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Accepted (2006) : pour une autre école

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Il n’y a pas si longtemps, Sheila se réjouissait en chanson de la sortie des classes : « La rue est à nous, que la joie vienne. Mais oui, mais oui, l’école est finie ! ». On peut toujours discuter la valeur musicale de ce tube, reste qu’il exprime un sentiment que toute personne étant passée par notre cher système éducatif a éprouvé au moins une fois dans sa scolarité, et probablement plus d’une fois. En effet, Sheila n’a sûrement pas été la seule à s’emmerder à l’école. Personnellement, quand je repense à ma scolarité (avec mention particulière pour les années de collège et de lycée), je n’arrive pas à me souvenir de l’écrasante majorité des cours autrement que comme le lieu d’un profond ennui. Il existe évidemment des exceptions, mais reste que l’immense majorité des élèves vit l’école comme une contrainte.

Je ne parle pas ici de l’école comme lieu de socialisation, c’est-à-dire de l’endroit où l’on est content-e de retrouver ses ami-e-s (quand on en a) et de voir autre chose que son quotidien familial. Je parle des moments d’ « éducation » à l’intérieur de l’école, les moments de cours qui sont la raison d’être de l’école telle qu’elle existe aujourd’hui dans notre société.

Avant d’être un lieu où l’on « apprend à penser par soi-même », à acquérir une « culture générale » ou un « esprit critique », l’école est avant tout une source d’ennui et de stress, un endroit où l’on perd son temps, où l’on apprend à se soumettre à l’autorité, à accomplir sans broncher un travail qui nous est imposé d’en haut, etc.

Or cette école, quasiment personne ne la remet en question. Beaucoup la critiquent, mais c’est toujours sur des points de détails : « il y a trop d’élèves par classes », « il n’y a pas assez de moyens », « il faut revoir la formation des profs », « il faut changer les programmes », etc., etc., etc. Mais toutes ces revendications ne sont que des pansements qui ne remettent absolument pas en cause les fondements de notre système éducatif. Qui remet par exemple en cause sérieusement la relation hiérarchique maître/élève ? L’imposition aux élèves de matières qui ne les intéressent pas ? Le système d’évaluation basée sur la notation ? La mise en compétition des élèves ? Le cloisonnement des matières ? etc.

L’inexistence dans le débat public d’une telle remise en question du système éducatif n’a rien de bien étonnant quand on y réfléchit un peu. En effet, les membres des gouvernements (aussi bien de droite que de « gauche ») n’ont aucun intérêt à toucher à ce système (re)producteur d’inégalités : pourquoi des dominant-e-s remettrait-illes en question l’institution légitimant la hiérarchie dont illes profitent ? Et de leur côté, les fonctionnaires de l’Education Nationale ont aussi peu de raison d’être critiques envers leur « employeur » : ne sont-illes pas précisément les privilégié-e-s de ce système qui a fait d’elleux ce qu’ils sont ? ses meilleurs éléments ? A quoi s’ajoute que, pour un-e prof, renoncer à la relation hiérarchique maître/élève reviendrait à renoncer à un pouvoir réel, ce qui n’est jamais très agréable. Et comme son nom l’indique, un fonctionnaire, c’est fait pour fonctionner, pas pour remettre en question ou critiquer en profondeur le système dont il est un des rouages…

De la même manière qu’il n’existe aucun débat public sur les principes fondamentaux de notre système éducatif, il n’existe quasiment pas de films qui questionnent en profondeur ce même système. Sans avoir une connaissance exhaustive de tous les films sur le sujet, j’ai tout de même la forte impression que la majorité d’entre eux ne font que maintenir le statu quo. Même lorsque le portrait qui est fait de l’école est plutôt négatif, aucune alternative possible ne semble se dessiner. En gros, qu’ils y adhèrent ou qu’ils la critiquent, les films sur l’école sont d’accord sur une chose : l’école c’est comme ça et pas autrement. Si bien qu’il devient difficile d’imaginer une autre école, fondée sur d’autres principes.

C’est pour cette raison que j’aimerais attirer l’attention sur le film Accepted (en français Admis à tout prix) sorti en 2006, ignoré en France (patrie de l’« exception culturelle »…) sûrement parce qu’il n’est qu’une comédie populaire américaine pour ados, et donc considéré a priori comme dénué d’intérêt. Or Accepted me semble être au contraire un film assez exceptionnel d’un point de vue politique. En effet, Accepted ne se contente pas de critiquer l’école (ici, plus précisément, l’enseignement supérieur), mais il montre en même temps la voie vers un autre type d’école, plus épanouissante et égalitaire.

Au passage, le seul autre film qui (à ma connaissance) remet en question aussi radicalement les fondements de notre système éducatif en proposant une alternative est le film français L’école buissonnière, sorti en 1949, et qui romance les débuts du pédagogue Célestin Freinet. A l’heure actuelle, en France, la pédagogie Freinet (ainsi que toutes les autres pédagogies « alternatives ») reste complètement marginalisée, tant dans le primaire que dans le secondaire, alors qu’elle a amplement fait ses preuves sur le terrain. Par exemple, alors que le cas de l’Ecole Concorde de Mons en Bareul (59) semblait désespéré (condamnée à la violence et aux « mauvais résultats »), l’inspection académique accepta en 2001 de faire de cette école de milieu populaire le lieu d’une expérimentation pédagogique en la confiant à des enseignants Freinet[1]. Très rapidement, la situation s’est améliorée avec les parents comme avec les élèves, et 10 ans plus tard, « les résultats scolaires, notamment en français, sciences et mathématiques, ont rattrapé puis dépassé ceux des écoles de milieu équivalent, voire plus favorisé »[2]. Les qualités de cette pédagogie sont donc reconnues par l’institution. Si celle-ci refuse d’en étendre la pratique à tout le système éducatif, c’est donc par choix. Choix qui est, bien évidemment, éminemment politique.

Mais je reviens au film Accepted. Celui-ci raconte l’histoire de Bartleby Gaines qui, après avoir été refusé de toutes les universités auxquelles il avait postulé, décide d’en fonder une lui-même avec l’aide de ses ami-e-s pour ne pas décevoir ses parents. Alors que son intention de départ était que de créer une fausse université pour faire illusion, il se retrouve rapidement submergé par une foule d’autres étudiant-e-s refusés comme lui par les autres universités. Il décide alors d’aller jusqu’au bout de son idée en faisant véritablement fonctionner son université.

L’école des exclu-e-s

Un moment clé du film est celui où le projet de Bartleby acquiert une dimension clairement politique. En effet, les motivations du héros étaient au départ très égoïstes : il s’agissait juste de sauver la face devant ses parents en leur faisant croire qu’il avait été accepté dans une université et de pouvoir se la couler douce avec ses copains sans avoir à travailler. Mais lorsque des centaines d’étudiant-e-s débarquent parce qu’illes croient avoir été accepté-e-s dans une véritable université, Bartleby prend conscience que son problème n’est pas individuel, mais bien politique.

Significativement, cette prise de conscience a lieu lorsqu’un « allumé » dans la salle interrompt le monologue de Bartleby (qui s’apprête à révéler la supercherie) pour déclarer : « Quand j’ai été accepté ici, ça a été la première fois où mes parents ont été fiers de moi ». Bartleby le bourgeois égocentré et beau parleur est alors mis en face d’une réalité dont il n’avait visiblement pas conscience : ce système éducatif produit massivement de la souffrance dans la mesure où il exclut systématiquement tout-e-s celleux qui ne sont pas conformes à ses normes.

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En réaction à cette intervention inattendue, les autres étudiant-e-s commencent par rire, puis applaudissent. Par ce geste collectif, illes se reconnaissent ainsi comme les victimes de la même injustice et manifestent en quelque sorte une « conscience de classe » naissante (la classe des exclu-e-s du système éducatif). Les attaques de l’oppresseur (les élitistes de l’université prestigieuse d’à côté) n’auront d’ailleurs jamais raison de la solidarité qui nait dans cette scène, puisque tous les étudiants viendront soutenir Bartleby lorsque celui-ci ira plaider devant le tribunal à la fin du film, c’est-à-dire longtemps après l’atomisation du collectif qui suit le démantèlement de l’université.

Cette scène inaugurale est donc à mon avis centrale, car le film y acquiert une dimension clairement politique. Alors qu’au début, il n’était question que du problème de Bartleby et de ses copains, on sort ici d’un tel traitement individualiste puisque le problème de l’exclusion apparaît comme un problème structurel du système éducatif.

Le film synthétise l’idée de cette scène par une blague de Bartleby qui termine son discours en criant « Welcome to South Harmon Institute of Technology ! Welcome to S.H.I.T. ! ».

