Paul Rigouste
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25 mars 2014 à 11 h 42 min en réponse à : La vilification des Arabes dans les médias et le cinéma #6182Paul RigousteParticipant
Alice en Arabie : http://www.huffingtonpost.fr/2014/03/25/alice-en-arabie-dessin-anime-abc_n_5025754.html?utm_hp_ref=france&ir=France
On l’a échappé belle…
Que ce genre de projet soit encore développé est bien le signe que l’ère de la « vilification des Arabes » est loin de faire partie du passé…
Paul RigousteParticipantJ’ai regardé un autre film de Kelly Reichardt : Wendy & Lucy (2008), avec encore Michelle Williams, que j’ai trouvée vraiment très chouette dans ce film. Et le film lui-même m’a aussi beaucoup plu. On suit les déboires d’une jeune femme qui traverse l’Oregon en voiture avec sa chienne pour aller chercher du travail en Alaska. Comme elle a presque pas d’argent, elle vole dans un supermarché, mais se fait arrêter par un vendeur. Du coup, elle passe quelques heures au commissariat, et quand elle revient, sa chienne qu’elle avait attachée devant le magasin a disparu. Elle passe alors le reste du film à la chercher, et est confrontée à d’autres problèmes du fait de la précarité de sa condition.
J’ai bien aimé parce qu’on est vraiment pendant tout le film du côté de cette femme, qu’on sent abimée, mais qui ne se laisse pas démonter et affronte avec courage les différentes violences qu’elle essuie du fait de sa condition. Par l’intermédiaire de cette femme, le film nous place du point de vue des dominé-e-s, et c’est pas du tout classiste. Il y a des solidarités qui se nouent (avec le gardien de parking notamment). (Le seul truc que j’ai trouvé peut-être un peu décevant c’est tout ce qui tourne autour de la question du spécisme. Il y a quelques débuts de trucs mais qui sont vraiment pas approfondis. J’ai trouvé ça un peu dommage. Ptet parce que j’attendais un peu du film à ce niveau là aussi vu que ça s’appelle « Wendy & Lucy »)
Sinon la mise en scène est très sobre, comme dans Meek’s Cutoff, mais c’est très émouvant (moi ça m’a beaucoup ému en tout cas, alors que Meek’s Cutoff non). On retrouve quelques thèmes communs entre les deux films : la solidarité entre dominé-e-s, la survie quand on est démuni, le voyage qui n’avance pas, l’espoir d’une destination où la vie sera un peu meilleure,… Mais bon, les films n’ont pas plus de rapport que ça j’ai l’impression.
Je te le conseille en tout cas. Dis-moi si ça t’as plu si jamais tu le regardes…
21 mars 2014 à 17 h 01 min en réponse à : "IL, ELLE, HEN : La pédagogie neutre selon la Suède" #6015Paul RigousteParticipantOui j’avais été moi aussi assez déçu par ce documentaire quand je l’avais regardé. C’était il y a assez longtemps maintenant donc je ne m’en souviens plus très bien, mais je m’étais dit aussi que ça aurait pu être beaucoup mieux (après c’est déjà pas mal que ça existe, mais bon).
Je crois que ce que j’avais trouvé le plus dommage, c’était le parti-pris de juste montrer sans rien dire. Je trouve pas cette démarche critiquable en soi, mais là je trouvais que ça marchait pas, parce que ça forçait les institutrices/teurs de l’école à absolument dire des choses ou faire dire des choses aux enfants, ce qui donnait un côté artificiel et forcé (c’était l’impression que j’avais eue du moins). Je me disais que ça aurait été ptet mieux s’il y avait eu plus de moments « interview » ou de moments où une voix-off qui explique les principes de l’école, la situation de l’enseignement en Suède, les réactions hostiles ou positives, etc.
Un truc que je me disais aussi, c’était que ça aurait peut-être été pas mal de comparer avec une école « normale ». Parce que, comme l’indique le titre (la « pédagogie neutre »), le principe n’est pas de faire du matraquage féministe, anti-raciste, etc., mais juste d’éviter de reproduire des discriminations/oppressions/dominations. Du coup, si la caméra veut absolument voir quelque chose, je me dis que les enseignant-e-s (ou parents) vont peut-être se sentir obligé-e-s d’en faire trop. Alors que si il y avait une comparaison avec les autres écoles, on pourrait ptet mieux se rendre compte que ne pas discriminer est déjà quelque chose d’énorme. Je sais pas. J’ai pas assez réfléchi à toutes ces questions pour avoir des idées claires là-dessus.
