Interstellar (2014) : L’homme du passé est l’homme de l’avenir
27 novembre 2014 | Posté par Paul Rigouste sous Cinéma, Tous les articles |
Dans un futur proche, la Terre est devenue invivable. Le seul espoir de l’humanité est de trouver une autre planète sur laquelle s’établir. La NASA envoie alors un groupe d’explorateurs mené par Cooper (Matthew McConaughey) pour passer à travers un trou de ver et atteindre ainsi une autre galaxie contenant des planètes potentiellement habitables. Voici en quelques mots le point de départ du nouveau film de Christopher Nolan, co-scénarisé avec son frère Jonathan. Retrouver aux commandes de ce blockbuster les auteurs de The Dark Knight et The Dark Knight Rises n’augurait rien de bon d’un point de vue politique (voir les analyses de ces deux films ici et ici), et la sortie d’Interstellar a malheureusement confirmé ces craintes, du moins en ce qui me concerne…
L’apocalypse selon Saint Nolan
Lorsque le film commence, l’humanité est vraiment mal en point. Des tempêtes de sable de plus en plus fréquentes balayent la surface de la Terre, et rendent difficile la survie de nos descendants, dont le nombre chute de manière alarmante. Des maladies respiratoires apparaissent chez les enfants de la nouvelle génération, tandis que la nourriture continue à manquer. En effet, malgré la conversion d’un grand nombre de citoyens à l’agriculture, les bouleversements climatiques rendent très difficile la production de céréales en quantité suffisante pour nourrir l’ensemble de la population.
La crise que traverse l’humanité est donc d’abord caractérisée comme une crise écologique. Si le film évoque ici une réalité qui nous est familière, il prend bien soin de ne pas expliquer cette crise par des causes humaines, et donc politiques. On nous explique en détail, par le biais de différents témoignages filmés en style documentaire, les conséquences que les tempêtes de sable ont sur le mode de vie des terriens, mais sans nous dire un mot sur l’origine de ces « dérèglements ». On a ainsi l’impression que la Terre s’est mise à être hostile toute seule, sans que les humain-e-s y aient quelque chose à voir. Comme si les tempêtes de sable touchant certaines régions du monde s’étaient généralisées à l’ensemble de la planète, d’une manière totalement « naturelle »…
Quand les forces de la nature se déchainent sur l’humanité impuissante
Le film dépolitise ainsi totalement la question écologique. En effet, la crise écologique que nous traversons, d’une globalité et d’une vitesse sans précédent, a pour cause principale les pratiques de plus en plus déréglementées du capitalisme mondialisé[1]. Contrairement à ce que laisse entendre Interstellar, l’environnement n’est pas en train de se détruire tout seul, mais c’est nous qui sommes en train de le massacrer (ou plus exactement un certain système économique fondé sur la recherche du profit et qui se moque éperdument de son impact sur la nature). Avec ses histoires de tempêtes tombées du ciel, le film tient un discours mystificateur qui déresponsabilise le capitalisme et les politiques libérales qui le soutiennent.
Conformément à l’idéologie capitaliste qui voit dans la « sainte croissance » la solution à tous les maux de la Terre, le film est incapable d’envisager sérieusement que nous puissions vivre dans un monde fini, et que l’exploitation massive et sauvage des ressources naturelles terrestres puisse nous conduire droit dans le mur. Il s’enferme donc dans un fantasme de conquête spatiale qui nous permettrait de trouver d’autres mondes à exploiter. A la question de savoir ce qu’il se passera lorsque nous aurons rendu la planète invivable pour l’ensemble de l’humanité, Nolan répond : « ben on en trouvera une autre ». Il fallait y penser ! Le film atteint en ce sens le stade ultime de la logique capitaliste-consumériste, qui invite à produire et à consommer toujours plus (au point de concevoir des objets à la durée de vie volontairement réduite[2]). Ici, c’est la Terre que l’on prend, que l’on consomme, puis que l’on jette à la poubelle avant d’aller se chercher une autre planète à consommer.
« Ah là là, la Terre c’est vraiment devenu du caca… »
« Ben ce que je te propose, c’est qu’on se barre d’ici, et tant pis pour la Terre. Ça te dit ? »
A un moment, le professeur Brand se moque de la croyance selon laquelle la Terre serait nôtre (« the unshakable faith that the Earth is ours »). Mais il ne s’agit pas du tout de critiquer par là une conception anthropocentrée qui considère la nature comme la propriété des humain-e-s, comme quelque chose dont illes peuvent disposer comme bon leur semble. En effet, le discours tenu par le film repose précisément sur ce postulat selon lequel l’espèce humaine n’est pas une partie de la nature, mais s’est au contraire élevée au-dessus d’elle pour la dominer (grâce à la « science », au « progrès », etc.). Ce que veut dire le film quand il critique l’idée selon laquelle « la Terre serait nôtre », c’est juste que la Terre n’est pas destinée à être éternellement notre lieu de vie, parce que l’humanité n’est pas dépendante d’elle. Comme le disent certaines affiches, reprenant une réplique du film : « L’humanité est née sur la Terre. Elle n’a jamais été censée y mourir » (Mankind was born on earth. It was never meant to die here). Si l’humanité est née sur la Terre, et était donc à l’origine une partie de celle-ci, elle a transcendé sa basse condition grâce à son intelligence supérieure. Ainsi, comme l’annoncent d’autres affiches : « La fin de la Terre ne sera pas la fin de l’humanité » (The end of earth will not be the end of us). Non seulement l’humanité est supérieure à la nature et la domine, mais elle semble presque immortelle (puisqu’elle parvient à survivre même lorsque le monde s’écroule).
Comme on le verra plus bas, le film va effectivement jusqu’à faire de l’humain une sorte de Dieu. Dès le début, les personnages répètent que le trou de ver providentiel apparu récemment derrière Saturne n’est pas le produit du hasard, mais a sûrement été placé là intentionnellement par une puissance supérieure. Or le visage que donne finalement le film à cette entité divine est celui de l’humanité future. En effet, la science aura tellement progressé dans le futur que l’humanité sera capable de se promener dans le temps comme dans l’espace, et donc d’organiser sa propre survie dans le passé… Il n’y a donc pas de Dieu. Ou plus exactement, le Dieu de l’humanité, c’est l’humanité du futur. Dans la mesure où cette foi en l’humanité future est indissociablement une foi dans le progrès scientifique et ses bienfaits, le film véhicule un discours que l’on peut qualifier de « scientiste » (et comme on le verra plus loin, cette foi en la science est indissociablement une foi en l’innovation technologique et en l’impérialisme américain).
Si apocalypse il y a, nous dit Saint Nolan, les humains y survivront, parce que les humains sont des dieux en puissance.
La déchéance de l’humanité
Mais revenons à l’humanité telle qu’elle est dépeinte au début du film. La crise qu’elle traverse n’est pas seulement écologique, mais aussi sociale. En effet, les gouvernements ont pris un certain nombre de mesures pour lutter contre les conséquences du dérèglement climatique, qui consistent notamment à valoriser quasi-exclusivement l’agriculture afin de nourrir une population perpétuellement menacée de famine. Le résultat est une société que le film présente comme cauchemardesque, notamment par la bouche de Cooper et du grand-père lorsque ceux-ci dissertent sur à quel point le monde va mal en se buvant une bière entre hommes sous le porche.
Pour Nolan, si l’humanité est pitoyable, c’est d’abord parce qu’elle a arrêté de croire en l’innovation, le progrès, la croissance, le développement technologique, etc., c’est-à-dire en tout ce qui l’a conduit à ce stade supérieur de la civilisation dans lequel capitalisme et progrès scientifique marchent main dans la main pour assurer le bonheur de l’humanité (la société dans laquelle nous vivons quoi…). Comme dit le grand-père, « quand j’étais petit, on inventait un truc par jour, un gadget, une idée, c’était Noël tous les jours ». Ce bon vieux temps où l’on croyait en l’innovation technologique est aussi présenté par le film comme une époque où l’humanité avait le goût du savoir et de la découverte. Et cette humanité était bien supérieure à celle qui se préoccupe en priorité de produire à manger pour tout le monde. « Avant, on regardait vers le ciel et on s’interrogeait sur notre place parmi les étoiles, aujourd’hui on ne fait que regarder vers le bas et s’inquiéter de notre place dans la boue », résume Cooper qui a bien les boules…
Dans ce monde cauchemardesque, la NASA incarne la résistance. Caché-e-s dans une base ultra-secrète, ses ingénieur-e-s travaillent à un projet sans l’accord de l’« opinion publique », qui n’aurait jamais accepté que tant d’argent soit dépensé dans un projet aussi utopique. Heureusement qu’il y a des êtres supérieurs qui savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. Ces visionnaires qui se distinguent, grâce à leur savoir supérieur, de la masse des êtres limités qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Selon le film, l’humanité en est arrivé à un tel niveau de médiocrité parce qu’elle ne sait plus reconnaître ses élites. Comme dit le grand-père à Cooper : « Tu étais bon à quelque chose, et tu n’as jamais eu l’opportunité de faire fructifier ce potentiel ». Lors de la réunion parents-prof, un Noir et une femme expliquent à Cooper qu’ils ne vont pas permettre à son fils d’aller à l’université malgré son excellent niveau, parce que la société a besoin d’agriculteurs, et pas d’ingénieurs. On retrouve ici un discours anti-égalitariste classique, qui présente toute tentative de lutter contre les inégalités sociales comme une volonté d’uniformiser et de rabaisser tout le monde au niveau des plus « inférieur-e-s », dans une logique de « nivellement par le bas ». Bien entendu, ce discours mystificateur qui présente l’égalité comme un cauchemar a pour but de légitimer les hiérarchies sociales en place et de disqualifier toutes les tentatives de s’opposer à la reproduction de ces inégalités. Ce n’est pas un hasard si c’est un homme blanc (c’est-à-dire le privilégié par excellence dans notre société patriarcale et raciste) qui doit lutter pour défendre le droit de son fils blanc à développer son potentiel intellectuel contre une institution d’État représentée par… un Noir et une femme.
Cette société où les femmes et les Noirs briment les hommes blancs
Mais pas d’inquiétude, cette société cauchemardesque où les hommes blancs sont discriminés par les femmes et les Noirs sera renversée par le film, qui mettra en scène le triomphe de l’homme-blanc-héroïque-et-sauveur-de-l’humanité à la tête d’une équipe composée précisément d’une femme et d’un Noir. Heureusement qu’il reste encore des penseurs courageux comme Nolan pour défendre les privilèges des hommes blancs menacés par ces extrémistes de féministes et d’anti-racistes…
Si l’humanité est arrivée à une telle déchéance, c’est aussi parce qu’elle s’est dévirilisée. Comme le dit Cooper à Papi en buvant sa bière, « on a oublié qui on est : des explorateurs, des pionniers… pas des concierges » (we forgot who we are, now : explorers, pioneers, not caretakers). Avant, Cooper était ingénieur et pilote d’essai pour la NASA, c’était un homme, un vrai. Maintenant il est coincé dans sa ferme, dans un boulot sans risque et sans aventure (qu’elle soit physique ou intellectuelle). Dans cette société cauchemardesque, les hommes sont tellement des loques qu’ils ne savent même plus jouer au base-ball, ils s’envoient juste la balle mollement comme des gonzesses. Plus d’esprit de compétition, plus de performance, plus d’agressivité. Le cauchemar je vous dis. Après c’est un peu normal aussi : à cause des nuages de poussière, on ne mange presque plus que du maïs. Comment voulez-vous que les hommes soient virils s’ils ne mangent plus de viande ? Pendant le match de baseball, le père de Cooper se plaint : « Manger du popcorn pendant un match, ce n’est pas naturel. Je veux un hot-dog ».
Mais le pire de tout, c’est qu’il n’y a même plus de soldats ni de guerre. Un monde sans armée, vous imaginez l’horreur… La scène la plus hilarante à ce sujet est celle où Cooper part à la chasse d’un drone qui erre sans but dans le ciel. Après une course poursuite effrénée à travers les champs de maïs, il parvient à prendre le contrôle de l’engin, s’amuse un peu à le piloter avec ses enfants (un beau moment de partage familial), puis le fait se poser. Lorsqu’il s’en approche, il le caresse et le regarde avec envie. Le drone (qui, je le rappelle, est utilisé massivement par l’armée états-unienne comme un instrument de surveillance et une machine à tuer au service des intérêts impérialistes[3]) est donc présenté ici dans le film comme un précieux trésor du passé.
