Paul Rigouste

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  • en réponse à : Teen Wolf, saison 1 et 2 #5746
    Paul Rigouste
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    Effectivement, ça a l’air velu comme série…
    (hihi… velu… loups-garous… poils.. velu… blague… qu’est-ce que je suis drôle).

    Les trucs que tu dis sur le virilisme du générique et sur le fait qu’il n’y ait quasiment pas de louve-garou me fait penser à un truc : le fait que la plupart des figures classiques de l’horreur et du fantastique soient (encore aujourd’hui) assez strictement caractérisée par une appartenance de « sexe » (ou parfois aussi de classe).

    Le loup-garou me semble typiquement un mec (cf. par exemple le film avec Jack Nicholson et le récent film d’animation Les enfants loups, où papa est un loup-garou et pas maman, et où le fiston se sent plus loup dans son cœur alors que la fille se sent plus humaine : http://www.lecinemaestpolitique.fr/les-enfants-loups-ame-et-yuki-2012/). Ptet que y a un truc autour des pulsions violentes que les hommes sont censés avoir au fond d’eux, pulsions difficiles à maîtriser, bref, tout le discours naturalisant/essentialisant la « différence des sexes » et la domination masculine quoi.

    A l’inverse, les sorcières sont le plus souvent des femmes, comme aussi les filles possédées. Je sais pas trop pourquoi, j’y ai pas du tout réfléchi, mais j’imagine que c’est aussi bien sexiste.

    Et après il y a des figures qui me semblent moins genrées mais plus caractérisées par une appartenance de classe, comme les zombies par exemple, qui sont toujours au pluriel, et qui incarnent plutôt le peuple, cette masse décérébrée qui pullule dangereusement (et qui est soit plutôt amorphe dans les vieux films type Zombie de Romero avec les zombies qui errent dans le supermarché, soit au contraire ultra-agressive comme dans des films récents comme World War Z où les zombies évoquent plus une sorte d’insurrection/révolution dangereuse, avec un côté raciste aussi dans le passage à Israël, où les zombies se jettent la tête la première comme une bande de terroristes-kamikazes complètement fous …)

    Et à l’inverse, le vampire me semble plutôt être traditionnellement l’aristocrate (ou du moins le riche) qui vient sucer le sang du peuple (par exemple dans Daybreakers : http://www.lecinemaestpolitique.fr/daybreakers-2010-le-capitalisme-cest-la-mort/). Après y a ptet aussi une dimension genrée, au sens où il me semble que c’est souvent un homme qui veut sucer/violer des jeunes femmes. Mais j’y connais rien.

    Si jamais quelqu’un-e a réfléchi à tout ça et à des idées plus précises (ou alors connaît un bouquin qui analyse ces figures d’un point de vue politique), ça m’intéresse !

    en réponse à : Les papas et leurs fistons #5735
    Paul Rigouste
    Participant

    Je regarderai Casse-tête chinois alors quand il sera disponible, ce que tu dis me rend curieux…

    Et sinon j’ai entendu beaucoup de bien de Tel père, tel fils. J’ai hâte de le voir du coup. Tu l’as vu toi ? Et tu as trouvé ça bien ?

    Sinon à propos de ce dernier type de scénario (celui qui met en scène un père qui doit apprendre à être moins con), je me dis que politiquement ça peut être bien ou moins bien, suivant le propos final. J’ai l’impression que la plupart du temps ça reste assez horrible, car si le père reconnaît qu’il a abusé, au final on est invité à le comprendre (il ne voulait que le bien de ses enfants). Je pense notamment aux scénarios qui mettent en scène une relation père/fille où le père est horrible, mais au fond c’est parce qu’il s’inquiète (type La Petite Sirène, Aladdin, Moi, moche et méchant 2, L’âge de glace 4, etc.).

    En parlant de L’âge de glace 4, c’est marrant parce qu’il y a clairement un lien entre le personnage que doublé par Gérard Lanvin en français (Manny le père « surprotecteur », comme ils disent dans le résumé…) et les personnages que joue Lanvin dans ses films (je pense notamment à Amitiés sincères et Le fils à Jo que j’ai évoqués plus haut). J’ai l’impression qu’à chaque fois c’est le même rôle de père autoritaire/directif/casse-couilles qui doit apprendre à laisser vivre ses enfants. C’était juste une remarque en passant.

