas vu millénium je n’irais certainement pas commenter votre article dessus.
« on pourrait interpréter le film dans le sens opposé, parce que vous ne voyez dans les films ce que vous avez décidé a priori d’y voir »
« ils consistent au fond à dire : « vous avez une lecture biaisée, alors que moi j’arrive à être objectif » »
Vous inversez l’ordre de mon raisonnement, cela doit être ma faute, j’ai décidé d’annoncer dès le début la conclusion de ma démonstration, pour le développer par la suite. Faire le contraire aurait été plus clair.
Je vais donc reformuler ma pensée de manière concise: on trouve à chaque argument un contre-argument, chaque scène interprétée (ou presque) pourrait être interprétée dans le sens contraire, et régulièrement des éléments qui n’ont rien à voir avec votre thèse sont surinterprétés pour vous fournir des arguments supplémentaires. Comment expliquer tout ceci?
_Soit les contre-arguments ne sont pas valides, les « interprétations contraires » reposent sur des erreurs de raisonnement et le fait de dire que « le trident de Triton [est un] symbole phallique » n’est pas de la surinterprétation. Auquel cas, j’attends que vous me le prouviez, je suis tout à fait prêt à reconnaître que je me suis trompé, malheureusement vous passez plus de temps dans votre réponse à me traiter d’antiféministe qu’à répondre à mes arguments.
_Soit c’est simplement que, pleinement concentré sur votre thèse et le moyen de la démontrer, vous ayez écarté ce qui ne collait pas et systématiquement préféré une interprétation à une autre sans vérifier qu’il y en avait une de plus valable. C’est ce qu’on appelle une lecture biaisée.
Naturellement, si je devais écrire un article sur la petite sirène, quel que soit l’angle d’approche, je ne pourrais être parfaitement objectif. Cependant, en tant que lecteur, je ne suis pas aussi impliqué dans votre raisonnement que vous, ce qui permet plus facilement de tenter une approche objective. Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’argumenter plus longtemps pour dire qu’un lecteur est bien plus à même de pointer les erreurs dans un raisonnement que son concepteur.
Selon le même principe, les résultats de nombreuses études « scientifiques » ont été interprétés de manière erronée parce que les auteurs voulaient démontrer qu’ils avaient raison, et raisonnaient de manière biaisée (volontairement ou non). Ainsi pour ceux qui corrélaient la forme des crânes à l’intelligence, ou pour Pasteur infirmant la théorie de la génération spontanée grâce à son expérience des cols de cygnes (il avait raison mais son raisonnement était faux).
« Je ne vois pas pourquoi vous dites « on pourrait tenir le raisonnement inverse », puisque vous ne tenez pas du tout le « raisonnement inverse », vous vous focalisez sur d’autres éléments (dont j’ai parlé aussi). Mais passons sur ce sophisme… »
Analyser la même œuvre, en s’appuyant sur les mêmes éléments (puisque vous dites en avoir parlé aussi) pour aboutir à une conclusion opposée, j’appelle cela un raisonnement inverse. J’ai certainement passé sous silence certains points, tout comme vous, on aboutit dans les deux cas à la même situation que précédemment: deux raisonnements aussi valables mais ne pouvant être vrais en même temps car aux conclusions opposées.
« chez Andersen, cette soumission au patriarcat est montrée comme la cause de grandes souffrances, puis de mort »
Vous avez visiblement mal lu ce que j’ai écrit, car la « soumission au patriarcat » consiste à attendre avant de découvrir le monde. Ce qui cause des ennuis -le terme est faible- à la sirène, c’est qu’elle décide de vivre chez les hommes quand ses sœurs ont, elles, respecté l’ordre établi. Si la petite sirène avait continué de se soumettre, si elle était restée à la place que le « système » lui avait assignée, elle aurait encore une queue de poisson mais elle aurait évité tant les souffrances que la mort. C’est sa tentative d’émancipation qui entraîne sa mort, sa soumission à la règle des 15 ans lui aura au contraire permis de vivre jusque-là.
En bref: non, ce que vous dites ici est faux vu que c’est exactement le contraire qui se produit.
« Après, pour Disney, je vous rappelle que j’ai parlé de cette dimension rebelle d’Ariel. Mais à mon avis, il importe de la replacer dans le film pris en son entier. Elle est un peu rebelle au début, mais au final elle ne rêve que d’une chose, être l’épouse de son prince (et avec la bénédiction de papa à la fin en plus). Moi j’appelle pas ça du féminisme. Après, peut-être que vous ça vous suffit, mais c’est juste qu’on a pas la même conception du féminisme, c’est tout. »
Oui, replaçons-la dans le film en entier, on arrive très rapidement à des conclusions intéressantes. Ariel souhaite découvrir le monde des humains, son père lui interdit formellement. Elle tombe amoureuse d’un homme et veut le retrouver, son père lui interdit (et détruit au passage la statue, le seul « lien » qu’elle avait avec cet homme). A la fin du film, Ariel a obtenu ce qu’elle désirait, son père a été parfaitement impuissant (je crois en avoir déjà parlé), et finit par céder totalement à ses exigences (il lui donne des jambes, et sa bénédiction au mariage, là où souvent les pères autoritaristes conservaient cet ultime et lâche arme pour « sauver la face »). Une femme qui s’oppose à son père et remporte une victoire totale, moi j’appelle ça du féminisme. Après, on n’a peut-être pas la même conception du féminisme, c’est tout. Si pour vous rêver d’épouser l’homme qu’on aime c’est anti-féministe, libre à vous.
« Encore une fois, pas la peine d’essayer de me faire dire ce que je n’avais pas dit »
J’ai du mal à voir le rapport avec la citation que vous faites. Je ne faisais alors que poursuivre mon raisonnement sur la possibilité qu’il y avait d’interpréter Andersen d’une manière opposée à la vôtre.
« j’avais bien précisé au début de l’article que « le conte original est trop ambigu pour être réduit à un propos univoque et explicite ». Et ce passage était un de ceux que j’avais en tête lorsque je disais cela. »
Certes, mais l’interprétation (arrivant aux conclusions contraires aux vôtres) que je tenais ne portait pas uniquement sur ce passage, mais sur l’ensemble de l’oeuvre.
Après, si nous tombons d’accord pour dire que le conte d’Andersen ne peut être interprété ni comme « féministe » ni comme « anti-féministe », tant mieux. Mais cela rejoint alors mon raisonnement: si on ne peut l’interpréter plus dans un sens que dans l’autre, vous ne pouvez pas utiliser comme base de votre argumentation le fait que le conte d’Andersen serait « progressiste » pour le comparer au dessin animé et dire que ce dernier est « anti-féministe ».
« des arguments spécieux et de la mauvaise foi »
Voilà donc une excellente manière d’argumenter. Je me suis contenté de dire que votre analyse était biaisée, orientée, ce qui peut arriver à n’importe quel analyste, sans pour autant que celui-ci fasse preuve de mauvaise foi ou utilise volontairement des arguments erronés. Ma pire « insulte » -si tant est qu’on puisse parler d’insulte- a été de vous « accuser » de faire erreur, en essayant de l’argumenter, le démontrer. Je peux vous dire que vous faites erreur, ce n’est pas insultant et cela débouche sur une argumentation utile. Vous me dites que je suis de « mauvaise foi » et que j’utilise des « arguments spécieux », c’est insultant et ne peut déboucher sur autre chose qu’un échange d’injures. S’il vous plait, évitons d’abaisser le débat à ce niveau.
« Pas exactement, car le prince est à deux doigts de l’embrasser sur la barque, la seule chose qui l’en empêche, c’est l’intervention d’Ursula la diabolique. »
Certes, mais ce que je faisais remarquer (j’ai manqué de précision et oublié de « citer » le film, c’était une erreur j’en conviens) c’est que là où Ariel, malgré sa robe, sa « beauté naturelle » etc, a beaucoup de mal à seulement commencer à séduire le prince, quand la voix volée y parvient en quelques secondes. Il me semble également, mais je ne me souviens plus parfaitement de tous les détails, que c’est l’intervention d’un certain crabe qui permet d’éviter que le prince tombe dans les bras de la sorcière, tout comme cette dernière intervint, comme vous l’avez si justement remarqué, dans la scène de la barque. Il me semble donc qu’on observe un équilibre, mais qu’au final on voit surtout que la voix est supérieure à tout le reste.
« pas grâce à « la parole, la conversation, bref tout ce qui se rapporte à l’intelligence » pour reprendre vos mots, car les deux amants n’ont aucune discussion avant de se marier »
Etant donné que vous utilisez assez souvent la symbolique dans votre raisonnement, je pensais que c’était assez clair. Je me rends compte que ça ne l’était pas, je précise donc: c’est cette voix (volée) qui peut symboliser véritablement la parole, la conversation. C’est grâce à elle qu’Ariel séduit le prince, c’est parce qu’elle ne l’a plus que, humaine, elle n’y arrive plus, et c’est parce qu’elle l’a qu’Ursula peut concurrencer Ariel.
« Il n’y a qu’à comparer les films de Disney avec un protagoniste masculin et ceux avec un protagoniste féminin pour se rendre compte que l’amour est beaucoup plus le sujet central dans les seconds. »
C’est vrai, mais nous parlons ici de la petite sirène. Que, sur l’ensemble, Disney respecte assez souvent ces clichés, nous sommes assez d’accord. La question ici étant d’évaluer le sexisme dans le film « la petite sirène », je pense que comparer l’attitude du personnage principal féminin et celle du personnage principal masculin n’est pas aberrant.
J’aurais également une ou deux remarques sur les « généralités » sur Disney. La première est que, dans le cas des contes, ils doivent respecter un minimum l’œuvre et sa trame principale -en essayant de ne pas traumatiser les enfants, d’où les « happy end ». Une petite sirène qui ne serait pas amoureuse serait assez éloignée de celle d’Andersen. La seconde est le contexte, l’époque de sortie du film. Il y a de moins ne moins de films aussi stéréotypés qu’un blanche-neige de chez Disney (son analyse aurait moins d’intérêt, car plus évidente, mais je pense que s’il y a un disney à critiquer c’est celui-là), car les temps changent (heureusement) et la cause féministe a beaucoup progresser (et progressera encore, ou alors il y aura du souci à se faire concernant l’intelligence humaine). Enfin, dans le cas de cette chère Ariel, les épreuves à affronter sont certes différentes de celles que rencontrerait un héros masculin, cependant il s’agit bel et bien d’épreuves. Qu’on enseigne aux filles qu’il faudra savoir s’adapter à un nouveau monde, qu’il y aura des sacrifices, des changements, est-ce plus nocif que d’enseigner aux garçons qu’ils devront vaincre des monstres?
« L’amour ce n’est pas quelque chose d’intrinsèquement négatif non. Mais marteler que seul le « grand Amour » peut donner sens à la vie des individus (et en particulier des femmes), ça c’est « intrinsèquement négatif » pour moi. »
Il s’agit d’éducation. Avec les films pour les petits, on introduit la notion de l’amour, en faisant croire qu’il peut être parfait et éternel-et si on continuait ainsi, ce serait en effet désastreux. Ce n’est que plus tard qu’on abordera-par les livres, les films, ou tout simplement l’expérience- toute la complexité de l’amour, une fois qu’ils auront la maturité nécessaire pour comprendre. C’est le même principe que celui consistant à laisser les petits enfants passer beaucoup de temps à jouer avant de leur expliquer la réalité du monde et le travail qu’ils devront fournir, ou que celui de donner un cadeau pour faire plaisir sans leur expliquer immédiatement qu’on peut faire un cadeau à quelqu’un par intérêt, et pas parce qu’on l’apprécie. Bref, il s’agirait d’un autre débat, mon opinion est qu’il ne s’agit que de progressivité, pas de volontairement s’assurer que certains seront malheureux. A part dans » le meilleur des mondes », on évite d’apprendre la sexualité et la mort aux enfants en bas âge. On peut décider d’élever ses enfants autrement qu’en leur faisant voir des Disney, mais cette première approche de l’amour en vaut une autre, à condition de ne pas s’arrêter là bien sûr (auquel cas on arriverait bien à tous ces problèmes que vous citez).
« Et est-ce que le fait que le « grand amour » soit «un thème commun à la quasi-totalité des films pour enfants, et même de certains pour adultes » est une raison pour ne pas le critiquer ? »
Non, bien sûr, l’argument véritable était sur le non-nocivité, mais ma formulation était très imparfaite.
A présent que j’en ai fini avec la véritable argumentation, permettez-moi de relever certains points. J’ai déjà dit à quel point je trouvais préférable de raisonner que de dénigrer l’adversaire, et je pense que vous avez malheureusement eu tendance à emprunter un peu trop la mauvaise voie. Vous me parlez de » ton péremptoire et condescendant », pour ensuite dire » peut-être que vous ça vous suffit, mais c’est juste qu’on a pas la même conception du féminisme, c’est tout. », ce qui n’est pas du tout condescendant bien sûr.
Ensuite » si vous avez envie de vraiment parler avec moi, et pas juste de disqualifier a priori l’approche féministe des films avec des arguments spécieux et de la mauvaise foi » dans la même optique visiblement. Vous constaterez que j’ai essayé jusqu’ici de ne faire que répondre à vos arguments par d’autres arguments, sans me contenter de discréditer celui qui n’est pas de mon avis. Je remarque aussi que vous me reprochez de disqualifier votre approche à priori, alors qu’un peu plus haut vous me repreniez quand je vous reprochais de disqualifier Disney à priori. Donc vous pouvez m’accuser d’aprioris dans mon raisonnement, mais la réciproque est impossible? Et de plus, comme je l’ai déjà dit, je ne faisais que dire que vous vous étiez trompé, vous me dites que je fais preuve de mauvaise foi, deux approches assez différentes d’une discussion.
« mépris et dogmatisme » chez moi, mais au moins quand je conteste vos arguments, je vous présente mon raisonnement à chaque fois. De votre côté, vous semblez dire que puisque je ne suis pas d’accord avec vous, je suis forcément antiféministe, mais ce n’est pas dogmatique ou méprisant.
Donc je vous le rappelle, tout comme on peut contester certaines actions d’un groupe religieux sans être islamophobe, cathophobe ou antisémite (et j’en passe, selon le groupe religieux choisi), on peut critiquer certaines actions d’un féministe sans pour autant être antiféministe.
Je constate avec joie qu’après ces coups de semonce vous vous attaquez véritablement à l’argumentation, mais ne pensez-vous pas qu’il aurait été plus intelligent d’éviter de passer par cette étape? Dans le cas où j’aurais bien été tel que vous le pensez, étant donné que vous auriez eu raison et moi tort, j’aurais forcément fini par me montrer injurieux ou franchement de mauvaise foi (comme tout antiféministe confronté à ses incohérences), et personne n’aurait pu vous faire le moindre reproche.
Mais vous finissez, à nouveau, par un dénigrement et un apriori: » il me semble que c’est surtout votre position de départ qui est à l’origine de vos objections (et pas un quelconque regard objectif ou neutre sur les films) ». Je vois assez peu de différences avec ma thèse (par trop grande implication, votre analyse a été orientée et non objective), si ce n’est encore une fois la différence entre l’erreur et la mauvaise foi.
« j’ai tort de lire des films d’un point de vue féministe et tort de féminiser la langue, bref que j’ai tort d’être proféministe »
A chacun ses sophismes on dirait… on peut se battre pour la cause féministe sans tomber dans de tels excès. Se battre pour l’égalité réelle en droit, notamment pour les salaires, ou contre certaines publicités franchement dégradantes (celle pour Beats Pill par exemple, je ne pensais pas qu’il était encore possible de faire des choses pareilles sans finir en procès) sont autant de moyens plus utiles que s’attaquer aux Disney.
près équivalentes aux vôtres, la vie
Si je passe tant de temps à faire des hypothèses sur vos positions politiques avant de répondre à vos arguments, ce n’est pas pour décrédibiliser vos arguments a priori, mais parce que je pense que les positions politiques que l’on a influencent nos lectures des films, ainsi que les arguments que l’on développe pour les défendre, si « objectifs » puissent-ils paraître.