Paul RigousteParticipantOui je suis d’accord, c’est assez ambigu, parce qu’il y a vraiment très peu de dialogues et très peu d’événements dans le film. J’ai eu vraiment du mal au début à cause de la lenteur du film, j’ai failli lâcher, mais effectivement, ça devient intéressant après.
Je suis d’accord sur le fait qu’on peut en faire un peu la sauce qu’on veut, et j’aime bien ta sauce :-). J’aurais pas réussi à le formuler aussi clairement, mais effectivement je trouve que c’est une lecture possible et intéressante politiquement.
J’ai l’impression que le film se centre vraiment sur les positions de Meek et de la femme jouée par Michelle Williams, et que les autres personnages restent en second plan. C’est un peu dommage en un sens, je trouve, car ça aurait pu amener plus de complexité au propos. On voit un peu que tous les personnages réagissent différemment (le père qui se laisse mourir, la fille qui panique, etc.) mais ça reste pas très approfondi je trouve, les deux personnages les plus « forts » restant Meek et l’ « héroïne » je trouve. Ce qui fait un peu combat de chefs. En ce sens là c’est un peu dommage je trouve, mais en un autre sens, ça a le mérite de clarifier l’opposition, comme tu le montres bien.
Le personnage de Meek est d’ailleurs explicite sur ce point, quand il sort à l’héroïne sa grande théorie sur la différence entre les hommes et les femmes : « Les femmes ont été créées selon le principe de chaos, le chaos de la création, le désordre amenant du nouveau dans le monde. Les hommes ont été créés selon le principe de destruction. Comme un coup de balai, une destruction mettant l’ordre. ». C’est marrant je trouve cette formulation qui présente la destruction masculine comme une création d’ordre par l’élimination du chaos féminin. C’est une manière assez efficace de synthétiser un aspect de l’idéologie patriarcale je trouve (du moins dans une de ses versions).
En tout cas c’est intéressant comme film, même si ça reste un peu trop lent et obscur pour me plaire vraiment, personnellement.
J’ai vu que cette réalisatrice avait fait d’autres films, que je vais regarder par curiosité, pour voir si on retrouve des problématiques communes : Old Joy (2006), Wendy & Lucy (2008), et Night Moves (2013). C’est marrant parce qu’elle a l’air d’être quand même une réalisatrice assez « expérimentale » (au sens où ces films sont pas très accessibles je trouve, du moins Meek’s Cutoff, et doivent être à mon avis distribués en France dans les cinémas d’art et essai exclusivement), mais en même temps elle tourne avec des acteurs/actrices plutôt connu-e-s, voire des stars (Michelle Williams, Jesse Eisenberg, Dakota Fanning). Bref, je vais regarder, surtout Wendy & Lucy qui m’attire beaucoup. Merci pour la découverte et les pistes de réflexion.
Paul RigousteParticipantOui c’est complètement ça pour le « nouveau père », je suis complètement d’accord. On dirait que cette problématique s’est peut-être un peu imposée à eux mais malgré eux en quelque sorte (puisque y a certaines allusions ou débuts de trucs qui nous laissent croire qu’on va peut-être un peu avoir une figure de père qui va devenir plus doux, ou se remettre en question dans sa manière d’éduquer son fils), mais qu’ils ont tout fait pour la neutraliser et revenir au bon vieux schéma où papa t’apprend à être un homme, et surtout pas d’affection entre nous ! Du coup, quand je l’ai regardé, ça m’a donné un peu l’impression d’un film qui dit en gros : « la redéfinition de la paternité en un sens un peu moins viriliste, nous on en a rien à foutre, on veut juste la bonne vieille paternité traditionnelle bien virile et autoritaire, et on l’assume ». Bref, vraiment affligeant ce film…
12 mars 2014 à 16 h 22 min en réponse à : Films, séries et autres Anti-colonialistes/Anti-racistes #5968Paul RigousteParticipantOuais moi aussi il me gonfle McNulty. Je trouve que la série est beaucoup trop ambiguë à son sujet. Certes il passe plusieurs fois pour un type odieux, irresponsable et insupportable. Mais en même temps ça reste le héros cool et trop classe parce que trop intelligent. Je trouvais pas mal qu’il disparaisse presque dans la saison 4, mais là dans la saison 5 il redevient la star, le rebelle qui s’oppose au système, je trouve ça gonflant.