Le drone, ce précieux vestige d’une civilisation supérieure
Comme on le pressent déjà avec les allusions au base-ball et aux hot-dogs, la société est aussi en crise parce que les valeurs américaines sont malmenées. En effet, je parle depuis le début de « l’humanité » comme si le film s’intéressait à l’humanité en général, mais le film est en réalité profondément américano-centré (à un point difficilement égalable…). Après tout, l’avenir de l’humanité c’est les États-Unis, non ?… Comme le dit Cooper, « on a oublié qu’on est des explorateurs, des pionniers ». S’il est question ici d’exploration et de découverte scientifique, cette dimension est indissociable de la dimension impérialiste et militariste dans l’imaginaire américain (comme en témoigne la référence aux drones et à l’armée dans le film). En parlant de « pionniers », le film mobilise ici cette mythologie nationale (typique du western) qui pense l’américain comme un pionnier ayant conquis un territoire immense et sauvage pour y imposer la civilisation (en éliminant juste quelques indiens aux passages, mais pas beaucoup hein, juste un petit génocide de rien du tout). Et l’œuvre de ces « pionniers » n’est d’ailleurs pas terminée, puisqu’il reste encore beaucoup de sauvages de par le monde à qui les États-Unis ont pour mission d’apporter la démocratie et la liberté. Le film n’est donc pas seulement un pamphlet en faveur de la découverte scientifique et de l’innovation technologique, mais aussi (et indissociablement) une ode à l’impérialisme américain.
Le passage qui synthétise peut-être le mieux toutes les facette de ce discours réactionnaire est celui où Cooper apprend (de la bouche du Noir et de la femme dont j’ai parlé plus haut) que l’on enseigne aux enfants une version déformée de l’Histoire dans laquelle les Américains n’ont pas marché sur la lune, mais l’ont juste fait croire aux Russes pour que ceux-ci dépensent plein d’argent dans des « machines inutiles ». Quand il entend ça, notre brave Cooper est totalement affligé. En méprisant l’histoire de la conquête spatiale américaine, cette relecture de l’Histoire est une offense aux valeurs impérialistes et capitalistes que les États-Unis défendirent avec succès face à la « menace communiste » au bon vieux temps de la Guerre Froide.
Renouer avec notre américanité pour devenir pareils à des dieux
La première bande-annonce (diffusée presque un an avant la sortie du film) condense bien ce discours réactionnaire qui fantasme une crise des valeurs états-uniennes pour réaffirmer la nécessité d’un leadership américain : https://www.youtube.com/watch?v=3WzHXI5HizQ. Accompagné par une musique qui va crescendo, Matthew McConaughey prononce le discours suivant :
« Nous nous sommes toujours défini par notre capacité à réaliser l’impossible. Et nous comptons ces moments, ces moments où nous avons osé viser plus haut, briser les barrières, atteindre les étoiles, et rendre l’inconnu connu. Nous comptons ces moments comme nos réussites dont nous sommes les plus fiers. Mais nous avons perdu tout ça. Et peut-être que nous avons juste oublié que nous sommes encore des pionniers et que nous avons à peine commencé. Et que nos plus grandes réussites ne peuvent pas être derrière nous, comme notre destin est au-dessus de nous. »
« We have always defined ourselves by the ability to overcome the impossible. And we count these moments, these moments when we dared to aim higher, to break barriers, to reach for the stars, to make the unknown known. We count these moments as our proudest achievements. But we lost all that. And perhaps we’ve just forgotten that we are still pioneers and we’ve barely begun. And that our greatest accomplishments cannot be behind us, as our destiny lies above us. »
Ce n’est pas un hasard si Matthew McConaughey exacerbe ici (ainsi que dans le film) son accent texan/sudiste[4]. En effet, cet homme qui nous parle (et qui sauvera l’humanité dans le film) est un américain pure souche, un comme on n’en fait plus. Car c’est seulement en renouant avec cette américanité profonde que l’humanité pourra accomplir son essence divine.
Les images d’archives choisies pour accompagner ce texte ne sont pas anodines. On voit d’abord des agriculteurs (qui symbolisent la conquête du sol américain), puis des avions dépassant le mur du son (qui symbolisent la conquête du ciel), et enfin des fusées de la NASA (qui symbolisent la conquête de l’espace). Interstellar s’inscrit dans ce mouvement pensé comme une ascension, un progrès (« to aim higher ») en réinvestissant l’imaginaire de la conquête spatiale, tout en le poussant encore plus loin et encore plus haut (vers d’autres galaxies).
« Toujours plus haut ! Vers l’infini et au-delà ! »
Il est amusant de comparer le discours d’Interstellar avec le mythe grec d’Icare. Dans ce mythe, Dédale a l’idée de fabriquer des ailes avec de la cire et des plumes, pour s’évader d’un labyrinthe dans lequel il a été enfermé avec son fils, Icare. Avant de s’envoler, il recommande à celui-ci de ne pas voler trop près du soleil. Mais Icare ne suit pas son conseil et en meurt (la chaleur du soleil fait fondre la cire et le jeune homme tombe dans la mer). Si ce mythe présente la technique comme potentiellement libératrice pour l’humanité (en la figure de Dédale l’inventeur, qui parvient à s’échapper du labyrinthe grâce aux ailes qu’il a conçues), il en condamne néanmoins un usage « démesuré » (en la figure d’Icare, celui qui a cru que la technique lui permettrait d’égaler les dieux, et qui s’est brûlé les ailes). Alors que chez les grecs de l’antiquité, l’humanité doit donc apprendre à faire un usage raisonnable et limité de la technique, une telle limite n’existe pas pour les américains du 21ème siècle. Contrairement à Icare, Matthew McConaughey ne se brulera pas les ailes en allant toujours plus haut, mais il sauvera l’humanité toute entière et deviendra même une sorte de Dieu, un être quasi-immortel, capable d’entrer dans un trou noir et d’en ressortir vivant. Selon Interstellar, l’humanité ne risque pas de s’en mordre les doigts si elle se prend pour Dieu et utilise la technique déraisonnablement. Au contraire, elle deviendra divine.
En effet, comme je l’ai annoncé plus haut, le film fait de l’humanité du futur le Dieu de l’humanité du présent. Il est sous-entendu à la fin que l’intelligence supérieure qui a placé Cooper dans un endroit hors de l’espace et du temps pour lui permettre de communiquer à sa fille le savoir qui sauvera l’humanité n’est autre qu’un stade futur de l’humanité (ayant atteint un tel niveau de connaissance scientifique qu’elle maîtrise une technologie en 4 ou 5 dimensions[5]). Si Cooper s’est désigné tout seul comme l’élu en s’envoyant à lui-même les coordonnées de la NASA, il a en quelque sorte lui-même été élu par l’humanité du futur comme son prophète. Un autre détail qui nous invite à voir en Cooper une figure religieuse est la référence à Lazare[6], « qui a dû mourir pour ressusciter », comme le fait remarquer Cooper à Brand. De même, Cooper a héroïquement affronté la mort (« Do not go gentle into that good night ») pour ressusciter. Que Cooper soit un prophète ou un miraculé, une chose est sûre : à travers lui, c’est le peuple américain qui est désigné comme le peuple élu de Dieu. Et cela est logique si l’on se rappelle que les seules valeurs capables de sauver l’humanité de sa médiocrité sont présentées au début comme proprement américaines (conquête, découverte progrès, croissance, développement scientifique et technologique, etc.).
Cooper, l’homme total
Si la NASA choisit Cooper pour mener la mission Lazare, c’est non seulement parce qu’il a été désigné comme étant l’élu par une intelligence supérieure, mais aussi parce qu’il est un pilote d’exception. A la différence de l’équipe de scientifiques qui l’accompagne, il est un homme d’action qui sait prendre des risques, maîtrise les machines, et sait se sacrifier héroïquement si nécessaire. Un homme comme on n’en fait plus. Le film est à ce niveau un véritable festival d’exploits virils (parfois même sous les applaudissements de l’équipage) : Cooper atterrit comme un as sur la première planète, Cooper réussit à s’amarrer à une station qui tournoie à une vitesse impressionnante, Cooper se sacrifie pour sauver Amelia et l’humanité entière (même ce sacré George n’avait pas été aussi grandiose…), Cooper passe à travers un trou noir et en ressort vivant, etc.
Alors que la femme de l’équipage baisse les bras à la première déconvenue en déclarant de sa voix vacillante qu’ils sont « déjà allés loin, plus loin que n’importe quel humain dans l’histoire de l’humanité » (« But we’ve got this far, farer than any human in history »), Cooper lui répond (en lui gueulant dessus) : « Pas assez loin ! » (« Not far enough ! »). Heureusement que l’homme est là avec sa grosse volonté pour pousser la femme au-delà de ses limites étroites de femme …
« Là j’en peux plus moi, Cooper, je suis arrivée au bout de ce que mon cerveau de femme pouvait concevoir »
« Eh bien tu vas faire un effort, parce que je te l’ordonne, femme »
Le professeur Brand avait bien annoncé qu’il fallait quelqu’un avec des couilles pour mener cette mission, lui qui récite en boucle « Do not go gentle into that good night » de Dylan Thomas. Et effectivement, la qualité primordiale de Cooper, celle qui lui permet de sauver l’humanité, c’est le courage d’affronter la mort. C’est ce qui le distingue du Dr Mann (Matt Damon), ce gros « lâche » (coward) qui truque les données de sa planète pour que l’on vienne le chercher.
Supérieur aux autres membres de l’équipage, Cooper s’impose comme le « leader naturel » de la mission. On le voit ainsi donner en permanence des ordres à tout le monde, sans que jamais son autorité ne soit remise en question (à part à un moment, dans une scène sur laquelle je reviendrai plus bas). Ses « assistants » sont une femme (Amelia) et un Noir (Romilly). Au début, ils comptent aussi parmi elleux un homme blanc (Doyle), mais celui-ci meurt rapidement à cause de la femme qui n’a pas écouté les ordres de l’homme. On se retrouve donc pendant la majeure partie du film avec un homme blanc à la place du chef, qui commande à une femme et un Noir. C’est vrai que c’est bien de rappeler les fondamentaux du sexisme et du racisme, merci Nolan.
Si le personnage de Romilly évite les poncifs racistes habituels et joue un rôle clé (puisque c’est lui qui donne à Cooper l’idée de balancer le robot dans le trou noir pour récupérer les données qui permettront de sauver l’humanité), il reste extrêmement secondaire par rapport aux quatre rôles principaux tenus par des Blanch-e-s (McConaughey, Chastain, Hathaway et Caine). Son personnage a même moins de répliques qu’un personnage aussi peu présent à l’écran que le Dr Mann (Matt Damon), qui apparaît pourtant au bout de 1h30 de film. Sa psychologie est loin d’être aussi approfondie que celle des personnages blancs, et on ne sait quasiment rien de sa vie. Une scène résume bien à quel point le film se déroule sans lui. Il s’agit du moment où les autres membres de l’équipage reviennent de la première planète, sur laquelle une heure équivaut à dix ans sur Terre. Illes lui demandent : « Tu nous as attendu combien de temps ? », à quoi il répond sobrement « 23 ans ». Après cette seconde d’intérêt pour le personnage, le film enchaîne sur une longue scène très émouvante durant laquelle Cooper regarde les messages que lui ont laissé ses enfants pendant tout ce temps, en insistant sur sa souffrance de ne pas avoir vécu tout ce temps avec elleux. Que Romilly ait perdu 23 ans de sa vie à attendre gentiment les Blancs tout seul au beau milieu de l’espace, le film s’en contrefout. Il ne se passe rien qui soit digne d’intérêt dans la vie d’un Noir de toute façon…
« Pardon mon pauvre chéri, mais je te promets qu’on te donnera un rôle important dans notre prochain film de Blanc-he-s »
De son côté, Amelia a la chance d’avoir un peu plus d’importance dans l’histoire. Mais le film ne cesse d’insister sur sa faiblesse (elle doute, elle pleure, elle s’évanouit, etc.). La scène la plus ridicule à ce niveau est celle où elle se met toute seule dans la position de damoiselle en détresse juste parce qu’elle n’en a fait qu’à sa tête et refuse de faire ce que lui dit Cooper. Résultat : Doyle meurt par sa faute et 23 ans s’écoulent sur Terre.
