Catégorie: Cinéma

Blue Valentine (2010) : autopsie d’un mariage filmée « sans parti-pris »

Dans Blue Valentine, Ryan Gosling and Michelle Williams interprètent respectivement Dean et Cindy, un couple qui après cinq ans de mariage sombre inéluctablement vers le divorce. Entrelacées à cette intrigue, les scènes des premiers jours de leur amour ressurgissent en flashbacks. Pour le réalisateur Derek Cianfrance, Blue Valentine montre « ce qui arrive après le conte de […]

X-Men: Days of Future Past (2014) : traité sur l’origine du mal

X-Men: Days of Future Past s’ouvre sur une scène de débandade où une équipe de mutants du futur se fait ratatiner par des « Sentinelles » (sorte de robots redoutables programmés pour repérer les « X-Men » et les exterminer).  C’est que les choses ont plutôt mal tourné dans le futur pour les mutant-e-s et les humain-e-s qui combattent […]

Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (2014) : le racisme, c’est rigolo

Claude et Marie Verneuil n’ont vraiment pas de chance : trois des quatre filles de ces Français issus d’une vieille famille catholique se sont mariées respectivement un Juif, un Arabe et un Chinois, alors que la quatrième s’apprête à leur présenter Charles, son fiancé ivoirien. Pour ces provinciaux racistes, la pilule ne passe pas. Alors, pour […]

Sherlock 2.0 : Les adaptations récentes de Sherlock Holmes

Ces dernières années, nous avons assisté à une déferlante d’adaptations de l’œuvre de Conan Doyle, plus ou moins fidèles au canon,[1] et plus ou moins sympathiques politiquement parlant. Cet article se propose d’étudier les implications politiques des diverses adaptations récentes de Sherlock Holmes. NB 1 : Cet article se focalisera uniquement sur les adaptations modernes […]

La vie rêvée de Walter Mitty (2013) : Ben Stiller reprend du poil de la bête

La vie rêvée de Walter Mitty (The Secret Life of Walter Mitty en anglais) raconte l’histoire d’un employé de bureau travaillant depuis de nombreuses années pour le magazine Life en tant que responsable des archives photographiques. Profondément timide et introverti, il arrive souvent à Walter d’être sujet à des « absences ». Pendant ces moments de rêverie, […]

Her, un film qui ne parle que de Lui.

Le film de Spike Jonze est à la fois film de science fiction, puisque situé dans un avenir proche qui montre l’aliénation des individus dans un monde où les nouvelles technologies et les outils de communication sont devenus omniprésents, et comédie sentimentale centrée sur un homme qui sort d’une dépression après une relation de dix […]

Gloire aux costauds !

En ces temps de crise de la masculinité où les jeunes garçons manquent cruellement de points de repère masculins, il reste tout de même quelques hommes qui se battent à la force du biceps pour sauver la différence des sexes, ce pilier de notre civilisation. C’est à ces héros méconnus que je voudrais rendre hommage ici, ces […]

Jimmy P., Psychothérapie d’un Indien des plaines (2013) : guérir des femmes entre hommes

Jimmy a des gros soucis. Depuis qu’il est revenu de la guerre, tout se détraque dans sa tête : ouïe défectueuse, migraines, et crises imprévisibles où il est aveuglé par des tâches de lumières et respire très difficilement. Sa sœur, chez qui il vit et qui s’occupe de lui, l’amène à l’Hôpital de Topeka où plein […]

Harry, un ami qui vous veut du bien : SOS Vrai Mec, conseils d’amis pour retrouver sa virilité

Sorti sur les grands écrans en 2000, Harry, un ami qui vous veut du bien est un thriller psychologique réalisé par Dominik Moll. Le film narre l’intrusion envahissante d’Harold Balestoro (Harry), un jeune rentier hédoniste, dans la vie de Michel, ancien camarade de lycée rencontré par hasard sur une aire d’autoroute. Michel, sa compagne Claire […]

Oblivion (2013) : Tom Cruise et ses drones de dames

Comme à son habitude, la critique française autorisée a totalement ignoré la dimension politique de ce blockbuster sorti l’an dernier sur nos écrans. Télérama n’y voit qu’un « gloubiboulga d’action comme les autres » puisque, de toute façon, « une superproduction avec Tom Cruise ne doit pas être un film de SF original »[1]. De leur côté, Libération […]