Cette université est celle des « merdes » (« shit »), de celleux qui ont été exclu-e-s comme des « merdes » du circuit scolaire légitime. Comme le dit Bartleby juste avant, porté par la foule, cette université est celle qui dit « oui » à tout-e-s celleux à qui on a dit « non », et qui accepte chaque individu tel qu’il est, et pas seulement celleux conformes aux normes arbitraires qui régissent l’institution scolaire : « Je sais ce que ça fait d’être refusé, ça craint. C’est horrible de s’entendre dire « non » : « Désolé, vous n’êtes pas assez bon. Vous n’avez pas fait assez de sport, pas assez de tennis. Vos notes ne sont pas assez bonnes. Vous n’entrerez pas ici ». Et bien vous savez quoi, qu’ils aillent se faire voir ! Ne devrions-nous pas tous avoir la chance de s’entendre dire « oui » ? A South Harmon, on vous dit « oui ». On dit « oui » à vos espoirs, on dit « oui » à vos rêves. On dit « oui » à vos défauts. Alors bienvenue ! ».

Au passage, le fait que les locaux du S.H.I.T. soient un ancien hôpital psychiatrique désaffecté n’est pas anodin. Ce lieu est en effet le lieu par excellence de l’exclusion par la société de celleux qu’elle décrète « anormaux ». En réinvestissant un tel lieu, les exclu-e-s du système scolaire revendiquent ainsi en quelque sorte leur non-conformité aux normes scolaires comme une force. Le discours normatif du pouvoir est ainsi retourné contre ce pouvoir lui-même, et l’« anormalité » devient ainsi une caractéristique unificatrice, un point commun qui rassemble tou-te-s ces exclu-e-s en une classe politique.

Contre un système scolaire basé sur la sélection (et donc l’exclusion) des individus, et par là producteur de hiérarchie et de ségrégation sociale, Bartleby propose une université qui accepterait tout le monde, parce que son but ne serait pas de trier les gens en dominant-e-s et dominé-e-s (ce que fait au passage à merveille notre système éducatif français) mais au contraire l’épanouissement de tous les individus, tou-te-s ensembles (et pas les un-e-s contre les autres).

Fraternités, élitisme et exclusion

Le film insiste bien sur cette opposition en faisant le parallèle entre l’université de Bartleby et celle, juste à côté, de Harmon. Les logiques de domination et d’exclusion à l’œuvre dans cette dernière sont clairement dénoncées dans toutes les scènes où Sherman essaie de se faire une place dans la fraternité. Déjà, avec leurs têtes d’aryens transpirant le mépris pour qui n’a pas leur capital (économique, social et culturel), les membres de la fraternité sont clairement ridiculisés par le film. A quoi s’ajoute que le point de vue sur ces pratiques est toujours celui de Sherman, qui en est la victime. Dans la persévérance de ce dernier à vouloir absolument s’intégrer à la fraternité, même au prix d’humiliations toutes aussi cruelles les unes que les autres, le film met en évidence la force de la pression sociale qui peut peser sur tou-te-s celleux qui sont exclu-e-s de ces cercles élitistes.

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On pourrait penser que le fait de s’attarder longuement sur les fraternités relativise la force politique du film (qui ne s’attaquerait qu’à une dérive extrême de la logique de sélection/exclusion du système scolaire). Mais à mon avis, le film fait en même temps un parallèle clair entre ces pratiques élitistes et la logique plus générale du système scolaire. En effet, Sherman comme tou-te-s les étudiant-e-s du S.H.I.T ont ceci de commun qu’illes sont des exclu-e-s, des individus qui n’ont pas été accepté-e-s à l’intérieur d’un cercle de privilégiés parce qu’ils ne correspondaient pas à ses normes. Sherman finit d’ailleurs par rejoindre le projet de Bartleby (alors qu’il s’y opposait au départ), parce qu’il a pris conscience de l’injustice de cette logique de sélection/exclusion. C’est donc seulement après avoir vécu cette pratique du côté des dominé-e-s (et non plus de la place de dominant reçu au Harmon College qu’il avait au départ) que Sherman a pu se rendre compte de l’injustice du système auquel il participait.

En se concentrant sur les pratiques de la fraternité, et en opposant celles-ci au programme de l’université de Bartleby, le film me semble donc faire de l’idéologie des fraternités une sorte de quintessence de l’idéologie cimentant l’ensemble du système scolaire. Les fraternités ne sont pas juste une pratique extrémiste que l’on pourrait déconnecter du reste, mais elles s’insèrent au contraire parfaitement dans l’institution scolaire. On pourrait d’ailleurs dire exactement la même chose des pratiques de bizutage répandues dans l’enseignement supérieur français. Celles-ci ne sont pas des pratiques déviantes perpétrées par des individus particulièrement sadiques, mais bien au contraire la continuation de la logique à l’œuvre au sein même de l’école. En faisant sentir aux nouveaux et nouvelles venu-e-s qu’illes ne font pas encore parti de ce cercle privilégiés des dominants, de l’élite, les bizuteurs/teuses réaffirment de manière rituelle et plus ou moins violente qu’il existe un fossé entre celleux qui sont dedans (les « accepté-e-s ») et celleux qui n’y sont pas (les exclu-e-s).

La nécessité d’une alternative pédagogique

Accepted ne se contente pas de remettre en question cette logique de sélection/exclusion à la base de nos systèmes éducatifs, mais il s’attaque aussi à des questions pédagogiques de fond. Lorsque Bartleby se retrouve à devoir faire fonctionner la fausse université qu’il vient de mettre sur pieds, il va d’abord chercher des idées dans la prestigieuse université voisine. De son regard d’observateur extérieur, il se rend alors vite compte du gâchis humain que constitue ce « temple du savoir ».

Devant un amphithéâtre d’élèves luttant contre l’ennui et le sommeil, un professeur débite magistralement son cours.

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Lorsque Bartleby tente d’adresser la parole à un autre étudiant, celui-ci le coupe nerveusement en lui disant : « Tais-toi ! ça va tomber à l’examen. Toute ma vie dépend de cette note ». La deuxième interaction de Bartleby avec un autochtone ne sera pas plus rassurante. Ce dernier se réveille en effet brutalement d’un demi-sommeil en hurlant « BAIIA ! Bénéfices avant impôts, intérêts et amortissement ». En quelques secondes, le film a parfaitement résumé ce que produit en masse notre système scolaire : ennui, désintérêt, stress, et abrutissement.

Partir des désirs des élèves

A cela, le S.H.I.T. opposera une pédagogie basée sur les désirs des individus. Pour déterminer le programme des enseignements, Bartleby commencera par faire un sondage auprès des étudiant-e-s pour leur demander ce qu’illes aimeraient apprendre. Or, intelligemment, le film commence par montrer les étudiant-e-s déconcertés par cette question. Et pour cause, s’il y a bien une question qu’on ne pose jamais aux élèves (ou alors très rarement, et dans un cadre toujours bien délimité et contraignant), c’est bien celle-là.

accepted09accepted10accepted11accepted12« Qu’est-ce que tu veux apprendre ? » : la question « super-banco »

 

Pour se rendre compte de la portée politique de la démarche de Bartleby, il importe à mon avis de bien avoir conscience des conséquences politiques du modèle auquel il s’oppose, à savoir celui basé sur la négation des désirs des élèves (comme l’est par exemple notre système éducatif). Que peut produire un tel système si ce n’est un rapport au savoir totalement désincarné, où les élèves ingurgitent des connaissances qui ne leur servent à rien sinon à avoir une bonne note ? Bien entendu, la quasi-totalité de ces connaissances sont oubliées dès qu’elles ont été recrachées pour l’examen. Il n’y a rien ici à reprocher aux élèves, car pourquoi s’encombreraient-illes de savoir dont illes n’ont aucune utilité ?

Si le système scolaire accable ainsi les élèves de savoirs inutiles, c’est donc sûrement pour un autre but que leur « épanouissement spirituel ». A mon avis, un premier but est de les trier en les jugeant sur des mêmes critères, critères déterminés arbitrairement et correspondant à la culture et aux compétences « légitimes » (que possèdent déjà celleux qui appartiennent au bon milieu social). Un autre but est sûrement d’habituer les élèves à accomplir un travail qui n’a pas de sens pour elleux, c’est-à-dire à obéir bêtement. Difficile de ne pas voir les applications politiques concrètes de cet apprentissage (qui ressemble fort à une « fabrique de l’impuissance », pour reprendre l’expression de Charlotte Nordmann[3]).

Les conséquences de cette pédagogie de l’obéissance et de l’abrutissement sont facilement constatables lorsqu’on observe les « sujets » que produit ce système scolaire, à savoir des « sujets » passifs, purement réceptifs, voire attentistes. Là encore, les élèves ne sont pas à blâmer puisqu’illes ont été précisément construit-e-s par l’école comme de tels « sujets ». Il n’y a qu’à comparer la différence entre un jeune enfant, curieux de tout ce qui l’entoure et avide de savoirs, et ce qu’il est devenu après des années de collège et de lycée (s’il va jusque-là), pour s’apercevoir tout ce qu’a pu produire notre chère école.