    Après, ce genre de scénario, ça peut être pas mal politiquement si le père se fait clairement remballer à la fin. C’est un peu le cas dans le film In a world… (2013), que j’ai cité dans la page ouverte par Meg sur des films féministes (http://www.lecinemaestpolitique.fr/forums/topic/films-series-et-autres-feministes/). Après le personnage du père reste quand même un peu trop classe/marrant/charismatique à mon goût, même s’il en prend bien pour son grade. Mais bon, globalement, ça me semble être un bon exemple de film qui montre bien cette autorité/influence paternelle comme nocive pour les enfants, et donc intolérable.

    Malheureusement, j’ai l’impression que ce genre de scénario est plutôt rare, car dans notre cinéma patriarcal et misogyne, c’est le plus souvent la mère qui est présentée comme possessive/étouffante/nuisible pour ses enfants. Cf. par exemple le truc que j’ai écrit sur les pères et mères chez Disney (http://www.lecinemaestpolitique.fr/peres-et-meres-chez-disney-qui-a-le-beau-role/), ou encore, comme exemple de films français, Un conte de Noël de Desplechin ou le récent Les garçons et Guillaume à table !, dans lequel il est vaguement question du père vite fait, alors qu’on s’attarde bien sur la mère, explicitement accusée à la fin par le fils.

    Donc à mon avis, ce genre de scénario peut donner des trucs biens (genre In a world…) comme des trucs horribles. Du moins j’ai l’impression. Je sais pas ce que t’en penses…

    • Cette réponse a été modifiée Il y a 10 années, 9 mois par Paul Rigouste.
    en réponse à : Films, séries et autres Féministes #5722
    Paul Rigouste
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    Un autre film féministe récent qui me revient est Foxfire, confessions d’un gang de filles de Laurent Cantet, sorti en 2013 et inspiré d’un roman de l’écrivaine Joyce Carol Oates. Je sais pas si vous l’avez vu, mais je pense que ça vaut le coup. Politiquement c’est super à beaucoup d’égards.

    foxfire

    en réponse à : Les papas et leurs fistons #5718
    Paul Rigouste
    Participant

    Merci pour ces pistes Kikuchiyo. Effectivement, je pense qu’il est pertinent de mettre en évidence les différents schémas narratifs qu’on peut trouver dans ces films mettant en scène une relation père/fils (ou père/fille).

    J’ai l’impression que les 3 films que j’ai cité au début (Fiston, Mea Culpa, De toutes nos forces) correspondent à peu près à votre première catégorie, que je reformulerais plutôt personnellement en termes de « réhabilitation du patriarche », pour essayer d’être un peu plus englobant. Je n’ai vu que les bande-annonce, donc ça reste un peu de l’ordre de la conjecture, mais j’ai l’impression que Fiston va mettre en scène Frank Dubosc en père symbolique au départ un peu ringard, qui finalement sera revalorisé aux yeux du fils symbolique à la fin (en lui permettant de tomber la fille par exemple, ou autre). Idem pour Mea Culpa, où le père va s’imposer comme le protecteur de la famille à coups de flingues avec son pote du bon vieux temps (là encore, il faudrait voir le film pour vérifier, mais je suppute un truc du style). Et dans De toutes nos forces, la bande-annonce est on ne peut plus explicite : le père ne s’occupait pas de son fils, mais redevient un père digne de ce nom… en accomplissant un exploit sportif avec lui ! (faudrait pas trop qu’ils parlent de leur ressentis ou se fassent trop de calinous non plus, c’est des mecs avant tout).

    Pour moi, ce schéma de la « réhabilitation du patriarche » est celui qui est le plus clairement masculiniste, parce qu’il s’agit là d’une réhabilitation du père au sens traditionnel (viril, protecteur, tombeur de filles, etc.), le patriarche quoi.