En plus j’ai l’impression qu’il y a tout un discours qui tend à l’excuser d’être un horrible au motif qu’il serait pris à l’intérieur d’un système qui l’empêcherait de déployer tout son génie. Je trouve que ça a des accents masculinistes, surtout avec cette insistance sur son alcoolisme. Du genre, s’il est ignoble avec ses copines et n’arrête pas de les tromper, c’est parce que c’est un être tourmenté et frustré dans son travail patati patata. Bref, c’est le personnage qui m’énerve le plus moi aussi. Il se rapproche beaucoup trop de ces héros-ignobles-mais-excusables-tellement-ils-sont-géniaux que sont par exemple Iron Man, Dr House ou le Sherlock de la BBC…
Après ça m’énerve aussi que les trois personnages les moins critiqués et plus valorisés (du moins jusqu’ici) soient des hommes à la virilité indiscutable : à savoir Omar, Lester et Daniels (et ptet Colvin aussi, le créateur d’Hamsterdam). C’est cool qu’ils soient noirs, mais le côté viriliste me gonfle un peu. Le pire c’est Lester, avec sa super intelligence et sa super sagesse en toutes circonstance. J’ai trouvé ça assez gratuit et énervant que les scénaristes le fassent sortir avec la prostituée à la fin de la saison 1, ça faisait très récompense pour le héros qui s’est bien battu (avec le regard des autres mecs « héhé quel petit coquin ce Lester, elle est bonasse sa cops ». Pfff).
Après avec Omar, je suis pas encore à la fin de la série, mais j’ai l’impression que plus ça va, plus il ressemble à une sorte de figure mythologique (on voit d’ailleurs à un moment qu’il connait un peu et aime la mythologie, et son père symbolique est un aveugle), qui semble immortelle. Je sais pas trop quoi en penser. J’ai l’impression que ça favorise un peu un culte de sa personnalité, ce qui est peut-être à double tranchant (vu qu’il est à la fois gay, doux et plutôt intègre du côté, mais aussi méga viriliste de l’autre, avec son long manteau ouvert, son fusil à pompe, et son côté justicier vengeur).
Et en ce qui concerne les femmes, je trouve qu’elles restent vraiment au second plan par rapport aux hommes. J’ai adoré la saison 4, mais son sexisme m’a vraiment gonflé. J’avais vraiment l’impression que les mecs passaient leur temps à tout expliquer à Kima. Certes, elle est très cool, mais elle reste un peu en retrait je trouve par rapport à McNulty, Lester et Daniels. Après ce qui est bien c’est que sa vie privée est un peu approfondie, ce qui est pas vraiment le cas pour Rhonda Pearlman qui, comme tu dis, se résume à être la copine de McNulty puis de Daniels dans sa vie privée, et leur collaboratrice dans sa vie professionnelle (sans qu’on voit vraiment son travail à elle, alors qu’on voit celui des autres).
Mais plus globalement, ce que je trouve dommage au niveau de la représentation des femmes, c’est qu’on ne les voit jamais en tant que classe (dominée). Y a quelques blagues sexistes par ci par là de la part des flics mais c’est tout. Alors que vu l’intelligence avec laquelle la série décrit sociologiquement la majorité des milieux sociaux et des rapports de domination qu’il aborde, ça aurait été vraiment chouette qu’une saison au moins se focalise un peu plus là-dessus (au final, les prostituées, les mères, les femmes journalistes, institutrices, policières, etc., ne font pas l’objet d’une attention particulière en tant que femmes, c’est-à-dire en tant que classe. Et ça c’est dommage je trouve, surtout dans une série à ambition un peu sociologique).
Bref, j’arrête d’occuper l’espace avec mon baratin, mais c’est clair qu’elle est trop cool cette série !
Paul RigousteParticipantMerci du conseil, j’en avais pas entendu parler. Je l’ai regardé du coup, et effectivement, c’est une horreur absolue ce truc.
