L’apocalypse des petits bourgeois
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- Ce sujet contient 4 réponses, 2 ps. et a été mis à jour pour la dernière fois par Le Monolecte, le Il y a 10 années, 5 mois.
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megInvité
Je vous signal un super article d’Agnès Maillard sur son blog Le Monolecte au sujet des représentations et de leur effet dans la pensée neoliberal à travers le cinema et la publicité.
ca se passe ici : http://blog.monolecte.fr/post/2014/06/25/lapocalypse-des-petits-bourgeoisPaul RigousteParticipantSuper intéressant, merci! Une des scènes du film de Ferrara qu’elle raconte (celle du livreur vietnamien) m’a fait repenser à une scène absolument affligeante du film « Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare » (Seeking a Friend for the End of the World), qui se déroule aussi sur fond d’apocalypse. Dans la scène en question, le héros (incarné par Steve Carell) dit à sa femme de ménage (immigrée) qu’elle n’est pas obligée de venir travailler chez lui, vu que c’est la fin du monde bientôt, mais la femme ne comprend pas, et persiste à vouloir se faire exploiter par lui. Et cette scène est censée être drôle.
On est vraiment dans le fantasme du dominant que décrit l’article : d’un côté, l’homme blanc bourgeois qui peut se demander ce qu’il veut vivre avant la fin du monde (en l’occurrence, l’Amour avec une majuscule), et de l’autre, la femme immigrée non-blanche prolétaire qui NE PEUT PAS envisager autre chose que servir le maître blanc, parce que c’est dans sa nature de femme, de prolo et de non-blanche. Comme si elle était programmée à ça et tellement heureuse de se faire exploiter que c’est ça qu’elle voudrait faire jusqu’à son dernier souffle.
Le MonolecteInvitéOui, c’est exactement ça qui m’a faite bondir : le fantasme du dominant.
Et ce qui me semble remarquable, c’est que ce fantasme s’accompagne d’une déshumanisation du dominé, de la négation de son existence en tant que personne à part entière, dont les besoins, rêves, désirs, projets sont totalement niés avec une violence qui n’augure rien de bon dans ses impensés.Du coup, cela m’a fait repenser au concept de l’immigration choisie et de la réduction des gens à leur seule fonction productive, ce qui est profondément raciste et malsain :
L’immigré n’est plus un homme ou une femme ou un gosse, une personne placée devant la terrible extrémité de l’exil, ce n’est plus qu’une force de travail ou une menace. Rien d’autre.
Le bon immigré, c’est celui qui acceptera un visa temporaire, juste le temps de trimer comme un âne, sans rien faire d’autre, sans vivre réellement parmi nous, sans avoir d’attaches, sans créer du lien, et qui repartira prestement dans son pays de sauvages quand nous n’aurons plus besoin de lui. Le bon immigré, il donnera le meilleur de lui-même sans exigences démesurées en face, particulièrement en terme de salaire et de vie sociale. Que l’on comprenne bien : on ne veut de lui que pour bosser, rien d’autre! S’il trouve que 3 ans sans sa femme ou ses gosses, c’est trop long, qu’il rentre chez lui. Si chez lui ça craint, s’il y risque sa peau, si sa famille lui manque ou est en danger, on s’en fout, c’est sa merde, pas la nôtre.
Ça me rappelle rappelle juste la manière de penser l’immigration dans les années 70, avec la figure du bicot, du bougnoule, celui qui n’était qu’une paire de bras docile que l’on ne voulait pas entendre. Il devait trimer en fermant sa gueule, dormir dans sa chambre de foyer Sonacotra, bouffer ce qu’il pouvait et ne surtout pas faire chier avec ses problèmes. Ces mecs, dans l’inconscient de l’époque, n’avaient pas de vie, pas d’existence en tant qu’humains. Pas de vie affective. Pas de culture. Pas d’attaches. Juste des bras. Et éventuellement du gibier pour se marrer entre potes lors d’une bonne ratonnade. Avec le regroupement familial, on a découvert qu’ils étaient des mecs normaux, avec des familles, des amis, une vie. Et c’est tout cela qui est fondamentalement remis en cause.http://blog.monolecte.fr/post/2006/05/04/france-terre-decueil
Paul RigousteParticipantTout à fait d’accord. Après, je trouve a posteriori que mon emploi du terme « fantasme » était peut-être un peu bof politiquement, parce que j’ai l’impression que ce mot connote uniquement quelque chose relevant de l’imaginaire. Or, comme l’explique très bien l’auteure de l’article, ce « fantasme » s’articule à un rapport de domination bien réel, à une violence qui est réelle et pas que symbolique. Les deux sont indissociables de toute façon, mais je trouve très bien de rappeler, comme le fait l’article, en quoi ce fantasme de domination légitime et soutien symboliquement une domination réelle, « matérielle ». Bref, très chouette article encore une fois 🙂
Le MonolecteInvitéMerci 🙂
J’ai eu peur d’être un peu brouillonne sur ce coup. -
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