    J’ai commencé ma petite enquête pour voir si le regain de ce type de schéma était vraiment tout récent ou pas dans le cinéma français. Donc j’ai regardé les résumés et bande-annonce des films sortis en 2013, et je n’en ai pas trouvé d’équivalents. Il y en a un bon nombre où l’on trouve des relations père/fils (ou filles), mais pas de manière aussi centrale que dans les 3 films que j’ai cités il me semble. Il semble y avoir par exemple une telle relation père/fils dans Un ptit gars de Ménilmontant, mais ça a l’air d’être plutôt une intrigue parmi d’autres dans ce film qui a l’air au passage d’être un sommet de masculinisme, de virilisme et de racisme assez hallucinant. Il me semble qu’on trouve aussi ces relations en intrigue « secondaire » dans des films comme Jimmy P. (père/fille), La confrérie des larmes (père/filles), Une place sur la terre (père/fils). Les seuls films où ça a l’air un peu plus central me semblent être Le Mentor de Jean-Pierre Mocky (père/fille), qui a l’air particulièrement grave et horrible politiquement, Tu seras un homme (père/fils) que j’arrive pas à cerner avec seulement la bande annonce, La fleur de l’âge (père/fils) qui a l’air ambiance entre vieux patriarches qu’est-ce qu’on est bien, et enfin Amitiés sincères (père/fille), qui a l’air aussi d’une horreur (un père doit affronter la plus douloureuse des épreuves : accepter que sa fille couche avec un de ses meilleurs amis (à lui)…). On trouve aussi des figures de « nouveaux pères » (La stratégie de la poussette, Casse-tête chinois), ce qui peut avoir aussi une dimension masculiniste (ça a l’air d’être le cas dans Casse-tête chinois par exemple), ainsi que le cas Fonzy (le remake de Starbuck que j’ai déjà cité plus haut). En résumé, j’ai l’impression que le thème de la « réhabilitation du patriarche » est plutôt rare ou secondaire dans les films de 2013 si on regarde la totalité des films français sortis.

    Au contraire, il me semble que cette année, ça y va plus franchement dans cette tendance. Outre les 3 films dont j’ai déjà parlé, j’en ai déjà repéré 2 autres qui ont l’air particulièrement velus :

    Avis de mistral, où c’est pas un père mais un grand-père. Le niveau au-dessus quoi… (http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=221540.html)
    Salaud, on t’aime !, qui aura peut-être la palme de l’horreur masculiniste de l’année. Rien que le titre, c’est tout un programme. Si je comprends bien, le scénario est en gros celui d’un père qui s’est pas du tout occupé de ses filles, et qui va se réconcilier avec elles, parce que c’est un salaud, mais on l’aime au fond, il est si formidable. En tout cas, le seul extrait que j’en ai vu vaut son pesant en cacahuètes : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19541592&cfilm=207787.html

    Tout ça pour dire que j’ai bel et bien l’impression qu’il y a bien un truc qui se joue en particulier en ce début d’année, et un truc bien masculiniste comme il faut. A suivre…

    Et sinon, j’ai l’impression que le 3ème schéma narratif que tu identifies Kikuchiyo est absent des films français de 2013 et 2014 (pour l’instant), alors qu’on le trouve avant on dirait, par exemple dans Le fils à Jo (2011) ou Tu seras mon fils (2011) (mais je les ai pas vu donc je suis pas sûr). Ptet que ça veut dire quelque chose politiquement. Chépa.

    en réponse à : Les meilleurs épisodes de The Twilight Zone (1959-1964) #5691
    Paul Rigouste
    Participant

    Cool merci, ça m’évite de les regarder :-).

    Un autre assez peu intéressant est The Brain Center at Whipple’s, qui traite l’automatisation dans les usines. Y a quelques trucs potentiellement intéressants, par exemple sur le fait que ça vide totalement de sens le travail des ouvriers et que ça tend à faire de l’usine un lieu déshumanisé. Mais un des gros problèmes de cet épisode pour moi c’est qu’il n’y a par ailleurs aucune critique de l’aliénation et de la déshumanisation qui existe déjà au sein du système de production capitaliste, comme si les ouvriers n’étaient pas déjà exploités et aliénés dans leur travail avant l’introduction de ces machines… En plus, le jeu d’acteur est vraiment pas fin du tout, donc il vaut pas le coup celui-là je trouve.

    Par contre j’en ai vu deux autres qui valent vraiment le coup, au moins parce qu’ils sont bien faits je trouve (après politiquement c’est une autre affaire 🙂 )

    D’abord, The Monsters are on Maple Street. J’en raconte pas trop pour pas spoiler, mais il y a quelques trucs pas mal politiquement, même si ça reste assez rapide et général comme propos. Le portrait de la banlieue américaine blanche middle class est assez marrant. Et la conclusion est très drôle je trouve aussi. Donc je le conseille vivement celui-là.