La relation avec le père est vraiment horrible. Tout ce truc de « il faut mériter l’attention de papa en se montrant courageux et viril », c’est vraiment ignoble, parce que le film n’a vraiment à aucun moment le moindre recul critique là-dessus. Bambi doit se cacher de son père quand il se prend une branlée par le porc-épic, parce que c’est trop la honte et papa ne pardonne pas la lâcheté. Et inversement, ses yeux brillent quand enfin papa s’intéresse à lui parce qu’il a eu assez de courage pour sauter par-dessus un trou particulièrement grand. Et c’est seulement après ça, une fois qu’il a montré à papa qu’il avait assez de couille pour mériter d’être son fils, qu’il a le droit d’être éduqué à devenir un chef. Beurk, beurk et rebeurk.
C’est marrant sinon, parce qu’on retrouve complètement la figure du « nouveau père », omniprésente dans les films d’animation des années 2000 (et que j’ai essayé d’analyser dans des articles sur ce site. Cf. http://www.lecinemaestpolitique.fr/nouveaux-peres-i-de-monstres-et-cie-a-moi-moche-et-mechant-apprendre-a-etre-doux/). Mais le film neutralise complètement les potentialités « progressistes » de ce genre de scénario (qui peut être l’occasion de faire un peu évoluer les représentations de la paternité et de la masculinité dans un sens un peu moins horrible) en nous ressortant la bonne vieille relation virile où le père apprend au fils à devenir un homme digne de ce nom (et menace de le renier s’il n’y arrive pas).
C’est marrant d’ailleurs comme certains passages font directement penser au Roi Lion (le premier Bambi était d’ailleurs déjà une sorte de proto-Roi Lion). Je pense notamment à cette scène où ils sont tous les deux en haut du rocher et où le père montre à son héritier le peuple qu’il aura à protéger (parce qu’un chef c’est fait pour protéger son peuple c’est bien connu…). Avec en prime le refrain sur le lourd-fardeau-du-chef-qui-ne-peut-pas-aller-s’amuser-parce-qu’il-a-une-grande-responsabilité. Vraiment hideux.
Bref, ce film est vraiment à gerber. Merci d’avoir attiré l’attention dessus 🙂
8 mars 2014 à 10 h 47 min en réponse à : Films, séries et autres Anti-colonialistes/Anti-racistes #5928Paul RigousteParticipantCoucou,
Je regarde en ce moment la série The Wire et j’ai l’impression que c’est intéressant niveau antiracisme. D’abord parce qu’il y a numériquement beaucoup plus de personnages non-blancs que de personnages blancs, mais aussi et surtout parce que la diversité et la complexité de ces personnages non-blancs permet d’éviter les stéréotypes (du moins il me semble). En plus, la série adopte un regard presque sociologique sur les personnages qu’elle met en scène, un grand soin est mis dans la description des conditions sociales dans lesquels vivent les personnages et les systèmes dans lesquels ils sont pris (avec des parallèles par exemple entre « le monde de la drogue » et « le monde de la police », qui montrent que ce soit à peu près les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre dans ces deux milieux sociaux apparemment opposés) . Et du coup, il me semble que ce regard sociologique empêche toute naturalisation ou essentialisation des caractères des personnages, ce qui permet d’éviter le racisme à mon avis.Après la série n’est pas parfaite. Par exemple je trouve dommage qu’elle reste de bout en bout très masculine, et qu’elle ne s’intéresse jamais à l’oppression spécifique que vivent par exemple les femmes (alors qu’elle s’intéresse par exemple à l’oppression spécifique que vivent les pauvres).
(En français, sur la série, j’ai trouvé cet article de Mona Chollet que j’ai trouvé intéressant : http://blog.mondediplo.net/2008-12-05-Shakespeare-a-Baltimore)
Et sinon, j’ai vu que le créateur de The Wire (David Simon) a créé une autre série qui m’a l’air aussi de donner une grande place à la vie de personnages majoritairement pauvres et non-blanc-he-s (du moins c’est l’impression que j’avais eu quand j’avais regardé le premier épisode) : Treme. Je ne l’ai pas encore regardée mais on m’a dit qu’elle était chouette aussi.
6 mars 2014 à 11 h 11 min en réponse à : La vilification des Arabes dans les médias et le cinéma #5909Paul RigousteParticipantPour rebondir sur ce que dit Kikuchiyo, c’est peut-être vrai qu’il y a une évolution dans la vilification des Arabes ces dernières années (mais il faudrait une connaissance globale du cinéma hollywoodien actuel pour être un peu sûr, et je n’ai personnellement pas cette connaissance). Je pense à deux films qui vont ptet dans ce sens.