12 Years a Slave (2014) : l’esclavage à travers les yeux d’un héros hors norme

Solomon Northup, le héros noir de 12 Years a Slave est un être d’exception. Lorsque Steve McQueen était en quête d’une histoire à raconter, c’est bien ce qui semble l’avoir séduit : « I really wanted to tell a story about that time and place and the slave era in America but I wanted to have a […]

Jacky au royaume des filles : Jacky et l’apologie de la phallocratie

Riad Sattouf, auteur de bandes dessinées, chroniqueur régulier de Charlie Hebdo et réalisateur des Beaux gosses (2009), revient au cinéma avec une comédie potache qui renverse le système de domination patriarcal dans un contexte dictatorial imaginaire (le royaume de Bubune) dirigé par les femmes, où les hommes – voilés – n’ont qu’une fonction reproductrice. Jacky […]

Deathproof (2007) & Django Unchained (2012) : Tarantino, ou le Boulevard du mépris

Je me concentrerai ici sur une dimension du cinéma de Tarantino, à savoir sa tendance à exploiter des cultures minoritaires en les déconnectant de leur ancrage politique. Cette pratique me semble éminemment critiquable dans la mesure où le réalisateur ne se contente pas seulement de dépolitiser des mouvements contestataires pour n’en garder qu’une coquille vide, […]

My Mighty Princess (2008) : la princesse des arts martiaux

En visionnant les premières minutes de My Mighty Princess, on peut se demander sur quel genre de film on est tombé : la première séquence nous plonge dans la pénombre d’un duel nocturne emprunté aux films wuxia avec ses combattants qui volent dans les airs. Et puis on bascule dans la vie quotidienne légère et invraisemblable […]

Contact (1997) : une femme dans les étoiles

Le film Contact est une adaptation d’un roman de science-fiction du même titre dont l’auteur Carl Sagan est un astrophysicien connu pour ses ouvrages de vulgarisation scientifique. Contact est un roman qui revendique plusieurs positions fortes d’un point de vue politique et intellectuel, plus ou moins bien reprises dans son adaptation cinématographique. Le film répond […]

Someone’s Watching Me (1978) : une histoire de points de vue.

Édité tardivement sous forme DVD en 2007, peu connu, Someone’s Watching Me, (Meurtre au 43ème étage en français) est un petit bijou des années 70 tourné pour la télévision en dix jours seulement – ce qui explique sans doute sa facture digne d’une série B. Pourtant, il est un hommage appuyé au maître du suspense […]

Sleeping with the Enemy (1991) : le cauchemar de Pretty Woman

Dans un article intitulé “Sleeping with the Enemy as Pretty Woman, Part II? Or what happened after the princess woke up”[1], la chercheuse féministe Jane Caputi proposait de lire le film Sleeping with the Enemy (1991) comme une suite cauchemardesque de Pretty Woman, sorti un an plus tôt. La présence en tête d’affiche de l’actrice […]

Fair Game (2010) : une proie pas si facile

Le 28 janvier 2003, George W. Bush alors Président des Etats-Unis donnait son discours annuel sur l’état de l’Union devant la Chambre des représentants et le Sénat [1]. « The British government has learned that Saddam Hussein recently sought significant quantities of uranium from Africa. Our intelligence sources tell us that he has attempted to purchase […]

Snowpiercer (2013) : Ces « queutards » de révoltés

Il faut admettre que Snowpiercer (Le Transperceneige) est loin d’être le blockbuster le plus idiot de la décennie. L’allégorie de notre société et de ses échelons par le biais du train est astucieuse et parlante, certaines images restent assez cruellement en mémoire comme celles des enfants machinistes, le casting est plutôt hétérogène avec des nationalités, corps […]

Pretty Woman et le complexe de Cendrillon

En psychologie, le « complexe de Cendrillon » désigne un désir inconscient éprouvé par les femmes d’être prises en charge, le plus souvent par leur partenaire masculin. Cette théorie est développée pour la première fois par Colette Dawling dans son livre intitulé Le Complexe de Cendrillon. Le « complexe de Cendrillon » est problématique car il est le résultat […]

 

Comparaison avec Maid in Manhattan, une autre histoire de Cendrillon

 

Maid in Manhattan (Coup de foudre à Manhattan) est lui aussi une histoire de Cendrillon, avec deux personnes diamétralement opposées dans le système social qui tombent amoureuses l’une de l’autre.