    Et aussi A World of His Own, qui rivalise avec Two pour la palme de l’épisode le plus sexiste de la série… Cinématographiquement, je le trouve parfait. Très drôle et bien foutu. Après politiquement, c’est une horreur absolue. Mais en même temps c’est intéressant à regarder parce que c’est une sorte de condensé de thèmes/fantasmes sexistes que l’on retrouve dans plein d’autres films. La figure de l’homme créateur, poussée à l’extrême, et lié au fantasme de domination absolue des femmes. Du très très lourd !

    en réponse à : Films, séries et autres Féministes #5689
    Paul Rigouste
    Participant

    Une comédie féministe que j’ai vu récemment et que j’ai vraiment adorée (même si y a plein de trucs critiquables politiquement) : In a world… (2013) , écrit et réalisé par Lake Bell, avec elle-même dans le rôle principal :

    in a world

    (j’ai vu sinon que cette actrice a aussi joué dans un film de 2012 qui a l’air potentiellement pas mal, car réalisé par une femme et avec 3 femmes en rôles principaux Black Rock : http://en.wikipedia.org/wiki/Black_Rock_%282012_film%29. Mais je l’ai pas vu, donc je sais pas si c’est bien)

    • Cette réponse a été modifiée Il y a 10 années, 9 mois par Paul Rigouste.
    en réponse à : Les papas et leurs fistons #5688
    Paul Rigouste
    Participant

    Merci à tout-te-s pour ces suggestions.

    @ Meg et Kikuchiyo : je suis d’accord avec vous, les représentations de relations père/fils ne datent pas d’aujourd’hui et ne sont pas uniquement propres à la France, mais se retrouvent régulièrement dans toutes les sociétés patriarcales. Mais après, je pense qu’en rester là peut conduire à amalgamer plein de représentations qui ont chacune leur spécificité (suivant l’époque et la société) parce qu’elles ont toutes une fonction idéologique bien précise dans un contexte idéologique bien précis.

    C’est pour ça que ça m’intéressait en particulier d’observer le cinéma français actuel. Car j’ai l’impression qu’il y a peut-être une grosse tendance masculiniste qui serait liée à notre contexte français bien particulier de ces derniers mois/années (en ce qui concerne les relations père/fils, je pense notamment à tout ce qui tourne autour des « droits des pères » (SOS Papa, les pères sur les grues et compagnie), et aussi à tous les débats autour de l’homoparentalité et de la PMA (le fait qu’un film comme Starbuck ait eu un tel succès en France, avec remake à la clef l’an dernier, me semble éminemment symptomatique de ce contexte idéologique bien précis (cf. l’analyse de Liam : http://www.lecinemaestpolitique.fr/starbuck-les-genes-ya-que-ca-de-vrai/).

    Du coup je me dis qu’il pourrait être intéressant de voir combien de films sortent aujourd’hui sur la relation père/fils, et aussi et surtout de voir ce qu’ils racontent, car le peu que j’en ai vu (dans les bandes-annonces des films dont j’ai parlé plus haut) me semble assez franchement masculiniste. Donc même si je suis complètement d’accord sur le fait que ces films ne datent pas d’hier et ne concernent pas seulement la France, je pense qu’il est pas mal de s’interroger sur la fonction politique concrète de tous ces films-là qui sortent aujourd’hui sur nos écrans (fonction politique qui différent à mon avis sûrement de celle d’autres films sortis à d’autres époques ou dans d’autres sociétés, même s’il y a, je vous l’accorde, un fond patriarcal commun).

    Après c’est intéressant aussi de regarder par exemple les films américains pour comparer comme vous le suggérez, ou encore de comparer à d’autres relations (père/fille, mère/fille, etc.). Par exemple, peut-être que c’est une fausse impression, mais quand j’y réfléchis vite fait, il me semble qu’on trouve plus de films sur une relation père/fille (dans laquelle le père doit redorer son blason aux yeux de sa fille) aux Etats-Unis qu’en France : je pense par exemple aux Taken, à Die Hard 4, ou à White House Down. (aux côtés des films mettant en scène la bonne vieille relation père/fils, cf. les After Earth, Pacific Rim, The Place Beyond the Pines, etc.).

    Merci pour l’idée des tags sur Allociné Meg, je vais essayer de recenser un peu les films par année et par pays pour voir un peu si une tendance lourde se dégage. Et n’hésitez pas si vous tombez sur d’autres films à les rajouter.

    en réponse à : L’inversion des rapports de domination est-elle pertinente ? #5671
    Paul Rigouste
    Participant

    Mais après, peut-être que l’objectif est le suivant (je parle en tout cas de « Majorité opprimée ») : comme ce sont les hommes qui sont les dominants, ce sont leurs comportements à eux et leur point de vue qu’il faut changer. Donc on s’adresse à eux pour leur faire comprendre ce qu’ils font subir aux femmes tous les jours.