1/ Oblivion, où on nous fait croire au début que les méchants ce sont des sortes de terroristes qui vivent caché dans des grottes dans le désert (si je les ai comparé à des Indiens et à des combattants vietnamiens pour d’autres raisons dans l’article que j’ai écrit sur le film, en y réfléchissant je me dis que ça connote aussi ptet un peu les « Arabes » dans l’imaginaire états-unien), pour en fait dire que non c’est des gentils.
2/ Iron Man 3, où on nous fait croire que le grand méchant c’est un terroriste type Ben Laden, alors qu’en fait c’était un acteur britannique qui jouait l’Arabe pour le compte d’un méchant qui se fait appelé le Mandarin (ce qui évoque plus le « péril jaune »).
Après je pense que ces films restent ambigus (surtout Iron Man 3, le plus explicite des deux), parce qu’ils jouent quand même sur la vilification pendant un bon moment, pour après dire « haha lol c’était une blague ». Donc en un sens ça déconstruit, mais en même temps, ça encourage les réflexes racistes pendant une bonne partie du film. Donc ça me semble un peu louche ces films à ce niveau, mais je sais pas trop.
Et aussi j’ai l’impression qu’y a encore des films qui jouent à fond sur l’arabophobie et l’islamophobie. Je pense par exemple à World War Z (2013) où la foule grouillante des mauvais Arabes envahit Israel en passant par-dessus les murs (qui ont été construits pour protéger celleux qu’il y avait à l’intérieur nous dit-on :-)), et qu’on voit après se jeter la tête la tête la première comme des terroristes kamikazes fou. Avec en prime, au cas où on ait pas compris, les terroristes zombies qui font se crasher l’avion dans lequel Brad Pitt essayait de s’échapper…
Et je pense aussi à Homeland qui me semble jouer pas mal sur l’islamophobie et l’arabophobie (après j’ai vu que la moitié de la première saison donc je sais pas ce qui se passe ensuite). Je pense notamment à ces scènes où le soldat américain suspect devient encore plus suspect quand on le voit faire sa prière à genou sur son tapis dans son garage, comme si cette maladie qu’est l’islam l’avait contaminée… (après, encore une fois, je sais pas ce qui se passe après, mais même si ça s’arrange, il me semble que la série joue quand même bien sur l’islamophobie pendant un bon moment)
Paul RigousteParticipantUn autre film qui a l’air prometteur niveau masculinisme : La pièce manquante, de Nicolas Birkenstock, qui va sortir le 19 mars (http://www.youtube.com/watch?v=ZL_XjSGS9D4)
D’après ce que j’en comprends de la bande-annonce, c’est l’histoire d’un pauvre papa que sa femme a abandonné en le laissant seul avec ses enfants (j’ai l’impression qu’en plus la mère s’est barrée comme ça sans rien dire et sans raison claire). Le film a l’air de nous raconter la souffrance de ce père abandonné, qui doit se reconstruire, redécouvrir une nouvelle relation avec ses enfants, patati patata. Bref, ça sent la belle fable masculiniste tout ça…
Paul RigousteParticipantJ’ai reregardé des films de loups-garous que j’avais bien aimé jadis pour voir si on retrouvait le même trip masculiniste naturalisant des hommes victimes de leur violence et luttant contre la bête en eux.
D’abord j’ai revu Wolf (1994), avec Jack Nicholson, et j’ai pas été déçu.
Au début le pauvre Jack est complètement dominé à son boulot (il se fait piquer sa place prestigieuse par un autre type) et à sa maison (sa femme le trompe… avec le même type qui lui a piqué son job :-)). Mais après il redevient un prédateur (après avoir été mordu par un loup) : il devient agressif à son boulot, ce qui lui permet de retrouver sa place (dans une scène d’une grande finesse, il pisse sur les chaussures de son concurrent pour « marquer son territoire »), et aussi dans sa vie sexuelle : il tue sa femme adultère et tombe la belle Michelle Pfeiffer (au début elle est un peu froide, mais elle finit par tomber sous le charme du prédateur).Y a des scènes assez cultes, comme par exemple quand il s’attache avec des menottes au radiateur quand vient la nuit, car il sait qu’il pourra pas maîtriser le prédateur en lui. A ce moment, Michelle arrive, lui enlève les menottes et couche avec lui, parce que ça l’excite la violence du mâle en fait (à la fin elle part d’ailleurs avec lui dans la forêt). Mais surtout, la scène qui vaut son pesant en cacahuète, c’est la scène finale où le concurrent de Jack s’est lui aussi transformé en loup-garou, et tente de violer sauvagement Michelle (les hommes ont des pulsions qu’ils ne maîtrisent pas…). Jack assiste à ça impuissant parce qu’il s’est enfermé dans une étable et a mis autour de son coup un talisman qui l’aide à maîtriser le loup en lui. Mais quand il voit que la pauvre Michelle va se faire violer, il arrache son talisman et redevient le prédateur qui seul pourra sauver la femme. Bref, l’horreur absolue ce film…
Par contre, j’ai revu un autre film qui est plus intéressant j’ai l’impression : La Compagnie des loups (1984), de Neil Jordan.
