The Invisible War (2012) : Les viols dans l’armée américaine
Accueil › Forums › Le coin pop-corn › Documentaires › The Invisible War (2012) : Les viols dans l’armée américaine
- Ce sujet contient 1 réponse, 2 ps. et a été mis à jour pour la dernière fois par V3nom, le Il y a 10 années, 8 mois.
-
Auteur/ePosts
-
Paul RigousteParticipant
J’ai regardé ce documentaire qui parle des viols dans l’armée américaine. Je l’ai trouvé très intéressant, et je le conseille vraiment, même si certains trucs m’ont énervé.
Un truc qui m’a beaucoup gêné par exemple, c’est qu’à aucun il n’est fait mention du fait que ces violences masculines pourraient avoir un lien avec le patriarcat, avec la construction de la masculinité virile dans nos sociétés. Le seul moment où il est question du type de masculinité (ultra-virile) qui est valorisée dans l’armée, c’est pour dire que les hommes avouent moins les viols qu’ils subissent (ou alors en « souffrent plus que les femmes » du fait de l’homophobie)…
Surtout qu’il y a des grosses occasions, par exemple quand le doc parle des statistiques selon lesquelles 15% de ceux qui entrent dans l’armée ont déjà violé, ce qui représente 2 fois plus que la population civile. Mais le documentaire n’avance à aucun moment l’hypothèse que peut-être que les violeurs sont des produits de l’éducation viriliste-sexiste des garçons sous le patriarcat, et que l’armée est une institution qui incarne et valorise encore plus que les autres institutions cette masculinité problématique.
En plus, le mot qui revient souvent pour parler des violeurs est « prédateurs », ce qui me semble naturaliser un comportement qui est avant tout social, et participer en ce sens de la culture du viol.
Le film pointe à juste titre les campagnes de prévention au sein de l’armée, qui sont absolument scandaleuses : hypocrites, ridicules et surtout sexistes (avec des clips ou slogans s’adressant aux femmes à base de « ne sortez jamais sans un copain pour vous protéger », alors même que la majorité des femmes violées ne cessent de répéter que ce sont leurs « amis » qui les ont violées). Bref, des campagnes de préventions qui posent les femmes comme responsables des viols qu’elles subissent… Mais à côté de ça, le film ne réfléchit pas à ce que serait une vraie prévention (il ne remet par exemple jamais les valeurs virilistes de l’armée, au contraire).
C’est un des autres trucs qui m’a gêné : la totale absence de discours critique sur l’armée américaine et ses valeurs. Au début, quand les femmes parlent de pourquoi elles ont rejoint l’armée et ses belles valeurs, je pense que ça peut se justifier, car on est de leur point de vue à elles, et ça permet de mieux comprendre leur destruction psychologique. Mais par contre, il y a des moments beaucoup plus douteux. Par exemple le passage où des femmes violées s’unissent pour essayer de faire reconnaître en justice le fait que « la justice de l’armée » (puisqu’il y a à l’intérieur de l’armée une sorte d’état d’exception avec ses règles de « justice » propre, qui institutionnalisent de fait l’immunité des violeurs). C’est un moment émouvant et féministe, où des femmes se regroupent, partagent leurs vécus et combattent ensemble, et derrière on entend … une musique militaire (des roulements de tambours il me semble). Cette musique fait ainsi passer au second plan le fait que ce sont des femmes qui luttent en tant que femmes, en insistant sur le fait que ce sont des militaires qui luttent avant tout pour l’armée.
D’autres passages sont encore plus explicites sur ce point, où certain-e-s disent (des « experts » il me semble en plus) des choses comme « notre armée ne peut pas se permettre de perdre du personnel aussi compétent », donc « il faut combattre les viols dans l’armée POUR LE BIEN DE L’ARMEE » (et pas pour le bien des femmes violées !). Gerbant.
Après il y a des trucs supers dans ce docu, qui vaut vraiment le coup d’être regardé. Il y a tous les témoignages des femmes violées, qui racontent comment les autres font pression sur elles pour ne pas qu’elles dénoncent les viols, sur comment ça a détruit leur carrière et leur vie. Il y a aussi la dénonciation d’un système qui est organisé pour dissuader les femmes de dénoncer les viols et assure l’immunité quasi-totale des violeurs. On comprend que les femmes en sont encore à lutter pour que les viols dans l’armée soient jugés comme ils le sont dans la société civile (ou c’est déjà pas la joie !).
Il y a par exemple le fait que le supérieur hiérarchique a tout pouvoir dans son groupe, et que c’est donc à lui que la victime doit aller dénoncer le viol (le supérieur hiérarchique est donc à la fois juge et partie, puisqu’il connaît bien tous les membres de son unité). On a ainsi des statistiques comme : « 33% des victimes ne signalent pas le viol car le violeur est un ami du supérieur hiérarchique », ou alors « 25% des victimes ne signalent pas le viol car le violeur est le supérieur hiérarchique lui-même ».
Et ce qui arrive aussi quand elles signalent le viol, c’est que ce sont elles qui sont condamnées, par exemple pour « adultère », alors qu’elles ne sont pas mariées et que c’est le violeur qui est marié. Bref des trucs absolument hallucinants et scandaleux.
J’ai vu sinon qu’un bouquin du même nom (« La guerre invisible », de Leila Minano et Julia Pascual) venait de sortir sur les viols dans l’armée française.
V3nomInvitéJe vais rechercher et étudier ce docu avec attention, je pense qu’il fera écho au dossier du même thème qui s’est poursuivi dans 2 récents Causette.
Mais c’est en effet problématique cette naturalisation du violeur, le dénie du caractère culturel et sociétal, la poursuite de la culture des mythes du violeur et la non remise en question des valeurs mises en avant dans les corps militaire (et par extension, dans la société occidentale)
-
Auteur/ePosts