« Aaargh, je me noie dans une pataugeoire ! »
« Mais quelle bécasse… Quelle idée d’avoir amené une femme dans l’espace aussi, ils ont pas vu Gravity ou quoi ? »
Si elle est censée être une scientifique comme Romilly, ses connaissances sont beaucoup moins valorisées[7]. Significativement, la seule fois où elle apporte une connaissance scientifique essentielle à la suite de la mission (à savoir que la planète d’Edmunds a plus de chance d’être habitable que celle de Mann car elle se situe plus loin du trou noir), l’argument scientifique est rapidement relégué au second plan pour laisser sa place à un « argument » affectif : Amelia ressent au fond d’elle même que la planète d’Edmund est la bonne parce qu’elle est amoureuse de ce dernier, et que « l’amour est la seule chose qui transcende l’espace et le temps », comme elle le dit elle-même. Si cette capacité à se laisser guider par l’amour est valorisée dans le film, il est profondément énervant de subir encore et toujours le même discours essentialiste qui associe les hommes à la rationalité, la science, la pensée, l’intellect, etc., et les femmes à la croyance, l’irrationalité, l’émotion, les sentiments, l’amour, etc. Pendant tout le film, elle n’aura été définie affectivement que par rapport à des hommes : elle est la fille du Professeur Brand, puis l’amoureuse d’Edmunds, et pour finir, la future compagne de Cooper[8].
Si Romilly se caractérise plutôt par son savoir et Amelia par ses sentiments, Cooper concilie les deux. Il est l’homme total. Même s’il est avant tout recruté pour son courage et ses compétences de pilote, il possède une connaissance scientifique presque égale à celle autres membres de l’équipage, et comprend toujours très rapidement ce dont celleux-ci lui parlent. À côté de ça, il est également présenté comme un homme qui éprouve des sentiments : de l’amour pour ses enfants, mais aussi pour les « autres familles » qui peuplent la Terre. Il s’oppose ainsi aux figures masculines qui incarnent une rationalité détachée de tout affect, à savoir le professeur Brand et le Docteur Mann (qui sont capables de faire primer l’espèce humaine, prise abstraitement, sur les êtres humains réels).
Dans sa première partie, le film insiste beaucoup sur cette dimension du personnage de Cooper. On le voit s’occuper de ses enfants, et semble avoir une vraie relation avec elleux. Il est tendre et rassurant avec Murphy, et accepte le choix que fait Tom de devenir fermier même si cela ne correspond pas à la conception qu’il se fait de ce que doit être un homme. Bref, il est le parfait « nouveau père ».
Qui c’est le plus cool des papas ?
Or, s’il est tout à fait louable de valoriser une redéfinition de la paternité qui rompt avec le modèle patriarche traditionnel, autoritaire et distant, il est tout à fait regrettable que cela se fasse au détriment des femmes. En effet, parce qu’il totalise les qualités traditionnellement « paternelles » (autorité, savoir, virilité, etc.) et « maternelles » (douceur, écoute, attention, etc.), le « nouveau père » n’a plus besoin de s’embarrasser d’une femme. Comme les dessins animés qui tournent autour d’une telle figure (voir par exemple Monstres et Compagnie, Moi, moche et méchant, L’âge de glace ou Le Monde de Nemo[9]), Interstellar expulse la mère du récit. Femme déjà dans le frigo[10] avant même que le film ne commence, la seule chose que l’on saura d’elle est qu’elle est morte d’une tumeur. Cette redéfinition de la paternité qui inclut une « part de féminin » fonctionne donc concrètement une réappropriation par les hommes d’une des rares choses qui sont valorisés chez les femmes sous le patriarcat. Cette réappropriation est donc en même temps une dépossession. La mère est mise à l’écart, et le père en ressort encore plus glorifié.
Cette représentation de Cooper comme le père parfait me semble également problématique de par ses connotations masculinistes. En effet, c’est à contre cœur que notre héros quitte ses enfants pour aller accomplir ses exploits d’homme. Et le film insiste beaucoup sur sa souffrance. D’abord lorsqu’il quitte le foyer, laissant une Murphy bouleversée derrière lui. Puis lorsqu’il regarde les messages de ses enfants qui grandissent loin de lui. On retrouve ici un discours semblable à celui tenu par des films d’action masculinistes à la Taken, qui nous expliquent que si les pères sont négligents et absents, ce n’est pas parce qu’ils préfèrent se valoriser dans des carrières plus prestigieuses que l’éducation de leur enfants (travail non reconnus socialement qu’ils préfèrent laisser aux femmes), mais parce qu’ils ont des choses importantes à accomplir (buter des arabes dans Taken, ou sauver l’humanité dans Interstellar). Le film nous invite ainsi à ressentir de l’empathie pour ce pauvre père malheureux parce que sa fille ne lui a pas pardonné son abandon. La scène la plus représentative à ce niveau est celle où Cooper, coincé derrière la bibliothèque, assiste impuissant à la scène de son départ en pleurant. Par cette mise en scène, le père est présenté comme une victime de sa propre condition. Ce n’est pas de leur faute si les pères délaissent leurs enfants, ils n’ont pas le choix, y a qu’à voir comme ça les fait souffrir…
La souffrance interstellaire de papa
Toute la trajectoire de Murphy dans le film consistera d’ailleurs à pardonner papa et à se réconcilier avec lui en revenant sur les lieux de la rupture (le foyer, et plus exactement la chambre d’enfance).
Outre son propos masculiniste, cette scène participe également de la glorification de la famille traditionnelle et du foyer qui parcourt tout le film. Le gentil, c’est le père, qui trouve la force de sauver l’humanité dans l’amour qu’il a pour ses enfants. Au contraire, le grand méchant est un homme sans famille (le Dr Mann) et jaloux des enfants de Cooper, auxquels il fait allusion lorsqu’il tente de le tuer. Quand Doyle explique à notre héros qu’il doit « voir plus loin que sa propre famille » (sous-entendu penser avant tout à l’humanité en général), celui-ci lui répond qu’il pense « d’abord à sa propre famille, puis aux autres familles ». La seule humanité qui a de la valeur selon le film, c’est celle qui correspond au modèle de la famille traditionnelle (nucléaire et patriarcale). Les autres (comme le Dr Mann) sont des « anomalies », des êtres qui représentent un danger pour la survie de la « véritable humanité ». Cette ode à la famille est indissociablement ode au foyer (home). Dès le début, lorsque le professeur Brand lui explique que la seule solution est de quitter la Terre, Cooper est un peu attristé : « Mais c’est chez nous » (but it is our home). A la fin du film, un habitant de la station Cooper amène le héros dans une reproduction de sa ferme, qui est utilisé comme un musée à la mémoire de sa fille. Mais Cooper n’y retrouve pas ce qu’il a perdu : il s’agit seulement d’une maison (house), pas d’un foyer (home). Il part alors rejoindre Amelia pour, suppose-t-on, fonder avec elle une nouvelle famille et un nouveau foyer (elle qui se retrouve aussi sans famille, et pire, qui a perdu les deux hommes de sa vie : son papa et son chéri). Le film présente ainsi lourdement la famille traditionnelle et le foyer comme les fondements de l’humanité (et celleux qui ne font pas partie ou ne souhaitent pas faire partie d’une famille nucléaire hétéropatriarcale[11], on s’en fout pas mal).
La fille de son père
Si Murphy peut sembler un personnage féminin plus intéressant qu’Amelia, dans la mesure où son intelligence est valorisée tout au long du film, le film s’acharne à la rendre dépendante de son père en tous points. Dès le début, sa curiosité et son caractère rebelle sont présentés comme un héritage paternel. C’est avec elle (et non avec son fils) que Cooper noue la plus grande relation de complicité, parce qu’elle est comme lui.
« Ce que je préfère chez toi, ma chérie, c’est moi. »
Lorsqu’elle interprète les phénomènes bizarres qui ont lieu dans sa chambre comme l’œuvre d’un fantôme, son père lui explique comment interpréter tout ça scientifiquement. Et cet enseignement aura une importance capitale, puisqu’il leur permettra non seulement de trouver la base secrète de la NASA, mais aussi de sauver le monde à la fin du film.
Lorsqu’elle est devenue adulte, Murphy travaille au côté du professeur Brand sur son équation (dont la résolution permettrait de sauver l’humanité). Mais elle reste totalement impuissante…jusqu’au moment où papa lui souffle la réponse de derrière la bibliothèque.
« Ah là là, résoudre une équation toute seule c’est pas facile quand on est une femme… Vivement que papa revienne pour me donner la solution »
C’est alors que l’on découvre que le « fantôme » de son enfance était en réalité son père. Depuis le début, c’était donc papa qui était derrière tout ça, papa qui savait déjà tout et que Murphy avait à reconnaître et à écouter (« It was you ! You were my ghost ! »)[12]. Au final, Murphy n’a pas à avoir d’idée, elle a juste à écouter son cœur : pardonner papa d’être parti et retourner dans sa chambre d’enfance pour se réconcilier avec lui. Quand elle comprend qu’elle ne pourra pas résoudre l’équation toute seule, son assistant lui demande : « Tu as une idée ? ». Et elle répond : « Une intuition » (a feeling). Chez Nolan, les femmes ne peuvent pas avoir d’idées toutes seules. Des « intuitions » tout au plus, mais ça ne va pas plus loin…
A la fin du film, Cooper est retrouvé par les humain-e-s qui ont réussi à partir de la Terre grâce à lui et commencent à coloniser une nouvelle planète. Le docteur présent à son réveil lui explique qu’il est à bord de la « Station Cooper ». Mais lorsqu’il commente, fier de lui, « sympa de lui avoir donné mon nom », l’infirmière rigole et le docteur précise : « La station ne porte pas votre nom mais celui de votre fille, bien qu’elle ait insisté sur le rôle important que vous avez joué ». On retrouve ici une ambiance au parfum doucement masculiniste, à peu près identique à celle dans laquelle baignait la fin de Edge of Tomorrow. Dans les deux cas, c’est la femme qui est considérée comme la sauveuse de l’humanité, tandis que personne n’a connaissance de tout ce que l’homme a héroïquement accompli dans l’ombre. Derrière toute femme qui accomplit des choses importantes se cache un grand homme…[13]
Lorsqu’il retrouve Murphy sur la station Cooper, celle-ci est beaucoup plus vieille que lui et vit ses dernières heures. Alors qu’il était vis-à-vis d’elle un représentant de l’ « ancienne génération » au début du film, il est fait maintenant partie de la « nouvelle génération ». Il est un des hommes qui vont recoloniser une nouvelle planète, et faire repartir l’humanité sur de nouvelles bases. Ce renversement générationnel fait écho à quelque chose que le grand-père disait à Cooper au début : « Tu es né 80 ans trop tôt, ou 80 ans trop tard ». Ce que signifie cette phrase, c’est que Cooper est à la fois un homme du passé (c’est-à-dire de l’époque où la société n’avait pas sombré dans la médiocrité, l’époque où les hommes étaient des hommes et les États-Unis les États-Unis) et un homme du futur. « L’homme du passé est l’homme de l’avenir » : voilà une idée qui résume à elle seule tout le propos réactionnaire du film…
Paul Rigouste[14]
Notes :
[1] Voir par exemple Noam Chomsky, Guerre nucléaire et catastrophe écologique, éd. Agone, 2014 ; ou http://quefaire.lautre.net/Crise-ecologique-et-logique
[2] Voir le concept d’ « obsolescence programmée » et sa mise en pratique : https://www.youtube.com/watch?v=J-XGn32vYQU
[3] Voir Théorie du drone, de Grégoire Chamayou ; « Le président Obama, du prix Nobel aux drones » (http://www.monde-diplomatique.fr/2012/10/MADAR/48242), « La « guerre juste » d’Obama avec ses drones » (http://blog.mondediplo.net/2013-11-23-La-guerre-juste-d-Obama-avec-ses-drones ) ; http://www.thebureauinvestigates.com/2014/01/23/more-than-2400-dead-as-obamas-drone-campaign-marks-five-years/
[5] http://oblikon.net/analyses/interstellar-explication-et-analyse-du-film-de-c-nolan/3/?paged=2
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Lazare_de_B%C3%A9thanie
[7] Dès sa première apparition dans le film, une blague sexiste de Cooper la renvoie à son physique lorsqu’elle se présente comme le « professeur Brand ».