Marisa Ventura est femme de chambre dans un luxueux hôtel new-yorkais. Un jour, poussée par sa collègue et amie, elle essaye pour s’amuser la tenue luxueuse d’une cliente de l’hôtel et croise par hasard Chris Marshall, candidat au sénat. Après une journée passée ensemble, celui-ci est persuadé que Marisa fait partie de la haute société new-yorkaise et cherche à la revoir tandis qu’elle doit absolument l’éviter si elle ne veut pas perdre son travail.

Maid in Manhattan reprend exactement le même type de scénario que Pretty Woman, ou une femme dans une position peu enviable tombe amoureuse d’un homme puissant.

Paradoxalement, Maid in Manhattan se rapproche plus du conte original (on retrouve le Bal, le malentendu, la quête de l’inconnue, les méchantes sœurs, la bonne fée, etc…) mais est beaucoup moins nauséabond politiquement.

Pour commencer, Marisa est beaucoup moins désespérée que Vivian. En effet si son travail n’est pas épanouissant, celle-ci à l’ambition de devenir manager dans l’hôtel ou elle travaille. Cette ambition sera conservée tout au long du film et même atteinte dans l’épilogue.

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Ce n’est pas parce que tu as rencontré le prince charmant, que tu dois renoncer à tes ambitions…

Alors qu’on voit clairement le personnage de Vivian se transformer pour correspondre aux attentes d’Edward. Marisa reste entière tout au long du film, n’hésitant pas à défendre ses valeurs et à donner des opinions bien tranchées.

De plus la relation entre Chris et Marisa n’est pas principalement monétaire, si Marisa se retrouve à porter de luxueux vêtements à deux reprises dans le film, ceux-ci sont « empruntés » à une cliente de l’hôtel et non pas fournis par son « prince charmant ». De même les activités qu’ils font ensemble (promener le chien, aller au zoo) ne sont pas des activités « de luxe », on peut donc voir que Marisa apprécie Chris pour sa compagnie et non pas pour les avantages qu’il lui apporte.

Si Maid in Manhattan est beaucoup moins sexiste que Pretty Woman, le film n’évite pas certains poncifs, notamment avec le personnage de Caroline Lane. Elle est, avec son amie Rachel, l’équivalent des deux méchantes sœurs de Cendrillon dans le conte.

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Les deux méchantes « sœurs » au meilleur de leur forme…

Caroline est une riche mondaine sortant d’une rupture qui s’est mis en tête de séduire Chris Marshall, son personnage est la caricature typique de l’hystérique, à la fois dans sa gestion de la rupture et dans ses tentatives pour séduire Chris Marshall. Car au cinéma une femme prenant l’initiative de séduire un homme est le plus souvent soit une femme fatale, soit une hystérique désespérée. De plus, Caroline devient la méchante de l’histoire car c’est elle qui dénonce Marisa par pure rivalité féminine.

Le film est également problématique car si Chris ne « sauve » pas Marisa, il remplit cependant un manque dans sa vie, en devenant un père de substitution pour son fils, on retrouve ainsi la fameuse famille « normale » si chère aux médias…

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La famille parfaite…

Bien qu’il reste beaucoup plus fidèle au conte original (c’est d’ailleurs cette fidélité qui lui confère des éléments sexistes comme les deux méchantes sœurs), Maid in Manhattan reste néanmoins beaucoup moins sexiste que Pretty Woman, principalement grâce à un personnage féminin fort et intransigeant et à une relation beaucoup moins basée sur l’argent. Le film valorise également l’empowerment des femmes au travers de leur carrière professionnelle. Il est donc possible d’adapter un conte de fée d’une façon qui ne soit pas atrocement sexiste.