Au contraire, une pédagogie fondée sur les désirs des élèves ne peut qu’entretenir la curiosité et permettre la constitution d’une réflexion personnelle, d’un esprit critique, etc., c’est-à-dire de tout ce que l’école prétend viser tout en ne produisant en réalité que le strict opposé. Lorsque le doyen de l’université de Harmon accusera Bartleby d’être un criminel, celui-ci lui rétorquera : « Non, c’est vous le criminel, car si vous qui leur avez volé leur créativité et leur passion. Voilà le vrai crime. »

Pourquoi ne pas repenser totalement le système éducatif en l’ancrant dans les désirs des élèves ? Pourquoi ne pas partir des projets (professionnels, intellectuels, artistiques, etc.) des élèves ? Cela éviterait en tout cas de perdre un temps énorme à apprendre des choses inutiles (dans mon cas, je pense par exemple à la quasi-totalité des programmes de maths ou de physique que j’ai pu ingurgiter en 7 ans de collège-lycée). Pourquoi les individus ne se formeraient-illes pas en fonction de leurs besoins et de leurs désirs ? Un exemple de cette pédagogie dans le film est celui des skateurs qui, pour construire leur rampe, ont dû acquérir des compétences artisanales, ainsi que des compétences en « physique et aérodynamique » comme ils l’expliquent à la fin au juge.

C’est un tel rapport au savoir que propose Bartleby au S.H.I.T. Au lieu d’imposer un programme d’en haut, ce sont au contraire les étudiant-e-s qui élaborent elleux-mêmes ce programme, matérialisé par un immense mur sur lequel chacun-e écrit ce qu’ille souhaite apprendre.

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De l’inutilité des professeurs

A la fin du film, lorsque le juge exigera de Bartleby qu’il lui donne la liste de ses enseignants (condition indispensable pour donner au S.H.I.T. le statut d’université aux yeux de l’Etat), l’ensemble des élèves présents dans la salle se lèvera, car comme l’expliquera Bartleby : « A South Harmon, les étudiants sont les profs ».

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Aussi saugrenue qu’elle puisse paraître, cette idée selon laquelle les élèves peuvent être à elleux-mêmes leurs propres profs est néanmoins tout à fait intéressante d’un point de vue politique, et mérite donc d’être vraiment prise au sérieux. En effet, si le but de l’école est l’émancipation des individus par la conquête de leur autonomie, n’y a-t-il pas une contradiction assez gigantesque à les mettre dans une position de totale dépendance par rapport à un professeur ? Comment acquérir une quelconque autonomie lorsqu’on est placé dans une perpétuelle hétéronomie (au motif que « seul le prof peut transmettre le savoir car il est le seul à pouvoir l’expliquer », et « seul le prof peut être juge de la compréhension de l’élève ») ? Ne touche-t-on pas ici un des piliers de l’école comme « fabrique de l’impuissance » ?

Car il faut bien garder à l’esprit que c’est l’école elle-même qui a mis les enfants dans cette position de dépendance. C’est elle qui a créé l’hétéronomie là où il n’y avait qu’autonomie. L’argument principal avancé par les défenseurs de ce système éducatif est que seul le professeur, qui maîtrise l’ensemble du savoir qu’il va délivrer, est capable de savoir par quel chemin l’élève doit être amené pour passer de l’ignorance au savoir. Si l’élève a besoin d’un maître, nous dit-on, c’est parce que celui-ci est le seul à savoir comment passer progressivement du plus simple au plus complexe, sans brûler les étapes.

Mais la faiblesse de cet argument cache mal sa fonction politique de justification d’un rapport de domination. En effet, les enfants n’ont jamais eu besoin d’un maître pour apprendre quelque chose d’aussi complexe que leur langue maternelle. Parce qu’illes en avaient besoin, et par un apprentissage naturel fait d’essais et d’erreurs, illes ont réussi à la maîtriser malgré sa complexité. Ce n’est que lorsqu’illes sont arrivé à l’école qu’on leur a soudainement déclaré : « A partir de maintenant, vous ne pourrez plus apprendre tou-te-s seul-e-s. Sans un maître, vous êtes perdu-e-s ». Mais pourquoi ? Si je veux acquérir une connaissance, est-ce que je ne peux pas prendre un livre et apprendre tout-e seul-e ? Pourquoi aurais-je besoin d’un maître ? Pour me décomposer la difficulté en m’expliquant ce qui s’y trouve, en allant du plus simple au plus complexe ? N’ai-je pas la capacité d’y arriver tout-e seul-e ? [4]

L’idéologie qui affirme haut et fort la nécessité d’un maître détenteur du savoir repose donc sur une énorme mystification. Le cœur de cette mystification, c’est qu’il n’est pas seulement postulé que l’élève ignore ce qu’il veut apprendre, mais qu’il ignore comment apprendre. Or s’il existe effectivement des inégalités de savoir au sens où certaines personnes savent des choses que d’autres ne savent pas, il n’existe par contre aucune inégalité face au savoir au sens où il existerait des gens qui sauraient comment apprendre (les maîtres) et d’autres qui ne sauraient pas (les élèves). Car en ce domaine, tout le monde est savant, et personne n’a besoin de maître.

Il ne s’agit pas ici d’affirmer naïvement qu’il suffit de laisser les enfants se promener tou-te-s seul-e-s dans la nature pour qu’illes deviennent expert-e-s en toutes les matières. En ce sens, il ne s’agit pas nécessairement d’en finir avec toute forme d’encadrement des apprentissages. Mais il s’agit juste de substituer un type d’encadrement à un autre. Au lieu de « cadrer » les élèves en les enfermant justement dans des cadres sclérosants (c’est-à-dire en leur imposant de force des méthodes que l’on a forgées pour elleux), il vaudrait peut-être mieux se limiter à mettre à leur disposition les conditions pour un apprentissage autonome.

C’est ce que font par exemple les enseignant-e-s s’inspirant de la pédagogie Freinet. Celleux-ci ont entre autres pour principe d’intervenir le moins possible (comme disait Freinet lui-même : « plus je me tais, plus illes parlent »). Leur rôle se limite donc à encourager les élèves dans leurs projets et dans leurs démarches coopératives, ainsi qu’à mettre à leur disposition des outils leur permettant de se débrouiller tout-e-s seul-e-s. On  trouve des exemples de tels « outils » dans les classes Freinet soumises aux contraintes du programme imposé par l’Education Nationale. Ces derniers peuvent prendre la forme de « fichiers » contenant la l’ensemble des connaissances à acquérir, et accompagnées d’exercices et de corrigés. Les élèves peuvent ainsi s’entraîner tout-e-s seul-e-s et s’auto-corriger, ce qui leur permet d’avoir une plus grande autonomie dans l’organisation de leur temps de travail (que chacun-e détermine soi-même dans ce qui est généralement nommé par les enseignant Freinet « plan de travail individualisé (PTI) »). Cette liberté laissée aux élèves a par ailleurs cet autre avantage qu’il produit une diversité de niveau au sein de la classe. Des élèves en difficulté sur un exercice peuvent alors demander de l’aide à d’autres qui maîtrisent déjà le savoir en question. Ce genre d’organisation favorise ainsi la coopération et la solidarité plutôt que l’habituelle compétition pour l’obtention de la meilleure note, et permet à celleux qui sont sollicité-e-s pour aider les autres de parvenir à une meilleure compréhension de ce qu’illes ont appris.

Si une telle autonomie dans l’apprentissage des savoirs peut exister (et existe effectivement malgré la marginalisation des enseignant-e-s Freinet par l’institution scolaire française) au sein d’un contexte aussi contraignant que l’Education nationale et ses programmes imposés, on imagine alors tout ce qui serait possible avec un peu plus de liberté. Car qu’est-ce que les livres (ou tout autre support de connaissance, comme internet par exemple), si ce n’est des outils permettant aux individus de construire elleux-mêmes leurs connaissances en fonction de leurs besoin et leurs désirs ?

En ce sens, les pistes de réflexions lancées par Ivan Illich dans Une société sans école me semblent elles aussi très précieuses. Comme l’indique le titre de son livre, Illich pense que l’école en tant qu’institution est néfaste à l’épanouissement des individus, et qu’il faudrait donc s’en débarrasser. De la même manière que nous sommes dépossédé-e-s de notre pouvoir politique par les institutions politiques, ou du pouvoir de nous guérir nous-mêmes par l’institution médicale[5], nous sommes dépossédé-e-s de notre pouvoir d’apprendre seul-e-s par l’institution scolaire. De la même manière que les politiques décident « pour notre bien » (mais à notre place) des lois ou des décisions politiques qui nous concernent, et de la même manière que les médecins décident « pour notre bien » (mais à notre place) des manières dont nous devons nous soigner, l’école décide « pour notre bien » (mais à notre place) de ce que nous devons apprendre et de comment nous devons l’apprendre. Comme si, à chaque fois, nous n’étions pas les plus à même de décider ce qui est bien pour nous.

