Répondre à: When you play the Game of Thrones, you win or you die
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Bonjour,
Il est un peu délicat de vous suivre, dans la mesure où vous mettez sur le même plan plusieurs choses, quitte à faire des raccourcis qui ne laissent rien au débat (apprécier Head-on = être islamophobe n’étant pas le moindre !).
L’analyse politique d’une oeuvre ne peut se défaire du contexte de production de celle-ci ; je l’ai fait remarquer sous l’un des articles « Buffy », impossible de développer une analyse sur une série TV sans prendre en compte le système de pré-projection, les liens entre production et direction, entre publicité et casting. Ce système est sans aucun doute stupide, biaisé et injuste, mais ce sont les oeuvres en résultant qui sont généralement dénoncées (à raison, la plupart du temps) ; et quand une série échoue, face au public et/ou à la critique quelle qu’elle soit, une autre série vient la remplacer, différente en apparence mais répondant aux mêmes critères tapis. Ce sont ces critères qu’il convient (je crois) d’interroger dans une telle analyse.
Deuxième point qui me pose problème dans votre message, c’est l’aplatissement entre les soucis politiques de représentation et ceux d’intrigue. Que GoT – et je ne nie aucun des points fondamentaux que vous lui reprochez, notamment le rapport fort dérangeant entre Daenerys et ce peuple sans visage, mais bien identifié qu’elle « libère » – présente des personnages putophobes, fourbes, réactionnaires, violents, c’est un fait. Ca ne signifie pas (forcément) que la série l’est du même coup : en dehors de points problématiques dans la représentation (normalisation des corps, cahier des charges blood-sex-blood), nombre de ce qui est dénoncé dans la gestion de GoT l’est sous la forme d’une accusation de complaisance du couple scénariste/réalisateur envers les comportements de ses personnages.
Or, aucun personnage, homme ou femme, n’est dépeint sous un jour réellement positif dans la série (ce qui est éventuellement problématique en soi). C’est justement ce qui en fait l’intérêt pervers, et donc probablement une grande part du succès : il n’y a personne à sauver dans cet univers décadent, et la saison 1 le montre bien en mettant en scène des enfants progressivement modelés par leur environnement : jouant d’abord (à la mariée, au chevalier, au prince), ils sont rapidement confrontés à une réduction de l’écart entre jeu et réel, entre enfant et adulte (c’est pire, paraît-il, dans le livre, puisque les enfants y sont plus jeunes…). Je trouve pour ma part que cette saison 1 donne un éclairage politique bien différent au reste de l’oeuvre, en montrant les actions de ses personnages comme un morceau de trajectoire, alors que tout le monde chute et que tout s’accélère (tout ceci étant paradoxalement raconté trèèèès lentement).
Enfin (navré pour la longueur du message), la série développe un rapport au monstrueux qui n’est pas inintéressant, à travers un filtre plan-plan « l’habit ne fait pas le moine » ; des personnages emblématiques tels qu’Arya, Brienne ou (évidemment) Tyrion Lannister servent le décalage au milieu d’un monde foutrement déterministe, mais il est encore un peu tôt dans le développement de la série pour savoir s’ils fonctionnent comme prétexte/couverture (token) ou bien comme puissance de fiction, comme peut le faire Daenerys avec toutes les réserves que l’on connaît sur la blondeur libératrice des sauvages (sans compter le potentiel « publicité pour parfum » de ces scènes de libération).
En bref, il me semble qu’il serait dommage de liquider trop rapidement cette série pour ce qu’elle semble être, au risque de ne pas y voir ce qui est politiquement intéressant pour se concentrer sur ce qui y paraît indéniablement dérangeant. De manière générale, l’exercice de la fantasy aura rarement été propice aux trajectoires d’émancipation, et la fameuse excuse de la période moyen-âgeuse que vous dénoncez semble en effet être un piteux cache-sexe.