[8] Si cette union n’est pas montrée mais seulement annoncée par Murphy en train de mourir, elle paraît inévitable tellement le film a insisté pendant plus de deux heures sur l’importance de la famille et du foyer (voir ce que j’en dis plus loin). De plus, la configuration sur laquelle se termine le film (avec d’un côté la femme qui attend seule chez elle, et de l’autre l’homme qui vient la rejoindre) évoque l’imaginaire sexiste et hétérosexiste du western, qui assigne traditionnellement les épouses à la maison et montre les hommes partir à la conquête de nouveaux territoires). Le « retour au foyer » de Cooper à la fin est ainsi à mettre en regard avec la scène du début du film dans laquelle il quittait le foyer familial en laissant derrière lui une Murphy bouleversée.
[9] Voir http://www.lecinemaestpolitique.fr/nouveaux-peres-i-de-monstres-et-cie-a-moi-moche-et-mechant-apprendre-a-etre-doux/ , http://www.lecinemaestpolitique.fr/nouveaux-peres-ii-de-lage-de-glace-a-kung-fu-panda-redefinir-les-liens-familiaux/ et http://www.lecinemaestpolitique.fr/nouveaux-peres-iii-du-monde-de-nemo-a-chicken-little-problemes-de-virilite/
[10] https://www.youtube.com/watch?v=DInYaHVSLr8
[11] Si la famille de Cooper est monoparentale (puisque la mère est morte), cela ne me semble pas remettre en question le fait que le film glorifie la famille traditionnelle. En effet, la mère est regrettée par le héros (qui laisse affleurer sa douleur lors de l’entretien « parent-prof »), et l’on peut à mon avis compter l’absence de la mère au début du film comme l’un des symptômes de la déchéance dans laquelle se trouve l’humanité (incapable de se reproduire sur une Terre-Mère devenue stérile), donc un problème auquel il faut remédier. A la fin du film, l’humanité trouvera une nouvelle Terre à cultiver, et Cooper une nouvelle femme à féconder (Amelia). (Je me demande également si cette idée ne retrouve pas également des échos dans le fait que le film valorise une reproduction dite « naturelle » (nécessitant la présence d’un homme et d’une femme, et pas seulement d’un ovule et d’un spermatozoïde) contre la reproduction « artificielle » projetée par le Professeur Brand).
[12] Il est intéressant de comparer ce film à un autre film de « conquête spatiale » avec Matthew McConaughey : Contact (R. Zemeckis, 1997) (voir l’analyse de ce film sur ce site). Dans les deux cas, la femme scientifique se trouve subordonnée de manière insistante à son père (et plus largement à ses pères symboliques). Mais si Jodie Foster avait le temps de déployer le potentiel féministe de son personnage dans le film de 1997 (qui se termine néanmoins par la réaffirmation de la dépendance de la fille vis-à-vis de ses pères), Jessica Chastain n’a ici plus aucune opportunité de s’affirmer comme un personnage indépendant et intéressant. Elle est juste « la fille de son père » du début à la fin. Si la conquête spatiale progresse, ce n’est visiblement pas le cas de l’égalité entre les sexes…
[13] Alors que dans la réalité de la société patriarcale, c’est bien plutôt l’inverse qui se produit. L’histoire des sciences (et des arts) regorgent de cas de femmes dont les découvertes scientifiques ont été invisibilisées au profit d’hommes. Voir par exemple : http://news.nationalgeographic.com/news/2013/13/130519-women-scientists-overlooked-dna-history-science/ . Voir aussi le concept d’ « effet Mathilda » inventé par l’historienne des sciences Margaret W. Rossiter (http://www.eveleblog.com/approfondir/au-fait-cest-quoi-leffet-matilda/)
[14] Merci à tou-te-s celleux qui ont partagé leurs analyses du film sur le forum du site (http://www.lecinemaestpolitique.fr/forums/topic/interstellar-2014/), mon analyse leur est grandement redevable.
Autres articles en lien :
- After Earth (2013) : tu seras un homme mon fils
- After Earth (2013) : Drones et terroristes
- Moi, moche et méchant 2 : Papa a raison
Je n’ai pas vu le film, mais la campagne de promotion qui l’a entoure m’inquiète beaucoup. Toute la presse a repris sans broncher la bonne blague que ce film serait « scientifiquement pointu », « solidement documente », que des astrophysiciens ont travaille dessus pour qu’aucun detail ne cloche… alors que tous les resumes, meme complaisants, qu’on peut en lire montrent que c’est une immense galejade.
Typiquement: quand un être humain approche d’un trou noir, il ne voyage pas dans le temps, il est broyé par la gravite. Pas que je prétende savoir ce qui arrive a son cadavre après hein, mais il est mort, c’est sur.
La seule explication c’est que les journaleux qui s’en sont occupes, tous, ont repris le contenu des articles que leur a envoyé le service de presse du film sans chercher a se faire leur propre idée… Et ca c’est flippant.
Ah ah, oui c’est sûr, s’il faut compter sur les prétendus chefs d’œuvre du 7ème art pour conférer une once de rigueur scientifique à leur contenu. Comme par exemple traverser avec Kubrick l’infini interstellaire pour déboucher sur une chambre à coucher du XVIIIème siècle. Comme on vous le dit, la fiction au cinéma, une immense galéjade ! ! ! !
J’étais pas ne, donc je ne sais pas si Kubrick a essaye de vendre son film en le faisant passer pour « scientifiqument exact ». La license poetique en elle meme ne me gene pas, dans Tron quand Kevin Flyn est dissout par un rayon laser pour etre ensuite introduit dans un programme informatique ou il est habille en fluo, ca ne me gene pas. Sauf si le realisateur pretend avoir bosse avec des informaticiens sur son film et que « c’est vraiment comme ca dans un ordinateur », et que toute la presse reprend sans broncher…
Bonjour,
Ne prenez pas mal ce que je vais vous dire, mais en tant que modeste réalisateur, je suis outré de lire vos dires.
Je suis entièrement d’accord avec ce que vous dites politiquement, mais vous l’illustrer très mal, la façon dont vous interpréter le film est complètement erroné.
Votre démarche est vraiment respectable, vous vous creusez la tête et en faite partager les autres, mais niveau cinéma, désolé de vous le dire comme ça, mais vous n’avez absolument pas les compétences pour analyser ce genre de film, et vous devriez attendre d’être certain d’avoir saisi tout les aspects du film avant de lui manquer de respect de la sorte.
Pour ce qui est de 2001 l’odyssée de l’espace, là vous toucher à une oeuvre dont l’intrigue qui est explicitement racontée n’a AUCUNE IMPORTANCE, c’est le sens qu’on peut tirer de chaque actes ( 2001 est constituée de 4 actes explicitement divisés ) et le lien qu’on peut tisser entre eux, n’oubliez pas que le cinéma est un art, dans les années 2000, c’est plus un divertissement/spectacle, mais en 1968 ( date de sortie de 2001 ), c’est une autre approche. Si vous voulez que je développe, je le ferais, mais svp, essayez de savoir avant de mépriser, 2001 est surement l’une des plus grandes œuvres artistiques existantes, autant cinématographiquement que philosophiquement.
Revenons à nos moutons, il n’y a AUCUNE incohérence scientifique dans Interstellar, seulement des explications que vous n’avez pas saisis, je me porte disponible à vous le prouver.
Encore une fois, ceci n’est pas une attaque, je respecte votre démarche de réflexion, à l’inverse, juger sans avoir fait tout pour avoir les connaissances requises à la compréhension du récit, c’est un manque de respect pour l’énorme quantité de travail que représente un tel film.
Cordialement
C’est encore plus drôle dans le film : quand Cooper s’approche d’un trou noir, on voit son vaisseau se déchiquèter autour de lui mais lui et sa combinaison ne prennent pas un pet’!
Bah oui, c’est parce qu’il est plus fort que le trou noir, il a déjà les gènes du futur de la dimension 5, ça s’étend à sa combinaison mais pas à tout son vaisseau. Logique. 😀
Ce n’est en aucun cas l’intelligence de Cooper qui permet à Murph de résoudre l’équation, c’est seulement les données collectés dans le trou noir par TARS qu’il manquait à Murph.
Très bon article, j’avais été dérangé par la perspective d’Interstellar sur la terre pendant le film, on gros c’est bon, maintenant qu’on a bien pollué la terre, on va partir sur d’autres planètes, ça roule? Il y a vraiment aucune remise en question du capitalisme américain et c’est quelque chose qu’on retrouve dans beaucoup de film de Nolan, qui est un réalisateur assez conservateur (est-il encarté chez les Républicains?. Même si Gravity était dépourvu d’un scénario plus solide, je préférais la conception de la terre du réalisateur, une terre certes féminisée par le cliché éculé de la mère nourricière mais on voyait bien dans le film que l’être humaine ne peut pas survivre sans elle.
Merci pour cette analyse.
Je souhaiterais apporter une précision sur une allusion qui vous a échappé et qui nuance (un tout petit peu) votre propos (les premiers paragraphes en tout cas). Les séquences de témoignage ne sont pas filmées « en style documentaire », elles sont issues du célèbre documentaire de Ken Burns sur le Dust Bowl. N’importe quel américain sait que le Dust Bowl n’est pas un caprice de la terre mais qu’il a très précisément été causé par la spéculation terrienne et le labourage massif des grandes plaines. Ces références sont évidentes pour un spectateur américain, un peu moins pour nous.
Merci pour cette précision très intéressante. Je n’avais pas fait le lien avec le Dust Bowl (et je ne connaissais pas ce documentaire de Ken Burns). Mais maintenant que vous le dites, je crois que l’on voit aussi des vraies images du Dust Bowl dans le premier trailer du film.
Après, je doute que l’on puisse en déduire que le film donne du coup une vision politisante de la crise écologique qu’il dépeint. Certes, j’imagine que cette référence est beaucoup plus évidente pour les américain-e-s que pour nous, mais je suis moins sûr que la plupart d’entre elleux partage une analyse politique de ce phénomène. Peut-être même que le film de Nolan, en ne faisant strictement aucune allusion aux causes humaines de cette catastrophe (alors qu’il aurait été facile de glisser ne serait-ce qu’une phrase) participe d’une relecture dépolitisante de l’Histoire. Car je pense que dans ces premières scènes, ce qui l’intéresse c’est plus de rappeler à la mémoire des américain-e-s un événement qui connote une crise à la fois écologique et sociale (peut-être même la crise la plus marquante de leur histoire), mais en prenant bien soin de ne surtout pas politiser cette référence historique.
Dans une interview récente que j’ai lue (dans le bouquin « Guerre nucléaire et catastrophe écologique »), Chomsky racontait qu’aucun candidat des primaires républicaines ne tenait un discours politique sur la crise écologique que nous traversons (ce qui n’est pas très étonnant), mais même que la quasi-totalité d’entre elleux (à part un candidat marginal je crois) niait purement et simplement la réalité du réchauffement climatique. Il raconte aussi que depuis 2010, les républicains élus à la Chambre des représentants au Congrès (quasiment tous « climato-sceptiques ») bloquent toutes les lois qui pourraient changer la législation existante à ce niveau. Autre anecdote : un républicain comme Rick Perry a qualifié l’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon d’ « acte de Dieu », c’est pour dire le type d’analyse des catastrophes écologiques qu’on trouve chez ces gens… Si je cite tout ça, c’est parce que le début d’Interstellar me fait penser à ce genre de d’appréhension dépolitisante d’un phénomène qui a au départ des causes humaines (s’il évoque de Dust Bowl, comme vous dites).
Bref, tout ça pour dire qu’à mon avis, une référence au Dust Bowl ne signifie pas du tout automatiquement une politisation de la question écologique, surtout dans le contexte idéologique actuel aux US. Pour moi, ça ressemble plutôt à une lecture dépolitisante et réactionnaire de l’Histoire…
Je m’interroge sur ce que dit l’article sur l’humanité divinisée du film. Comme si c’était le scientisme qu’il fallait remettre en cause pour imaginer qu’un jour l’homme sera conforme a l’image qu’il se fait de Dieu.
Pour moi ce Dieu/Homme Homme/Dieu a commencé à exister à la seconde ou le concept de divinités est apparu.
Partir du principe que l’Homme fait preuve d’hubris en voulant « égaler les dieux » revient à poser comme point de départ que « Dieu » transcende l’humanité/la Terre/l’Univers. Ce qui n’est, à mon avis, pas le cas, vu qu’il s’agit d’un concept purement humain, inventé par en pour l’humanité.