Pour lutter contre cet asservissement à l’institution scolaire, Illich propose de la remplacer par des réseaux d’échange de savoirs. L’idée est juste de mettre à disposition de tout le monde des « objets éducatifs » (qui ne sont pas juste des supports de connaissances « théoriques » tels que les livres, ordinateurs, vidéos, etc. mais aussi tout objet au contact duquel un savoir peut s’acquérir par expérience, comme par exemple un garage, des outils et des pièces de voitures si l’on veut apprendre la mécanique), et d’« apparier » les gens pour qu’ils échangent ou construisent ensembles les savoirs dont illes ont besoin. Dans ce cadre, plus besoin « d’instructeurs » tels qu’ils existent dans l’institution scolaire, mais juste d’« éducateurs » qui n’ont pour rôle que de « faire se rencontre des partenaires égaux, bien assortis, de sorte qu’ensemble ils puissent apprendre ». Bref, on retombe ici sur le même genre d’idée que dans la pédagogie Freinet : les « instructeurs » qui déversent leur savoir dans la tête des élèves enferment ces derniers dans une dépendance qui tue leur autonomie. Le rôle des « éducateurs » doit donc se borner à créer les conditions matérielles d’un apprentissage autonome, encourager les élèves sur leur propre voie, ou encore aider les personnes d’intérêts communs à se rencontrer pour apprendre ensemble.

L’université de Bartleby n’est donc pas condamnée à rester un lieu d’ignorance parce qu’elle ne possèderait pas de corps enseignant. Bien au contraire, non seulement ses élèves apprendront autant qu’ailleurs (et même plus), mais illes entretiendront en plus un rapport autonome à l’apprentissage et aux savoirs. Là où le système scolaire classique favorise la dépendance face à une autorité détentrice du « Savoir » (dépendance dont on peut percevoir aisément les conséquences politiques), la pédagogie du S.H.I.T. produit au contraire des individus qui seront probablement beaucoup plus critique face au « Savoir » et à ses détenteurs auto-proclamés.

Des impensés plus que regrettables…

Cela dit, Accepted est loin d’être parfait. Un des enseignements dispensés au S.H.I.T. consiste par exemple pour quelques étudiants masculins (et au passage pour le spectateur masculin) à « étudier » le corps dénudé de filles pulpeuses en bikinis. A côté de cela, les créations artistiques du Noir de l’équipe consistent en des statuettes de Noirs au pénis démesuré et en érection (voilà selon le film ce qui sort de l’esprit d’un Noir lorsque celui-ci écoute sa « nature profonde »…). A quoi s’ajoute que le projet de Bartleby est aussi un moyen pour lui de gagner le cœur de la fille qu’il aime, ce qu’il obtiendra effectivement comme récompense à la fin du film.

Tout aussi dérangeant est le fait que le personnage de Bartleby soit le moteur quasi-exclusif de l’histoire. Parce qu’il trouve le plus souvent les idées qui permettent d’avancer et brille toujours par sa maîtrise de l’art du discours, Bartleby s’impose logiquement comme le leader naturel du projet S.H.I.T. Ce schéma ultra-individualiste est certes loin de ne concerner que ce film, puisqu’on le retrouve dans la quasi-totalité des films qui sortent sur nos écrans, mais il est néanmoins particulièrement regrettable ici. En effet, Accepted raconte l’histoire d’un projet d’école alternative fondamentalement égalitaire et anti-hiérarchique. Faire d’un individu exceptionnel le centre et le moteur du film est donc en totale contradiction avec le propos politique que tient par ailleurs le film sur l’école.

En finir avec une certaine école

Néanmoins, si l’on parvient à passer outre tout ce sexisme, ce racisme et cet individualisme, il reste dans Accepted une charge politique assez jouissive contre l’école traditionnelle, et surtout pour une nouvelle école. Car encore une fois, un film qui pose ainsi les bases d’une alternative radicale au système scolaire actuel, ça ne court pas les rues (d’ailleurs, si quelqu’un-e en connaît d’autres, je suis preneur).

Notre école (en France celle de notre vénérée Education Nationale) ne produit à mon avis principalement que de l’ennui, du stress, de l’impuissance et de l’abrutissement. Elle rend les élèves passifs, hétéronomes et soumis à l’autorité. Elle tue leur curiosité et leur créativité, encourage la compétition plus que la coopération et la solidarité, légitime les inégalités sociales et contribue ainsi à leur reproduction.

Logiquement, cette école n’a quasiment que des défenseurs du côté des dominant-e-s (intérêts politiques obligent). Un film comme Accepted est donc précieux, beaucoup plus à mon avis que tous les films prétendument « lucides » qui ne font que se complaire dans la réaffirmation du statu quo sans être capables d’imaginer autre chose.

 Paul Rigouste

Idées de lecture

– Charlotte Nordmann,  La Fabrique de l’impuissance 2 : L’école, entre domination et émancipation

– Jacques Rancière, Le Maître ignorant

– Ivan Illich, Une société sans école

– Anne Querrien, L’école mutuelle : une pédagogie trop efficace ?

– Alexandre S. Neill, Les libres enfants de Summerhill

– Célestin Freinet, Œuvres pédagogiques

(sur Célestin Freinet, je conseille aussi le très beau film de Jean-Paul Le Chanois, L’école buissonnière, de 1949)


[1] http://www.dailymotion.com/video/xcw69v_l-ecole-freinet-de-mons-en-baroeul_news#.UTvQWVf4XTo

[2] http://www.atd-quartmonde.fr/A-Mons-en-Baroeul-Nord-une.html

[3] Titre de son excellent livre publié aux Editions Amsterdam : La Fabrique de l’impuissance 2 : L’école, entre domination et émancipation.

[4] Toutes ces idées sont développées par Jacques Rancière dans son livre Le maître ignorant.

[5] Il me semble qu’Illich fait ainsi un parallèle entre toutes les institutions productrices d’hétéronomie pour toutes les critiquer, mais je ne sais plus où (si je ne l’ai pas carrément fabulé, ma mémoire n’étant pas d’une fiabilité absolue, loin de là…)

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54 réponses à Accepted (2006) : pour une autre école

  1. En idées de lectures (bien que je n’aie rien lu de ce qui est cité, je vais voir ça), spontanément je penserais à « Insoumission à l’école obligatoire » de Catherine Baker (disponible ici : http://tahin-party.org/cbaker.html ). Ce n’est pas exactement sur le sujet du changement d’école puisqu’il y est également question de vivre sans, mais il m’a beaucoup fait réfléchir sur la nécessité du système, alors que jusque-là, même en étant de celleux qui ont souffert l’école, je n’avais jamais eu de doutes sur sa nécessité…

  2. « pourquoi des dominant-e-s remettrait-illes en question l’institution légitimant la hiérarchie dont illes profitent ? »

    Ad hominen.

    « Renoncer à la relation hiérarchique maître/élève reviendrait à renoncer à un pouvoir réel, ce qui n’est jamais très agréable. »

    Ad hominen.

    C’est rigolo un gauchiste ; dès qu’on est pas d’accord avec lui, on est soit un dominant, soit un social-traitre 🙂 L’idéologie est merveilleusement close sur elle-même.

    S’il n’y a pas de « débat public » sur votre modèle d’école, cela ne vous est pas venu à l’esprit que c’est parce que la majorité des gens trouvaient vos idées tout simplement…stupides ? Et que expliquer ce refus par le contrôle des gouvernants et la soumission du peuple à l’ordre – insérer ici le système de domination adéquat – est une pirouette pour ne pas à avoir à remettre en cause vos idées ?

    • Je vous renvoie à la réponse de Didyme plus bas pour ce qui concerne l’accusation de « social-traître » et la définition de ce qu’est un argument ad hominem.

      Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire du coup par « ad hominem » (car on ne peut pas dire que vous faites beaucoup d’efforts pour expliciter vos idées, si idées il y a…). Mais si vous pensez que je suis en train d’accuser certaines personnes en particulier (les gouvernant-e-s et les profs), je vous rappelle juste que je ne cherche pas des explications à leur manque de recul critique dans leurs personnalités individuelles, mais plutôt dans la position de pouvoir qu’illes occupent à l’intérieur d’un système de domination. Et en tant que dominant-e-s de ce système, il me semble que les gouvernant-e-s et les profs ont des intérêts à ne pas remettre en question le système dont illes profitent. Je vais très vite ici, j’ai conscience qu’il faudrait raffiner. Mais je veux juste préciser qu’il ne s’agit pas d’accuser des personnes en particulier, mais un système de domination qui produit ses dominant-e-s, dominant-e-s qui tirent des bénéfices de ce système et participent à sa reproduction. Vous comprenez la différence ?