Vous n’avez pas répondu à ma question centrale à ce sujet. Mais je persiste car c’est à mon avis essentiel. Vous me reprochez d’avoir une lecture « biaisée », qui ne retient que ce qui l’arrange dans le film alors que « le raisonnement inverse pourrait à chaque fois être tenu ». Et le caractère biaisé de ma lecture serait dû à mes aprioris politiques. Mais par contre, vous, vous vous réclamez de l’« objectivité », ou du moins d’une plus grande objectivité. Mais par quel miracle votre lecture serait plus « objective » que la mienne ? Parleriez-vous d’un point de vue hors des contingences de la société ? de ses rapports de dominations ? Avez-vous une position surplombante qui vous permet de regarder de haut tous les points de vue sans vous-même n’adopter aucun point de vue ? N’êtes-vous pas « situé-e » comme tout le monde ? Ce sont ces présupposés qui me dérangent le plus dans votre position.
Car si on prend votre dernier paragraphe, on voit bien que vous avez des positions très définies vis-à-vis du féminisme, ou du moins d’un certain féminisme. Vous trouvez que critiquer Disney ou la langue française d’un point de vue féministe est un « excès », ou encore des « provocations qui ne font que ridiculiser une juste cause ». Alors que critiquer les publicités trop sexistes et l’inégalité de salaire ça ça serait légitime. Vous ne pensez pas que les dessins-animés (que des millions d’enfants regardent et reregardent chaque jour) ne peuvent pas avoir un rôle dans la reproduction du patriarcat ? Ni que le langage genré et sexiste (qui est parlé par des millions de gens chaque jour) peut lui aussi avoir un rôle important dans cette reproduction ? Et que penseriez-vous de quelqu’un-e qui vous dirait : « non mais critiquer les publicités sexiste et les inégalités de salaire, c’est vraiment un excès qui ridiculisent une juste cause, car il y a des choses plus importantes, comme les violences conjugales, ou l’exploitation des femmes dans la prostitution ou la pornographie » ? Est-ce que vous pensez que ces différents combats féministes sont exclusifs ? Et du coup, est-ce que vous voyez un peu mieux ce que je veux dire quand je qualifie votre discours d’antiféministe ?
En ce qui concerne le film, comme je l’expliquais dans le message précédent, je préfèrerais me concentrer sur un point précis du film, pour prendre les points un par un, car sinon on va faire des pavés qui vont monopoliser l’espace et qui dissuaderont d’autres gens d’intervenir je pense. Je vais donc prendre votre premier contre-argument concernant le film.
« Vous avez visiblement mal lu ce que j’ai écrit, car la « soumission au patriarcat » consiste à attendre avant de découvrir le monde. Ce qui cause des ennuis -le terme est faible- à la sirène, c’est qu’elle décide de vivre chez les hommes quand ses sœurs ont, elles, respecté l’ordre établi. Si la petite sirène avait continué de se soumettre, si elle était restée à la place que le « système » lui avait assignée, elle aurait encore une queue de poisson mais elle aurait évité tant les souffrances que la mort. C’est sa tentative d’émancipation qui entraîne sa mort, sa soumission à la règle des 15 ans lui aura au contraire permis de vivre jusque-là.
En bref: non, ce que vous dites ici est faux vu que c’est exactement le contraire qui se produit. »
J’ai l’impression que vous mélangez un peu le conte d’Andersen et le film de Disney. Si je comprends bien, vous dites que dans le conte d’Andersen, c’est parce que la sirène tente de s’émanciper du patriarcat qu’elle meurt, alors que si elle était restée soumise à la règle des 15 ans, tout ce serait bien passé. Déjà, juste un détail, la petite sirène d’Andersen attend bien ses 15 ans, c’est après qu’elle veut s’en aller. Mais c’est juste un détail sans importance. Le plus important pour moi, c’est que vous oubliez/déformez pas mal de choses pour me montrer que j’ai tort ou que « le raisonnement inverse aurait pu être tenu » :
Déjà, pour moi, le monde duquel la sirène d’Andersen veut « s’émanciper » (selon vos propres mots) ne ressemble pas vraiment pour moi à un patriarcat. J’ai l’impression que vous confondez un peu avec le Disney, où le Roi Triton a une importance centrale alors qu’il est totalement inexistant dans le conte original. Il doit être mentionné 2 fois maximum, et juste en passant, car il n’a aucun rôle actif. La figure centrale du monde des mers chez Andersen est la grand-mère de la sirène, qui régit le château et s’occupe de l’éducation des filles. Donc le monde duquel la sirène veut s’ « émanciper » est plus un matriarcat qu’un patriarcat pour moi chez Andersen. C’est Disney qui en fera un patriarcat (mais patriarcat bienveillant).
Du coup j’ai du mal à lire le Andersen comme l’histoire d’une jeune fille qui s’émancipe de sa condition de femme sous le patriarcat et qui est punie de sa tentative d’émancipation. Car précisément, c’est dans ce que vous appelez vous « émancipation » que commence pour moi l’oppression. C’est quand elle va la première fois à la surface (le monde des hommes) qu’on la fait belle en lui disant « il faut souffrir pour être belle ». Et c’est sur terre qu’elle subit tous les supplices corporels dont j’ai parlé, pour plaire à son homme. Du coup, pour moi, la lecture que vous faites me semble assez déformante. Vous avez le droit de la faire bien sûr, tout le monde peut faire les lectures qu’il veut, mais l’avancer comme quelque chose qui disqualifierait ma lecture (qui serait « biaisée ») en amenant plus d’ « objectivité », je suis moins convaincu.
Par contre, si on prend le Disney, là je suis d’accord, la trajectoire d’Ariel est plus montrée comme une émancipation par rapport la loi du père. Après, comme je l’ai expliqué, ce qui me dérange moi là-dedans, c’est que cette émancipation ne consiste au final qu’à pouvoir se marier avec l’homme de ses rêves (mariage auquel papa donne même sa bénédiction au final). Vous avez le droit de trouver ça féministe, mais c’est juste que moi, passer d’un homme à un autre, je ne vois pas ça comme une émancipation. A quoi s’ajoute que la domination du père est atténuée par un discours consistant à le déresponsabiliser (il ne voulait que le bien de sa fille, il était juste inquiet le pauvre homme, il faut le comprendre). C’est tout ça qui me gêne dans le Disney. Faire du monde de la mère un patriarcat et la trajectoire d’Ariel une émancipation était une idée intéressante, mais ce qu’en fait concrètement Disney ne me semble pas du tout féministe (beaucoup moins que le Andersen), du moins de mon point de vue.
Je ne cherche à débattre pour savoir qui a tort ou qui a raison, mais juste essayer d’expliquer ma lecture, qui ne me semble pas « biaisée ». Elle est subjective certes, comme toutes les lectures, mais elle ne me semble pas biaisée, au sens où elle s’appuie quand même sur ce que ces deux histoires racontent concrètement. Vous comprenez ce que je veux dire ?
On s’éloigne de la Petite Sirène, mais je ne comprends pas en quoi la langue française est « genrée et sexiste ». Si c’est l’accord des adjectifs au pluriel qui vous gène, je crois qu’il s’agit d’une réminiscence du genre neutre, qui existait en ancien français et qui a disparu; ce n’est pas la marque du masculin. La règle « le masculin l’emporte sur le féminin » est une astuce mnémotechnique qu’on donne (maladroitement) aux enfants, mais fausse du point de vue linguistique.
Et de toute façon, le genre en grammaire n’a rien à voir avec le sexe.
Cette nouvelle grammaire, qu’on rencontre de plus en plus souvent, gène beaucoup la lecture, et j’aimerais bien qu’on m’en explique l’intérêt. Mais bon, ce n’est peut-être pas le lieu…
Bonjour,
j’ai répondu plus bas à Pazair sur la question de la langue. Comme vous avancez le même argument qu’ellui, je me permets de copier/coller ce que je lui ai répondu-e (après je ne comprends pas trop votre idée d’un masculin qui serait une « réminiscence du genre neutre » donc neutre, vous pourriez préciser. Parce que pour moi (et je pense pour beaucoup de gens), le masculin c’est avant tout… masculin :-)). Voilà ce que j’ai écrit à Pazair donc :
« Prétendre que le « ils » au pluriel est un neutre, c’est juste nier l’évidence non ? Vous ne voyez pas de sexisme dans la règle « le masculin l’emporte » qui, je le rappelle, a été justifiée ainsi par le père Bouhours à l’époque de son instauration : « Lorsque deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. ». Vous ne trouvez pas ça sexiste ?
Et pour moi, le simple fait de devoir préciser le sexe de la personne dont on parle à chaque fois qu’on emploie un pronom est profondément sexiste. Que penseriez-vous de la langue française si, à la place de « il(s) » et « elle(s) », on avait des pronoms qui désigne la couleur de peau des individus, et qu’à chaque fois qu’on employait un tel pronom, on précisait donc la couleur de peau de notre interlocuteur ? Ne trouveriez-vous pas ça raciste ? Quelle pertinence y a-t-il exactement à toujours rappeler le sexe des gens ? Est-ce qu’il ne s’agit pas juste là de les classer en deux catégories (avec l’une qui domine l’autre) ? Qu’en pensez-vous ? »
« Si je passe tant de temps à faire des hypothèses sur vos positions politiques avant de répondre à vos arguments, ce n’est pas pour décrédibiliser vos arguments a priori, mais parce que je pense que les positions politiques que l’on a influencent nos lectures des films, ainsi que les arguments que l’on développe pour les défendre »
Vu la façon dont vous écriviez, je ne pense pas qu’on pouvait vraiment parler « d’hypothèses », excusez-moi mais vous étiez assez affirmatifs en me traitant d’antiféministe.
Et vous manquez un peu de cohérence: quand je me base sur votre engagement politique affirmé pour dire que cela a énormément influencé votre raisonnement, le rendant subjectif et biaisé, vous me reprenez. Par contre, quand vous m’accusez de manque d’objectivité, en vous basant sur de simples hypothèses de mes convictions politiques (en vous trompant, au passage, du tout au tout), là c’est valable. Deux poids deux mesures?
« Vous n’avez pas répondu à ma question centrale à ce sujet. »
Je me permettrais de vous faire remarquer que vous ne répondez pas beaucoup à mes arguments, un grand nombre étant purement factuels et n’ont donc rien à voir avec cette « question centrale ».
« Vous me reprochez d’avoir une lecture « biaisée », qui ne retient que ce qui l’arrange dans le film alors que « le raisonnement inverse pourrait à chaque fois être tenu ». Et le caractère biaisé de ma lecture serait dû à mes aprioris politiques. Mais par contre, vous, vous vous réclamez de l’« objectivité », ou du moins d’une plus grande objectivité. »
Vous êtes-vous donné la peine de lire ce que je vous avais répondu à ce sujet? Parce qu’il y a principalement deux choses à retenir
1)Quand on présente « l’hypothèse inverse », il n’y a pas besoin d’être parfaitement objectif, simplement de chercher les arguments qu’il faut pour contrer votre argumentation. A la limite, j’aurais pu demander à un penseur antiféministe (superbe exemple d’oxymore n’est-ce pas?) de faire cette partie du travail, puisqu’il suffirait d’un contradicteur. C’est le principe de base de toute argumentation: chercher la thèse opposée. De deux choses l’une: soit cette autre interprétation, cette « hypothèse inverse », est totalement erronée, ne s’appuie pas sur des éléments du film et ne résulte que de la vision subjective d’un extrémiste, auquel cas les arguments présentés sont tous risibles et facilement démontables. Soit elle n’est pas rejetable, et on se retrouve dans la situation que j’ai évoquée précédemment, avec deux thèses aussi valables mais ne pouvant être toutes les deux vraies.
Là où j’ai la prétention d’avoir une certaine dose d’objectivité, c’est justement en effectuant cette démarche. J’ai cherché la thèse opposée en ne prenant bien sûr pour arguments que ceux qui me semblaient valables (ce qui bien sûr ne prouve en rien qu’ils l’étaient tous). Puis j’ai comparé les deux hypothèses, vu qu’elles semblaient toutes deux valables, d’où mes conclusions. Bien sûr ma subjectivité entrait naturellement en jeu au moment de comparer les deux thèses, mais c’est là que débute le rôle des autres lecteurs, qui pourront tous faire cette comparaison avec chacun leur subjectivité et essayer de voir s’il n’y aurait pas, par hasard, des arguments vraiment non valides.
2)Je remarque à nouveau les mêmes types d’attaques vaguement méprisantes consistant à me taxer d’arrogance sous prétexte que je me targue d’être plutôt objectif. Tout d’abord, j’aimerais que vous arrêtiez un peu vos exagérations: non je ne prétends pas être d’une totale neutralité, une sorte de sage si détaché du monde que son avis fait force de loi. Non je ne l’ai jamais prétendu, aussi cessez de faire comme si c’était le cas.
« Mais par quel miracle votre lecture serait plus « objective » que la mienne ? »
Là encore il y a deux remarques, mais ce qui me chagrine c’est que ce sont des explications que j’avais déjà données.
1)J’analyse et je discute votre raisonnement, je n’effectue pas une lecture de l’œuvre. A moins que vous ne parliez de cette « hypothèse inverse », pour laquelle j’ai déjà montré plusieurs fois qu’il n’était pas nécessaire qu’elle soit parfaitement objective, puisqu’il suffit que l’antithèse existe. Après quoi il faut regarder pour les deux hypothèses quels sont les arguments recevables, et si les interprétations d’un même passage sont toutes deux issues, pour ainsi dire, du manque d’objectivité des personnes qui les ont présentées, alors nous en revenons au même point que plus haut. La présence d’un « juge objectif » qui trancherait serait idéale, mais cela n’existe pas (prendre un échantillon aléatoire de personnes serait ce qui s’en rapproche le plus) aussi je pense que ce que nous avons tous deux d’objectivité suffira à examiner avec une certaine lucidité quelques arguments, pour rejeter les plus aberrants.
2)Par ailleurs, je maintiens ce que j’ai dit plus haut: le lecteur est toujours plus objectif que l’auteur, raison pour laquelle les auteurs demandent à d’autres personnes de les relire.
Donc afin que ce soit clair: l’hypothèse inverse que je présentais n’était pas une autre « lecture de l’œuvre », elle n’avait pas à être plus objective que la vôtre, simplement à être au même niveau.
Passons à la suite: votre paragraphe sur le féminisme.
« Vous ne pensez pas que les dessins-animés (que des millions d’enfants regardent et reregardent chaque jour) ne peuvent pas avoir un rôle dans la reproduction du patriarcat ? »
Je remarque d’abord que les personnes qui écrivent ici des articles sur les Disney, féministes convaincus au plus haut point, les ont souvent vu bien plus de fois que la moyenne des enfants (cf l’article sur le Roi Lion il me semble), ce qui s’accorde difficilement avec l’idée que le visionnage de ces films transforme en patriarque dominateur et sexiste. D’ailleurs la cause féministe a bien progressé ces dernières décennies, malgré tous ces films.. Ensuite, pour répondre à votre question, je dirais simplement « non ». Il me semblait que c’était assez clair que je suis en désaccord avec vous quand vous affirmez que les Disney transmettent des anti-valeurs sexistes, cela fait un certain temps que nous argumentons à ce sujet sur la petite sirène. A mon tour de questionner: pensez-vous que les enfants verront seulement la moitié des éléments prétendument sexistes que vous relevez? Sur quoi vous basez-vous pour dire que les petites filles retiendront plus d’Ariel la scène où elle se coiffe que la scène où elle sauve héroïquement le prince de la noyade par exemple? Que pour les garçons, le prince sera le pourfendeur de monstre marin où l’homme amoureux, aimant la musique et refusant les honneurs d’une statue trop flatteuse? Je pense qu’en simple temps de film, l’unique intervention héroïque de ce personnage est largement compensée par le reste.
» Ni que le langage genré et sexiste (qui est parlé par des millions de gens chaque jour) peut lui aussi avoir un rôle important dans cette reproduction ? »
De quoi parlez-vous donc? Si j’en crois l’excellente réponse qui vous est faite juste après, vous devez penser à la langue française, laquelle ne colle pas avec cette définition. Ce n’est même pas la peine d’en discuter des heures, mais comparons juste avec l’anglais. Le « they » est neutre, vous applaudissez? Le « ils » regroupant hommes et femmes l’est aussi, comme dit plus bas. Alors oui, pour le passé composé par exemple, un pluriel mixte n’aura pas la terminaison du féminin. On constate qu’un abricot est mangé, une pomme est mangée et des pommes sont mangées tandis qu’un abricot et une pomme sont mangés. Vous dites « c’est sexiste, on a la terminaison du masculin avec seulement le s du pluriel ». On peut aussi dire que le féminin est le seul à avoir une terminaison spécifique au pluriel: le fait qu’il n’y ait que des genres féminins est souligné, alors que les genres masculins ont la même terminaison qu’un pluriel mixte.