Pour moi il va de soi que plus l’humanité repoussera ses limites (et si elle ne s’autodétruit pas avant) plus elle ressemblera à l’idée qu’elle se faisait autrefois des Dieux, et plus les nouvelles technologies rentreront dans le domaine du divin. Pas parce que l’humanité est particulièrement géniale ou élue par autre chose que par elle-même mais parce que justement Dieu est humain.
J’ai vraiment détesté le film de bout en bout mais j’ai trouvé que c’était la seule notion intéressante du truc : l’Humanité n’est pas une espèce élue et elle est son propre Dieu. C’est noyé au milieu d’autres trucs moins cools, mais ça à le mérite de nous sortir des réflexions du type « L’Homme est supérieur aux animaux parce que Dieu l’a fait à son image » etc.
Bah eu final ça revient à dire l’homme est supérieur aux autres animaux parce qu’elle s’est fait à l’image de dieu
c’est pas vraiment mieux..
ça reste con et totalement subjectif
Je ne vois pas en quoi vu que Dieu est à la base une invention humaine et pas un idéal ou un absolu terrien regroupant toutes les espèces terrestres. Il devient Dieu mais Dieu est à la base à son image. C’est « facile », les dés sont pipés. Ça fait juste de l’homme une créature comme une autre qui, après avoir eu accès à un certain niveau de technologie, se privilégie elle-même depuis le futur. Ça ne lui octroie aucun Droit sur le reste du vivant.
En tant qu’athée je dois dire que je suis sensible au fait qu’un film américain à gros budget comme l’est interstellaire remette en cause l’existence de Dieu, même si le film est, sur beaucoup d’autres points, mauvais.
J’ai pour coutume de dire:
« statistiquement, il est impossible que Dieu n’existe pas, car il y a tant de définition de Lui, qu’il est impossible qu’au moins une de soit pas bonne. »
On est en plein dedans ^^
Je suis contant qu’un athée trouve son compte, mais croyez bien que nombre de croyant y trouverons leur compte également. D’ailleurs, combien d’oeuvres faites par des croyants trouve d’autres croyant comme contestataire parce que ca leur plaît pas ?
Harry Potter est un énième héros christique, par exemple… Voulez vous que se penche sur tous les groupes évangéliste qui affirme que le petit sorcier est sataniste ?
Pour moi, cette humanité futuriste, c’est une forme de déité.
Mon point est plus « est-ce que le/les Dieu(x) humains existent » plus que « est-ce qu’une quelconque forme de Dieu existe » même si les deux questions se recoupent étant donné qu’on ne peut jamais envisager la chose que d’un point de vu de terrien/humain.
Pour moi l’humanité d’interstellar n’atteint un point de « divinité » que selon ses propres normes humaines de ce qu’est Dieu. Pour vraiment vraiment simplifier, disons qu’une civilisation ne sachant pas nager pense que seul un dieu peut en être capable, puis nait un enfant qui y arrive : il devient donc un « Dieu ». Enfin bon tout ça pour dire qu’à mon avis ce n’est pas le scientisme du film qui fait le parallèle homme=dieu mais la religion elle même.
Après je suis d’accord avec vous, de nombreux croyants y trouveront surement leur compte aussi, comme des personnes croyantes n’ont pas aimé le film sur Noé.
(je ne voudrais surtout pas que mes messages précédents soient mal pris, je n’essaye pas de créer une polémique ou autre, c’est juste que l’article m’a fait réagir sur ce point précis, mais ça n’engage que moi et mon point de vu sur le monde)
Coucou LVD,
Désolé, je réponds très tardivement.
« Partir du principe que l’Homme fait preuve d’hubris en voulant « égaler les dieux » revient à poser comme point de départ que « Dieu » transcende l’humanité/la Terre/l’Univers. Ce qui n’est, à mon avis, pas le cas, vu qu’il s’agit d’un concept purement humain, inventé par en pour l’humanité. »
Je me demande s’il n’y a pas un sophisme dans ce raisonnement. J’ai l’impression que ce n’est pas parce que le concept de Dieu a été inventé par l’humanité qu’il ne contient pas l’idée d’une « transcendance ». Non ?
Après je ne sais pas si l’idée de transcendance me pose un problème, je ne crois pas en fait. Par contre, ce qui me pose un problème, c’est l’idée d’une supériorité et d’une hiérarchie que renferme la conception de Dieu que véhicule le film (ou plus exactement d’une humanité divine). Parce qu’il me semble que, de manière assez claire, l’humanité est posée comme au-dessus de la Terre et de tous les individus qui la peuplent parce qu’elle possède la science et la capacité à progresser toujours plus loin, à dépasser ses limites comme vous dites. J’ai l’impression qu’on a ici une énième conception de l’humanité comme supérieure (et pas n’importe quelle humanité, celle de l’homme blanc américain…) qui permet de justifier une domination. Non ? (je ne suis pas sûr de ce que je dis, ni de bien comprendre ce que vous voulez dire, c’est pour ça que je demande).
Vous parlez du film Noé, et il me semble que justement le propos est assez opposé à celui de Interstellar sur cette question. En effet, dans Noé, le méchant c’est l’humain qui se pose comme supérieur aux autres espèces parce que « à l’image de Dieu » (donc précisément les gens qui sont présentés comme les gentils, les sauveurs de l’humanité, dans Interstellar). Noé, de son côté, est au début dans l’extrême inverse (il pense que l’humanité est la pire des espèces parce qu’elle détruit la terre et les autres espèces, et qu’elle doit donc mourir), mais à la fin il finit par voir plutôt l’humanité comme une espèce parmi les autres, et qui doit agir selon les valeurs d’amour et de compassion (je ne me souviens plus exactement, donc c’est peut-être un peu approximatif ce que je dis). Du coup, la conception de l’humanité valorisée par le film est une humanité qui est une espèce parmi d’autres, qui n’est pas au-dessus de la Terre et des autres espèces vivantes. Et ça je trouve ça bien.
Et autre truc intéressant dans Noé je trouve (même si y a plein de trucs par ailleurs horribles politiquement dans ce film à mon avis), c’est que le film s’en fout de savoir si Dieu est une entité transcendante qui existe indépendamment des humain-e-s ou si c’est au contraire une pure création des humain-e-s. Certes le déluge est tellement spectaculaire qu’il semble être un acte de Dieu, mais en même temps, à chaque fois que les personnages attendent que Dieu s’adresse à eux, il y a juste le ciel vide au-dessus d’eux. Du coup, il me semble que la seule chose qui intéresse vraiment le film, c’est pas « qu’est-ce que dieu? » ou « Dieu existe-t-il? », mais c’est la question des valeurs qu’on choisit d’adopter en tant qu’humain-e-s : des valeurs de domination et de haine, ou des valeurs d’égalité et d’amour. Moi je trouve ça pas mal de se focaliser sur cette question. Vous voyez ce que je veux dire ?
Pas bravo pour votre analyse encore une fois totalement à côté de la plaque sans doute un facteur aggravant de ce blog sans intérêt. 3 points. Comme dis ci-dessus le Dust Bowl est une conséquence de la spéculation donc une critique directe même si trop finaude pour vous du capitalisme mais aucune excuse quand on écrit un papier sur un film on se renseigne. 2) c’est pas des arabes dans Taken c’est des roumains sale raciste. Soit vous l’avez pas vu (voir conclusion du point 1)) soit vous l’avez vu et c’est impardonnable. Point 3) et le plus important à mon sens vous confondez caractérisation des personnages et point de vue de l’auteur (certes Flaubert est Emma Bovary mais dieu merci tous les écrivains et réalisateurs ne pensent pas comme leurs personnages). Analyse juste mais finalité fausse. Et le point 4) juste pour le plaisir au USA pour éviter que des débiles comme vous écrive sur le racisme d’hollywood les prods sont obligés de caler un ou des minorités dans des rôles secondaires.
« Pas bravo pour votre analyse encore une fois totalement à côté de la plaque sans doute un facteur aggravant de ce blog sans intérêt. »
Ben dites donc, vous en passez du temps sur ce blog pour quelqu’un qui le trouve « sans intérêt »… Vous n’avez rien de mieux à faire ?
« Comme dis ci-dessus le Dust Bowl est une conséquence de la spéculation donc une critique directe même si trop finaude pour vous du capitalisme mais aucune excuse quand on écrit un papier sur un film on se renseigne »
Le simple fait de faire référence à un événement historique (ici le Dust Bowl) ne relève en rien de l’analyse politique (une « critique directe du capitalisme » comme vous dites). Tout dépend le discours que l’on tient sur cet événement. Et ici, le discours est à mon avis dépolitisant (cf. ce que je dis dans mon commentaire en réponse à Nicolas). Pour prendre un exemple peut-être plus parlant, The Dark Knight Rises fait allusion à plein de mouvements révolutionnaires/insurrectionnels, est-ce que c’est pour ça que c’est un film révolutionnaire et anti-capitaliste ? Non, c’est même l’inverse.
« 2) c’est pas des arabes dans Taken c’est des roumains sale raciste. »
Si vous faites allusion à la mafia que combat Liam Neeson, c’est pas des roumains c’est des albanais sale raciste.
Plus sérieusement, je ne faisais pas allusion à la mafia, mais aux combats que le héros a mené avec la CIA au lieu de s’occuper de l’éducation de sa fille, et qui consistent dans le film à pourchasser des membres du Hezbollah. Et quand j’employais le mot « arabe », ce n’était pas au sens strict des habitants de la péninsule arabique, mais en son sens plus large. Si je n’ai pas précisé plus que ça et que j’ai repris ce sens vague (et politiquement douteux), c’est parce que je cherchais à résumer par là le discours islamophobe et arabophobe tenu par Taken (et bon nombre d’autres films américains malheureusement).
« Point 3) et le plus important à mon sens vous confondez caractérisation des personnages et point de vue de l’auteur (certes Flaubert est Emma Bovary mais dieu merci tous les écrivains et réalisateurs ne pensent pas comme leurs personnages). Analyse juste mais finalité fausse. »
Je ne comprends pas le sens de votre critique. Vous pourriez développer un peu plus ?
« Et le point 4) juste pour le plaisir au USA pour éviter que des débiles comme vous écrive sur le racisme d’hollywood les prods sont obligés de caler un ou des minorités dans des rôles secondaires. »
Ouais quel scandale ! Mais heureusement c’est que des rôles secondaires… J’ose même pas imaginer si y avait eu une lesbienne ou un-e Noir à la place de Matthew McConaughey, pouah, l’horreur absolue quoi. Moi j’aurais boycotté direct.
Il y a du pour et du contre dans votre analyse, mais ça tombe juste pour quelques tares du film (personnages féminins pas très valorisés, américano-centrisme pour la conquête spatiale, etc…)
Pour la dépolitisation de la question écologique, je pense qu’il est intéressant de se pencher sur le script original que devait réaliser Spielberg, et que Jonathan Nolan a écrit en solo avant que son frère prenne en charge le projet.
Ce script suggère bel et bien l’origine du dérèglement climatique (pas de tempête de sable dans cette version) :
– à un moment, Cooper mentionne que l’humanité a mangé tous les animaux par besoin de nourriture.
– une scène montre un cimetière d’épaves de vaisseaux de guerre, de sous-marins, etc… ça suggère qu’une guerre importante a eu lieu et est une des causes du climat « asséché ».
Bref, des indices que Chris Nolan a bel et bien effacé en retravaillant le scénario, alors qu’ils responsabilisent l’humain comme cause de l’appauvrissement de la Terre (surconsommation + guerre en gros).
Je dois dire que je suis absolument atterré par une partie de ce texte, si je suis entièrement d’accord avec les passages qui touchent à la dépolitisation de l’aspect écologique, au sexisme et au racisme, je dois dire que je ne peux m’empêcher de voir une sacrée dose d’anti-science dans votre critique.
L’intelligence c’est mal ? Transcender un état initial c’est mal ?…franchement nos ancêtres, quels salopards, de quel droit ont ils appris à manipuler le feu ? Quand à l’écriture,une belle preuve de l’esprit élitiste de l’humanité.
Le « scientisme » c’est mal ?
Un certain nombre de personnes font sciemment l’amalgame entre la confiance que l’ont peut avoir en les méthodes scientifiques et une supposée foi aveugle en la science.
Ces même personnes qui accusent bêtement la science et les « scentistes » d’être responsables de toutes les catastrophe sans faire la différence entre la science en elle même et l’utilisation criminel qu’en font certains.