      Et libre à vous de croire qu’il n’y a pas de débat de fond sur l’école car cela serait trop « stupide ». Personnellement, je n’ai pas l’impression que la pertinence des débats soit le critère principal qui fait qu’ils donnent lieu ou pas à un débat public. Peut-être qu’un petit tour sur le site de critique des médias ACRIMED (http://www.acrimed.org/) vous fera prendre conscience que les médias ne sont pas un monde de bisounours où le choix des sujets ne s’opère qu’en fonction de leur pertinence, mais bien plutôt un lieu traversé de rapports de pouvoir et de connivences politiques.

      Et puisque vous trouvez mes idées d’une stupidité manifeste, j’ai hâte que vous m’avanciez au moins un argument pour m’expliquer pourquoi. Parce que si vous ne le faites pas, le roi de la pirouette ce ne sera pas moi, mais vous :-).

      • « Et en tant que dominant-e-s de ce système, il me semble que les gouvernant-e-s et les profs ont des intérêts à ne pas remettre en question le système dont illes profitent. »

        Vous attaquez les personnes qui ne sont pas de votre avis en prétendant sans preuve que s’ils pensent ce qu’ils pensent, ce n’est pas, comme vous, parce qu’ils y auraient réfléchi dans un but d’intérêt général, mais parce qu’ils y trouvent un intérêt matériel. Décrédibiliser leur parole par ce moyen relève bien de l’ad hominem (Wiki ajoute  » ad hominem circumstantiae »). Exactement comme si je remettais en cause la légitimité de la parole d’un pauvre qui veut augmenter les impôts au prétexte qu’il va profiter de l’argent pris aux autres ; ou si j’affirmais que c’est parce que vous avez été mauvais en sciences durant votre scolarité que vous tentez de vous venger en détruisant le système qui vous a mis face à votre nullité. Les idées doivent être jugées indépendamment de celui qui les émet. Sinon, nous ne sommes pas dans la discussion raisonnable mais dans le sophisme. Méthode similaire sur les médias : « si les autres ne pensent pas comme moi, c’est parce qu’ils sont formatés et manipulés. »

        « Personnellement mes parents ne m’ont jamais donné de cours de langue française (vocabulaire, grammaire, etc.) lorsque j’avais 1 an, mais peut-être que j’ai oublié… […] Donc il a bien fallu que vous arriviez à la comprendre tout seul pour commencer, sans maître et sans explication, et seulement par expérience, essais et erreur. »

        Vous avez oublié. L’expérience « avec essais et erreurs » n’est pas incompatible avec la présence d’un maître, parent ou professeur. C’est même indissociable. Enfant, vous n’étiez aucunement seul puisqu’il y avait vos parents pour vous expliquer le sens des mots, du plus simple au plus complexe (« une serpe, c’est un outil mon petit Paul »), enrichir votre vocabulaire (« on peut dire aussi une faucille »), vous reprendre (« on ne dit pas ‘je seras’ gauchiste trésor ») vous corriger (« on dit ‘je serai’ gauchiste »), vous expliquer les règles (« au futur, on utilise ‘sera’ pour parler de quelqu’un d’autre »), vous tester (donc, pour ta soeur, qu’est-ce qu’il faut dire ?)…

        Les élèves sont en partie autonomes. Exemples : faire un exposé, rédiger une dissertation, poser des questions, travailler sur un problème, emprunter des livres, décrire un objet au microscope, analyser un graphique, manipuler des circuits électriques, monter un groupe de travail, choisir sa filière, choisir ses options… Un cadre est fixé, l’élève évolue à l’intérieur. Ce que vous désirez ce n’est pas l’autonomie mais l’anarchie, l’absence totale de rapports de pouvoir et d’autorité. Cela n’empêche pas d’apprendre mais limite considérablement les possibilités puisqu’il faudra à chaque fois refaire le processus de recherche. Quel intérêt de découvrir ce que d’autres ont déjà établi ? L’élève mélange au hasard du nitrate d’argent et de la poudre de cuivre. Tadaaam, du bleu. Très joli. Et après ? Si un professeur n’est pas là pour vous expliquer ce qu’il a fait, les calculs qui l’expliquent et ce que l’on peut en déduire, on en reste là ? Vachement instructif…

        Si je me suis initié tout seul à l’ordinateur, ce n’est qu’en prépa et en école d’ingénieurs que j’ai vraiment appris ce qu’était la science informatique, dans ses relations avec d’autres matières, et que j’ai pu faire de ces connaissance quelque chose d’utile pour moi et pour la communauté. Le niveau était excellent précisément parce que les éléments les plus faibles ont été laissés à la porte, les exigences des profs colossales et la compétition permanente.

        Si un enfant de 10 ans est intéressé par l’astronomie, vous préférez le laisser se débrouiller seul avec son télescope pour qu’il annonce, après quinze minutes, voir des taches blanches floues et des traits noirs (ses cils sur l’oculaire) plutôt que de lui expliquer le fonctionnement du système solaire et lui montrer les satellites en pointant l’appareil au bon endroit ?

        • 1/ En ce qui concerne l’argument ad hominem.

          En accusant mes arguments d’être ad hominem, vous faites comme si je me contentais de dire que ce que pensent les profs ou les gouvernant-e-s de l’Ecole est faux parce que celleux-ci profitent de ce système. Mais je vous rappelle quand même que j’ai tout de même écrit des tartines et des tartines d’arguments pour expliquer pourquoi je ne suis pas d’accord avec ces idées. Un argument ad hominem se contente de disqualifier le discours d’un individu sans argument. Est-ce que c’est le cas ici ? Non.

          Et lorsque je prends en compte la situation de celleux qui tiennent un certain discours, ce n’est pas pour disqualifier a priori ce discours (puisque, encore une fois, j’argumente abondamment), mais c’est parce que je pense que regarder un peu d’où parlent les gens peut parfois éclairer sur les thèses qu’illes défendent, et les raisons pour lesquelles illes les défendent.

          Est-ce que si vous voyez un type à la télé vous faire l’apologie du capitalisme et que ce type est un patron du CAC40 vous ne trouvez pas intéressant de savoir que ce type est un patron du CAC40 ? Est-ce que vous ne pensez pas que ça peut nous éclairer un peu sur le but et la signification de son discours ? Je ne dis pas que ce qu’est la personne explique de manière mécanique toutes les idées qu’elle peut avoir. Mais je pense que ça peut être intéressant parfois de faire le lien entre une position que l’on occupe à l’intérieur d’un champ, ou d’un système de domination, et le discours que l’on tient. Pas vous ?

          Je trouve par exemple assez intéressant de faire le lien entre votre apologie de l’école telle qu’elle existe aujourd’hui, et le fait que vous ayez fait une classe prépa (qui sont les études supérieures les plus prestigieuses et élitistes de notre système), classe prépa scientifique de surcroît (c’est-à-dire dans la filière qui jouit du plus grand prestige à l’heure actuelle), et que vous ayez réussi cette prépa puisque vous avez intégré une école d’ingénieur. Pour résumer : vous êtes quelqu’un qui a réussi dans cette école, et non quelqu’un qui en a été éjecté au collège par exemple. Est-ce que cette place de dominant que vous occupez au sein du système scolaire n’a aucune espèce de lien avec l’apologie que vous en faites ? Je ne pense pas.

          Mais encore une fois, je ne vais pas me contenter de dire ça, mais je vais argumenter contre vos arguments, de la même manière que j’ai argumenté contre l’école que je n’aime pas dans mon article (donc inutile de me ressortir le coup de l’argument ad hominem…).

          2/ En ce qui concerne vos objections

          Vous avez l’air de penser que la présence des parents dans l’apprentissage de la langue est une objection à ce que je dis. Mais je crois que vous n’avez pas bien compris ce que je voulais dire. Je ne dis pas que les enfants peuvent et doivent apprendre tou-te-s seul-e-s sans personne. Quand je dis qu’on peut se passer de « maîtres » ou de « professeurs », j’entends ces mots dans un sens bien particulier. Ce qui me gêne c’est seulement le maître en tant qu’instructeur. Celui qui vient et qui déverse sa connaissance dans la tête des élèves. C’est lui que l’école pose comme indispensable. Parce qu’il serait le seul à pouvoir décomposer un objet complexe pour le faire petit à petit comprendre à l’élève en passant du plus simple au plus complexe, le seul à savoir comment apprendre, par quel chemin passer.