Esthétiquement, je trouve que c’est un chef d’œuvre. Après, politiquement, c’est une autre affaire. Le truc pas mal c’est qu’on est pas du point de vue masculin, donc ça verse pas (trop) dans le masculinisme décomplexé des films où l’on s’appesantit sur la souffrance du pauvre homme victime de ses pulsions violentes. Le fait que La Compagnie des loups adopte un point de vue féminin est peut-être pas étranger au fait qu’Angela Carter, une femme apparemment féministe (http://en.wikipedia.org/wiki/Angela_Carter) soit l’auteure de l’histoire originale et ait co-scénarisé l’adaptation cinématographique avec Jordan.Après, le film reste assez complexe politiquement, j’arrive pas vraiment à me faire une idée dessus. On reste quand même dans la mythologie du méchant violeur qui surgit de derrière un arbre quand la jeune fille un peu trop jolie s’est un peu trop écartée du chemin (à côté de ça, papa est super-nice…). Et puis l’omniprésence de symboles psychanalytiques m’a passablement saoulé aussi, parce que j’ai pas du tout l’impression que le film adopte une position critique là-dessus. Après j’arrive pas trop à l’analyser parce que ça me semble assez complexe, mais en tout cas, je trouve que ça vaut le coup comme film, je le conseille (et si vous avez des avis dessus, ça m’intéresse).
28 février 2014 à 21 h 09 min en réponse à : Le Grand Pouvoir du Chninkel, Rosinski, Van-Hamme, 1988 #5823Paul RigousteParticipantOui c’est vraiment grave. Le pire c’est que j’ai lu des dizaines de fois cette BD jadis, et que je trouvais ça trop bien et trop drôle. Pour tout dire, ces deux pages que tu as postées sont très probablement les deux pages de BD sur lesquelles j’ai le plus fantasmé quand j’étais ado… Pas glorieux tout ça, pas glorieux du tout du tout… :-/
28 février 2014 à 20 h 58 min en réponse à : Thelma et Louise pour introduire des jeunes au féminisme #5822Paul RigousteParticipantCoucou Cléo,
Personnellement, j’ai vu ce film il y a assez longtemps, donc mes souvenirs restent assez vagues. Il doit exister pas mal d’articles de féministes sur ce film (plus ou moins faciles à trouver), car je sais qu’il a suscité (et suscite encore) beaucoup de débat entre les féministes. Il y a un article de Yvonne Tasker qui a été traduit dans le numéro de la revue CinémAction intitulé « 20 ans de théories féministes sur le cinéma », si jamais vous pouvez mettre la main dessus (sinon je peux vous le scanner et vous l’envoyer si ça vous intéresse).
Sinon, comme pistes qui me viennent à partir des très vagues souvenirs que j’en ai (donc à prendre avec beaucoup de précaution:-)), il y a peut-être des discussions intéressantes à lancer sur :– la description de l’émancipation de ces deux femmes. Par exemple dans la sortie du milieu fermé du foyer pour la conquête d’un espace immense et plein de possibles. Alors que sous le patriarcat, les femmes sont assignées à la maison tandis que les hommes conquièrent le monde, ici les femmes partent précisément à l’aventure, conquérir le monde (le choix du genre « road-movie » n’est en ce sens pas anodin, puisque c’est un genre plutôt traditionnellement masculin sous le patriarcat).