Et l’innovation technique c’est mal en soi ?
Le problème c’est qu’actuellement, il y a au États unis un mouvement extrêmement puissant de créationnistes anti science qui essayent par tous les moyens de l’imiter l’innovation, le progrès au nom de leurs croyances.
Ce lobby essaye aussi de l’imiter l’enseignement scientifique dans les écoles et pourrait bien pousser, si on y prend pas garde, à effectivement amener une partie du monde (les USA pour le coup), à ne plus croire en le progrès et l’innovation.
D’ailleurs vous critiquez à juste titre ce passage raciste et sexiste dans le bureau de l’école, mais vous oubliez de souligner la critique qui est faite des manipulations de ces gens qui prétendent réécrire l’histoire et falsifier « la connaissance ». Une fois de plus je vous renvois à nos amis pour qui la terre n’a que 6000 ans et qui veulent minimiser, voir interdire l’enseignement de l’évolution par exemple. Mais vu votre entrain à gerber sur la science,je ne suis pas étonné.
Je trouve injuste cette façon de faire croire que science et capitalisme vont forcement de pair surtout quand on sait a quel point les scientifique ont du mal à trouver des subventions (en particulier à la NASA), car contrairement aux idées reçus, les subventions allouées à l’aérospatial sont en faite extrêmement maigres.
Le système capitaliste ne favorise la science que si il y a un profit immédiat, ce qui est très rare, la science étant un investissement à (très) long terme.
Mettre les mots capitalisme et science dans la même phrase est une association fallacieuse, la plupart des gens déteste le capitalisme, cette amalgame vous permet de déployer votre sentiment anti science en faisant l’économie d’arguments.
On pourrait vous résumer ainsi : « La science et le capitalisme vont ensemble, donc la science c’est mâââl ».
Donc quoi, pour ne pas avoir l’air supérieur, on devrait se complaire dans la médiocrité et l’ignorance Faire semblant de pas être trop intelligent pour ne pas vexer le voisin ?
Vous semblez penser que le fait d’avoir des connaissances en plus va forcément justifier une hiérarchisation…c’est quoi la solution pour lutter contre ces scientifiques mégalos et élitistes, leur interdire l’accès à plus de connaissance ? A mort Einstein, à mort Newton, à mort Curie…plus aucune tête ne doit dépassée…
Je ne suis certainement pas pour une utilisation débridée et inconsciente de la technologie, mais une utilisation saine et responsable de la science est possible, d’ailleurs vous remarquerez que ce sont surtout des politiciens et des hommes d’affaires peu scrupuleux qui dévoient la science…pas les scientifiques (pour la plupart).
La science et la technologie sont des outils et ce n’est pas parce que des idiots s’en servent mal qu’elle est intrinsèquement maléfique.
Votre discours néo luddiste est l’une des raisons pour lesquels la science avance si peu, on pourrait aller bien plus loin, mais aujourd’hui le grand public à un vision tellement déformée de la science et de ces femmes et hommes qui la pratiquent que je crains qu’on continue à stagner encore longtemps
Bonjour,
Je n’ai pas le temps de répondre à toutes vos critiques, donc j’essaie de répondre à ce qui me semble notre désaccord (ou incompréhension ?) principal. N’hésitez pas à revenir sur un point particulier qui vous semble important et auquel je n’aurais pas répondu (en essayant, si ça vous est possible, de vous concentrer juste sur un point, pour essayer d’avancer petit à petit, car je vous avoue que je suis un peu noyé sous vos arguments, qui mériteraient chacun un pavé de ma part pour y répondre, et je n’ai pas trop envie de pondre un énorme pavé indigeste 🙂 )
« L’intelligence c’est mal ? Transcender un état initial c’est mal ?…franchement nos ancêtres, quels salopards, de quel droit ont ils appris à manipuler le feu ? Quand à l’écriture,une belle preuve de l’esprit élitiste de l’humanité. »
Je n’ai pas dit que l’ « intelligence c’est mal ». J’ai l’impression que vous déformez mon propos en isolant la phrase de mon argumentation. Ce qui me gêne dans le discours du film, c’est juste le fait de justifier des rapports de domination en affirmant que certains individus sont supérieurs à d’autres du fait de leur intelligence, de leurs connaissances techniques, de leur « perfectibilité », etc.
Concrètement, dans le film, on n’a pas un éloge de l’intelligence et de la technique en soi. On a tout d’abord l’éloge de l’humanité en tant qu’espèce supérieure à tout ce qui existe (sur Terre comme au ciel d’ailleurs, puisque l’humanité est Dieu). Et concrètement, cela légitime le fait d’instrumentaliser la Terre (et les êtres qui y vivent). Mais on a aussi plus précisément l’éloge d’une certaine humanité : l’élite des hommes blancs américains. Regardez le premier trailer du film si vous ne l’avez pas vu, on se rend bien compte en le regardant qu’il n’est pas vraiment question de « l’humanité en général », ni de « la science » ou de « l’intelligence » en soi, mais d’une certaine science au service de certains individus et d’une certaine politique.
Vous dites : « Mettre les mots capitalisme et science dans la même phrase est une association fallacieuse, la plupart des gens déteste le capitalisme, cette amalgame vous permet de déployer votre sentiment anti science en faisant l’économie d’arguments. » « La science et la technologie sont des outils et ce n’est pas parce que des idiots s’en servent mal qu’elle est intrinsèquement maléfique. »
Ce n’est pas moi qui lie science et capitalisme, c’est le film. Et c’est précisément ça que je critique (entre autres) dans le film.
Encore une fois, pour moi, le film fait l’éloge d’une certaine science au service de certains intérêts. On aurait pu avoir un film totalement différent, avec par exemple l’humanité qui se rend compte qu’elle a totalement pourri les sols et qui crève de faim, et une solution trouvée en écoutant la science des gens qui cultive la terre sans la massacrer à long terme, avec une agriculture sans pesticides, OGM ou autres horreurs. Cette agriculture que le capitalisme ignore et interdit de se développer, c’est aussi une science, c’est aussi des techniques. Mais de cette science et de ces techniques, le film s’en fout. Vous comprenez ce que je veux dire ?
J’ai l’impression que votre discours revient à abstraire « la science » des rapports de force dans lesquels elle est prise. Mais à mon avis ça n’existe pas dans la réalité cette science qui serait bonne en soi. Comme vous dites, la science c’est un outil, et un outil ça n’existe pas dans le vide, mais toujours pour servir certains buts (qui sont politiques). Non ?
« le point 4) juste pour le plaisir au USA pour éviter que des débiles comme vous écrive sur le racisme d’hollywood les prods sont obligés de caler un ou des minorités dans des rôles secondaires. »
C’est dire si on est des extrémistes sur ce site! Les prods mettent un noir vite fait parce qu’ils sont forcés (sinon ils s’en passerait bien hein) et on trouve quant même des trucs a dire! 🙂
D’ailleurs la photo de cet article ou le héros est dominé du regard par une femme et un noir est assez incroyable.. Merci pour cet article très intéressant!
Je trouve que le site perd en sérieux, trop de sarcasme, trop d’avis personnels, aucune analyse du film au final, puisqu’on voit des messages de partout… Un noir qui attend sagement le retour de l’équipe = racisme ? Et qu’en est-il de Matt Damon qui en fait de même sur la planète gelé ? Ah bah non il est blanc lui, c’est bon. Une femme qui trouve pas la solutions à l’équation la plus complexe au monde = sexisme ? Et que dites vous du fait qu’avant elle, son père à fait la même chose en vain et qu’elle est la relève ?
Bref tout ça devient vraiment ridicule… Encore quelques articles du genre, et je me désabonne, si tant est que vous en ayez quelque chose à faire.
J’ai parfois un peu l’impression que dés qu’une femme ou un noir apparait, c’est tellement passer au crible qu’il n’y a aucune chance de ne pas trouver du racisme ou du sexisme.
Maintenant, je suppose qu’on va vous répondre que la folie de Matt Damon est une importance donner à sa solitude, alors qu’il n’y aura aucun appesantissement pour le noir (même si je ne perçoit pas l’effet comique que certain prétendent y voir. Que je considère le court instant ou on se penche sur ce problème comme plutôt dramatique)
Et je suppose que « on » aura pas tout a fait tort si on vous répondait de la sorte. Mais effectivement, voir une femme et un noir juger un blanc, je ne trouve ça ni raciste, ni sexiste… Ce doit être que je suis les deux ^^
En même temps, dès qu’une femme ou un noir apparaît, il y a du sexisme et du racisme qui viennent avec…
On tourne en rond ^^
Y a du racisme et du sexisme qui apparait parce que les personnages sont catégorisé en tant que noir ou femme, ou parce que le film est ouvertement sexiste et raciste ?
Et si c’est parce qu’ils sont catégorisé ainsi, est ce le film qui fait cette démarche en insistant sur le genre ou la couleur de la peau, ou le spectateur qui le met en avant ?
Je veut dire: comment ça se fait que le héros juger par une femme et un noir, ça pose problème, alors que la même scène avec trois blancs, et trois hommes, ça n’en poserait pas ?
C’est juste une question de représenter la société pour ce qu’elle est. Alors, s’il n’y avait qu’une poignée de films qui modifiait des trucs, ça ne serait pas un problème; mais c’est plutôt la norme au cinéma de représenter des pauvres hommes blancs opprimés/attaqués par des femmes et des noirs, et Interstellar est un succès au box-office, donc ça vaut le coup de rappeler que de voir un conseil formé d’une femme et d’un noir refuser à un homme blanc et son fils l’accès aux études qu’il veut, c’est une représentation totalement inversée par rapport à la société dans laquelle justement il y a de gros problèmes à ce niveau-là.
Certes, mais le film est une anticipation. L’histoire se déroule dans un avenir où sont plus ou moins implicitement évoqués des bouleversements économiques et sociaux majeurs. Du coup, dans cette logique, pourquoi ne pas considérer (c’est une proposition non une injonction !) que le dispositif de la scène à l’école opère simplement un renversement ironique en représentant le dominant dominé et inversement. Ne peut-on pas aussi y voir (pourquoi pas, puisque l’analyse souvent assez juste de Paul me semble néanmoins par moment sur interprétée), l’expression d’une relative revanche sociale.
Mais en disant cela, je pense à la suite du film qui contredit tout cela en replaçant l’homme blanc au centre de l’histoire. Mais d’une façon selon moi plus subtile et moins lourde et moins « réactionnaire » que ce que le texte de Paul le laisse entendre. Certes le film reste androcentré (pour parler comme un prof !) mais il propose des personnages féminins pas totalement dominés (la fille du professeur joue un rôle important ne serait ce que parce qu’elle sauve la vie de Cooper, c’est un élément qui n’est jamais souligné).
Enfin, j’ai vu ce film avec de jeunes personnes qui ont été très sensibles aux personnages féminins et de manière générale au film, sans pour autant être dupes des stéréotypes auxquels ils étaient parfois renvoyés.
Bien cordialement,
jacques
Ben après je pense qu’on peut choisir d’apprécier un film (ou une musique) en calquant dessus la lecture qu’on veut, en faisant abstraction de certaines choses, en triant ce qui nous intéresse : je le fais tout le temps.
Mais quand on fait une analyse du film, ça me paraît normal (et souhaitable) de nommer les schémas patriarcaux, racistes, post-colonialistes, classistes, etc, qui sont véhiculés, et de les analyser. Ça ne veut pas forcément dire que les gens qui ont apprécié le film l’ont apprécié pour et par cette grille de lecture. Mais ils restent là, et en tant que spectateurice on les absorbe. À la limite je trouve ça limite plus dangereux quand on a une impression de progressisme, quand on a à droite à gauche des petites miettes qui nous font plaisir (oh chouette une femme qui sait résoudre une équation ! oh mon dieu, deux femmes, ça vérifie presque le test de bechdel !), et qu’au final on a une justification sous-jacente du patriarcat…non ?