          Or est-ce que les parents jouent un tel rôle dans l’apprentissage de la langue ? Non. Les enfants sont d’abord confrontés à une langue d’une complexité hallucinante. Et à partir de là illes écoutent, repèrent des récurrences, font des liens. Et quand illes commencent à parler, font des essais qui sont parfois validés (ou pas). Et les gens qui valident ou non ces essais ne sont jamais dans le rôle d’un instructeur (comme l’est le prof de langue en collège par exemple). Illes font juste partie de la réalité complexe que l’enfant essaie d’appréhender, en étant en quelque sorte ses porte-paroles. Plutôt que comparer les parents à des profs de langues, j’aurais ainsi plutôt tendance à les comparer à la nature à laquelle on se heurte quand on essaie d’en comprendre les lois. De la même que la nature ne nous fait pas un cours magistral pour nous expliquer ses lois, celleux qui parlent notre langue maternelle ne nous font pas non plus un cours. Vous voyez la différence que je cherche à pointer ? (comparez juste le rôle des parents et celui d’un prof de langue en collège/lycée)

          En ce qui concerne l’« autonomie » dont vous vous contentez dans le système scolaire actuel, elle me semble pour ma part une vaste mascarade. Vous résumez joliment la « liberté » laissée à l’élève en disant « Un cadre est fixé, l’élève évolue à l’intérieur ». Pour moi c’est un peu comme de laisser à un prisonnier le choix entre plusieurs types de cellules : « un cadre est fixé, le prisonnier évolue à l’intérieur ». A l’école, la liberté laissée aux élèves se résument souvent à « vous avez le choix entre l’exposé n°1 et l’exposé n°2 », ou à « faire de la physique jusqu’en terminale ou uniquement jusqu’en première ». Peut-être que ça c’est de la liberté pour vous. Pas pour moi en tout cas.

          Vous brandissez alors la menace de l’« anarchie » comme un épouvantail (« Ce que vous désirez ce n’est pas l’autonomie mais l’anarchie, l’absence totale de rapports de pouvoir et d’autorité »). Est-ce que j’ai décrit une école sans lois, sans cadre, sans repères ? Non. Lisez ce que je dis sur les écoles Freinet. C’est l’anarchie ça pour vous ? Je veux juste l’autonomie, c’est-à-dire (étymologiquement) le fait de choisir soi-même la loi que l’on veut suivre (avec les autres bien sûr lorsque ça touche à la communauté). Je préfère juste ça à l’hétéronomie, qui consiste à subir tout ce que d’autres ont prévu pour nous, pour notre bien, et à notre place (et encore une fois, qu’on nous laisse le choix entre handball et course à pied ne change pas grand-chose à l’affaire…).

          Dernier point, sur votre apologie de la compétition (« Le niveau était excellent précisément parce que les éléments les plus faibles ont été laissés à la porte, les exigences des profs colossales et la compétition permanente »). C’est super un système dans lequel les plus fort-e-s écrasent les plus faibles, surtout quand on fait partie des premiers hein ? On touche ici à mon avis une question éminemment politique, puisque le type d’école qu’on veut dépend du type de société qu’on veut. Vous avez l’air de vous satisfaire d’une société où on laisse plein de gens sur le carreau, une société avec des dominant-e-s et des dominé-e-s. Pas moi. Et bizarrement, je ne peux pas m’empêcher de penser que si vous faisiez précisément partie de celleux qui ont été laissé-e-s sur le carreau par ce système scolaire et cette société, vous ne tiendriez peut-être pas le même discours. Argument ad hominem vous dites ?…

          Je m’arrête là car je n’ai plus le temps pour ce soir. Mais si je suis passé à côté d’une objection essentielle, n’hésitez pas à me le dire. Parce qu’il y a tellement de questions soulevées à la fois qu’il est difficile de répondre à tout en même temps.

          • 1/ Sur la forme

            « Vous faites comme si je me contentais de dire que ce que pensent les profs ou les gouvernant-e-s de l’Ecole est faux parce que celleux-ci profitent de ce système. »

            Pas du tout. Je vous reconnais un don exceptionnel pour argumenter ; ce qui ne vous empêche pas, par ailleurs, d’utiliser un procédé sophistique stupide. Encore une fois, la pertinence d’une théorie ne se juge pas en fonction des intérêts de son défenseur (patron du CAC ou chômeur). Qu’ils convergent n’a pour moi aucune importance. D’autre part, c’est une arme à double tranchant. Reprenons l’une de vos phrases et appliquons la réciproque.

            « Si vous faisiez précisément partie de celleux qui ont été laissé-e-s sur le carreau par ce système scolaire et cette société, vous ne tiendriez peut-être pas le même discours. »

            De toute évidence, si j’avais échoué ce que j’avais entrepris quand d’autres réussissaient, si le système m’avait contraint à regarder ma médiocrité intellectuelle en face, je serais sans doute devenu un impuissant rongé par le ressentiment. Je me replierais sur moi-même et m’inventerais des coupables pour soulager ma frustration. Que ma condition s’améliore ou non, je voudrais voir chuter ceux qui me dominent et me ramènent sans cesse à mes propres faiblesses ; je voudrais piétiner leur bonheur arrogant, leur ôter ces petits privilèges que je rêvais d’obtenir. Raté et envieux, je ne les raterais pas.

            2/ Sur le fond

            Je vous rejoins sur l’absurdité des programmes fixés par le ministère, trop lourds et peu cohérents. Je préfèrerais de loin une école décentralisée où chaque établissement déterminerait ses enseignements, recruterait ses professeurs et serait choisi par les parents (avec le chèque-éducation par exemple). L’application d’un modèle pensé au niveau central, niant la réalité locale, sera toujours une erreur. Freinet ou pas Freinet. Autonomie institutionnelle, d’accord.

            En revanche, c’est sur les moyens d’acquérir le savoir que je conteste votre position, sans pour autant m’opposer à ce que des écoles libres pratiquent cette pédagogie. Je me répète, s’il n’y a pas un maître détenteur de la connaissance pour expliquer ce que sont une réaction chimique, un COD ou une mutation génétique, comment l’élève pourrait-il le découvrir par l’expérience ?

            3/ Sur le film

            Dans cette université autonome, qui paye ? (achat ou location des bâtiments, électricité, eau, télécommunications, outils, matériaux, nourriture…)

            À la fin du film, que deviennent les étudiants ? Ce mois-ci, mon secteur va embaucher un nouvel ingénieur aéronautique. Alors entre quelqu’un qui a acquis des compétences « en physique et aérodynamique » pour construire une rampe de skate, et quelqu’un qui a bossé sur la diminution du bruit lié aux vibrations du fuselage, le choix est vite fait. Remarquez, cela peut être aussi intéressant qu’apprendre le jardinage seul ou entre amis, mais il ne faudrait pas s’étonner que ces désirs individuels ne correspondent pas aux désirs que l’on trouve sur le marché (ok ok, les gens sont manipulés pour apprécier les voyages en avion). Je n’ai rien contre ces initiatives, mais il n’y a aucune raison de les imposer à tout le monde en les substituant par la législation aux formations traditionnelles. Êtes-vous d’accord avec ce dernier point ?

            Je vous prie de m’excuser de ne pas avoir pu vous répondre hier ou si mon message n’est pas clair, je suis très occupé en ce moment.

          • 1/ Sur le rapport entre les idées que l’on défend et la place que l’on occupe dans la société

            Encore une fois, je ne pense pas que considérer d’où les personnes parlent et quel(s) intérêt(s) peuvent avoir pour elles les positions qu’elles défendent relève du « procédé sophistique ». Et je n’ai jamais dit que vos positions pourraient se déduire directement de votre histoire personnelle, de votre place dans le système scolaire, de votre condition sociale, ou quoique ce soit d’autre selon une causalité mécanique simpliste. C’est plus complexe que ça bien sûr, mais je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour nier qu’il y a souvent un rapport entre les idées que l’on soutient et les intérêts concret qu’on trouve à défendre ces idées.

            Je me demande juste qui a intérêt à ce que le système actuel se reproduise, alors qu’il est pour moi d’une nuisance assez manifeste. Et je pense que comme chaque système de domination, il trouve la plus grande partie de ses défenseurs chez celleux qui en profitent directement. Ce n’est pas un hasard si les féministes sont en majorité des femmes et que les masculinistes sont en majorité des hommes. Ceux qui ont le plus intérêt à ce que le système patriarcal se reproduise sont ceux qui en profitent quotidiennement : les hommes. Dans le cas de l’école, je pense que c’est pareil. Et je dis juste que ce n’est pas étonnant que personne au pouvoir ni au sein de l’école questionne ce système en profondeur, puisque ces gens sont précisément celleux qui ont réussi dans ce système, celleux à qui illes profitent directement.