    Oui, tout à fait. Mais comme dit Meg, ce que ça donne concrètement en dernier lieu, c’est des pauvres hommes qui se font opprimer par des méchantes femmes. Donc ptet que qu’au lieu d’inverser les rôles, la manière la plus efficace de faire prendre conscience aux hommes de ce qu’ils font subir aux femmes, ce serait plutôt de changer le point de vue, tout simplement, et de faire des films qui dépeignent la domination masculine d’un point de vue féminin. Faire des films où on nous invite à être en empathie avec des femmes dominées, plutôt que des films où on nous invite à être en empathie avec des hommes dominés.

    Et même, à la rigueur, faire des films sur la domination masculine d’un point de vue masculin, mais qui mettraient en question ce point de vue masculin. C’est sûrement plus difficile dans ce cas là de ne pas tomber dans le masculinisme, mais à mon avis c’est possible de tenir un discours féministe-critique sur les hommes et leur masculinité. Et à mon avis, ce genre de film seraient aussi plus susceptibles de « leur faire comprendre ce qu’ils font subir aux femmes », sans leur permettre de se complaire en même temps dans le masculinisme (ce que permettent à mon avis les films qui reposent sur l’inversion).

    Le problème, c’est que des films comme ça y en a pas beaucoup (parce que le milieu du cinéma est complètement dominé par les hommes, qui font des films pour eux, et si une femme veut s’imposer dans ce milieu, elle doit montrer patte blanche en ne tenant pas trop explicitement un discours critique à l’égard du patriarcat). Du coup, le patriarcat continu d’être la loi au cinéma, les hommes se font leurs films entre hommes, pour les hommes et à la gloire des hommes (avec parfois une petite inversion pour rigoler, mais toujours du point de vue des hommes parce que sinon c’est plus drôle…)

    en réponse à : L’inversion des rapports de domination est-elle pertinente ? #5668
    Paul Rigouste
    Participant

    J’ai regardé l’épisode de Sliders les mondes parallèles que tu as cité Meg. Très marrant. Et aussi très représentatif des problèmes que tu as soulevés j’ai l’impression.

    Un truc que j’ai réalisé en le regardant, c’est que tous ces films qui reposent sur une telle inversion invitent les spectateurs/trices à adopter le point de vue des dominants de notre société (qui se retrouvent donc dans le film dans la position des dominés). C’est ptet ce que tu voulais dire quand tu disais que l’inversion « est faite avec le point de vue des dominants ». Au départ, j’avais compris ça comme : on reproduit une domination en inversé, donc on ne sort pas des cadres de pensée des dominants qui sont incapables de penser autre chose que des rapports de domination. Mais je me dis aussi maintenant que tu voulais ptet dire aussi qu’on nous faisait adopter toujours le point de vue des dominants.

    Dans l’épisode de Sliders, ça saute à la figure, parce que le groupe de personnages qui sont projeté-e-s dans ce monde parallèle où les femmes dominent les hommes est composé de 3 hommes et 1 femme, et on se focalise quasi-exclusivement sur le point de vue des 3 hommes (une des seules fois où la femme dit ce qu’elle pense de ce monde, ça se résume à un truc du genre « la vie n’est pas si mal ici, cessez de vous plaindre, aucune société n’est parfaite »… et l’épisode finit dans le même esprit, puisqu’on la voit jouer la matriarche avec le professeur, qui doit se comporter comme son esclave suite à un pari perdu…).

    Et j’ai l’impression que dans les autres films que tu cites, on est toujours du point de vue du dominant qui se retrouve dans la position du dominé (c’est le cas dans « Jacky » et dans « Majorité Opprimée visiblement »). Du coup, j’ai l’impression qu’un des trucs essentiel que ça n’inverse pas, c’est le point de vue phallocentré. On remplace donc juste des films qui nous montre que le patriarcat c’est bien avec un point de vue masculin par des films qui nous montrent que le matriarcat c’est mal d’un point de vue masculin. Mais on a pas quitté le point de vue masculin ! Je me demande s’il existe des scénarios de ce type qui prennent vraiment en compte le point de vue féminin dans le contexte de ce monde inversé. J’ai l’impression qu’ils sont plutôt rares (voire inexistants).