« Et que penseriez-vous de quelqu’un-e qui vous dirait : « non mais critiquer les publicités sexiste et les inégalités de salaire, c’est vraiment un excès qui ridiculisent une juste cause, car il y a des choses plus importantes, comme les violences conjugales, ou l’exploitation des femmes dans la prostitution ou la pornographie » ? »
Selon vous donc, ce qui fait que je parle de « ridicule » c’est que l’importance est moindre? Non. Publicités, inégalités, exploitation etc.. sont toutes des choses importantes (avec une plus grande importance de ceux que vous mentionnez certes), aucune n’est qualifiable de ridicule. Ce qui est ridicule, c’est d’accuser la langue française de sexiste quand elle ne l’est pas. C’est aussi, comme dans un certain pays européen, de vouloir apprendre aux filles à faire « pipi debout » et nier les différences physiologiques pour créer une égalité où il n’y en a pas. Ce qui est ridicule, en bref, c’est que 99% de la population dira que la langue française n’est pas antiféministe, alors que si on parle de n’importe quel autre exemple précité (prostitution etc) l’énorme majorité dira le contraire. Après si vous jugez que les 99% qui ne pensent pas comme vous sont forcément de stupides machos antiféministes, inutile de discuter, mais je ne pense pas que vous pensiez cela.
» Est-ce que vous pensez que ces différents combats féministes sont exclusifs ? »
Non bien sûr. Qu’il y a des priorités, c’est vrai (la prostitution forcée avant la pornographie consentie par exemple). Mais surtout je dis que les deux éléments dont j’ai pointé le ridicule ne sont pas des combats à mener; Le problème n’est pas quantitatif, lequel est le plus urgent, mais qualitatif: lequel est VRAIMENT antiféministe et lequel n’est rien.
« est-ce que vous voyez un peu mieux ce que je veux dire quand je qualifie votre discours d’antiféministe ? »
Donc pour vous, quelqu’un qui dirait « non mais critiquer les publicités sexiste[..je ne re-cite pas tout..]ou la pornographie » est antiféministe? Simplement parce que sa vision du combat que devrait mener un féministe est différente de la vôtre, il devient antiféministe? Alors là bravo! Quelqu’un comme ça resterait féministe par définition, puisque se battant pour des causes féministes, et même si sa vision serait réductrice, le traiter « d’antiféministe » serait juste -excusez-moi- stupide. Donc oui, je suis désolé mais j’estime que ce n’est pas parce que je qualifie « votre » combat contre la langue française de « ridicule » (avec certaines raisons) et que je lui préfère d’autres combats que je deviens antiféministe. Désolé si je me moque, mais je ne pense pas que ce genre de raisonnement permettra de rallier plus de personnes à la cause féministe, au contraire.
» J’ai l’impression que vous mélangez un peu le conte d’Andersen et le film de Disney. Si je comprends bien, vous dites que dans le conte d’Andersen, c’est parce que la sirène tente de s’émanciper du patriarcat qu’elle meurt, alors que si elle était restée soumise à la règle des 15 ans, tout ce serait bien passé. »
Vous répondez ceci en citant donc la phrase suivante:
» C’est sa tentative d’émancipation qui entraîne sa mort, sa soumission à la règle des 15 ans lui aura au contraire permis de vivre jusque-là. »
Si vous ne lisez pas ce que vous citez, la discussion va tourner court.
Je contrais simplement votre affirmation que « chez Andersen le discours patriarcal est décrédibilisé », puisque la mort de la sirène n’est pas due à sa soumission au patriarcat, puisque le seul moment où elle se soumet c’est en attendant 15 ans (ce qu’elle fait), et cela ne pose aucun problème.
Par contre, c’est quand elle décide de quitter la mer, donc le giron parental, pour s’émanciper, qu’elle déclenche les évènements entrainant sa mort. Conclusion: restez avec vos sœurs sous la conduite de vos pères, si vous essayez de vivre votre vie vous souffrez et mourrez. Très opposé au patriarcat comme morale, vraiment bravo Andersen…
« Déjà, pour moi, le monde duquel la sirène d’Andersen veut « s’émanciper » (selon vos propres mots) ne ressemble pas vraiment pour moi à un patriarcat. »
Exact, mais à ce moment-là il n’y a plus vraiment de « patriarcat » dans mon raisonnement. Ce que j’essaye de dire, c’est que la jeune fille quitte sa famille et le monde auquel elle était destinée (c’est en ce sens que je parlais de « s’émanciper », il me semble que c’est plus ou moins la définition usuelle de ce terme), et alors a des ennuis. Peu importe à quoi ressemblait son monde, on voit qu’elle essaye d’être indépendante, de ne pas faire comme les autres et en particulier ses sœurs, et elle en meurt. C’est pour ça que je disais que ce conte ne pouvait être considéré comme féministe et anti-patriarcal: pour le « patriarcal » c’est le paragraphe précédent, pour le féminisme c’est ce que je viens de dire.
« Du coup j’ai du mal à lire le Andersen comme l’histoire d’une jeune fille qui s’émancipe de sa condition de femme sous le patriarcat »
Une fois de plus, ce n’est pas ce que j’ai dit. Elle « s’émancipe » tout simplement, pas spécifiquement d’une condition pénible, comme de nombreux jeunes hommes et de nombreuses jeunes femmes, mais dans le conte cela se termine mal. A mes yeux, l’émancipation de la jeune fille consiste bien à quitter le giron parental, pas uniquement celui du père.
» en amenant plus d’ « objectivité », je suis moins convaincu »
Je crois que je viens de répondre un peu. Mais une fois de plus, cette seconde interprétation (la morale serait « antiféministe ») n’est pas d’une totale objectivité, bien sûr que non, et tout comme la vôtre. Aucune n’est supérieure à l’autre. Mais justement, la conclusion est bien que le conte est trop complexe pour être interprété dans un sens ou dans l’autre. Je rappelle que je n’essaye pas de prouver que Disney est féministe et le conte d’Andersen antiféministe (ce serait faux) mais de montrer que vous avez tort d’affirmer que Disney est antiféministe et le conte d’Andersen féministe. Je rabâche un peu cette notion, mais mes deux précédents messages n’ayant pas suffi, j’essaye de le redire d’autant de manières différentes que possible, meilleur moyen pour arriver à une compréhension mutuelle.
» mariage auquel papa donne même sa bénédiction au final »
Réponse dans mon message précédent (et mes messages pour le mariage en général).
» Vous avez le droit de trouver ça féministe »
Je ne trouve pas que la petite sirène est un film féministe, je n’ai jamais affirmé ça, simplement montré que cette thèse était aussi valable que la vôtre (le film est antiféministe), ce qui ramène toujours à la même situation (on pourrait presque parler des « contraires qui s’annulent »), la conclusion étant que c’est juste un dessin animé à peu près équilibré, ni pro-féministe ni anti-féministe.
» elle ne me semble pas biaisée, au sens où elle s’appuie quand même sur ce que ces deux histoires racontent concrètement »
Oui, nous sommes d’accord sur le contenu des œuvres. Certains points de l’histoire sont concrètement en faveur de votre théorie (le cliché du sac à main est incontestable), d’autres en faveur de la théorie inverse (le roi-père triton peut interdire ce qu’il veut, sa fille Ariel parvient à ses fins). Certains points sont interprétables dans votre sens, mais c’est discutable. J’ai mentionné des points interprétables dans l’autre sens, tout aussi discutables (sans atteindre la surinterprétation que vous faites avec le trident). Les deux théories sont recevables. Mais moi je ne cherche pas à démontrer la seconde, la sachant tout aussi biaisée, seulement comme aucune des deux n’a vraiment plus d’éléments concrets que l’autre, et tout ce que j’ai déjà dit avant pour arriver à cette conclusion qu’elles sont aussi recevables mais diamétralement opposées, on en déduit qu’elles sont fausses.
C’est vraiment le principe de la balance. Oui vous présentez des arguments recevables. Mais je trouve des arguments recevables que vous avez oubliés et s’opposant à votre thèse. Résultat: les deux plateaux restent à peu de chose près au même niveau.
« Je ne cherche à débattre pour savoir qui a tort ou qui a raison »
Voici la source de notre incompréhension: vous considérez que je suis partisan de cette « hypothèse inverse », mais non. Je ne défends ses arguments que parce qu’ils sont aussi valables que les vôtres. Si je présentais cette thèse comme vraie, j’aurais tort. Mais je dis que vous avez tort, car cette thèse existe et est au moins aussi recevable que la vôtre.
Enfin, je pense qu’il vaut mieux écrire un long texte que choisir à quels arguments répondre, cela n’empêchera pas selon moi qu’un autre s’exprime, mais c’est vraiment une question de point de vue et nous avons un débat suffisamment prolifique pour ne pas en démarrer un autre.
J’essaie de répondre aux points qui me semblent les plus importants :
1/ Sur l’emploi du mot « antiféministe »
Désolé si j’ai été un peu violent, mais je ne cherchais pas à vous « traiter d’antiféministe » pour le plaisir d’insulter, je voulais juste pointer du doigt les similitudes qu’il y a entre votre discours et des discours antiféministes classiques. J’y ai été volontairement un peu fort parce que vous vous présentiez comme quelqu’un-e de neutre, avec un discours disant à peu près « je ne fais que tenir le raisonnement inverse pour apporter plus d’objectivité ». Comme je l’ai expliqué, je pense que personne n’est neutre, et que tout le monde a des positions politiques (plus ou moins conscientes).
Ce que je me demande par exemple, c’est pourquoi vous donnez vous tant de peine à pondre de si gros pavés pour nous expliquer que ça ne sert à rien de critiquer les films puisque de toute façon ils n’ont aucun rôle dans la reproduction du patriarcat et qu’on est complètement à côté de la plaque ? Pourquoi n’utilisez-vous pas votre temps à participer aux autres combats féministes (les seuls légitimes selon vous) ? Si ce que nous faisons est inutile et ridicule, pourquoi s’acharner à vouloir nous contredire ?
Après, comme vous vous dites (pro)féministe, on pourrait reformuler les choses comme ça : nous n’avons pas la même conception du féminisme…
2/ Sur l’objectivité et la subjectivité
Voilà comment je vois les choses personnellement : je pense qu’au fond personne n’est objectif, parce que ça voudrait dire s’extraire de ses conditions sociales d’existence, des rapports de domination dans lesquels on est pris-e-s, ce qui est impossible. Donc en ce sens, toute lecture est subjective.
Mais je n’assimilerais pas non plus « subjectif » à « biaisé ». Car ce n’est pas parce qu’on est situé-e (et qu’on a un point de vue subjectif) que l’on déforme forcément l’objet dont on parle. Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ? Est-ce que vous êtes d’accord ?
Pour résumer : pour moi, nous avons tous les deux un point de vue aussi subjectif l’un que l’autre, mais après la question est de savoir qui déforme le plus le film. Vous pensez que c’est moi, je pense que c’est vous 🙂
3/ Sur la différence entre ce que dit le film et les lectures qui en sont faites
Vous avancez comme preuve que les films n’ont aucune influence le fait qu’on peut très bien avoir regarder Disney en boucle et ne pas embrasser toutes ses valeurs. Mais vous mélangez ce que dit le film et ce que les gens en retiennent. Je n’ai jamais dit que les spectateurs/trices étaient des éponges qui absorbent passivement tout ce qu’on leur sert. Au contraire, l’immense majorité des lectures sont à mon avis des lectures « négociées » ou « oppositionnelles ». Et c’est ce genre de lectures que nous essayons d’encourager sur ce site (sans prétendre bien sûr qu’on a besoin du cinémaestpolitique pour faire des lectures critiques des films…).
4/ Sur le caractère sexiste de la langue
Là vous allez fort je trouve, car prétendre que le « ils » au pluriel est un neutre, c’est juste nier l’évidence non ? Vous ne voyez pas de sexisme dans la règle « le masculin l’emporte » qui, je le rappelle, a été justifiée ainsi par le père Bouhours à l’époque de son instauration : « Lorsque deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. ». Vous ne trouvez pas ça sexiste ?
Et pour moi, le simple fait de devoir préciser le sexe de la personne dont on parle à chaque fois qu’on emploie un pronom est profondément sexiste. Que penseriez-vous de la langue française si, à la place de « il(s) » et « elle(s) », on avait des pronoms qui désigne la couleur de peau des individus, et qu’à chaque fois qu’on employait un tel pronom, on précisait donc la couleur de peau de notre interlocuteur ? Ne trouveriez-vous pas ça raciste ? Quelle pertinence y a-t-il exactement à toujours rappeler le sexe des gens ? Est-ce qu’il ne s’agit pas juste là de les classer en deux catégories (avec l’une qui domine l’autre) ? Qu’en pensez-vous ?
Vous dites : « Ce qui est ridicule, c’est d’accuser la langue française de sexiste quand elle ne l’est pas. C’est aussi, comme dans un certain pays européen, de vouloir apprendre aux filles à faire « pipi debout » et nier les différences physiologiques pour créer une égalité où il n’y en a pas. ».
Qu’entendez-vous par « créer une égalité où il n’y en a pas » ? Supposeriez-vous qu’il n’y a pas à la base une égalité « de nature » entre filles et garçons ?
5/ Sur le film
Si je comprends bien ce que vous dites du film, pour vous, il y a autant de choses féministes que sexistes dans la Petite Sirène, donc ça s’annulerait. Vous dites « c’est juste un dessin animé à peu près équilibré, ni pro-féministe ni anti-féministe ». Mais parce qu’il dit des choses contradictoires, le film ne dit rien ? Ne devriez-vous pas plutôt dire qu’il est « à la fois proféministe et antiféministe » ?
Après j’ai expliqué pourquoi je trouvais ça globalement sexiste et antiféministe. J’ai l’impression qu’on a juste pas la même conception du féminisme non ? (de mon point de vue, ça vous conduit à déformer le film, mais bon, on ne peut pas se sortir de ce débat, puisque vous pensez la même chose de moi…)
Sur le point 1):
« Pourquoi n’utilisez-vous pas votre temps à participer aux autres combats féministes (les seuls légitimes selon vous) ? »
Il y a plusieurs réponses possibles. L’une d’elle me vient directement de vous: les combats ne sont pas exclusifs. On peut d’une part s’engager dans les combats féministe et d’autre part s’opposer aux « combats » qui décrédibilisent le féminisme.
« Si ce que nous faisons est inutile et ridicule, pourquoi s’acharner à vouloir nous contredire ? »
La réponse est dans la question: « si nous disons des choses ridicules, pourquoi nous contredire? »
Pourquoi est-ce que j’utilise ainsi mon temps? Parce que je fais ce que toute personne lisant un article, sur ce site ou sur un autre, devrait faire: réfléchir au raisonnement de l’auteur sans simplement l’accepter et si il y a désaccord, expliquer à l’auteur ce qui ne va pas dans sa démonstration. Je m’étonne toujours de ces incohérences: vous tenez un blog de réflexion sur des films, vous affirmez justement dans votre point 3) que vous cherchez à encourager une lecture critique des films, mais si quelqu’un fait une lecture critique de votre article, alors vous lui demandez s’il n’a rien de mieux à faire de son temps…
Sur le point 4):
« la règle « le masculin l’emporte » »
Quelqu’un d’autre que moi a déjà répondu.
« justifiée ainsi par le père Bouhours à l’époque de son instauration : « Lorsque deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. ». Vous ne trouvez pas ça sexiste ? »
Si. Mais excusez-moi, cette citation ne date-t-elle pas du 17° siècle, époque où la notion même de féminisme n’existait pas encore, et où tous les hommes ou presque auraient été sexistes si on leur avait appliqué les critères actuels? Alors oui, peut-être qu’à un moment donné de l’Histoire un homme d’église (qui n’étaient pas les plus grands amoureux des femmes à l’époque)ait pu justifier ainsi ce type de règle. Cela n’empêche pas qu’on ait évolué depuis, et que ce « ils » soit neutre, ou du moins considéré comme tel. On dira ainsi qu’au pluriel masculin on dit « ils », au pluriel féminin on dit « elles » et au pluriel mixte on dit « ils », sans que cela signifie que ce dernier « ils » soit purement masculin (justement: il est mixte). Ensuite vous pouvez l’interpréter de deux manières, j’en ai parlé dans ma dernière réponse.
« Quelle pertinence y a-t-il exactement à toujours rappeler le sexe des gens ? »
Aucune, en effet. On pourrait avoir un équivalent du « they » anglais. Et alors? Historiquement la langue s’est faite ainsi, devrait-on la changer complètement simplement parce que quelques personnes interprètent cela comme du sexisme? A part provoquer un rejet massif vis-à-vis de ceux qui proposeront cela, quel intérêt?