            Vous avez l’air de penser que le monde des idées est un domaine pur et détaché de la réalité (sociale et individuelle). Mais pour moi toute pensée est « située ». Toute idée provient d’un certain individu qui est à une certaine place, dans une certaine société, qui a une certaine histoire et certains intérêts, etc. Et cela n’est pas anodin. Personne n’échappe à sa condition en ce sens. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ?

            2/ Sur la soi-disant nécessité des maîtres détenteurs de savoir

            Vous dites : « s’il n’y a pas un maître détenteur de la connaissance pour expliquer ce que sont une réaction chimique, un COD ou une mutation génétique, comment l’élève pourrait-il le découvrir par l’expérience ? ». Vous avez l’air de penser les connaissances comme indissociables d’un « maître » qui les « détiendrait » (et qui, j’imagine, les déverserait dans la tête de l’élève). Mais les connaissances sont partout : dans les livres, sur internet, ou tout autre support de connaissance, et aussi chez les autres (égaux). Est-ce que j’ai besoin d’un maître pour comprendre le sens d’une réaction chimique ? Est-ce qu’un bouquin ça suffit pas ?

            Pour reprendre un exemple que j’ai déjà utilisé plus bas dans une autre discussion : comment avez-vous appris à faire la cuisine ? Vous avez eu un cours avec un maître de cuisine ? Ou est-ce que vous n’avez pas plutôt acquis cette connaissance en discutant avec des gens, en regardant des livres de cuisine, internet, et en faisant des expériences (je vais essayer telle épice voir si ça marche avec tel aliment, etc.).

            On peut donc acquérir des connaissances sans forcément se retrouver dans le rapport hiérarchique maître/élève où le maître est censé être le seul à savoir comment décomposer le savoir à l’élève pour que celui-ci puisse l’intégrer (le seul à savoir « expliquer »), et où le maître est le seul à pouvoir juger du degré de compréhension de l’élève.

            C’est ça (entre autres) que je critique ici. Cette mise dans un état d’hétéronomie et de dépendance, où l’on est plus les maîtres-ses de nos apprentissages, mais les moutons qui suivent la voie qu’on a tracé pour nous a priori pour apprendre les choses qu’on a décrété utiles pour nous sans notre avis. Vous comprenez ce que je veux dire ?

            3/ Sur la question du financement

            Dans le film, l’école est financée par l’argent fourni par les familles des étudiants pour payer la scolarité de leurs enfants, comme dans toute autre fac aux Etats-Unis (il me semble). Bien évidemment, je suis contre ce principe et préfèrerait en soi un financement public. Mais je trouve que ça a quand même l’avantage de mettre en évidence quelque chose qui vaut aussi pour notre système scolaire français, à savoir qu’avec le budget consacré actuellement à l’éducation, il serait possible de produire de bien meilleurs résultats que ceux qui existent aujourd’hui si la pédagogie était différente.

            C’est pour ça que les discours qui répètent que le problème de l’école c’est qu’il n’y a pas assez de moyens qui lui sont consacrés me font doucement rigoler. Dans une pédagogie où les élèves sont plus autonomes, ceux-ci ont aussi beaucoup moins besoin d’être encadrés au niveau de l’apprentissage des savoirs (rôle des profs) et de la vie commune (rôle des CPE, surveillants, etc).

            L’exemple de l’école mutuelle est sur ce point intéressant (cf. le bouquin de Anne Querrien que je cite dans les « idées de lecture »). Elle a été mise en place dans la France de la Restauration avec l’objectif de sortir les enfants de la rue et leur faire acquérir le « savoir minimal » (lire, écrire, compter). Or comme cette école pour les pauvres n’avait pas beaucoup de moyens financiers à sa disposition (notamment pour payer des « maîtres »), on a mis les élèves en petits groupes de niveau hétérogènes, dans lesquels ceux qui étaient plus avancés expliquaient aux autres (on retrouve au passage ce principe dans des pédagogies type Freinet avec le principe du « tutorat », où des élèves de classes de niveau différents sont mis en groupe pour s’aider entre elleux). Or, comme l’explique l’auteure du livre, le problème de cette école qui ne coutait rien est qu’elle marchait trop bien… Elle fut fermée parce qu’on lui reprochait deux choses : « les élèves apprenaient en trois ans le curriculum prévu pour six, et ils n’apprenaient pas le respect du savoir ! ».

            Tout ça pour dire que le problème n’est pas une question de financement (du genre « il faut plus de fric pour payer plus de profs pour qu’il y ait moins d’élèves par classe »), mais bien plutôt un problème politique. Car les pédagogies « alternatives » coûtent souvent beaucoup moins cher que notre système actuel. C’est que ça demande des moyens de soumettre les enfants et de les rendre dépendants de maîtres…

            4/ Sur la loi du marché

            Vous vous inquiétez que « les désirs individuels ne correspondent pas aux désirs que l’on trouve sur le marché ». Déjà, je ne raisonne pas en ces termes, car cela revient pour moi à vouer au marché un culte quasi-religieux qui nie les individus et leurs désirs. Dans ce type de raisonnement, on a l’impression que le sacro-saint marché est plus important que les individus (nombreux sont d’ailleurs aujourd’hui les discours qui prête au marché une vie propre, qui l’anthropomorphisent comme s’il était un individu comme nous, qu’il faudrait respecter, qui aurait ses besoins propres, etc.).

            Je pense que les pédagogies type Freinet sont une bonne occasion de remettre en question ce libéralisme dominant qui pourrit la vie à l’immense majorité de la population. Pourquoi on ne repartirait pas de nos besoins et de nos désirs ? Pourquoi on ne calerait pas le marché sur les individus plutôt que de caler les individus sur le marché ?

            J’ai conscience que cette question politique est un vaste champ à explorer, mais ça me semble assez essentiel si on ne veut pas se borner à rester des esclaves du « Dieu marché » (qui, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, est loin de rendre heureux l’immense majorité des individus vivants sur cette planète).

            Et pour revenir au système scolaire actuel, je ne suis pas sûr qu’il produise des individus compétents pour les tâches précises que leur réserve leur boulot. L’immense majorité des connaissances qu’on nous a fait entrer dans le crâne pendant toute notre scolarité ne nous sert souvent à rien dans les tâches qu’on nous demande d’accomplir dans notre boulot. Est-ce que ce ne serait pas plus efficace que les gens se forment pour le boulot précis qu’ils veulent faire plutôt que de se taper des cursus interminables et chiants, qui ont à mon avis pour but principal de les trier et de leur apprendre à accomplir les tâches qu’on leur impose sans broncher, c’est-à-dire à travailler comme on leur demandera de le faire dans leur entreprise.

  3. Je l’avais loupé celle-là :

    « En effet, les enfants n’ont jamais eu besoin d’un maître pour apprendre quelque chose d’aussi complexe que leur langue maternelle. »

    Euh… les parents ?

    • Personnellement mes parents ne m’ont jamais donné de cours de langue française (vocabulaire, grammaire, etc.) lorsque j’avais 1 an, mais peut-être que j’ai oublié… Ne voyez-vous pas une différence dans la manière dont vous avez appris votre langue maternelle et la manière dont on a pathétiquement essayé de vous apprendre d’autres langues au collège ? Est-ce que vos parents vous ont décomposé l’apprentissage de votre langue maternelle en partant du plus simple au plus complexe comme l’on fait les profs de langue de collège et de lycée ? Ça m’étonnerait. Tout simplement parce que pour vous apprendre à comprendre le français, vos parents auraient dû vous l’expliquer en français, langue que vous ne parliez pas. Donc il a bien fallu que vous arriviez à la comprendre tout seul pour commencer, sans maître et sans explication, et seulement par expérience, essais et erreur.
      Vous voyez la différence ?

      • Sur ce point, je ne sais pas si je suis d’accord avec Paul.
        Dans l’apprentissage de la langue il me semble qu’il y ait réellement un rapport au développement du cerveau, et à partir d’un certain age l’on ne peut plus juste parler anglais à un-e enfant français-e et ça prendra tout seul, alors que en dessous d’un certain âge c’est le cas, pas besoin de faire simple ou compliquée ou répéter des trucs ou autre, juste parler ça suffit, d’ailleurs il me semble que l’on n’est même pas obliger de parler à cet enfant, juste le fait d’être dans un environnement où des gens parlent suffit. A partir de environ 12-13-14 ans, apparemment c’est plus le cas, et là il faut structurer sinon on arrive à pas grand chose, et apparemment de toute façon l’on n’arrivera jamais à un degré de maitrise de la langue comparable à un-e « native speaker ». Je sais plus comment illes calculent ça, parce que c’est pas en termes de vocabulaire ou quoi, et c’est des moyennes bien sûr, mais apparemment les recherches « scientifiques » en sont là en ce moment.

        Par contre, de ce que j’en comprend, il est plus ou moins prouvé qu’essayer « d’apprendre » la langue à son enfant ne change en rien (ou alors tellement peu que c’est négligeable) sa capacité ni même sa rapidité à assimiler et apprendre la langue.