La damoiselle en détresse, ennemie de l’indépendance des femmes

L’histoire de type Cendrillon n’est au fond pas autre chose qu’une dérive du schéma de la damoiselle en détresse, qui est l’un des schémas que l’on retrouve excessivement souvent dans les œuvres de fiction et qui s’adresse aux hommes comme aux femmes. On retrouve ce schéma dans quasiment toutes les cultures patriarcales et à quasiment toutes les époques. On peut considérer qu’il s’agit que l’un des éléments fondateurs de notre société patriarcale.

http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/DamselInDistress?from=Main.DistressedDamsel

Le trope de la damoiselle en détresse enseigne aux femmes que plutôt de se sortir d’une situation elles-mêmes, il faut attendre l’aide d’un homme. Plutôt que de prendre leur vie en main, les femmes sont donc maintenues dans la dépendance des hommes.

Que ce soit sous forme de conte de fée, de film ou de livre, les histoires de Cendrillon, et par extension de damoiselle en détresse, sont problématiques car elles façonnent nos fantasmes, nos désirs, nos attentes et nos relations avec l’autre sexe. Ces tropes ont un double effet pervers : maintenir les femmes dans la passivité et imposer des normes quasi-inaccessibles aux hommes.

En effet ceux-ci doivent absolument faire preuve de puissance, de richesse et de pouvoir afin d’être désirables. Les hommes subissent également la pression patriarcale, et plus encore ceux qui ne correspondent pas aux clichés traditionnels de la virilité : les homosexuels (même s’ils ont des comportements « virils », la société les considère souvent comme des « peu masculins »), les hommes voulant exercer un métier traditionnellement réservés aux femmes, les hommes dit « sensibles ». Les hommes souffrant de la pression patriarcale ont d’ailleurs tout intérêt à déconstruire le genre comme les féministes le font plutôt que de rejoindre les rangs des masculinistes…

Les femmes sont tout de même les premières victimes des injonctions patriarcales venant des tropes de damoiselle en détresse et des contes de fée qui non seulement les privent de toute forme de pouvoir, mais leur font en plus croire que cette absence de pouvoir et cette soumission à l’homme sont la clé d’un réel bonheur qui répond aux « aspirations naturelles » de « lafâme »[5].

Julie Gasnier

Edit : Suite au commentaire d’une personne concernée, j’ai modifié le terme « Prostitué-e » par le terme « Travailleur-euse du sexe », j’ai également modifié quelques formulations qui me paraissaient problématiques. Le sens de l’article n’a pas été modifié.

Sur Pretty Woman, voir aussi sur ce site l’article de Paul Rigouste : Sleeping with the Enemy (1991) : le cauchemar de Pretty Woman

[1] Un lien qui analyse cette nouvelle standardisation des fantasmes : http://fsimpere.over-blog.com/article-est-ce-ainsi-que-les-femmes-revent-120620101.html

[2] L’aphrodisme est le système de domination consistant à valoriser dans une société donnée les individus correspondant aux normes de beauté physique de cette société, tout en dévalorisant ceux/celles qui n’y correspondent pas. L’aphrodisme est analogue à d’autres systèmes de domination comme le sexisme ou le racisme en tant que, comme eux, il construit socialement une inégalité à partir d’une différence physique qu’il a arbitrairement posée comme significative, voire essentielle. Cf : L’article de Paul Rigouste : http://www.lecinemaestpolitique.fr/en-finir-avec-laphrodisme-au-cinema/

[3] http://cafaitgenre.org/2013/07/15/le-male-gaze-regard-masculin/

[4] A titre personnel, je suis anti-abolitionniste :

http://www.slate.fr/tribune/60175/abolition-prostitution-feminisme

http://www.acontrario.net/2012/02/04/discours-abolitionnistes-victimes-putes/

http://www.crepegeorgette.com/2013/09/27/pourquoi-la-penalisation-du-client-de-prostituees-est-une-mauvaise-idee/

http://radio-londres.fr/2012/10/interview-de-morgane-merteuilsecretaire-generale-du-strass/

[5] Oui, lafâme, vous savez, cet éternel féminin qu’on trouve beaucoup dans les médias et si peu dans la réalité…