Accessoirement, je viens de repérer une pertinence: en conversation, il est tout de même assez pratique de pouvoir faire des catégories. Quand on parle de plusieurs personnes, il est assez utile d’avoir des pronoms différents pour savoir de qui on parle. Imaginez que « il » et « elle » soient remplacés par un unique pronom « ull », et essayez de faire la traduction d’un texte « classique » de la sorte: on y perd.
Pourquoi le sexe? Parce que c’est à peu près la seule distinction qu’on peut faire entre deux groupes d’humains, toutes les autres ayant une limite imprécise (on est homme ou femme, mais entre les couleurs de peau noire et blanche, il y a une infinité de teintes).
De plus on ne pourrait pas faire une distinction par la couleur de peau, car dans une population géographique donnée, on trouvera souvent une seule vraie teinte (à quelques variations près). Votre parallèle avec la couleur de peau est donc infaisable.
« Est-ce qu’il ne s’agit pas juste là de les classer en deux catégories (avec l’une qui domine l’autre) ? »
Pour vous, si on classe en deux catégories, l’une doit dominer l’autre? Je ne pense pas. Il y a deux catégories équivalentes (il/elle_he/she ») ainsi que le neutre (« on » au singulier, « ils » au pluriel, they en anglais, das en allemand).
Je serais d’ailleurs curieux de savoir ce que vous pensez des pluriels allemands, où le pluriel « sie » est identique au féminin « sie ». C’est tout aussi « sexiste » que le français, mais dans l’autre sens.
« Supposeriez-vous qu’il n’y a pas à la base une égalité « de nature » entre filles et garçons ? »
Je me doutais que vous réagiriez, j’aurais mieux fait de ne rien dire ça aurait évité une perte de temps.
Non, il n’y a pas une égalité « de nature » parce que, je vais peut-être vous apprendre quelque chose, mais hommes et femmes sont différents. Ils ont une anatomie différente, des gènes différents, des gènes qui s’expriment différemment, et donc une physiologie différente. Ce qui fait que les hommes n’allaitent pas, ont une espérance de vie moindre et ne portent pas d’enfant, car ils n’en sont pas capables. De même l’appareil urinaire féminin est différent de l’appareil masculin, donc moins adapté pour uriner d’une certaine façon. Aucun homme n’aura de cancer du col, n’est-ce pas terriblement sexisme?
Oui il y a des différence. Les nier est de la stupidité. Les reconnaître est normal. En créer quand il n’y en a pas, ou pire utiliser ces différences pour créer des distinctions inexistantes est du sexisme. Il est sexiste de vouloir cantonner une femme dans le rôle de femme au foyer, car il n’y a sur ce point-là aucune différence entre les deux sexes qui puisse justifier cette distinction. Par contre, il est normal de faire deux compétitions différentes en sport, du fait de la différence physiologique de masse musculaire entre les deux sexes. Car si on ne le faisait pas, on mettrait des femmes en compétition avec des hommes disposant d’un avantage réel, ce qui serait des plus injuste.
En bref: le sexisme, par définition, c’est de faire une distinction non justifiée entre deux personnes au motif de leur sexe. Mais si vous êtes un tant soit peu objectif, vous ne pouvez nier qu’il existe des différences entre les hommes et les femmes, justifiant certaines distinctions: dépistage de cancers spécifiques, épreuves sportives séparées etc. La liste est cependant bien courte, et tout le rôle du féminisme est de faire disparaître toute distinction injustifiée. Cependant, si votre but est d’abolir toute différence entre les hommes et les femmes, alors non nous n’avons pas la même conception du féminisme.
Sur le point 3):
Vous veniez pourtant de dire que les disney jouaient un rôle dans la reproduction de l’idéologie paternaliste. Essayez d’être clair: soit les films influencent les spectateurs, les poussant vers cette idéologie, soit ils ne les influencent pas, auquel cas pourquoi en faire tout un scandale? Et le fait qu’un enfant puisse regarder de nombreuses fois un disney sans devenir sexiste prouve en soi qu’il n’y a pas d’influence.
« Je n’ai jamais dit que les spectateurs/trices étaient des éponges qui absorbent passivement tout ce qu’on leur sert. »
Pourtant il est assez couramment admis que les enfants (spectateurs des disney) se comportent plus comme des éponges que comme des adultes matures capables d’une analyse critique.
Sur le point 2:
ici, comme en d’autres points de cette réponse et comme dans vos réponses précédentes, vous ne lisez pas ce que j’ai pu écrire, car j’ai pourtant répondu à cela un grand nombre de fois et avec de nombreuses formulations. Dans ce cas, je crains que la discussion ne puisse rien apporter. Au moins d’autres lecteurs auront-ils la possibilité de lire deux points de vue différents et en tirer une réflexion. N’est-ce pas l’objectif principal d’un blog?
Ceci sera ma dernière réponse à vos critiques. Je crois que je n’aurais pas le temps et la force de débattre plus longtemps avec vous, et de toute façon j’ai l’impression que notre échange est assez improductif (sur le film du moins, car il aura au moins permis de mettre un peu plus en évidence vos positions politique en ce qui concerne le féminisme). Merci en tout cas d’avoir donné votre point de vue (même si, encore une fois, je ne le partage pas du tout).
1/ Sur votre posture
Vous vous posez comme un lecteur critique de mon article, mais pour moi vous n’en avez que l’apparence. En effet, pour moi, vous ne venez pas critiquer mes arguments dans une perspective analogue à la mienne (qui consiste à essayer d’analyser le propos politique des films). Au contraire, vous venez essayer de montrer l’inutilité de tout discours politique sur la Petite Sirène (et à mon avis, au fond, de tout discours politique sur le cinéma).
Je vous cite : « Je ne trouve pas que la petite sirène est un film féministe, je n’ai jamais affirmé ça, simplement montré que cette thèse était aussi valable que la vôtre (le film est antiféministe), ce qui ramène toujours à la même situation (on pourrait presque parler des « contraires qui s’annulent »), la conclusion étant que c’est juste un dessin animé à peu près équilibré, ni pro-féministe ni anti-féministe. »
Encore une fois, pour moi, ce vocabulaire n’est pas anodin (« ni pro-féministe ni anti-féministe »). Le sophisme consiste ici à passer de « le film véhicule des discours politiques contradictoires » à « le film ne véhicule aucun discours politique ». C’est la magie des « contraires qui s’annulent »…
Et ce discours recoupe complètement votre posture consistant à dire « je ne défends pas les thèses que j’avance, je ne fais qu’avancer des hypothèses opposées aux vôtres ». A chaque fois, votre but est de montrer l’inutilité des analyses politiques sur le film. Vous n’êtes pas là pour débattre d’un point de vue politique sur les films, vous êtes là pour empêcher le débat politique sur les films. Si vous vouliez vraiment débattre et avancer avec moi, vous ne proposeriez pas des arguments auxquels vous-mêmes vous ne croyez pas, juste pour essayer de contrebalancer les miens. Vous réfléchiriez plutôt à ce que le film raconte selon vous.
C’est en cela que je critiquais la posture par laquelle vous intervenez ici. Et c’est pour cela que je n’ai pas envie de discuter éternellement avec vous. Parce que vous ne voulez pas discuter avec moi, vous voulez juste empêcher la véritable discussion (même si pour cela vous noyez la page sous un flot de (pseudos)-arguments.
Pris isolément, vos arguments pourraient être parfois intéressants à discuter. Mais le but qui vous anime vous les fait mobiliser dans un but purement négatif, et pas du tout constructif pour selon moi.
2/ Sur le sexisme dans le langage et « LA différences entre les sexes »
Si vous pouvez dire sans sourciller que « ils » est un neutre, c’est à mon avis précisément parce qu’une victoire symbolique du patriarcat a été remportée. Le masculin passe pour le neutre, l’universel, parce que des siècles de domination ont naturalisé la supériorité du masculin. Du coup, vous ça vous semble tout à fait normal que lorsqu’on parle de filles et de garçons, on dise « ils », « parce que « ils » est neutre ». Mais tout ça c’est le produit d’un rapport de domination, et participe en même temps à la reproduction de cette domination.
Vous dites ensuite qu’il est normal que l’on distingue perpétuellement les gens selon leur sexe « parce que c’est à peu près la seule distinction qu’on peut faire entre deux groupes d’humains, toutes les autres ayant une limite imprécise (on est homme ou femme, mais entre les couleurs de peau noire et blanche, il y a une infinité de teintes). ». Mais là encore, la différence homme/femme (avec une « limite précise » entre les deux) vous semble évidente parce qu’elle a été naturalisée par des siècles de domination. La limite entre hommes et femmes n’est pas plus « précise » que celle entre Blancs et Noirs. C’est à mon avis (entre autres) le langage qui contribue à transformer de multiples différences individuelles en deux grandes catégories bien distinctes.
Là on touche un sujet qui nous emmènerait très loin. On en a déjà discuté à de très nombreuses reprises sur ce site, donc je ne vais pas me répéter une énième fois. Si ça vous intéresse, renseignez-vous par exemple sur les intersexes. Vous pouvez lire par exemple le livre « Sexe, genre et sexualités » d’Elsa Dorlin, réfléchir à l’idée selon laquelle « le genre précède le sexe », lire aussi les féministes matérialistes (Delphy & co). Si ça vous intéresse bien sûr.
Et en ce qui concerne votre question « Pour vous, si on classe en deux catégories, l’une doit dominer l’autre? », là encore j’ai déjà expliqué ma position plein de fois sur ce site. Vous pouvez chercher dans la masse de commentaires si vous avez le courage. Sinon il y a le livre « Classer/Dominer » de Christine Delphy qui correspond à ce que je pense sur le sujet.
Désolé de ne pas réexpliquer tout ça. Peut-être que quelqu’un-e d’autre ayant les mêmes positions que moi le fera, ou que j’aurais le courage plus tard. Mais je n’en ai ni la force ni le courage en ce moment.
3/ Sur l’influence des dessins animés
Vous dites « Vous veniez pourtant de dire que les disney jouaient un rôle dans la reproduction de l’idéologie paternaliste. Essayez d’être clair: soit les films influencent les spectateurs, les poussant vers cette idéologie, soit ils ne les influencent pas, auquel cas pourquoi en faire tout un scandale? Et le fait qu’un enfant puisse regarder de nombreuses fois un disney sans devenir sexiste prouve en soi qu’il n’y a pas d’influence. »
J’espère que vous avez conscience que c’est un peu plus compliqué que « influencent » ou « n’influencent pas », et que vous êtes juste ici dans le sophisme. Je pense en effet que les films ont une influence énorme dans la construction de nos représentations, dans la reproduction des normes, etc. Mais EN MEME TEMPS (et je ne pense pas que ce soit exclusif), je pense que les spectateurs/trices ne sont pas non plus des éponges qui absorbent tout ce qu’ils voient. Je ne sais pas quoi dire de plus (en même temps je suis fatigué donc mon cerveau galère :-)).
Désolé encore de ne pas répondre plus longuement à vos critiques. Et bonne chance dans votre croisade contre les gens qui, comme nous, « décrédibilisent le féminisme »…
@ Pazair : Il n’y a pas de langue plus misogyne que le français. la règle du masculin qui l’emporte en français n’est aucunement la réminiscence de l’existence du genre neutre en français, puisque c’est justement par cette règle moderne que le masculin s’est confondu avec l’universel. En s’attribuant le neutre, l’homme s’est attribué l’humain, le générique et il en a séparées les femmes, les renvoyant à l’altérité et à la spécificité. D’ailleurs, le masculin s’est approprié le radical des noms, ce qui l’associe d’autant plus au générique, alors que le féminin se construit avec l’ajout du -e, ce qui en fait le genre marqué, particulier. Par ailleurs, les premiers à nier la misogynie de cette règle de grammaire seraient aussi les premiers à hurler l’injustice si la règle était inversée et que l’on dise « elles sont nombreuses » en parlant d’un groupe de cent hommes et une femme, ou d’utiliser le terme « la Femme » pour évoquer l’humanité toute entière.
La question du langage est absolument fondamentale lorsqu’il est question des systèmes d’oppression et rapports de force. Toute oppression commence par le langage. On ne peut pas opprimer des personnes si on ne commence pas par proclamer qu’elles sont inférieures. Dans le système patriarcal, ce sont les hommes qui se sont attribué le pouvoir de nommer. Et prétendre qu’une règle misogyne institué au XVII siècle n’est plus machiste aujourd’hui parce que nous sommes en 2013, c’est comme si on prétendait qu’il n’était pas nécessaire d’abolir l’incapacité juridique des femmes au XX siècle puisque qu’elle a été instituée à une époque antérieure et que la société a changé depuis.
De plus, la langue française est misogyne dans d’autres aspects que la grammaire. Le refus d’une désinence féminine pour les noms de métiers prestigieux est une spécificité très française. Alors que les termes vendeuse, caissière, ouvrière, actrice, coiffeuse sont couramment employés, autrice, écrivaine, compositrice, sculptrice, procureuse, sont toujours refusés par l’académie française. Celle-ci préconise même l’usage « Mme le ministre » au lieu de « Mme la ministre ».
Sans compter les insultes uniquement féminines « pute, salope, pouffiasse, chochotte, harpie, mégère, furie, hystérique, allumeuse, femme facile… » Et ceux connotés très différemment selon leur genre » sorcier/sorcière, maître/maîtresse, professionnel/professionnelle, homme savant/femme savante, entraîneur/entraîneuse… Ou encore les mots qui n’ont pas de pendant féminin : patrie, fraternité, patrimoine…
En outre, la distinction opérée entre masculin et féminin dans la langue n’est absolument pas nécessaire : des langues telles que le turc, le japonais, le hongrois, le finnois ne connaissent absolument pas le genre. J’anticipe déjà votre réponse, vous allez remarquer que les femmes ne sont pas mieux traitées dans ces pays. C’est aussi peu pertinent que de, par exemple, dire aux féministes iraniennes qu’il est idiot de s’opposer au port du voile obligatoire sous prétexte que le patriarcat existe aussi dans des pays où le voile n’est pas historiquement et traditionnellement imposé aux femmes.
Pour en revenir au sujet de ce billet : les films Disney ont fait partie intégrante de mon enfance et ont participé à la construction de mon imaginaire de petite fille, c’est donc très intéressant pour moi de lire ces décryptages, d’autant plus que j’ai pris connaissance de la version japonaise et du conte d’Andersen plus tardivement.
Sylphe, merci pour votre argumentaire précis et bien développé, j’ai toujours du mal à expliquer à quel point le langage est important en matière de militantisme.
Je ne suis pas très fort en grammaire, mais l’histoire du masculin qui se confond avec l’universel grâce à une règle de grammaire du 17e siècle me paraît bizarre. A cette époque, le genre neutre a déjà disparu de la langue française, ou plutôt il a fusionné avec le masculin, ce qui s’explique par leur proximité phonétique (voir leurs déclinaisons en latin), et non par un choix sexiste. La grammaire fait avec cette évolution phonétique, elle ne l’impose pas.
Si j’ai bien compris la règle des accords (mais encore une fois je ne suis pas un spécialiste et s’il y a des grammairiens dans le coin ça m’intéresse d’avoir leur avis), autrefois le latin autorisait deux façons d’accorder les adjectifs quand il y avait plusieurs sujets de genres différents :
-selon le genre du sujet le plus proche pour un adjectif épithète (règle de proximité)
-selon le genre neutre pour un adjectif attribut (ou l’inverse, je ne sais plus).
Au 17e siècle, on décide de ne retenir qu’une seule règle pour simplifier, et ce sera la deuxième. Sauf que comme il n’y a plus de neutre, les adjectifs s’accordent au masculin. Trouvant la règle sexiste, certaines personnes ont déposé une demande à l’académie il n’y a pas longtemps, pour revenir à la règle de proximité. On peut discuter de savoir si c’est une bonne idée ou pas (la demande a été finalement rejetée), mais c’est une revendication cohérente du point de vue linguistique.
Mais ce n’est pas du tout ce que vous faites, vous, vous mettez les deux terminaisons, masculine et féminine, entre tirets. Et vous inventez des mots (illes, celleux). L’intérêt de la grammaire et de l’orthographe, c’est qu’on écrive tous pareil, pour qu’on puisse reconnaître les mots du premier coup d’œil, sans avoir à les déchiffrer. Là, en inventant des nouveaux mots et des nouvelles terminaisons, vous cassez complètement la lecture, c’est assez désagréable, comme quand on lit des textos.