Coucou,
Tout à fait d’accord avec ce que dit Grussie. Je vais essayer de répondre aux autres critiques que vous me faites sur des points plus particuliers :
@ Jacques
Comme vous le dites vous-même, il me semble difficile de voir la scène de l’école comme une revanche sociale. Ou plus exactement, si elle met en scène une revanche sociale, elle le met en scène comme quelque chose de négatif. Je pense qu’un truc important à considérer ce n’est pas seulement ce que montre le film, mais comment il le montre (au sens de : quel jugement il tient sur ce qu’il montre). La scène où l’on voit l’homme blanc brimé par la femme et le Noir au début nous invite clairement à adopter le point de vue de l’homme blanc, et à trouver avec lui cette oppression injuste. Par contre, quand c’est Cooper qui commande à la femme et au Noir dans le vaisseau, là ce n’est plus du tout montré négativement, mais au contraire comme quelque chose de positif qui conduit l’équipe à réussir sa mission (sauver l’humanité). Tout ça pour dire que, comme dit Grussie, on peut faire la lecture du film que l’on veut, mais le propos que tient le film à ce niveau me semble assez clair, non ?
Et en ce qui concerne le fait que le personnage féminin sauve la vie de Cooper, je ne suis pas sûr de comprendre de quoi vous voulez parler. Vous voulez parler d’Amelia qui sauve la vie de Cooper lorsque son casque a été percé par le Dr. Mann ? Si oui, il me semble intéressant de comparer cette scène à celle où Cooper sauve la vie d’Amelia à la fin (et aux nombreuses scènes du même genre dans d’autres films, où un homme sauve une femme).
Il me semble que quand Amelia sauve Cooper, elle ne fait pas preuve d’un héroïsme particulier : il l’appelle, elle vient le chercher. Elle ne prend pas vraiment de risques, mais par contre lui il lutte pour retenir sa respiration très longtemps et y parvient (et en ce sens, il a peut-être autant de mérite qu’elle). A l’inverse, quand Cooper sauve la femme, il se sacrifie héroïquement, et la noblesse de son geste est soulignée, en même temps que la sobriété et le sang froid avec lequel il l’accomplit (sans parler du fait que son sacrifice ne permet pas seulement de sauver la femme, mais aussi l’humanité entière). Pour moi ça n’a pas grand-chose à voir.
Surtout qu’on retrouve le même genre de sacrifices dans plein d’autres films à la gloire de l’homme blanc, comme par exemple George Clooney qui se sacrifie pour sauver Sandra Bullock dans Gravity, ou Chris Pratt qui se sacrifie pour sauver Zoé Saldana dans les Gardiens de la galaxie, ou Charlie Hunnam dans Pacific Rim, Tom Cruise dans Oblivion, etc. etc. A chaque fois, la femme est totalement passive ou inconsciente, et l’homme risque (ou sacrifie) sa vie héroïquement et sans chichis. Si je suis donc d’accord avec vous pour dire que c’est bien pour une fois d’avoir inversé le schéma patriarcal classique, je trouve qu’on est encore très loin de la glorification habituelle de l’héroïsme masculin…
@ Nicolas QC
En ce qui concerne votre comparaison entre Romilly et le Dr Mann, il me semble que le film s’intéresse beaucoup plus au personnage blanc (qui est plus approfondi psychologiquement, et donc plus complexe et intéressant, et qu’on écoute beaucoup plus parler que le personnage noir). Ensuite, la chose aurait été différente si on avait eu par ailleurs d’autres personnages noirs approfondis et ayant un rôle important dans la narration. Romilly est, il me semble, le seul noir qui parle (si l’on excepte le méchant noir du début qui brime Cooper à l’école). Invisibiliser de la sorte les Noir-e-s, ne pas s’intéresser à elleux (ou seulement dans la mesure où ils permettent aux Blanc-he-s d’accomplir leur Grande Œuvre), les considérer comme des gens de peu d’importance et de peu d’intérêt, pour vous ce n’est pas du racisme ?
Et en ce qui concerne le personnage de Murphy, j’imagine que quand vous parlez de « son père qui a fait la même chose en vain » vous pensez au professeur Brand (car Cooper ne cherche pas la solution de l’équation, mais il apporte la connaissance qui permet de la résoudre). Il me semble que cette comparaison entre Murphy et Brand tourne également au désavantage de la première, puisqu’on apprend que Brand savait depuis très longtemps que l’équation était insoluble, alors que Murphy ne s’en rend pas compte. A ce niveau, le film présente à mon avis Brand comme intellectuellement supérieur à Murphy.
@Paul Rigouste: si l’on suit votre logique, toute la diversité humaine devant être représentée, le fait qu’on ne voit pas d’asiatiques est donc problématique?
@ Kratz
1/ Il ne s’agit pas de critiquer le fait qu’on ne représente pas « toute la diversité humaine » dans une scène en particulier, ou même dans un film. Chaque film raconte une histoire particulière, et pas l’histoire de l’humanité entière, donc c’est normal qu’il n’y ait qu’un nombre limité de personnages (et donc de groupes sociaux représentés). Mais il s’agit de regarder plus globalement la représentativité des différents groupes sociaux dans l’ensemble des films. Parce que là le fait que les hommes blancs hétéros cis soient ultra-représentés en dépit des autres (femmes, lesbiennes, trans, gays, noir-e-s, latinas/nos, etc. etc.)devient à mon avis problématique.
2/ Il ne s’agit pas juste de critiquer l’invisibilisation de plein de groupes sociaux, mais aussi de critiquer le traitement que celleux-ci subissent lorsqu’ils sont montrés à l’écran. Voir par exemple ce que je dis au-dessus sur le traitement des personnages noirs et des femmes dans Interstellar. Sont-illes systématiquement des personnages secondaires/subordonnés au héros masculin blanc hétéro cis? Leur représentation les enferme-elle dans des stéréotypes transphobes/sexistes/racistes/etc. ?
Bonjour Mr Rigouste, j’apprécie beaucoup ce site et vos articles, ainsi j’ai trouvé celui sur Gravity parfaitement pertinent.
Néanmoins, ici je trouve votre analyse un peu exagérée (ce n’est que mon avis). Vous paraissez distinguer tant d’intentions sexistes/racistes derrière la mise en scène, que j’aimerais apporter brièvement quelques nuances :
– Si le conservatisme de Chris Nolan et son peu d’intêret pour le féminisme ne font pas de doutes (voir l’ultra-masculine trilogie des Batmans), et si « Interstellar » glorifie bien le puissant héros mâle selon le schéma hollywoodien typique – qui lui prend d’ailleurs toujours le dessus sur ses collègues comme vous le soulignez, mais le plus souvent après une séance de briefing ou s’opposent les arguments des uns et des autres, ce qui à mon sens relativise un peu le côté « donneur d’ordres et chef infaillible » – , il me semble que dans ce film, les femmes ont tout de même plus d’importance que vous ne l’avouez dans votre commentaire.
Par exemple, les deux personnages féminins ne me semblent pas limités à « la croyance, l’irrationalité, l’émotion » par opposition à « la rationnalité » qui serait réservée aux hommes.
Les compétences scientifiques d’Amélia sont autant mises en valeur que celles de ses collègues masculins, Cooper mis à part ; elle commet une bourde par amour certes (bien qu’elle parvienne au préalable à justifier scientifiquement son choix), mais c’est plutôt l’affect lui-même qui est ici le sujet, en tant qu’un des piliers derrière la cohésion de l’univers et les actions des humains. Cooper est lui aussi soumis à un lien affectif important, celui qui l’unit à sa fille. Mann, au contraire, qui ne connait pas ou plus l’amour, en a perdu l’empathie et la raison. Par ailleurs, contrairement à ce que vous dites, sa relation avec Cooper reste purement hypothétique. Et si la dernière scène du film pourrait valider le cliché de la femme nourricière au foyer qui prépare la maison en attendant l’arrivée des hommes, cela est contrebalancé par la simple ampleur de sa tâche et le rôle crucial qui lui est attribué ; si Cooper, en plongeant dans le trou noir, a permis indirectement de sauver ce qui restait de l’espèce humaine, Amélia, elle, voit plus loin : à sa charge d’assurer seule notre avenir, grâce, on suppose, à un vrai travail physique et scientifique (alors que Cooper a trouvé la solution presque par miracle).
Pour ce qui est de Murph, elle est tout autant « la fille de son père » que l’inverse, comme dit c’est leur lien fusionnel qui est exposé, d’avantage qu’une condescendance envers elle. Il est clairement établi que ses qualités mises en valeur – persévérance, intuition, capacités d’analyses et de déduction.. – lui viennent naturellement, et non de son géniteur ; Cooper ne fait que lui apprendre à les utiliser, comme tout père (schéma patriarcal qu’on peut critiquer, d’accord). La preuve en est que le fils de Cooper, Tom, ne possède pas ces qualités. Il n’aura jamais la moindre importance dans le récit, jusqu’aux retrouvailles finales dont il est absent. Vers la fin du film, Murph s’oppose à lui alors qu’elle tente d’emmener sa famille malade dans un endroit plus sûr : alors qu’elle agit toujours efficacement et avec logique (elle amène un médecin par ex), lui est une brute qui use de ses poings sans écouter ses arguments. Par ailleurs vous mentionnez la scène de l’équation en arguant que Murph, parcequ’elle ne détecte pas la supercherie de Brand, est présentée comme lui étant inférieure ; vous oubliez un point assez capital, qui est que Brand a baissé les bras, il a inventé ce mensonge car il était trop lâche pour avouez son impuissance à résoudre l’équation, alors que Murph poursuit l’objectif sans même songer à fléchir, jusqu’au succès (obtenu avec l’aide de Cooper, on est bien d’accord).
– Sur le point du racisme, le seul argument qui tienne selon moi pour justifier cette accusation est que les deux Noirs du film sont des personnages secondaires. Cela semble un peu léger, à mon sens. Comme l’a dit quelqu’un en commentaire, « si l’on suit votre logique, toute la diversité humaine devant être représentée, le fait qu’on ne voit pas d’asiatiques est donc problématique? ». Le fait est que le casting de ce film est très réduit, avec une dizaine de personnages importants à tout casser, difficile dans ces conditions de mettre volontairement en scène une grande diversité ethnique pour parer au stéréotype du « personnage Noir inutile » ou quoi. Sinon on peut dire que les gays, les indiens, les arabes etc sont aussi discriminés… Vous avez posé la question « Leur représentation [des persos} les enferme-elle dans des stéréotypes transphobes/sexistes/racistes/etc ? » : si la réponse à cette question, pour les femmes, est en partie positive comme on le sait, ce n’est clairement pas le cas des Noirs : la couleur de peau du conseiller scolaire ou de Rommilly n’a pas la moindre influence sur la manière dont ces personnages agissent ou sont considérés. Ils auraient très bien pu être Blancs, que les scènes concernées se seraient déroulées exactement de la même manière. Tout ce qui compte dans ces instants, c’est que Cooper soit valorisé face à des types moins compétents que lui/moins motivés etc.
Bref voila mon petit grain de sel, désolé de la longueur ! Bonne continuation à vous !
Ce n’est pas Cooper qui permet à Murph de résoudre l’équation mais les données receuillis par TARS dans le trou noir.
Ah, j’ai vu le film et c’est effectivement tellement « valeurs américaines » que ca en devient kitch.
Paul, je voudrai relever un aspect du film qui n’a pas été mentionné ici: le malthusianisme.
Il y a quelques beaux exemples dans le début du film. Je crois me souvenir que lorsque le papy dit:
« quand j’étais petit, on inventait un truc par jour, un gadget, une idée, c’était Noël tous les jours »
il ajoute quelque comme:
« le problème c’est qu’on était 6 milliards a vouloir le même gadget »..
Mon petit doigt me dit que la crise écologique allant en s’aggravant, des discours malthusianistes vont apparaitre de plus en plus souvent dans les productions grand public. A suivre..
Oui vous avez sûrement raison. Je me souviens avoir remarqué ça à plusieurs reprises dans d’autres films, mais comme ce n’est pas quelque chose que je suis encore bien habitué à repérer, je n’y ai pas prêté plus attention que ça. Je pense qu’il doit y avoir effectivement déjà un bon nombre de film d’anticipation qui agitent la menace d’une augmentation trop importante de la population terrestre. Je me demande si y avait pas ça dans Elysium par exemple (?). Merci de me l’avoir fait remarquer en tout cas, je vais y prêter plus attention dorénavant.
Le génie du film Interstellar, ah, vais-je réécrire tout ce que j’ai déjà écrit ? Une partie sans doute… Certes il saute aux yeux que beaucoup de films sont androcentrés et votre site démontre ce dont on se doutait déjà.