    Et pour revenir à l’épisode de Sliders, un truc assez marrant je trouve, c’est la manière dont il essentialise hommes et femmes. En effet, les femmes dominent les hommes, mais elles sont toujours par essence posées comme « coopératives, empathiques, etc. » et les hommes toujours posés comme étant par essence « agressifs, violents, etc. ». Ça apparaît plusieurs fois, par exemple quand on apprend la genèse de cette société : comme les femmes en ont eu marre de voir les hommes faire la guerre, elles ont pris le pouvoir pour faire régner la paix. Et là où ça devient vraiment tordu j’ai l’impression, c’est quand à la fin le Professeur gagne l’élection en se mettant à pleurer, donc en se montrant « féminin » (ce qui pensait-il, allait lui faire perdre l’élection), ce qui me fait penser aux discours (tout aussi masculinistes, même si c’est dans un sens un peu différent) qui prônent la nécessité d’une « redéfinition de la masculinité ». Bref, à la fin perso j’y comprends plus rien, ça brasse tellement de trucs de manière (me semble-t-il) incohérente que ça devient vite difficile à analyser je trouve. Mais en même temps c’est ce qui fait que cet épisode est assez intéressant à analyser (parce que très dense)… En plus y a des blagues très réussies je trouve (même si j’arrive pas vraiment à les analyser clairement), comme celle sur les hormones ou celle sur la psychanalyse.

    Bref, merci pour ce conseil Meg ! (je connaissais pas cette série en plus, qui a l’air de haut niveau 🙂 )

    en réponse à : L’inversion des rapports de domination est-elle pertinente ? #5660
    Paul Rigouste
    Participant

    Sur le fait que les dominés se comportent comme les dominants dans La Planète des singes, je pense qu’en un sens ça peut se comprendre, car l’inversion se donne précisément pour but de donner une image miroir de l’oppression telle qu’elle existe. Donc on met les dominants à la place des dominés et les dominés à la place des dominants pour mieux mettre en évidence la domination (après l’efficacité du dispositif se discute, comme tu l’expliques très bien, mais je pense que c’est cohérent avec le projet en ce sens).

    Par contre, je comprends aussi ce que tu veux dire. Car en nous montrant les dominés en dominants, on agite le spectre du renversement de la domination (du genre « les féministes elles veulent dominer les hommes » dans la bouche des masculinistes, ou le « nous vivrons bientôt sur la planète des singes » des membres du Ku Klux Klan ou des mouvements skinheads dont parle Eric Green dans le livre que j’ai cité). Donc en ce sens, je suis complètement d’accord avec toi, on ne sort pas du point de vue dominant qui n’est que capable de penser un rapport de domination et rien d’autre. Ce qui revient à l’argument que tu avais dit au début sur ce genre de films : ils peuvent très bien être lus dans le sens des dominants (Jacky peut faire plaisir aux masculinistes, et La planète des singes aux skinheads, etc).

    Un film de la série qui est beaucoup mieux que le 1 à ce niveau c’est le 4 : La Conquête de la planète des singes (Conquest of the Planet of the Apes, 1972), où l’on voit les singes en animaux domestiques qui se révoltent contre la domination de leurs maîtres humains. Et je me souviens qu’à la fin, il y a un dialogue entre le leader des singes et un leader Noir au sujet de la reproduction du rapport de domination. Le singe veut asservir les humains comme les humains ont asservi les singes, et le Noir le met en garde en lui disant qu’il est en train de reproduire ce contre quoi il se révolte. Enfin, je me souviens de ça en tout cas, mais ptet que mes souvenirs me trompent. En tout cas, politiquement, c’est le meilleur de la série je trouve.

    Et j’aime beaucoup aussi l’autre truc que tu dis sur La planète des singes de 1968 : le fait que le film représente les singes comme des dominants qui n’ont tout de même pas égalé la technologie humaine. J’y avais jamais pensé mais c’est très vrai.

    • Cette réponse a été modifiée Il y a 10 années, 9 mois par Paul Rigouste.
    en réponse à : L’inversion des rapports de domination est-elle pertinente ? #5648
    Paul Rigouste
    Participant

    Je n’ai pas vu tout ça, mais cette question de l’inversion du rapport de domination me fait immédiatement penser à La Planète des singes (1968), film qui repose sur une inversion du rapport de domination entre humains et animaux, et aussi susceptible d’être lu comme une allégorie sur la domination raciale (c’est d’ailleurs surtout comme ça qu’il a été lu à l’époque apparemment).