Je suis d’accord par contre pour dire qu’il y a du sexisme dans le vocabulaire. Dans les insultes c’est sûr. Ce qui me choque le plus c’est qu’il n’y a pas de mot pour désigner une personne féminine sans la relier à un homme (la femme c’est par rapport au mari, la fille par rapport au père, l’équivalent d’homme n’existe pas). Mais je ne comprends pas ce que c’est, « les mots qui n’ont pas de pendant féminin. »
Je ne comprends pas non plus la comparaison avec le voile iranien, je ne vois pas le rapport avec la langue. Force est de constater qu’il n’y a pas de rapport entre le « sexisme » d’une langue et les conditions de vie des femmes qui la parlent. Les Anglais ne sont pas plus « neutres » que nous, et les Allemands pas plus féministes, et pourtant leur langue est d’une certaine façon « féministe ».
Quand j’évoquais une règle misogyne institué au XVII siècle, je faisais référence à cette règle instituée par Vaugelas qui voulait que « le genre masculin, étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble », alors qu’auparavant c’est la règle de proximité qui était appliquée. Il est établi que la fusion du masculin et du neutre s’est opérée des siècles avant.
Au sujet de l’invention de mots : tous les ans, de nouveaux mots entrent dans le dictionnaire. La langue française n’a jamais cessé d’intégrer des mots nouveaux, c’est même ainsi qu’une langue se constitue. Quand à la grammaire et à l’orthographe, elle a mis des siècles à se fixer. En ancien français, l’orthographe était variable et les règles de grammaire n’étaient pas clairement établies non plus. C’est l’usage qui finit par fixer les formes linguistiques, et parfois plusieurs usages se cotoient avant que l’un d’entre eux soit adopté. Il en ira de même pour les néologismes actuels, du moins je l’espère. C’est le propre d’une langue vivante que de changer, une langue qui n’évolue plus est une langue morte.
Les mots qui n’ont pas de pendant féminin : Les mots patrie ou patrimoine viennent du mot père. En revanche, matrie ou matrimoine, qui viennent de mère, ne sont pas utilisés. Fraternité, souvent utilisé comme synonyme de solidarité, vient de frère. Mais sororité, qui vient de soeur, n’est quasiment pas employé. Pour désigner un groupe de frères et soeurs, on parle de fratrie, non de sororie, ce qui démontre un usage machiste.
La comparaison avec le voile iranien : j’ai pris cet exemple pour montrer que ce n’est pas parce qu’un usage misogyne n’existe pas certains pays qui connaissent tout de même le patriarcat, que c’est une raison pour ne pas abolir cet usage. On peut prendre un autre exemple. Au temps de la monarchie, la France reconnaissait la loi salique, qui interdisait à tout femme de monter sur le trône. Par contre, cette loi n’existait pas au Royaume-Uni, et des femmes y ont été reines. Pour autant, la condition des femmes britanniques était-elle meilleure sous le règne des reines Elisabeth et Victoria que sous celui des rois ? Non. On en conclue donc que la misogynie existe aussi dans des pays où les femmes ont accès au pouvoir politique. Fallait-il donc maintenir en France la loi qui exclut d’emblée toute femme du pouvoir politique (monarchie ou république peu importe), sous prétexte que ceci ne change rien à la condition féminine ? Je ne sais pas si je suis assez claire, ce que je cherche à dire c’est qu’on ne peut pas maintenir un usage misogyne (que ce soit à propos de la langue, du voile, de la loi etc) sous le prétexte que l’abolir ne modifiera pas radicalement la condition féminine, étant donné que cette règle n’en est pas moins injuste pour les femmes.
Au temps de la monarchie, la France reconnaissait la loi salique, qui interdisait à tout femme de monter sur le trône. Par contre, cette loi n’existait pas au Royaume-Uni, et des femmes y ont été reines.
Mais la loi salique a surtout été mise en place afin que le roi anglais (qui était pourtant le premier dans l’ordre logique de succession) ne monte pas sur le trône… Même si je suis d’accord sur le fait que les reines françaises avaient avant tout un rôle de mères-pondeuses alors que dans les autres pays (Angleterre, Autriche, …) elles ont eu un rôle politique plus fort
Ceci d’autant plus que la loi salique a été exhumée par pur opportunisme, durant une période de très grave crise dynastique.
Les légistes avaient besoin d’une manière d’écarter Edward de la ligne de succession et la raison devait donc être vieille et claire. C’est la solution de la loi salique qui a été choisie, mais il est reconnue que c’est largement plus par urgence anti-anglaise que par stratégie misogyne que cela a été fait.
D’ailleurs, la loi salique, étant une loi d’orientation plutôt « barbare » était à de nombreux endroits plutôt progressive vis à vis du droit des femmes. Je crois me souvenir que certains historiens suggèrent même que la loi salique a été en partie réécrite pour les besoins d’écarter le souverain anglais et qu’on a gardé le titre ‘loi salique’ parce que ça faisait vénérable et respectable.
Sur les reines françaises, on remarque que les italiennes (Catherine et Marie de Médicis) étaient quand même plus pugnace que les austro-espagnoles (Anne et Marie-Thérèse)…
J’ai arrêté de regarder les film d’animation du Disney, il y a très longtemps et je n’ai que vu la fin de la version japonaise dont elle m’apparaissait incongrue avec son graphique… pourquoi?…
… j’ai vu la production d’animation anglaise… en mon enfance… et aucune autre version en graphisme et en mode de conte ne pourra la remplacer en mes émotions.
Un de mes amis dit à un autre ami « peux-tu frapper Meghan pour moi » parce que je n’étais pas près de lui et parce que j’avais dit que je préfère la version « Les seigneurs des anneaux » de Bakshi et la version du premier et du « Hobbit » de la même maison britannique qui a coloré la version de mon enfance de « La petite sirène ».
La maison de Bakshi et la maison british inconnue m’ont donné impression qu’ils ont dessiné ces histoires parce qu’ils en étaient émus… et j’ai vu une sincérité en leurs propres émotions et à suivre les dires de ces auteurs.
Le graphisme m’apparaît rustique et franc. J’aime.
Je sonde mes émotion que j’aie eu, il y a longtemps en regardant « La petite sirène » et autres de leurs bandes animés…
… la petite sirène m’apparaît très filiforme, presque garçonne avec des cheveux blonds et longs et sans volume sur la tête…
… le prince… me troublait. Il avait une carrure de force et du visage et il avait des traits d’une féminité à l’extrême… cheveux brun et long avec un visage sans once de barbe… je ne savais plus qui j’étais en le regardant.
… la sorcière est effrayante… elles est très grande et très squelettique à tout temps et elle appelle des monstres gigantesques… qui sont des vagues noires de la mer… elle a les traits étirés et de très longs doigts noueux qui finissaient avec des ongles pointus et lacérants…
… ses doigts meurtrières se placent autours du cou gracile… pour achever la petite sirène… jusqu’à… un petit son émane de sa petite bouche… le regard de l’effroyable sorcière change. Elle dit à la petite sirène « Ta voix! Si tu me la donnes, je te donnerai n’importe quel désir! »
Il y a une dizaines d’années, un homme d’un âge me dit « J’ai vu un costume d’une sorcière. Il te moulera parfaitement et tu n’as même pas besoin d’un masque! »
J’étais en dépourvue par cette remarque et en même temps, j’en étais flattée…
… cheveux blancs et traits sévères…
… moi, la sorcière, Elric of Melnibone et le seigneur Nekron avons tous en commun nos cheveux blancs et longs, nos traits quasi masculins et féminins et notre sentiment d’être à part de l’humanité.
Elric of Melnibone est un jeune empereur faiblatre qui fût le destructeur de sa propre espèce, les drows. Il est de la création de Micheal Moorcock.
Nekron est très femme fatale. Il dit à sa mère « Oui, mère, je reconnais ton autorité sur moi mais je suis aussi moi-même! »
Le feminin contre le masculin…
… je fût extrêmement surprise que mon frère a haït ce film… pour sa fin…
… le hero du film est en fait un beau blond plus ou moins musclé, genre « beach boy ». Pour moi et mon frère, la star de la bande animée fût Nekron. Le hero avait un genre de chaperon qui était hyper musclé, il avait une grosse hache et il portait un capuchon et masque de loup dont il ressemblait étrangement à batman. J’aime ce personnage comme j’aime Batman… mais mon frère ne le voyait pas comme cela.
La bataille entre le féminin et le masculin fût démontrée à la fin entre Nekron et « la grosse tank » comme mon frère l’appelait.
Nekron dit à ce « Batman » » Pourquoi? Pourquoi ne veux-tu pas mourir? » Quand il lui envoyait des attaques de magie (ce qui est une force très féminine)… le batman crit en une rage masculine et brise la force magique de Nekron et lui assonne un coup fatal au ventre avec sa gigantesque hache.
Mon frère me dit « Comment un sorcier qui a poussé toute une calotte glacière de la grandeur du Groenland avec sa force mentale seule n’a pas réussit à tuer cette « grosse tank ».
À la fin, l’histoire de la petite sirène m’a vraiment frustrée parce que le prince ne l’a pas choisi et qu’elle s’est laissé mourir pour devenir complètement chaste et qu’elle n’est plus une femme… ceci fût mon émotion à neuf ans…
La même maison de production de bandes animées britannique a coloré deux autres histoires qui m’ont émue énormément…
… « The selfish giant » ecrit par Oscar Wilde et » The prince and the sparrow » dont ces deux histoires sont très loin d’être genreé.
Je vous en supplie d’essayer de retrouver ces trois productions qui ont fait partie de mon enfance…
( Meg, si tu passes par ici, cet écrivain, Oscar Wilde ressemble comme deux gouttes à notre ami ogre que moi et mon frère avions détruit).
J’ai oublié que le personnage Nekron vient de la bande animée « Fire and Ice » dessinée par Frank Frazetta et produit par Ralph Bakshi.
http://www.eastoftheweb.com/short-stories/UBooks/HapPri.shtml
J’ai trouve le vrai titre et l’auteur de « The prince and the sparrow », c’est « The happy prince » par Oscar Wilde et le
nom de l’espèce d’oiseau est « swallow ».
J’ai lu ces histoires d’Oscar Wilde il y a longtemps j’en ai un souvenir assez vague mais je me souviens que j’avais bien aimé ses contes qui sont assez méconnus en France (on connait surtout le portrait de Dorian Gray ou ses aphorismes), mon exemplaire n’était malheureusement pas illustré, c’était une vulgaire édition de poche en français.
Mon histoire préféré d’Oscar Wilde c’est le fantôme de Canterville (The Canterville Ghost), c’est une fillette qui est l’amie du fantôme et quant je l’ai lu j’en étais une aussi alors j’avais bien aimé. Il y a d’ailleurs une adaptation en téléfilm ou la fille est remplacé par un garçon ça m’avait fait grogner copieusement.
Frazetta c’est le dessinateur favori de mon frère, je pense qu’il devrait pouvoir me fournir ce « Fire and Ice » qui doit faire partie de ses DVD. Sinon pour le seigneur des anneaux, les hobbits &co , j’aime pas du tout Tolkien, mais j’ai quant même essayé de voire la version de Bakshi il y a quelques années mais j’ai pas tenu jusqu’au bout (désolé) Je pense que pour l’apprécier il faut soi l’avoir vu et apprécié petitE soi être fan de Tolkien.
Bises et bonne soirée ou journée à toi
Le lien ci-dessous donc j’espère est de “La petite sirène” version 1973, je crois.
http://www.youtube.com/watch?v=QxbqGrHlazw
… et je n’ai pas pu trouver les partis 2 et 3.
C’est lien du « Selfish Giant » en bas…
http://www.youtube.com/watch?v=btNVUWikg7M
… et le lien en bas est “The Happy Prince”
http://www.youtube.com/watch?v=QIwupcYwimY
Il me reste à lire vos réponse à Paul Rigouste!!
Allo, Meg !!
Merci pour les liens Meghan Reiko et pour ces belles découvertes.
La petite sirène à de très beaux décors et semble fidèle à la version d’Andersen. Je vais chercher de mon coté pour le trouver en entier. J’ai vraiment beaucoup aimé le « Selfish Giant », les dessins, toujours en particulier les décors et l’histoire du mur m’a rappeler « The Wall ». Avec mon mauvais niveau d’anglais j’ai pu quant même comprendre l’histoire. Et pour « The happy prince » c’est difficile de dire si j’aime cette adaptation. La qualité de la vidéo est trop basse pour que je puisse apprécié les décors et je n’aime pas le graphisme des personnages. Je leur trouve quelques points communs à toutes les 3. Si la petite sirène est bien fidèle à l’histoire d’Andersen, les trois finissent par la mort du ou des protagonistes et parlent d’un amour impossible. Tu disait qu’il n’y avait pas de question de genre dans « Selfish Giant » et « The Happy Prince » mais c’est pas pour t’embêter que je dit ca mais je suis pas sur qu’ils passent le Bechdel test. Il me semble qu’il n’y a qu’une seule fille parmi les enfants dans le « Selfish Giant » et pour l’histoire du prince heureux je n’arrive pas à savoir si l’hirondelle est sexuée, j’ai tendance à l’identifié comme un garçon à cause de sa voix je pense. Peut être que je me trompe, n’hésite pas à me dire tu les connait bien mieux que moi qui viens de les visionner pour la première fois.
Pour revenir sur le fait que ces films parlent de la mort, ca me fait pensé que chez Disney c’est un sujet rarement évoqué. Il y a bien sur Bambi et peut être Dumbo qui m’avait fait cauchemarder mais je ne me souviens plus de l’histoire.
En tout cas merci pour ces films
@Meg
On peut aussi rajouter la mort de Ray dans « la Princesse et la Grenouille » ou la mort de Baloo dans le « Livre de la Jungle ».
Je n’ai pas aime « The Happy Prince » et je ne crois pas que j’ai retrouve la version que j’aie vu quand j’étais très jeunes… et j’enlèverais celui ci-dessus si j’en étais capable.
… en tout cas, les deux premiers dessins animés sont les bonnes versions et j’aime toujours… c’est dommage que je n’aie pas réussit à retrouver la deuxième partie de « La petite sirène »
Bonne nuit. Je travaille toute la nuit.
Excellent article, pertinent, bien argumenté et fouillé, agréable à lire : merci !
Il y a maintenant des années que je n’ai pas revu ce film mais je ne le verrai plus avec mes yeux d’enfant émerveillée, c’est certain. Par contre je vais me procurer les contes d’Andersen parce que vous donnez envie de lire « la vraie version » de cette histoire.
Bonjour,
J’ai trouvé vos analyses sur la version Japonaise et la version Disney intéressantes, ça peut faire réfléchir et souligner des questions mais ça semble tout de même être un discours Anti-Disney, Je suis d’accord avec « Serein » chacuns se forge son opinion sur le film mais vous ne possédez pas le « savoir ultime » et ce n’est que votre propre analyse.. Nous vivons dans un monde ou l’homme aime tout dénoncer, la sexualité, le racisme, le féminisme … et c’est très facile de s’attarder sur des publicités, des films, des musiques en les pointants du doigt pour dire qu’elles sont telles ou telles choses.
Je pense que vous vous prenez tellement la tête avec toutes ses choses, que vous les voyez partout, partout, partout.. biensur que le racisme exciste, tout comme le sexisme et le reste mais c’est avec des propos comme les votres que vous les ferai perduré.. vous vendez votre opinion comme si c’était la vérité vrai, mais la pluspart des gens regarde un film d’amour pour rêver et pour se détendre, c’est bien triste que vous ne voyez plus cela, ça prouve que vous avez totallement perdu votre âme d’enfant.
Je pense qu’il faut avoir un problème certain pour oser dire que Marina est « mieux » qu’ariel.. je pense qu’Ariel n’est pas parfaite, parcequ’elle plaque tout pour le grand amour c’est vrai, mais c’est pour moi le seul message négatif du film (et encore elle habitera un chateau près de la mer pour garder le contact avec ses soeurs et son père)Marina que j’aime beacuoup car elle est si innocente, représente la petite fille trop naive qui se fait complément avoir.. elle est en souffrance tout le long du film et finie par mourrir pour laisser son prince vivre en laissant toute sa famille sans elle… c’est quand même horrible d’oser véhiculer un tel message à des enfants.