Ou encore dans l’évolution du personnage joué par Geena Davis qui, si je me souviens bien, prend confiance en elle, gagne en assurance, etc.– la représentation d’une amitié et solidarité féminine, dans une optique d’émancipation féministe en plus. C’est tellement rare dans notre cinéma masculiniste qui passe son temps à représenter des amitiés masculines (cf. par exemple le truc que j’ai écrit sur les films les 10 plus gros succès de 2012 : http://www.lecinemaestpolitique.fr/2012-en-affiches-i-bilbo-bond-batman-et-la-bande-a-banner/ & http://www.lecinemaestpolitique.fr/2012-en-affiches-ii-katniss-et-bella-parmi-les-hommes/ , voir la conclusion de la deuxième partie pour la représentation des amitiés féminines…)
– la question de la réappropriation de la violence par les femmes. Si je me souviens bien, Thelma manque de peu de se faire violer, et Louise la sauve en tuant l’agresseur. Il y a aussi des scènes où on les voit avec des flingues s’entrainer à tirer il me semble. Ou encore, elles font exploser un camionneur qui les harcèle depuis le début du film (si je me souviens bien). Du coup y a des trucs à dire ptet sur le fait que la violence est monopolisée par les hommes dans notre société patriarcale, ce qui permet aux hommes d’opprimer les femmes. Et du coup comment l’émancipation féministe peut (ou doit ?) passer par la réappropriation par les femmes de la violence (cf. l’autodéfense féministe) (Virginie Despentes dit plein de choses intéressantes là-dessus, dans King Kong Theory par exemple si je me souviens bien).
Au cinéma, il y a matière à réfléchir sur les représentations de femmes violentes (puisque souvent les films tentent de neutraliser cette violence en sexualisant les femmes (Tomb Raider par ex), en les renvoyant à leur maternité (Kill Bill) ou autres type de réassignation à la féminité). Il y a aussi les débats autour du fait que se réapproprier la violence pour les femmes peut conduire à reproduire des schémas masculins. Il y a pas mal d’articles sur ce site qui abordent un peu ces questions. Cf. par exemple dans les derniers :
http://www.lecinemaestpolitique.fr/les-flingueuses-2013-comedie-feministe/
http://www.lecinemaestpolitique.fr/deathproof-2007-django-unchained-2012-tarantino-ou-le-boulevard-du-mepris/
http://www.lecinemaestpolitique.fr/someones-watching-me-une-histoire-de-points-de-vue-2/
http://www.lecinemaestpolitique.fr/sleeping-with-the-enemy-1991-le-cauchemar-de-pretty-woman/– La représentation des hommes dans le film. Si je me souviens bien, il y a une opposition entre l’horrible mari phallocrate de Thelma et le gentil mari compréhensif de Louise. Je m’en souviens pas assez pour dire quoique ce soit, mais peut-être qu’il y a des choses à dire sur cette opposition peut-être un peu simpliste dans le film ( ?) entre les mecs dominateurs et les mecs cools. Peut-être que ça a pour inconvénient de permettre à plein de mecs qui regardent le film de se dire « ouais moi je fais partie des mecs cools, donc je participe pas de la domination masculine », alors qu’en réalité tous les hommes sont des dominants dans le système patriarcal (en ce qu’ils possèdent des privilèges, qu’ils le veuillent ou non), et que le sexisme consiste pas juste à battre et séquestrer sa femme, mais prend plein de formes différentes et n’est donc pas juste le fait de ceux que certains appellent « machos » pour se dédouaner de tout sexisme. Mais bon, après je m’en souviens plus assez pour savoir si y a moyen de réfléchir à tout ça à partir du film.
– Peut-être aussi y a-t-il moyen de réfléchir sur la (non)représentation des lesbiennes au cinéma, parce qu’il me semble que le film a été lu comme « crypto-lesbien » par des spectatrices lesbiennes (je crois que c’est dans l’excellent documentaire The Celluloïd Closet que j’avais vu ça). Y a ptet moyen de réfléchir sur comment les publics dominés (femmes, homo-bisexuel-lle-s, trans, non-Blancs, etc.) regardent tous ces films qui sont faits pour les dominants. Comment illes peuvent être à l’affut de la moindre ambiguïté pour se reconnaître ou se projeter dans un film (il me semble qu’il y a plein de témoignages intéressants à ce sujet dans The Celluloid Closet).
Voilà les trucs qui me viennent comme ça sans trop réfléchir. Désolé d’être aussi approximatif dans mes formulations, je suis très fatigué ce soir :-).