    Je trouve que les réceptions contradictoires dont ce film a pu faire l’objet confirment ta méfiance vis-à-vis de ce genre de films reposant sur l’inversion du rapport de domination. En effet, comme l’explique Eric Greene dans son bouquin « Planet of the Apes as American Myth », ce film est devenu culte aussi bien chez des militants anti-racistes que chez des groupe de skinheads, qui utilisaient par exemple l’expression « planète des singes » lors de manifestations pour mettre en garde contre l’effondrement de la suprématie blanche (attention, la Terre est en train de devenir la « planète des singes », c’est-à-dire « la planète des Noir-e-s »).

    Je ne vois pas du coup pourquoi on ne retrouverait pas la même chose aujourd’hui pour les films inversant la domination masculine pour mettre en scène un matriarcat. Surtout en ces temps où le masculinisme est vraiment dans l’air du temps. A mon avis, ce genre de films est assez ambigu pour bien plaire aux masculinistes. Car comme tu dis, au final, ce qu’on voit dans ces films c’est exactement la même chose que ce qu’on voit dans les films purement masculinistes, type Le bonheur est dans le pré, Calmos, la Chasse, Carnage, etc. : des pauvrezomes dominés par des femmes.

    Dans le genre « expérience de pensée autour des rapports de domination », je pense que celle présentée par le film Notre univers impitoyable, de Léa Fazer, est beaucoup plus intéressante politiquement (même si la fin du film me semble aussi assez dangereusement ambiguë, voire assez craignos si je me souviens bien). Là y a pas d’inversion, car on ne quitte pas le cadre du patriarcat, c’est une autre expérience de pensée qui est au centre. Je n’en dis pas plus si tu l’as pas vu. Mais je te le conseille, il y a des trucs vraiment chouettes dedans si je me souviens bien.

    • Cette réponse a été modifiée Il y a 10 années, 9 mois par Paul Rigouste.
    en réponse à : Les meilleurs épisodes de The Twilight Zone (1959-1964) #5639
    Paul Rigouste
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    J’ai regardé d’autres épisodes au petit bonheur la chance. 2 que j’ai trouvés pas mal politiquement, et 2 autres beaucoup moins :

    A stop at Willoughby est plutôt cool. C’est à peu près le même propos que dans Time Enough At Last, mais en moins drôle, plus dramatique. C’est « marrant » parce qu’on retrouve la même misogynie féroce, avec le personnage de l’épouse horrible, qui relaie à la maison le même discours que le patron tient au héros à son travail. Après, si on fait abstraction de cette misogynie, la critique du travail aliéné et des valeurs du capitalisme/libéralisme (compétition, individualisme, performance, agressivité, concurrence, carrièrisme, etc.) est plutôt jouissive, même si ça reste assez rapide et donc un peu superficiel.

    J’ai regardé aussi Number 12 Looks Just Like You. Pas mal aussi. Sur l’aphrodisme, comme The Eye of the Beholder. Après je le trouve un peu moins bien que ce dernier parce qu’un peu plus confus. Là où The Eye of the Beholder était simple et efficace dans sa mise en évidence de l’arbitraire des normes de beauté et des souffrances qui en découlent pour celleux qui dérogent à ces normes, Number 12 part un peu plus dans tous les sens, avec des trucs cool et d’autres moins je trouve. Même si l’héroïne est encore une femme comme dans The Eye of the Beholder (alors qu’habituellement dans la série c’est quasiment toujours un mec), l’épisode symétrise totalement normes de beauté masculines et féminines, et y a aussi l’ombre de Papa ce grand inspirateur qui plane sur l’épisode… Mais bon, ça reste pas mal quand même je trouve comme épisode politiquement parlant.

    Après j’ai regardé aussi The Masks, que j’ai trouvé pas intéressant. Et aussi The Big Tall Wish, pas très intéressant politiquement non plus je trouve.

    en réponse à : L’Amazone et la cuisinière, Alain Testart #5526
    Paul Rigouste
    Participant

    Intéressant. Après je sais pas si ça vient plus de celui qui a écrit le compte rendu ou l’auteur du livre (que je n’ai pas lu), mais j’ai l’impression qu’il y a un gros évitement de la question de la domination masculine dans ces analyses non? Même si le but avoué est apparemment de s’opposer au « naturalisme », est-ce que cette focalisation sur « le sang » (conçu un peu de manière abstraite et déconnectée des rapports de forces hommes/femmes) ne tend pas vers le naturalisme justement? Après j’ai pas lu le bouquin, ptet que c’est juste le résumé qu’en fait l’auteur de l’article qui donne cette impression, et que le bouquin tombe moins dans cet écueil, je sais pas.