Il ne faut pas avoir fait bac + 7 pour analyser la petite sirène en étalant tout son vocabulaire pour « faire genre » qu’on possède la science infuse. Il faut le voir pour ce qu’il est,un dessin animé de 1989, qui montre qu’un amour entre une sirène et un humain est possible, que le père bien que rétissant avec ça au début transformuera lui même sa fille en humaine pour qu’elle soit heureuse… ça peut s’appliquer a tellement de personne, un couple mixte, un couple homo, lesbienne et j’en passe.. je trouve que ce message peux apporter de l’espoir à des enfants de 10 ans qui savent déja qu’ils sont différents et que leur parents peuvent les aider à accepter leur choix.
C’est ce que moi je pense de ce film, c’est mon interprétation à moi 🙂 et chacun à la sienne.
Salut,
j’ai vu le film de Disney hier en entier pour la première fois et j’aimerais ajouter quelque chose à votre critique:
Dans le conte d’Andersen, quand les soeurs aînées de la sirène apprennent que la petite dernière est condamnée, elles sacrifient toutes leurs beaux cheveux et les donnent à la sorcière pour que celle-ci lui offre la chance de redevenir une sirène. Dans le film de Disney, les soeurs apparaissent brièvement, le temps de chanter une chanson, de s’arranger les cheveux devant le miroir ou de dire « tiens, Ariel a son premier béguin ».
Pour moi, ce passage du conte peut être interprété de deux façons différentes. On peut penser: « oh, les soeurs sirènes n’ont pas le sens moral, elles sont prêtes à tuer indirectement le prince pour retrouver leur petite soeur » ou « bravo, on a un bel exemple de solidarité féminine, ces sirènes ont donné leurs cheveux pour sauver la vie de leur soeur ».
Personnellement, j’aurais bien aimé que ce passage soit transposé dans le Disney. Si le film avait montré des soeurs qui s’entraident (éventuellement en adaptant le passage pour donner l’impression qu’elles ne veulent tuer personne), ça aurait fait d’elles des modèles positifs. Au lieu de cela, quand Ariel demande de l’aide, c’est toujours à des personnages masculins comme son petit poisson. Dommage.
Si on ne se voit pas d’ici-là, bonnes fêtes de fin d’année à tous. 🙂
bien vu, j’avais oublié ce détail du conte. Effectivement la solidarité entre femmes est complètement zappée chez Disney et les soeurs d’Ariel ne servent que de faire-valoir…
Bonne fêtes a vous aussi !!!
Il n’y a pas aussi une histoire comme quoi, en refusant de tuer le prince, la sirène sacrifie ses soeurs en plus de perdre la vie dans la version d’Andersen ?
Non, elle meurt seule et elle est transformée en écume sur les vagues mais il n’arrivent rien a ses soeurs (de mémoire).
Nan, elle devient une sylphide (ou un truc du genre) et veille sur les humains pendant des centaines d’années afin d’obtenir une âme. Elle devait devenir une écume mais sa bonté (elle n’a pas zigouillé le prince que diable!) lui a permis de devenir un similé-ange…
J’ai trouvé votre article extremenent interessant!
tout a fait d’accord sur le theme de la position feminine de l’epoque et la difficulté a changer de condition sociale, il faut contextualiser ce texte par rapport à son époque et son auteur.
Andersen était profondément choqué par son époque et sa suprématie machiste… Il suffit de relire la petite fille aux allumettes.
C’était aussi un être très spirituel, et pour qui la mort est je pense plus une étape à l’accession d’un monde plus désintéressé, plus » pur » en ce sens que dépossédé des passions et pulsions qui gangrènent le monde visible. En cela il se rapproche beaucoup de son contemporain kierkegaard : « Le devoir de l’individu est d’obéir à sa propre vocation ». À noter que les deux aimaient autant se fendre la poire…
Le fait que la petite sirene meurt plutôt que de tuer le prince est à mon sens la SEULE fin possible : cela seulement lui permettra d’accéder aux monde des esprits. Il me semble évident que cette histoire est une histoire ascensionnelle : on passe du monde aquatique, Amniotique et sans passion, à la terre et ses souffrances, pour enfin accéder à l’immortalité, à une sorte de paix. C’est du reste le même thème dans la petite fille aux allumettes, bien sur elle aurait pu rentrer à la maison, se prendre une bonne rouste et rester en vie, mais elle choisit de s,évader par l’esprit, en pensant d’abord à des dindes farcies et des sapins décorés, pour s’apercevoir dans son dernier rêve que ce qui lui manque bien plus que le confort matériel est l’amour infini de sa grand mère, qu’elle rejoindra finalement ( toujours dans une ascension céleste).
Le fait de choisir une femme ou une enfant pauvre est le choix de se positionner du côté de l’opprimé, et bien sur que c’est une dénonciation d’une epoque, les heroines ne sont pas juste definies par leur choix mais bien par les circonstances tragiques sur lesquels elles n’ont pas de prise ( comment obliger qqun a tomber amoureux ?). Andersen n’est pas très » happy ending », n’oublions pas aussi qu’il était très ami avec dickens, les questions sociales sont très présentes dans son œuvre et en ce sens ses contes ont une dimension sociale que n’ont pas ceux de Perrault par exemple.
Un point amusant qui m’a fait tilter dans un com écrit par une femme de surcroît : la petite sirene serait une » cruche » de se sacrifier, elle aurait du faire comme ses sœurs et retourner au monde de la mer. Passons sur ce terme meprisant typiquement adressé aux femmes. Deja il me semblait qu’une cruche était au contraire une jolie fille tête de linotte et plutôt sexy, aucun rapport donc avec le jeune fille grave et réfléchie qu’on nous présente. Ensuite c’est ne pas avoir saisi qu’elle ne peut que » monter » , Jonathan livingston le goéland serait-il donc un » cruchon » de ne pas s’être contenté de bouffer du poisson sans chercher à aller plus loin ?
Votre article est très intéressant mais je ne suis néanmoins pas d’accord avec vos propos. Au lieu de critiquer les films Disney vous ne pourriez pas d’abord les voir en vous disant qu’ils sont justement destinés aux enfants? L’idée principale de Walter Disney était de rendre accessibles aux enfants des contes qui étaient à la base destinés aux adultes. De plus, j’ai l’impression que vous surestimés beaucoup trop l’innocence des enfants, e n’est pas parce qu’ils regardent des dessins animés où les femmes attendent l’amour pour être heureux qu’elles vont en faire l’histoire de leurs vies. Ayant moi même regardé ces films étant petites je peux vous le dire. Je trouve même ça normal que les studios Disney aient à ce point modifié le conte parce que montrer une princesse amoureuse, heureuse (voire un peu niaise) qui est contente de sa situation à la fin attention ça peut rentrer trop facielement dans la tête des enfants mais montrer une jeune fille en constante souffrance et qui en plus meurt à la fin ça ne les perturberaient pas plus ?
Vous vous êtes en plus tous focalisé sur le soutient gorge d’Ariel et des autres sirènes.. Elles sont représentées comme ça depuis bien longtemps je ne vois pas en quoi ça pourrait choquer.. Ils sont en coquillage? Oui, d’un point de vue logique il fallait les faire en quelque chose lier à la mer non ? Je pense que les studios Disney sont bien trop critiqués alors que la plupart des gens qui les critiquent donnent leur propre lecture et leur propre point de vue sur eux en oubliant qu’ils vous ont un jour fait rêver. Je suis une grande fan de Disney ce qui ne veut pas dire que je pense que ces dessins animés fabriquent des femmes qui ne veulent que trouver leur prince et être dans un idéal féminin ou de beauté mais parce qu’ils nous font rêver et je pense que le rêve est la principale chose dont cette société a besoin.
Bonsoir,
j’ai récemment visionné la version japonaise de la petite sirène afin de mieux entendre la comparaison.
Bien que celle-ci soit plus fidèle au conte d’Andersen… Elle est tout simplement insupportable.
Je n’aborderai pas même la question de l’animation, inutile de comparer ces deux styles opposés. En revanche, la musique était agaçante, le personnage de Marina ennuyeux, le prince creux, ses soeurs énervantes et il s’agit du premier film qui m’a donné envie d’étrangler un bébé dauphin!
Que l’on apprécie ou non l’intrigue proposée par Disney, elle a le mérite d’être magnifiquement mise en scène et de stimuler et émerveiller l’audience.
Leur spectacle est d’une qualité indéniable. De plus, Disney s’est imposé certains critères concernant ce qu’ils peuvent montrer au public familial, alors le fait que la petite sirène ne devienne pas une fille de l’air à la fin était prévisible….
Bonjour,
Je faisais une recherche sur ce film et je suis tombé sur ce site.
Je trouve votre analyse très intéressante. Je suis globalement d’accord avec vous. En revanche, concernant, le roi Triton, je pense qu’il faille nuancer l' »éducloration » de son patriarchisme. On nous montre bien Ariel comme se sentant opprimée par son père. Et la chanson Partir là-bas est interressante. Elle parle biendes problèmes du patriarcat: avant de commencer sa chanson, Ariel dit « Comment un monde qui peut faire de si beaux objets pourrait être aussi barbare? » « Les hommes comprennent, j’en suis certaine et leurs filles peuvent rêver sans frayeur. » Il faut tenir compte aussi que le roi Triton est un « gentil », il ne peut pas être montré comme prenant du plaisir à « torturer » sa fille… Même s’il est vrai que le côté » Dur, dur d’être puissant et autoritaire » aurait pu être nuancé… Quant à la chanson Sous l’océan il est vrai que je l’ai toujours trouvé horrible. Mais je pense qu’en peut aussi la voir comme une dénonciation du patriarcat. Sebastien la chante pour qu’Ariel en finissent avec ses rêveries terrestes. Il lui glorifie le patriarcat alors que son pere l’empeche de vivre de ses rêves et que lui même doit obéir au doigt et à l’œil du roi Triton… Et si à un moment Ariel s’amuse comme une petite folle avec des hippocampes, elle n’est pas dupe de la chansonnette de Sébastien. Qu’en pensez-vous? Peut-être dis-je des bêtises?…
Je me permets de rectifier quelque chose de votre article…
Ursula n’empêche pas Ariel d’embrasser Eric pour se l’approprier… elle ne veut pas qu’Ariel réussisse à devenir humaine, comme ça son âme lui appartiendra et qu’elle aura donc un pouvoir sur Triton puisque sa fille lui appartiendra (c’est d’ailleurs illustré à la fin puisqu’il échange sa place avec celle de sa fille)…
Le but d’Ursula n’a jamais été l’amour, mais la prise de pouvoir… et la vengeance sur Triton qui l’a bannie du royaume à cause de ses actes malfaisants…
bonjour a tous,
j’ai tres bien aimé la comparaison entre Andersen et Disney:
je prefere la version d’Andersen car cela montre que meme si l’on change physiquement, il reste toujours en nous une part de personalité propre à notre condition initiale.
sinon dans un tout autre registre j’ai trouvé ce site: marinathemermaid.over-blog.com qui explique comment une fille de 10 ans est devenue une sirene.
J’ai jeté un coup d’oeil et… oh, mon dieu! C’est de l’humour de très mauvais goût! La soi-disant fille de 10 ans explique qu’on l’a amputée des deux jambes, qu’on lui a greffé une queue de poisson, injecté des gènes de poisson et « gènes de régénération » (si ça existait, les médecins s’en serviraient pour guérir les amputés, pas pour transformer une gamine en sirène), qu’on lui a coupé sa queue, qu’on l’a mangée et qu’elle a repoussé (un clin d’oeil aux Contes de la rue Broca?), qu’on a modifié ses gènes pour qu’elle ait de la poitrine à 10 ans… L’auteur-e de ce blog est fou à lier!
Excellente analyse. Certes je ne suis pas d’accord sur tout mais j’avais un peu qu’il y ait là un Disney Bashing de bas étage comme c’est souvent le cas chez les ‘intellectuels’ qui se croient plus malins que les autres. Ce qui est lassant car les fans de Disney, dont je fais partie, sont loin d’être des attardés et on revoit ces films à différentes étapes de notre vie, avec un regard différent – ces dessins animés vieillissent bien, il faut le dire. Non les films Disney sont loin d’être manichéens, ce qui peut parfois poser problème, c’est l’orientation qu’ils proposent. Il n’y a pas de hasard non plus. Ces films répondent à des attentes du public. Lorsque les studios Disney ont essayé de s’éloigner des sentiers battus, l’échec était réel : Taram et le Chaudron Magique, la Planète au trésor. Je suis même surpris par le succès incroyable de la Reine des Neiges, car la Reine en question ne se coltine pas de prince charmant, sa chanson ‘libérée, délivrée’ est un crypto-coming-out et il n’y a pas de ‘vrai’ méchant.
Concernant la Petite Sirène, la version de Disney est aussi belle et aussi triste d’une certaine façon que celle, superbe, de la Toei Animation. Non, Ariel ne devient pas écume, oui elle se marie. Mais c’est une happy end un peu déprimante:
– Doit-on considérer qu’une vie réussie se termine par un mariage ?
– Une chose très claire qui ressort encore plus dans la version Disney, c’est la cassure sans regrets avec le milieu d’origine, la cassure avec le milieu ‘culturel’. C’est quand même une sirène qui dit adieu à son monde d’origine en choissisant un autre monde, le monde humain, le ‘vrai monde’ à ses yeux. Même si le prix à payer peut être la mort. Une sirène rejoint le monde de ses adversaires – l’homme étant un prédateur pour l’océan.
Nous n’analysons pas les films d’un point de vue intellectuel ou même artistique, au contraire des films comme Hunger Games ou Daybreakers, boudés des critiques « autorisés » nous les considérons comme intéressants (du moins politiquement) tandis que certains films estampillés « auteurs » comme Carnage sont politiquement très nuls…
Je pense qu’on en reviens toujours au problèmes « est-ce que les trucs sont stéréotypés parce que les gens le demandent ou est-ce que les gens demandent du stéréotypes parce que c’est ce qu’on leur vend ? »
En quoi trouvez-vous que Taram et la planète au trésor sortent des sentiers battus ? Pour moi, ces films sont juste « moins bons » (de mémoire, ça fait longtemps que je les ai pas vus) et c’est tout simplement pour ça qu’ils n’ont pas eu de succès.
Merci pour votre point de vue, je ne crois pas que ces films ‘Taram’ et ‘La planète au trésor’ soient moins bons, personnellement, bien au contraire. Mais il plane sur ces films une noirceur bien plus prégnante (bouche ensanglantée de Taram, par exemple) que dans d’autres Disney de la même période, peut-être aussi un manque de personnages qui suscitent une franche empathie. D’ailleurs je précise de la même période car certains ‘vieux ‘ Disney sont à certains moments plus flippants, ou tout autant et aussi très émouvantes, presque ‘trop’ (je pense à certaines scènes de Bambi, Pinnochio, La belle au bois dormant, la Belle et le clochard). Pour avoir travaillé en maternelle, je confirme que certains Disney étaient tout simplement bannis des séances vidéo après la cantine, suite à des plaintes de parents : Taram et …Alice au pays des merveilles, qui, paraît-il, mais cela ne m’étonne pas, rendait très nerveux, les gosses.
Il est sain d’analyser ces films d’animation car ils portent des messages, parfois à des années lumières de ce que certains parents voudraient transmettre à leurs enfants, parfois ça va dans le ‘sens du vent’, mais ce ne sont pas des films neutres. Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai vu la petite sirène de Disney, j’avais 6 ans et ça m’a profondément marqué. Je sais que ça a marqué mes parents aussi, peu portés sur l’animation car ils se sont rendus compte qu’une histoire avec des dessins pouvait être captivante, il y avait des enjeux, un vrai suspens. Du coup, ce sont même eux qui décidaient sans que ma soeur et moi n’ayons rien demandé, de nous emmener voir le Disney de Noël chaque année par la suite. Enfin, je conseille toujours aux gens de voir ces Disney à différents époques, ça ouvre de nouvelles perceptions. Ce n’est qu’étudiant que je me suis rendu compte du côté très drag-queen d’Ursula. Enfin ayant souvent été en conflit avec mon père je comprenais les tensions entre Ariel et le roi Triton, ça avait une résonance réelle pour moi. J’ai détesté la version de toei Animation petit, mais adulte, je trouve qu’en fait cette adaptation là aussi est…remarquable, même si je préfère celle de Disney.
Je n’ai que trop parlé, peut-être un peu confus, je m’en excuse, mais bravo encore pour votre site que je parcours de long en large, je deviens accro lol.
Analyse très intéressante. Un seul point de ton analyse que j’aimerais spécifier. Une partie de ton analyse porte sur Sébastien et s’appuie principalement sur le fait qu’il est le seul serviteur noir du roi Triton. Or, cette information est erronée.