Et n’hésitez pas si vous voulez que j’approfondisse des trucs que j’ai dit, ou si vous voulez préciser vos questions. Car après tout dépend de ce que vous voulez avoir comme discussion (par exemple si vous recherchez plus une discussion sur le patriarcat et le féminisme en prenant Thelma et Louise comme prétexte, ou si vous cherchez plus à avoir une discussion sur les représentations politiques dans les films, en analysant précisément ce film là…).Bonne soirée
Paul RigousteParticipantMerci beaucoup pour ces références que je ne connaissais pas Nîme. J’ai téléchargé de mon côté des films de loup-garou pour voir, par curiosité…
Et ça me fait repenser d’ailleurs à un film que je n’ai pas encore vu, mais qui a l’air très dense : Curse of the Queerwolf (« La malédiction du queer-garou ») de 1988.
Apparemment, c’est « l’histoire d’un homme hétérosexuel victime d’une malédiction pour le moins étrange. A la pleine lune, il se transforme en créature queer : de longs ongles rouges poussent au bout de ses doigts, ses poignets se cassent négligemment, il est pris d’une envie irrésistible de porter des vêtement féminins et une faim nocturne envahissante le pousse à errer jusqu’à l’aube dans des saunas gay » (je cite ici le résumé qu’en fait Maxime Cervulle dans son article « Les monstres aussi vont au cinéma : films d’horreur et contre-public queer », paru dans le numéro de CinémAction « Les minorités dans le cinéma américain »).Cervulle raconte aussi que dans le film, le « seul moyen d’anéantir le queer-garou est l’insertion dans son rectum d’un gode en argent ». Parce que le queer-garou se répand comme un « virus transmissible ouvrant la voie à l’éradication de la masculinité straight droite dans ses bottes, tendance John Wayne » (« le seul moyen de se prémunir des effets queerisant de la malédiction est de porter autour du cou un médaillon de Saint John Wayne »…). Bref, ça a l’air d’être quelque chose ce film :-).
L’article de Cervulle est très intéressant, car il montre bien en quoi, d’un côté, ce film est ultra-craignos politiquement, mais que d’un autre côté, il a été l’objet de réappropriations positive par des « contre-publics queer ».
Mais ce qui me semblait intéressant ici par rapport à ce qu’on disait sur le côté viriliste de la figure du loup-garou, c’est que ce film joue explicitement là-dessus pour élaborer son effet comique. Le queer-garou est une sorte d’anti-loup-garou en ce sens.
Bref, un film que j’ai pas vu, mais qui doit valoir le détour…
Le trailer : http://www.youtube.com/watch?v=GUsXhr-FM2M
Paul RigousteParticipant@ Liam
Très intéressant ce truc de Colette Guillaumin sur les dominants qui acceptent parfois le jeu de la naturalisation seulement dans les cas où ça sert à naturaliser leur domination.
Ça me fait penser aux raisonnements utilisés par les spécistes pour légitimer la domination des humains sur les animaux (et donc en dernier lieu leur consommation de viande). D’un côté, les animaux sont renvoyés à la nature tandis que les humains se sont hissés au-dessus de la nature pour accéder à la culture (ce sont des êtres « de raison », « de langage », « de liberté », ou autre fadaises du même tonneau), d’où leur supériorité. Mais d’un autre côté, quand il s’agit de justifier le fait de tuer des animaux pour les manger, on voit souvent revenir les arguments naturalisant les humains : la consommation de viande serait chez nous naturelle, car au fond nous sommes des carnivores, des prédateurs, etc.
Au passage, j’ai l’impression qu’il y a un lien entre cette idéologie spéciste et le virilisme que tu pointes dans Teen Wolf. Le loup-garou c’est à la fois le mec qui a des pulsions violentes difficiles à maîtriser, mais c’est aussi le prédateur, celui qui dévore tout ce qui passe (c’est d’ailleurs pour ça que le Lapin-garou que combattent Wallace et Gromit dans un de leur film a une dimension comique : parce qu’il ne bouffe que des légumes, donc porte le nom d’un prédateur sans en être vraiment un, car le « vrai prédateur » bouffe de la viande).
Je me demandais d’ailleurs à ce sujet en quoi consiste le plus souvent les actes violents des loups-garous. Je crois qu’ils déchiquètent surtout des animaux et des humains (ce qui renvoie à la dimension spéciste : l’humain est un prédateur refoulé), mais est-ce qu’ils agressent/violent aussi des femmes ? Par exemple dans Teen Wolf, s’il y en a ?
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