Mais le complot anti-femmes ne s’étend pas à certains films que vous critiquez. Je pense qu’il ne vaut pas pour les grands films, car ceux-ci ont des richesses cachées qu’il faut percevoir avant de pouvoir les analyser. Dans le cas de cet article, il me semble que vous analysez sans comprendre. Ce n’est pas une critique sur votre manque d’intelligence, mais sur votre discernement trop partial.
D’abord un malentendu à moins que ma culture m’ait conduit à prendre une piste favorable à Interstellar – à vrai dire je n’ai vérifié auprès de personne qu’on avait compris le film comme moi. Mais je crois que vous avez raté l’entrée écologique du film. Le film n’est pas anti-écologique mais écologique et si vous percevez ce détail (parfois il suffit d’un petit noeud rose dans les cheveux d’un bébé pour que tout le monde croit que c’est une fille), vous pourrez tirer le fil et voir qu’Interstellar roule pour nous, non pas contre.
Il est évident que le climat s’est déréglé à cause du consumérisme. C’est si évident et si lointain que personne ne le dit. Ce qui est beau, c’est que la société du futur ait surmonté la crise. Le XXIIe siècle mieux que le XXIe, c’est magnifique, tout simplement, dans un paysage de films de science fiction où le futur est forcément terrible et invivable. Le film s’ouvre sur une grande promesse : le futur lointain est mieux que le futur proche.
C’est ainsi que j’ai compris le début du film. Ce qui est déroutant, c’est que vous semblez avoir raison sur tous les points. C’est vraiment une histoire de point de vue plutôt que d’analyse. Vous connaissez sans doute les gens dont on dit qu’ils comprennent tout de travers ? C’est mon sentiment. Et j’imagine que mon petit commentaire sera insuffisant pour vous faire voir les merveilles que j’ai perçues dans ce film, le plus important en SF de notre génération, autant que 2001, l’odyssée de l’espace, où il n’y avait que des hommes pilote et une serveuse qui attrape lentement un stylo en lévitation.
Le film est sous le rapport féministe plus efficace que si une femme s’était chargée d’endosser le premier rôle, parce que le scénario travaille la suprématie du héros de SF. On ne passe pas de la SF à une autre si facilement. Quand on va voir Interstellar, on vient avec les clichés. L’analyse féministe devrait avoir une vision gradualiste.
Que Cooper dirige la femme et le Noir, c’est largement faux, il a sa place comme conducteur mais ce n’est pas lui qui décide, il intervient il est vrai aux moments stratégiques virils notamment pour conduire manuellement le vaisseau et pour le sacrifice de soi héroïque quand il va seul dans le trou noir.
Mais le film explore une possibilité merveilleuse, à savoir que l’amour transcende le temps et il met en scène le passage d’une civilisation machiste qui a couru vers la catastrophe d’une Terre inhabitable (regardez le film tel qu’il est, non pas tel que vous l’analysez, je sais que c’est difficile de faire machine arrière une fois que l’analyse est fièrement ficelée d’autant que l’antithèse semble puissante) et qui passe le relais à une société différente, fondée par une femme, Murphy. Une société que Cooper trouve ennuyeuse, c’est son problème. Les personnes qui ont vécu des choses très intenses ne peuvent plus s’accommoder de situations moroses, sans problème. C’est la personnalité de Cooper et le goût du risque est aussi celui de sa coéquipière.
C’est réaliste. Si vous commencez un film de science-fiction en posant la domination féminine, ce n’est pas de notre société que vous parlez, ou par contraste. Le film est pertinent justement parce qu’il y a cette caricature viriliste dont vous n’avez pas vu qu’elle était relativisée. Je veux dire par là que le spectateur ne s’identifie pas forcément à Cooper. Je l’aime bien et j’ai de l’admiration pour l’intelligence de tous les personnages, sauf le frère de Murphy qui est plus simple, mais il n’y a pas de raison forte pour réaliser l’équation :
personnage viriliste => film viriliste
Cooper n’est pas exemplaire, il est simplement complémentaire. Il se croit principal mais il est secondaire. Si vous entrez dans le film, au lieu de l’attendre aux tournants et si vous répondez à la question « comment se fait-il que Murphy dise à son père de repartir pour l’espace ? » vous chercherez un autre fil. Vous verrez qu’il s’agit de compréhension et de stratégie de compréhension entre les êtres tandis que vous êtes dans la coupure, donc la recherche de rupture de liens.
… C’est toujours difficile de se faire entendre en contestant un point de vue, il faut penser outside the box.
L’amour permet la filiation d’une génération à l’autre (c’est pourquoi le plan B semblait ignoble quoique défendu par un personnage honnête et responsable de ses actes, qui tente d’assassiner un ami par devoir, le méchant a une vraie grandeur d’âme lui aussi). Nos descendants dans le film installent la bibliothèque en 4D de Murphy pour que Cooper puisse lui donner des signaux et « réaliser le passé » puis donner à sa fille des renseignements venus de l’ordinateur pour qu’elle puisse résoudre la théorie. C’est elle qui devient une célébrité et sauve l’humanité et la vanité de son père au moment d’entendre le nom de la station dans laquelle il est recueilli est gentiment moquée par le film. C’est l’intelligence du film d’inférioriser l’aventure du père à la grande histoire : « c’est elle qu’ils ont choisi ! » et il est tout heureux que sa fille soit le personnage principal. Ce n’était pas évident puisqu’on était dans un film de SF.
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Je ne sais pas où placer ce paragraphe mais si mon message est contestataire ce post-scriptum ne l’est point. Il me semble que ce site ne soit pas parvenu à passer à la critique positive et à féliciter ouvertement Pixar et Disney pour Inside out, un chef-d’oeuvre qui fait tellement la belle part au féminin, avec un tel naturel et un tel brio, sans contester le système machiste, qu’il en devient plus féministe que le féminisme et où l’humain est égal au féminin, un féminin épanoui ou en train de s’épanouir le masculin légèrement brocardé. Le père, la colère, la peur, l’ami imaginaire, le garçon stéréotypé instrumentalisé, le garçon qui fait tomber de peur son objet phallique (ne manquez pas la réplique de Riley), le conducteur du bus, et pourtant le « masculin » a sa place, avec ses défauts… et le féminisme n’est pas le sujet du film, il met en scène des personnages féminins puissants — je ne sais pas comment vous avez pu passer à côté, c’est pile dans votre ligne éditoriale.
Souvent je ne laisse pas de commentaires, parce que j’aime bien votre travail.
Votre article mêle l’analyse et la raillerie, le premier et le deuxième degré, c’est pourquoi vous analysez ce que vous caricaturez et non pas ce qui est montré. Elle n’est pas bien faite sous le rapport argumentatif. Si vous essayez de la réécrire sans avoir recours à l’ironie, vous tomberez je pense sur le génie du film.
Personnellement, j’essaie d’entrer dans un film, je n’en sors que s’il y a un problème interne, sans doute parce que je suis auteur moi-même. Et je trouve Interstellar très particulièrement ingénieux, d’une grande fermeté, très construit et structuré, complexe et riche.
On nous explique en détail, par le biais de différents témoignages filmés en style documentaire, les conséquences que les tempêtes de sable ont sur le mode de vie des terriens, mais sans nous dire un mot sur l’origine de ces « dérèglements ». ==> parce que c’est un documentaire, des témoignages ; ces gens-là ne savent pas que c’était dû aux dérèglements climatiques en grande partie dus aux activités industrielles, peut-être qu’ils le savent, mais parce qu’ils ont eu des cours d’histoire or ici, ce n’est pas un cours d’histoire, c’est une série de témoignages. Silence assourdissant pour un spectateur de 2014. Ceux du XXIIe (?) siècle ne voient pas ce qui s’est passé, ils sont obligés de voir un documentaire ou de lire des articles pour savoir ce qui s’est passé.
« On a ainsi l’impression » ==> vous vous basez sur une impression. C’est un biais. Vous passez de l’impression à l’affirmation au cours de l’écriture de votre texte, enthousiasmé par son apparente efficacité : « Le film dépolitise ainsi totalement ». Vous donnez trop d’importance à une impression personnelle probablement dû à un a priori sur C. Nolan et un de ses films précédents. Nolan a un style, le style complexe, mais il n’y a pas de raison de faire l’équation
film n°4 stupide => film n°5 probablement stupide ==> cherchons dans ce sens, pour le site…
Un film ne « dépolitise » pas. Ce verbe est trompeur, car l’espace occupé par le film avant qu’il n’y soit n’existe pas. Qui peut croire sérieusement que a terre s’est déréglée toute seule d’après le film ? Cela n’a aucun sens. Cela coupe le scénario de sa base. Le film est sur l’histoire de l’humanité, pas sur comment l’humanité se sort d’un problème qui ne la concerne pas, venu de l’extérieur. Je me demande si vous voyez l’énormité de votre hypothèse. On le voit, l’homme dans le film se met tout seul dans de beaux draps et s’en sort tout seul. C’est le cas du début à la fin, c’est la logique du film qui le veut.
Quand on fait de la politique, on politise, mais quand on fait un film de SF, on n’est pas tenu de politiser. Un film peut politiser mais il ne peut pas dépolitiser. Si un film ne parle pas de la crise écologique, ce qui n’est pas le cas, cela ne nous empêche pas de réfléchir, cela nous permet de penser un peu à autre chose pendant deux heures, c’est mieux qu’avoir le nez dans le guidon. Outside the box encore.
Le film traite de politique dans la récupération idéologique et le révisionnisme de l’histoire, dans un monde réel celui du spectateur où la recherche scientifique et spatiale se porte mal, pour des raisons économiques. Ce n’est pas politiquement correct d’être élitiste, et pourtant, on a peut-être besoin d’encore plus de science pour régler les problèmes écologiques. Et aller sur la Lune, ça fait avancer la science. Avoir des pilotes spécialisés, qui n’aiment pas le maïs.
On ne serait pas allé sur la Lune et c’est pourquoi la science doit se limiter à la recherche sur les végétaux, selon les autorités. Désolé, mais sur le coup je vais être Nietzschéen, je crois que la société doit être faite de strates, avec des gens comme le frère de Murphy qui aiment leur métier d’agriculteur, métier d’ailleurs beaucoup plus intellectuel que la désormais ancienne image du paysan, et avec des gens qui ne sont bien qu’en compagnie de science et de fusée. C’est le droit de chacun d’être autorisé à placer sa vanité dans un travail de haute qualité. Les gens ne se valent pas entre eux, il y a des différences et elles doivent s’exprimer, sinon les gens deviennent fous de rage, même si l’idéologie égalitariste entend les écraser pour obtenir cette cité morose qui pense que ses problèmes de sens vont se résoudre seuls, ou qui parlent trop.
« Fallait y penser ! » dites-vous. Est-ce un argument ? Non, c’est une raillerie. Un scénario de SF prend le parti d’explorer une idée déjà connue : la recherche d’une autre planète. Qu’est-ce qui vous déplaît dans la pensée outside the box ? Que l’humanité puisse sauver sa peau après avoir saccagé son berceau ? Ou le temps qu’elle puisse le réparer ? Votre propre mort (et ce thème est évoqué par l’alternance entre le plan A et le plan B, alternance qui joue avec nos nerfs) ? Accepter que vos petits-enfants trouvent des solutions inacceptables ? Ne pas contrôler les autres et les laisser penser ce qu’ils veulent (oh j’exagère, toute réflexion en entraîne une autre) ? Est-ce que les gens vont arrêter de faire le tri des déchets et de voter pour des listes vertes parce qu’Interstellar leur aura fait croire qu’il y a des planètes disponibles ailleurs ?
D’ailleurs, un des rebondissements d’I., c’est que l’humanité en cherchant une autre planète ait pu construire une station. C’est ça la recherche, l’ouverture aux nouvelles idées. Il est plus important de faire rêver avec la technologie que regarder petit, réprimer ses désirs, contester les désirs des autres.
Je suis pour la compréhension et la recherche des complémentarités, sans essayer de changer les autres et permettre à chacun de tenter des expériences (sans parler de maturation).
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Si l’un-e de vous commente Inside out vous aurez du grain et je pense que vous ne vous tromperez pas.
Article intéressant, je ne me risquerai pas à un commentaire sur le fond (il me faudrait pour cela revoir le film), mais sur la forme, quel dommage de critiquer l’impérialisme état-uniens en parlant « d’Américains »…
Ça parait tatillon, les mots sont ce qu’ils sont, les habitudes également, mais si le cinéma est politique, la langue et l’usage que l’on en fait le sont aussi…!