Il n’a jamais été question, dans le film de Disney, que Sébastien soit un serviteur, bras droit ou peu importe. Sébastien est seulement présenté comme étant le chef d’orchestre du royaume. D’ailleurs, il fait référence au personnage d’Horatio dans Hamlet.
Dans le pire des cas, il est un bon ami du roi Triton, ce pourquoi ce dernier lui fait assez confiance pour lui demander de surveiller sa fille.
Certe, le film reprend beaucoup de clichés sur les noirs, mais de la à dire qu’ils sont représentés dominés…
Même si Triton n’appelle jamais Sébastien « larbin », « esclave » ou « serviteur », il n’empêche que c’est le rôle qu’il joue vis-à-vis de lui. Dans le film, Triton donne des ordres et Sébastien obéit (avec en plus la peur d’être puni s’il échoue). Donc c’est pas juste une relation d’ « amitié » (ou alors on n’a pas la même conception de l’amitié 🙂 ), mais c’est aussi une relation extrêmement hiérarchique, que je trouve assez similaire à celle de Mufasa et Zazou dans le Roi Lion (il y a d’ailleurs la même opposition physique, entre un chef/roi très imposant physiquement, et son serviteur tout petit, comme si le rapport de domination entre ces individus était « naturel », comme « gravé dans leurs corps »).
Loin de moi l’idée d’avancer qu’il n’y a pas une hiérarchie qui divise le Roi Triton de Sébastien puisque c’est bien Triton qui est le dirigeant de cette société patriarcale, donc rien de plus normal (dans le film je parle :P)
Je dis plutôt que Sébastien n’est pas plus »serviteur » que ne le serait n’importe quel habitant du royaume, et encore moins parce qu’il est noir. Le film commence d’ailleurs en nous le présentant plutôt comme un meneur. Il apparait pour la première fois dans une charrette tirée par des hippocampes (similaire à celle du Roi, mais conçu à l’échelle de Sébastien. ) Plus encore, lorsque le roi Triton grondera sa fille pour son absence, c’est Sébastien qui coupera Triton et qui dominera la conversation envers Ariel. C’est donc seulement parce qu’il se trouvait au côté du roi à ce moment bien précis du film que ce dernier à pu en profiter pour lui demander de surveiller Ariel.
Ce qui me rappelle que le véritable rôle de conseiller que tu compares à Zazou dans le roi lion est en fait un petit hippocampe dans la petite sirène. C’est ce dernier qui apporte les nouvelles au roi et qui reçoit aussi ses ordres, bien que son importance soit moindre.
(et je rectifie mon poste précédant, il s’agit de poissons qui tirent le chariot de Sébastien)
Je suis d’accord en ce qui concerne toutes les idées politiquement puantes du patriarcat, de l’antiféminisme et du racisme qu’on retrouve dans le film à travers les personnages de Triton, Ursula et Sébastien (dans le premier doublage français, il est doublé par Henri Salvador qui surnomme Ariel « Doudou », ce qui est très révélateur) et également je ne supporte pas qu’on montre Eric comme un homme romantique qui doit devenir viril et Ariel comme une jeune fille « inconsciente » qui se rit du danger et qui ne comprend pas son « pauvre » père.
Moi non plus, je n’aime pas la fin du Disney, elle déforme totalement le conte original et je préfère largement l’adaptation japonaise qui a bien mieux retranscrit l’esprit d’Andersen et les idées progressistes du conte.
MAIS
Le Disney n’a pas que des mauvaises idées. Si le Roi Triton n’a que des bonnes intentions, toutes ses décisions sont montrées comme mauvaises: il est davantage un antagoniste-pas-méchant et Ursula une antagoniste-méchante.
-Il empêche sa fille d’être libre et est responsable de son ennuie et son enfermement: mauvaise décision n°1
-Il est pleins de remords mais refuse de se remettre en question: mauvaise décision n°2
-Son défaut principal est son impulsivité et sa colère. Quand il ira trop loin en cassant la statue d’Eric (mauvaise décision n°3), Ariel lui désobéira à cause de son incompétence
-Et surtout, il a des préjugés sur les humains et condamne l’acte de courage de sa fille car pour lui « les humains sont tous les mêmes »: mauvaise décision n°4
L’adaptation en spectacle musical le faisait chanter dans un quatuor une fois que sa fille avait désobéi était partie. Ce qui va plus loin que le faible « Qu’ai-je fait? » qui montrait une petite remise question du film. Voilà les paroles
« If you come back, I’ll change my ways. I’ll try to understand, I’ll my keeper low. I should have started listening to you all along.[…] If only
Si tu reviens, je changerai ma manière d’être. J’essayerai de comprendre, je calmerai ma colère. J’aurais dû t’écouter depuis le début.[…]Si seulement »
De plus, la morale du film est (clairement dite par Sébastien: personnage intéressant puisque celui-ci suit aveuglément le Roi Triton convaincu que les souverains ont toujours raison avant de réaliser son erreur et comprendre qu’il rend sa fille malheureuse. Au final, il préfère aider Ariel à trouver le bonheur avec Eric plutôt que de continuer à suivre le Roi Triton car il a réalisé qu’il était un mauvais père [car oui, le film ne le décrit pas autrement que comme ça]) « Il faut laisser à nos enfants la liberté totale de vivre leurs propres vies. »: ce qui montre très clairement que les désirs individuels ne peuvent pas être résolus par un système et que les parents doivent être à l’écoute des désirs de leurs enfants et abandonner leurs convictions car les enfants doivent suivre leurs voies individuelles et pas celles qu’on trace pour eux. Tout le film est une remise en question du comportement parental. Ces derniers doivent reconnaître leurs erreurs. Parce que oui, le comportement du Roi Triton est montrée comme une erreur permanente là où tout le film donne raison à Ariel qui suit ses rêves et ses désirs et se rit du danger. Certes, le fait que ce soit Ariel muette qui accède à son Prince est un problème puisque le « sois belle et tais-toi » craint et donne aux femmes une idée fausse sur la séduction et l’amour. Sauf que même Ariel muette ne se monte jamais passive: elle emmène Eric danser, c’est elle qui finit par conduire la carriole qui emmenaient les deux amoureux visiter le Royaume. Et n’oublions que c’est Ariel qui a essayé d’attraper les lèvres d’Eric en premier, lui est montré comme trop timide pour répondre (plus que pour l’embrasser lui-même) à son baiser. Eric est montré comme courageux et aussi celui qui tue la méchant mais il a besoin d’être sauvé TROIS fois (dont deux par Ariel) en un film d’1h30. Ce n’est pas un personnage, c’est l’objet du désir de l’héroïne, encore plus dans l’adaptation en spectacle musical où ce n’est plus lui qui tue Ursula mais bien Ariel elle-même: les créateurs de ce spectacle ne voulaient qu’Ariel soit passive dans une scène importante.
A part le fait qu’Eric cherche l’amour et soit romantique, on ne sait rien de lui. On sait davantage de choses sur Ariel: sa famille, ses rêves, ses amis…Et Ariel voulait déjà être humaine avant de rencontrer Eric et elle allait à la surface régulièrement contre l’avis de son père. De plus, elle projetait de revoir Eric avant d’aller voir Ursula avec l’aide d’Eurêka qui savait où le Prince habitait.
Après, est-ce que je trouve la relecture de Disney progressiste? OH QUE NON! Mais je trouve qu’il propose une idée intéressante: montrer que désobéir peut être bien pour soi-même et je trouve ça bien qu’on encourage les parents à reconnaître leurs erreurs (car il est clair que la morale du film s’adresse plus aux adultes qu’aux enfants) et à laisser leurs enfants quitter le nid. C’est ce que le Roi Triton doit comprendre et il finit par l’accepter puisqu’il transforme Ariel en humaine et la laisse partir après avoir remis en cause ses convictions lorsque Eric a tué Ursula: ce qui lui a fait comprendre que les humains n’étaient pas naturellement mauvais.
Oui, je déteste l’idée qu’il n’y ait aucune discussion avant le mariage et qu’Ariel et Eric échangent trois mots d’amour avant qu’Ariel ne se retransforme en sirène mais Grimsby n’encourage pas Eric à aller parler à Ariel muette parce qu’elle est muette mais parce qu’elle est « réelle », pas comme la voix qu’Eric cherche en vain sans jamais la trouver: « Il vaut mieux une femme bien réelle qu’un rêve que l’on poursuit. », en clair que chercher l’idéal est vain et que le bonheur peut être à portée de main.
Ce qu’on oublie souvent, c’est qu’Eric ne s’apprête à embrasser Ariel que lorsqu’elle n’est plus muette mais surtout qu’il aura reconnu en elle la jeune fille qui l’a sauvé. Il me semble que, plus que la voix d’Ariel et son beau visage, c’est le côté « chevalresque » de sa sauveuse qui l’a séduit à la manière d’un chevalier qui fait la sérénade à sa belle une fois qu’il l’a sauvé. Après, peut-être que je me trompe mais s’il s’apprête à épouser Ursula, bien qu’ensorcelé, il s’apprête à l’épouser uniquement parce qu’à cause de la voix d’Ariel, il croit que c’est « Vanessa » qui l’a sauvé.
Donc voilà mon avis: même si le film est politiquement nauséabond en grande partie (les souverains peuvent reconnaître leurs erreurs mais la grande autorité suprême ne doit surtout pas être renversée sous peine de graves conséquences), il encourage les enfants, et plus particulièrement les petites filles, à quitter le cocon familial et si leurs familles sont un frein à ça, la seule solution, c’est de tracer sa propre voie sans écouter ce que les autres nous disent. C’est plutôt pas mal, non?
Enfant ce qui m’a le plus marqué dans ce conte, c’est la métamorphose, la transformation de l’héroïne.
Le « devenir une femme » qui d’un point de vu personnel représente le changement d’identité de genre, ou la trans identité de la petite sirène.
Finalement chacun se fait sa propre interprétation de l’histoire en fonction de ce que cela évoque ou à ecoqué pour lui dans son enfance…
Je ne peux m’empêcher de comparer le personnage d’Ariel de Disney à celui d’Ariel de Shakespeare dans « la tempête » où ce personnage est décrit comme un esprit des airs non genré: Ariel a la possibilité de créer des illusions, des scènes, de la musique. « Va, fais-toi telle une nymphe de la mer… », lui dit Prospero.
Je ne pense pas que Disney parle, d’identité de genre dans son adaptation ni qu’Ariel de Disney serait calqué sur Ariel de shakespeare a l’exception du prenom. Un prenom mixte non genré choisi pour l’héroïne qui elle même est une femme sans en être dérivablement une, ou plutôt en devenir…
Je pense que c’est plutôt le personnage de la sirène lui même qui est ambigu. La sirène qui doit se cacher de sa véritable identité afin de ne pas être découverte( film splash).
À mon sens l’auteur Andersen a écrit dans son œuvre sa frustration de ne pas pouvoir être lui même, ses souffrances de ne pas pouvoir exprimer et vivre librement sa sexualité compte tenu des mœurs liées à son époque, des risques et des peines et encouru a le faire ( pénalisation de l’homosexualité et méconnaissance et diabolisation par l’église de la transisentité en Occident). Ce qui pourrait expliquer la frustration de l’auteur de ne pouvoir exister qu’au travers de ses contes et l’ambiance même de ses œuvres.
En tout cas ces histoires sont les témoignages direct d’une vision et d’un passé archaïque ou l’imagination a été pour cet auteur sa seule chance de survivre.
Je suis soufflée par la qualité de cet article ! Personnellement j’ai 28 ans et quand je vois toutes mes amies, mes amis aussi, qui sont tous fan de Disney, ça me fait mal. Je n’ai jamais aimé Disney, ces films représentent pour moi tout ce qui incarne le patriarcat et toutes les phobies de la société, et en particulier la peur de l’autre (s’il est noir, s’il est gros, s’il est différent d’une quelconque manière).
Moi qui adorais les contes, étant enfant, pour le foisonnement de sens qui les caractérise, je me retrouvais à pleurer des larmes de rage face à des personnages comme Blanche-Neige qui attend son prince charmant en faisant gentiment le ménage, ou comme la petite sirène qui ne voit aucun problème à se départir de son plus grand talent, sa voix, qui faisait qu’elle était unanimement reconnue dans le monde des mers, tout ça pour aller séduire un homme. Change, ma fille, cesse d’être toi-même, tais-toi et tu auras le mec, car à la fin, c’est tout ce qui compte, non ? J’ai en revanche toujours eu une étrange fascination pour Ursula, que je trouvais plutôt cool.
J’ai mis très longtemps à comprendre pourquoi moi je n’aimais pas Disney, ce sont des articles comme le vôtre qui m’ont permis de mettre le doigt dessus. Comment se reconnaître dans un monde où ne compte que cette image contraignante de la féminité, que le sois-belle-et-tais-toi ? Un monde où les gros sont, au mieux, le sujet de gentilles moqueries, au pire, des méchants haïssables, ou des personnages anecdotiques, lâches et manipulables ? A l’époque c’était cette grossophobie ambiante qui me choquait, en grandissant (et en me confrontant moi-même à la féminité et à ce que la société attendait de moi puisque j’étais une femme) ça a été ce sexisme primaire (quoique soutenu par des moyens de propagande loin d’être primaires, eux) dont vous avez si bien parlé ici.
Je me permets de mettre en lien un article (bien moins fouillé que le vôtre, et beaucoup pus subjectif mais, je l’espère, non dénué d’intérêt) sur la grossophobie des studios Disney (sujet sur lequel j’ai eu bien du mal à trouver quoi que ce soit).
Merci beaucoup pour votre commentaire et pour votre article très intéressant en lien!
Bonne soirée
Merci pour cet article passionnant que j’ai dévoré !
Une remarque peut-être: « Mais je te préviens que cela te fera souffrir comme si l’on te coupait avec une épée tranchante. Tout le monde admirera ta beauté, tu conserveras ta marche légère et gracieuse, mais chacun de tes pas te causera autant de douleur que si tu marchais sur des pointes d’épingle, et fera couler ton sang. Si tu veux endurer toutes ces souffrances, je consens à t’aider ».
Il me semble qu’il s’agit de la métaphore de la pénétration sexuelle, et plus particulièrement de l’érotisation du sexe féminin lors de son passage à l’âge adulte, avec toutes les nuances permises, bien sûr, par la littérature.
Je suis d’accord avec vous.
Je crois d’ailleurs que la psychanalyse (Freud entre autres) a identifié la chaussure comme un symbole du sexe féminin…
D’où l’expression d’ailleurs de « trouver chaussure à son pied » ! ^_^
Bonjour et merci pour cet article. Il est stimulant. J’ai découvert ce dessin animé quand j’étais enfant et je n’y avais jamais vraiment réfléchi ensuite.
Il y a, dans votre article, des observations et des éléments d’analyse très pertinents mais j’ai l’impression qu’ils sont parfois utilisés de façon illégitime pour servir votre idée de départ que le dessin animé est anti-féministe.
Le prince est séduit par Ariel parce qu’elle est belle bien qu’elle ne parle pas. En revanche, on ne peut pas dire qu’elle corresponde aux exigences d’une « demoiselle bien comme il faut » malgré ses efforts : tout en voulant se faire belle, elle s’enroule d’un hideux morceau de tissus, à table, elle utilise la fourchette pour se coiffer, souffle dans une pipe en recouvrant son interlocuteur de suie (hum!), etc. Tout ne semble pas évident pour cette jeune fille. Mais Eric est bel et bien séduit.
Pourtant c’est avec Ursula qu’il décide de se marier, une fois celle-ci devenue humaine également mais avec la voix d’Ariel en prime. On ne voit pas le moment de séduction mais dans cette scène, l’accent est mis sur le coquillage magique associé à la voix d’Ariel autour du cou d’Ursula et c’est lorsque celui-ci se brise et qu’Ariel retrouve sa voix que le coeur d’Eric bascule de nouveau.
On pourrait en déduire que la séduction de la voix l’a emporté sur celle de la beauté physique, et, si l’on associe la beauté de la voix à l’intelligence (ce qui ne me semble pas évident), on pourrait en déduire que l’intelligence l’emporte sur la beauté. Le problème c’est que c’est l’analyse inverse que vous aviez faite si j’ai bien compris.
Mais en réalité, si Eric n’a pas épousé Ariel dans un premier temps, c’est parce qu’il n’a pas reconnu en elle sa sauveuse parce qu’elle est muette et qu’il avait entendu sa sauveuse chanter.