    Sur ce thème, j’avais lu un super bouquin d’anthropologie féministe qui réfléchissait aussi à l’origine de la division sexuée des tâches, d’un point de vue féministe matérialiste. C’est La construction sociale de l’inégalité des sexes, de Paola Tabet. Tu connais ? Je m’en souviens plus dans le détail parce que ça fait longtemps que je l’ai lu, mais j’avais trouvé ça passionnant, et très convaincant.

    • Cette réponse a été modifiée Il y a 10 années, 9 mois par Paul Rigouste.
    en réponse à : Etudes chiffrées sur les représentations à l'écran #5518
    Paul Rigouste
    Participant

    Une autre source de données à ce niveau, c’est les rapports de la « commission de réflexion sur l’image des femmes dans les médias ».

    Là y a celui de 2008 : http://www.labarbelabarbe.org/La_Barbe/Media_files/RAPPORT_IMAGE_DES_FEMMES_VF.pdf

    Et là celui de 2011 : http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RM2011-181P_femmes_ds_medias_RAPPORT_definitif.pdf

    (si je me souviens bien c’est pas sur le cinéma, mais sur les médias comme la télé, la radio, les magazines, etc., mais c’est très instructif quand même).

    en réponse à : Les meilleurs épisodes de The Twilight Zone (1959-1964) #5517
    Paul Rigouste
    Participant

    Oui je suis complètement d’accord avec toi.

    Ce qui est naze surtout je trouve dans To serve man, c’est la phrase par laquelle Rod conclut l’épisode, qui embrouille complètement je trouve, et décourage la lecture anti-spéciste :

    How about you? You still on earth or on the ship with me? Well, it doesn’t make very much difference because sooner or later we’ll all of us be on the menu-all of us. The recollections of one Michael Chambers with appropriate flashbacks and soliloquy. Or more simply stated, the evolution of man, the cycle of going from dust to dessert…the metamorphosis from being the ruler of a planet to an ingredient in someone’s soup).

    Certes, c’est un peu rigolo comme conclusion, mais l’allusion à l’ « évolution de l’homme » qui se réduirait à un « cycle qui passerait de la poussière au dessert », ça veut plus rien dire j’ai l’impression.

    Et c’est dommage parce que je trouvais que la métaphore antispéciste marchait plutôt bien jusque là (et je me dis que c’est la seule manière de lire cette métaphore en la ramenant à notre monde vu que le spécisme est le seul système de domination où une classe d’individu en mange une autre de manière systématique), avec toutes les promesses faites par les extraterrestres (on va vous nourrir comme ça vous n’aurez plus jamais fin, on va amener la paix comme ça vous ne vous entretuerez plus). Ça me fait penser aux arguments pro-zoo, pro-domestication et plus généralement pro-exploitation des animaux, qui présentent ça comme un cadeau qu’on leur fait (pour les zoos par exemple : on leur donne à manger comme ça illes ne risquent plus de mourir de faim, et on s’occupe d’eux et on les isole, comme ça ils vivent plus longtemps (ce qui est une mystification quand on prend en compte tous les animaux introduits en zoo)).

    Et dans cet esprit, je trouvais le retournement final assez génial : jouer sur le double sens du mot « serve » pour montrer que ce qui se présente comme un acte généreux au service des animaux est en fait une pure exploitation qui visent à les servir dans nos assiettes ! Dommage que le laïus de Rod viennent tout embrouiller 🙂 (après je me dis que c’était ptet fait exprès pour rester consensuel, ça serait ptet pas passé si ça avait été trop cash, et ptet que l’ « antispécisme » de Rod n’allait ptet pas très loin non plus…).

    Quant à People are alike all over, je suis d’accord qu’il est beaucoup mieux car beaucoup moins ambigu. Il m’a fait penser à la Planète des singes (dont Rod était co-scénariste). J’ai l’impression que c’est de l’antispécisme plus acceptable d’abord parce qu’il ne s’applique qu’aux zoos (et les gens sont sûrement plus facilement contre les zoos que contre le fait de manger de la viande), et aussi ptet parce qu’il peut facilement être lu comme une métaphore de l’anti-racisme (comme La planète des singes), au sens où ça peut faire penser aux zoos humains.
    Mais bref, ça reste le meilleur c’est clair !

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