C’est pourquoi il me semble que ni la beauté, ni l’intelligence (ni la séduction même) ne soient les enjeux centraux.
Je préférerais rattacher ces éléments à l’excellente analyse que vous avez faite sur le fantasme. Eric ne cherche ni une belle voix, ni une femme intelligente, ni un canon de beauté, ni une pauvre petite chose fragile à domestiquer (surtout pas!) mais une sauveuse! Celle qui l’a sauvé et le sauvera de sa propre vie. Celle qui donnera un sens à sa vie et tout et tout.
Tout comme Ariel, son amour repose sur un fantasme. Le problème c’est que le phénomène de fantasme fait qu’il ne reconnait pas celle qu’il cherche parce qu’il s’en est fait une autre idée.
Tout comme Ariel, Eric fait son grand saut dans l’âge adulte et cherche l’amour avec un grand A. Lui aussi a dû subir cette douloureuse épreuve de sortir de l’eau maternelle, il a même failli en mourir! [Ah! je dis « eau maternelle » en référence à la mer-mère puisqu’on n’évoque pas plus la mère d’Eric que la mère d’Ariel.] D’ailleurs, dans le dessin animé, lui aussi a droit à des moments de niaiserie. Ses petits regards, ses petits sourires, sa timidité, ses tentatives de séduction, ect.
Tout comme Ariel, il est confronté à une pression sociale quant au choix de sa partenaire: le vieux monsieur qui l’accompagne et les rumeurs du royaume qui se font parfois entendre. Tous s’opposent dans un premier temps à une union avec Ariel.
J’ai donc envie de voir ce dessin animé comme une histoire mettant en scène une jeune fille et un jeune homme découvrant leur corps avec fébrilité et maladresse et confrontés à des codes sociaux nouveaux pour eux mais animés par la quête d’un idéal d’amour forgé par des fantasmes. Et comme c’est Disney l’amour finira par triompher du reste. FIN
Comme vous en fait mais sans l’anti-féminisme.
Peut-on tomber d’accord ?
Bonsoir,
Merci pour votre commentaire. Je n’ai pas revu le film depuis que j’ai écrit cet article, donc je serai bien incapable de vous répondre sur des détails d’interprétation, car je ne m’en souviens plus assez. Mais pour répondre à votre question finale (« Comme vous en fait mais sans l’anti-féminisme. Peut-on tomber d’accord ? »), pourquoi tenez-vous absolument à nier l’antiféminisme du film? J’ai l’impression que vous vous évertuez à ne pas voir les représentations que le film propose de la féminité, de la masculinité et des rapports entre hommes et femmes. Pourquoi évacuer totalement le personnage d’Ursula dans votre interprétation par exemple ? Il n’y a qu’en l’ignorant que vous pouvez soutenir que le film n’est pas antiféministe à mon avis. Je pense que je pourrais être d’accord avec certaines de vos interprétations, comme par exemple le fait que Eric tombe amoureux de celle qui l’a sauvée, mais je ne vois pas en quoi cette idée entre en contradiction avec les représentations de genre que j’analyse dans l’article.
Je ne cherchais pas à proposer LA seule et unique interprétation de ce dessin animé quand j’ai écrit l’article, mais juste à l’analyser d’un point de vue politique. J’ai l’impression que votre commentaire (si je l’ai bien compris, mais c’est possible que non) tend à dire que ce que j’interprète est faux parce que vous avez interprété autre chose. Mais les interprétations ne sont pas toutes contradictoires. Peut-être que je comprendrais mieux ce qui vous pose problème dans mon article si vous m’expliquiez en quoi certaines idées que j’avance sont fausses en citant des passages du film qui les contredisent.
Par exemple, pour revenir sur l’antiféminisme, qui est apparemment ce qui vous pose le plus problème, n’êtes-vous pas d’accord que le traitement du personnage d’Ursula consiste (entre autres) à agite la menace d’une femme monstrueuse qui cherche à usurper le pouvoir masculin ? N’êtes-vous pas d’accord que le film valorise une héroïne (Ariel) qui ne cherche pas le pouvoir (mais seulement l’amour) et dévalorise en même temps une femme célibataire, plutôt indépendante sexuellement et qui ne se soumet à aucun homme (Ursula)?
(Après bien sûr vous avez le droit de lire le film comme vous l’entendez, je vous pose juste ces questions car vous semblez remettre en question ce que l’analyse politique que je propose du film)
J’aurais en effet dû préciser que je ne parlais que d’une partie de votre analyse :
« Si le fait qu’Ariel ne puisse pas parler à son prince est aussi parfois source d’angoisse et de souffrance dans le Disney, il me semble que le studio montre aussi ce silence forcé comme quelque chose d’amusant, voire séduisant. J’ai l’impression qu’Ariel muette ressemble plus à un petit animal mignon qu’il s’agit d’apprivoiser qu’à une femme opprimée par le patriarcat (comme c’était à mon avis plus le cas chez Andersen).
Mais le plus important dans tout ça est que Disney finisse par donner à Ariel le mariage qu’elle désire. Ce choix est loin d’être anodin. En faisant cela, le studio récompense l’héroïne pour sa capacité à s’être rendue conforme à ce que le patriarcat attendait d’elle (ce qui ne lui a pas demandé beaucoup d’efforts tant la féminité est présentée comme naturelle chez les héroïnes Disney). »
Vous dites là :
– qu’Ariel n’avait pas besoin de faire d’efforts.
Or je disais dans mon commentaire précédent que non seulement tout n’était pas naturel pour Ariel (elle travaille son apparence, ses postures et ses manières) mais qu’en plus ce n’était pas une réussite. Elle ne se conduit vraiment pas comme on l’attend d’elle (fourchette dans les cheveux, etc.)
– que Disney fait l’apologie du « Sois belle et tais-toi » puisque contrairement à Andersen, Disney donne ensuite à Ariel accès au mariage et au bonheur.
Or, je disais dans mon commentaire précédent que, dans le dessin animé, Eric n’envisage de se marier avec Ariel que lorsque celle-ci retrouve sa voix (sinon il se serait marié avec Ursula). Et c’est logique parce qu’Eric veut épouser sa Sauveuse mais ne connait d’elle que deux choses : son apparence et sa voix. Donc, quand il la trouve sur la plage, il la trouve belle et passe du temps avec elle parce que son apparence lui rappelle celle de sa Sauveuse, puis lorsqu’Ariel retrouve sa voix, il la reconnait pleinement et décide de l’épouser. Ce qui a semé la confusion c’est que pendant un moment la voix et l’apparence de la Sauveuse n’étaient pas dans la même femme (et d’ailleurs, dans ce cas là il a choisi la voix donc il ne faut surtout pas se taire chez Disney). Donc ce qui séduit Eric, ce n’est pas qu’Ariel soit belle et muette, c’est qu’elle est Sa sauveuse. D’ailleurs l’injonction « Sois belle et tais toi » n’est formulée que par la grande méchante de l’histoire.
Je me fais mieux comprendre ?
Bonjour,
Je vois plutôt la beauté de ce conte d’Andersen dans le fait que l’amour de la petite sirène était si pur qu’elle a mérité de devenir une fille de l’air. Sachant que c’est un conte du XIXème siècle, période romantique et dont le regard se tourne vers nos anciennes croyances païennes, les filles de l’air sont l’équivalent de « sous-déesses », elles sont pures et éternelles. C’est une ode à l’amour pur et sans condition. C’est en réalité la plus belle des fins, la petite sirène est élevée au dessus du monde des hommes, elle est déifiée.
En revanche, dans le Disney, la plus belle des récompenses est le mariage, voilà la différence qui témoigne bien d’une différence de mentalité entre une époque où on souhaitait être récompensés dans une autre vie (paradis, etc.) et notre époque actuelle ou la religion est un peu mise de côté pour des choses plus terre à terre (la richesse, le mariage, faire des enfants, etc.).
Je pense aussi que cette interprétation est très tirée par les cheveux, et très biaisée par un point le point de vue « féministe » et « anti-raciste », et surtout il ne faut pas tout ramener au sexe comme ça. Le prince aurait pu tuer la sorcière de toutes les manières, il faut bien qu’il la transperce que ça soit avec son bateau ou son épée. Pareil pour le trident, c’est de la mythologie, on a jamais vu un roi des mer sans son trident lol (CF Poséidon).
De même que quand Ariel surgit des eau pour renaitre, les sein en avant, cela me parait logique puisqu’elle devient enfin une femme, et les seins sont synonyme de féminité, donc c’est simplement logique.
Après, mon interprétation serait plutôt par le biais de la sexualité. En effet, la petite sirène est dégoutée par sa queue, elle refuse que le prince la voit avec sa queue de sirène. C’est que pourrait être celle d’Andersen (je sais, je tire un peu par les cheveux aussi, mais bon je n’ai pas d’avis tranché, j’essaie des trucs ^^). Je pense vraiment qu’il était homo. Bref, le moment où la petite sirène troque sa queue « répugnante » contre de belles jambes et un petit minou, c’est le moment où elle peut enfin devenir elle-même. Je pense que la transexuel dans cette histoire n’est pas la sorcière, comme cité plus haut, mais la petite sirène, mi-femme (par son buste féminin) mi-homme (par sa queue symbolisant l’attribut masculin), mais ni l’un ni l’autre au final, et malheureuse, divisée en deux. Elle veut choisir d’être une femme entièrement et d’avoir un sexe féminin, et elle est prête à risquer sa vie pour cela.
Je me plait à imaginer qu’Andersen était peut-être amoureux fou d’un homme, et que le seul moyen pour pouvoir le séduire était d’être une femme totale et complète. Évidemment, je n’en sais rien, mais c’est une petite hypothèse.
Je vois dans la version Disney un simple remix de ce conte dans une version qui plaira à la majorité à l’époque où il est sorti.
Ce qui est beaucoup plus choquant à mes yeux, ce sont les nouvelles version homosexuelles qui sont vendus dans les derniers « Maléfice » ou encore « la reine des neige », où là, vraiment, non seulement les contes originaux sont oubliés, mais la trame principale amoureuse est totalement changée pour plaire à la mode homosexuelle actuelle. Et là, y a pas de pincettes, on voit direct à qui ces films sont sensés faire plaisir lol. Je dirai pas que c’est de la manipulation mais c’est grossièrement du lèche-cul pour les lobbies gays et ça craint un peu je trouve.
Voilà !
Bonne journée !
Je vois plutôt la beauté de ce conte d’Andersen dans le fait que l’amour de la petite sirène était si pur qu’elle a mérité de devenir une fille de l’air. Sachant que c’est un conte du XIXème siècle, période romantique et dont le regard se tourne vers nos anciennes croyances païennes, les filles de l’air sont l’équivalent de « sous-déesses », elles sont pures et éternelles. C’est une ode à l’amour pur et sans condition. C’est en réalité la plus belle des fins, la petite sirène est élevée au dessus du monde des hommes, elle est déifiée.
La petite sirène, dans le conte original, ne souhaite pas vivre l’amour, elle souhaite avoir une âme éternelle (ce que n’ont pas les sirènes dans le conte), et le seul moyen d’y accéder et de se marier avec un homme (hum hum…).
L’amour n’entre en jeu que plus tard et n’est pas du tout l’élément principal du conte.
Je pense aussi que cette interprétation est très tirée par les cheveux, et très biaisée par un point le point de vue « féministe » et « anti-raciste », et surtout il ne faut pas tout ramener au sexe comme ça. Le prince aurait pu tuer la sorcière de toutes les manières, il faut bien qu’il la transperce que ça soit avec son bateau ou son épée. Pareil pour le trident, c’est de la mythologie, on a jamais vu un roi des mer sans son trident lol (CF Poséidon).
Sauf que dans le conte original encore, personne ne tue la sorcière puisqu’elle n’entre plus dans l’histoire une fois qu’elle a donné ses jambes à la petite sirène.
De même, le père (et son trident) n’apparaissent même pas dans le conte original, c’est la grand-mère paternelle qui tient le rôle de matriarche…
Ca fait quand même beaucoup de changement pro-patriarcaux dans la version Disney pour être « au hasard » là quand même non ?
Je pense que la transexuel dans cette histoire n’est pas la sorcière
Pourtant, c’est un transsexuel qui a été choisi pour donner sa voix à Ursula, ainsi que son apparence…
Anodin pour vous ?
Je vois dans la version Disney un simple remix de ce conte dans une version qui plaira à la majorité à l’époque où il est sorti.
Sauf que Disney a complètement transformé le sens même du conte…
Comme pour les autres en général d’ailleurs…
Je rappelle que ce qui est analysé ici est la version Disney de la petite sirène et non le conte original…
C’est bien joli de vouloir faire une version édulcorée pour plaire à tout le monde, mais c’était possible en gardant beaucoup plus d’éléments du conte original (les japonais l’ont bien fait).
Sans compter l’idéologie patriarcale bien puante de Disney en général, dans tous leurs autres films (ils se sont légèrement améliorés ces dernières années, mais c’est pas encore ça !)…
Ce qui est beaucoup plus choquant à mes yeux, ce sont les nouvelles version homosexuelles qui sont vendus dans les derniers « Maléfice » ou encore « la reine des neige », où là, vraiment, non seulement les contes originaux sont oubliés, mais la trame principale amoureuse est totalement changée pour plaire à la mode homosexuelle actuelle. Et là, y a pas de pincettes, on voit direct à qui ces films sont sensés faire plaisir lol. Je dirai pas que c’est de la manipulation mais c’est grossièrement du lèche-cul pour les lobbies gays et ça craint un peu je trouve.
Ah ben voilà, vous vous dévoilez !
Un peu d’homophobie, ça fait toujours du bien !
Il n’y a pas de « lobby » homosexuel déjà… (=> https://fr.wikipedia.org/wiki/Lobby_gay)
De plus, en quoi Maléfique serait-il orienté homo ? Il s’agit d’une relation maternelle entre Maléfique (qui était amoureuse d’un homme à la base je le rappelle, homme qui l’a trahi et c’est pour ça qu’elle devient « mauvaise ») et une jeune princesse…
Juste parce qu’il s’agit de deux femmes, ça en devient homo, je ne comprends pas ?
Quant à la reine des neiges, si on prend la trame du conte principal déjà, ce sont deux enfants et il n’y a pas de relation amoureuse entre eux, ils sont seulement meilleurs amis.
De même, Kay ne fait rien du tout dans l’histoire à part se faire enlever par la reine des neiges (qui n’est pas le personnage principal en plus, c’est Gerta)…
Donc la reine des neiges de Disney n’en a que le nom… Le titre anglais est beaucoup mieux « Frozen »…
En tous cas, ce que je retiens principalement de votre commentaire, c’est qu’il pue l’homophobie !
Le dessin animé Japonais n’est pas sortie en 1979… Mais en mars 1975 au Japon… Et c’est un remake d’un dessin animé russe qui existe en noir et blanc et colorisé bizarrement par les Américains style tapisserie…
Je connais une version du conte qui fait à la fois un mélange du happy-end souhaité par les enfants traumatisés par le conte original et du conte d’Andersen où la Princesse n’a pas son Prince à la fin.
Dans cette version, le Prince épouse une autre femme mais, au lieu de se suicider, la sirène se rend compte qu’elle n’était pas vraiment amoureuse, que cette passion était éphémère et décide de redevenir une sirène tandis que sa famille brise la malédiction de la mort prématurée de la sirène infligée par la sorcière et récupère la voix de la sirène chez cette même sorcière. La sirène quant à elle reste dans l’océan, oublie le Prince et épouse un triton quelconque.
Même si ça ruine complètement le propos du conte de base qui mets en garde les jeunes filles sur le fait qu’il ne faut pas suivre aveuglément un patriarcat toxique sous peine de conséquences fatales, je trouve que cette fin plus optimiste est intéressante car ça montre, en quelque sorte, que le mythe du grand amour auquel on croit tous quand on est adolescent n’existe pas et qu’il faut faire des expériences amoureuses diverses avant de trouver la bonne personne.
Tout le monde a eu une vision/passion romantique persuadé d’avoir trouvé l’âme-soeur du premier coup. Si ça a marché pour quelques personnes, la plupart des gens ont vite compris qu’ils s’étaient trompés et sont allés voir ailleurs.
Cette version, certes, ne respecte pas le propos de base mais est un propos intéressant sur la passion éphémère de l’adolescence et qu’un échec n’est pas une fatalité et qu’on peut ne pas forcément en mourir mais en mûrir.
Je sais ce que pourrait en penser les autres gens mais moi, je préfère largement cette version à celle de Disney et, même, au conte original.