        Il y a des cultures au monde qui mettent beaucoup d’efforts dans l’apprentissage de la langue de leurs enfants, et d’autres cultures qui n’y accordent aucune importance. Pourtant, les enfants de ces différentes cultures apprennent au même rythme, avec certaines variations dû à la langue en question (car certaines langues sont plus « difficiles » que d’autres et la maitrise de la langue prend plus de temps même pour les « native speakers »).

        Ce truc du dévelopement du cerveau me pose question aussi, paske mon côté materialiste me dit que ya surement un truc dans ce que dit Casper, au sens où physiquement le cerveau n’est pas capable à certains ages de prendre en compte certains trucs, et que c’est bien possible que c’est une question (en tout cas partiellement) physique, vu que le développement du cerveau est lié au developpement du psychisme (genre John Searle avec son « Consciousness is an emergent property of brains »).

        Ce sont des questions que je trouve assez passionnantes, et personnellement je ne suis pas du tout sur de ce que j’en pense. Je pense qu’il est possible que tout ça pose aussi la question de la légitimité de l’autorité dans ces relations-là, comme par exemple dans la relation avec une personne handicapé mentalement.

        Tout cela étant dit, je rejoins les analyse de Paul sur l’école telle que nous la connaissons. Je ne suis pas expert en la question, loin de là, mais j’ai peu de doute que l’éducation actuelle a surtout tendance à nous enseigner des choses assez nauséabonde comme la passivité (devant LE savoir), la soumission inquestionnée à l’autorité, la compétitivité plutôt que l’entraide, et la valorisation tout à fait arbitraire de certaines compétences (comme apprendre par coeur, résoudre des problèmes de manière abstraite, le respect de règles qui mériteraient d’être remises en cause…).

        Je pense aussi que c’est un débat qui mériterait d’avoir lieu, et je rejoins ce que dit Didyme et Paul là-dessus.

        • La différence fondamentale entre l’acquisition de la langue maternelle et celle d’une langue seconde, c’est qu’avec la langue maternelle on est en train d’acquérir le langage, de comprendre que tout peut s’exprimer, tout a un nom, on peut penser sous forme de mots… Quand on acquiert une langue seconde on sait déjà tout ça, on ne fait qu’adapter ce savoir, c’est un peu la même différence qu’entre apprendre à lire à six ans et apprendre à lire les caractères japonais à seize si vous voulez, dans le deuxième cas on ne réapprend pas le principe de la lecture. (mais l’âge joue également en effet, plus on est jeune et mieux on apprend, mais une impossibilité réelle de maîtriser totalement une langue vient quand même assez tardivement)

          Sinon, je ne connais pas tellement la situation à l’étranger mais j’ai le sentiment que la France a un vrai souci avec l’apprentissage des langues : j’avais lu un article il y a quelque temps qui parlait du succès d’entreprises comme Wall Street Institute, des structures privées (donc payantes, volontiers chères) proposant des cours d’anglais, auprès des salariés. Si on suppose que le salarié moyen a son bac, il a fait sa scolarité jusqu’en terminale, donc a eu des cours d’anglais de la sixième à la terminale (plus rarement, à partir de la quatrième seulement, en deuxième langue vivante et pas en première). Donc pendant sept ans (plus rarement, cinq), sans compter ses études supérieures où les cours d’anglais sont parfois obligatoires (on peut donc rajouter deux ans, trois, cinq…). Alors comment peut-il avoir encore besoin de cours…?

          • @Liam, sur les seuils de développement cérébral et l’apprentissage de la langue :
            Il existe effectivement (c’est du moins ce que j’ai appris en cours de didactique dans mon cursus linguistique) différents seuils dans l’apprentissage des langues, qui font que plus jeune on est, plus vite et plus durablement on apprend, que l’on assimile bien plus rapidement une ou plusieurs langue.s lorsqu’on est enfant qu’adulte, etc. Il me semble d’ailleurs que c’est vrai pour beaucoup d’autres apprentissages.

            Il faudrait aussi distinguer plusieurs éléments dans la langue : la phonologie et la prosodie, la syntaxe et la grammaire, le lexique… Chacun de ces éléments fait appel à des compétences particulières, en lien avec des compétences extra-linguistiques que l’on est amené à développer de mille manières. Tous ces éléments ne s’apprennent (donc) pas au même rythme, et on peut en maîtriser certains et pas d’autres, à quelque âge que ce soit. À titre d’exemple : un locuteur peut avoir acquis une prononciation impeccable et assimilé le rythme de la langue mais être infoutu d’intégrer certains points de grammaire ; une autre peut bafouiller avec difficulté une langue mais en connaître parfaitement toutes les déclinaisons ou avoir un vocabulaire conséquent.

            Autre point sur le développement : je parlais de la phonologie, la manière dont on se représente mentalement les sons d’une langue. Les bébés qui babillent testent en fait les sons qu’ils sont capables de produire et finissent par sélectionner ceux qui leur seront utiles (c’est-à-dire ceux qu’ils entendent et reconnaissent dans la bouche de ceux qui les entourent) et oublient les autres sons et combinaisons de sons. Plus ils seront en contact avec des langues différentes, plus de phonèmes (sons) ils retiendront et seront capables d’exploiter, meilleure sera leur prononciation dans ces différentes langues – et dans d’autres, dans la mesure où ils auront davantage « conscience » de la multiplicité de phonèmes existant.
            Prenez un bébé italien : il sait produire les mêmes sons que n’importe quel autre bébé au monde. Mais il n’en retiendra que certains (dans mon exemple, le « é », le « ou », le « s » et le « z »). Plus grand, il aura des difficultés à conceptualiser et reproduire le « euh » et le « u » français, le « th » anglais… Alors que s’il est confronté tout petit à ces langues, il retiendra ces possibilités phonétiques. Il aura aussi conscience que le « i » qu’il connaît n’est pas forcément le seul possible et aura moins de difficulté qu’un unilingue à s’approprier le « i arrière » russe.

            Ceci étant… je ne pense pas qu’on puisse affirmer que, passé un certain âge, une « structure » soit plus indispensable (encore qu’il faudrait s’entendre sur le terme structure). Je veux dire par là qu’enfant, ado ou adulte, le meilleur moyen d’assimiler une langue reste de baigner dedans et d’avoir à la pratiquer. Plus on l’entend parler, plus ses structures syntaxiques, phonétiques, prosodiques s’inscrivent dans la tête ; plus on la parle, plus on en retient de vocabulaire, plus on perfectionne sa prononciation, etc.

            Et c’est ce qui me fait dire, comme Nîme, que le système *d’enseignement* français des langues étrangères est mal foutu. Que l’on ait 3, 15, 40 ou 75 ans, on ne peut pas *apprendre* une langue en étant passif comme on l’est nécessairement en cours de langue à l’école, où l’on ne peut qu’écouter le prof, qui n’enseigne quasi que la grammaire, en n’ayant que 8 minutes de pratique sur l’année (en admettant que le prof nous interroge 8 fois et nous laisse parler une minute entière…) et en ne produisant que de l’écrit (on parle de « langues vivantes », quand même !)

            Le système est ainsi foutu qu’on ne peut absolument pas entendre ni parler la langue, qu’on n’en apprend que la grammaire, et mécaniquement (ce qui permet de l’oublier sitôt finis les cours). C’est comme ça qu’après 10 ans d’allemand et 6 ans de russe, je suis incapable aujourd’hui de pondre une phrase correcte dans ces langues… alors que je peux écrire et parler sans complexe en anglais, langue que je n’ai jamais *étudiée* à l’école mais que j’ai plutôt pas mal assimilée en chantant (mal) et en traduisant (mieux) les chansons des Beatles, des Stones et de Bob Dylan, en me gavant de séries américaines sous-titrées et en discutant avec des gens. Alors certes, je fais des fautes… mais au moins, je parle 🙂

          • Coucou LouCenati

            Alors en effet j’avais compris les mêmes choses que vous (moi c’est en écoutant des séries de cours de la Teaching Company sur la linguistique) au niveau de comment ça se passait pour l’apprentissage de la langue. Merci pour les précisions au niveau des différentes « parties » d’une langue qu’on peut plus ou moins bien assimilé-e-s et comprendre, je n’avais pas pensé à ça!
            Je suis absolument d’accord avec vous et Nîme sur la façon dont sont enseignées les langues à l’école, cela me parait hautement illogique et je me souviens en effet que le temps passé à pratiquer réellement la langue en cours de langue était risible.
            Mon questionnement ne portait pas tellement sur ça, mais plutôt sur la comparaison entre l’apprentissage de la langue maternelle et l’apprentissage de tout le reste (à l’école), parce qu’il me semble que là où le cerveau humain est pré-programmé (mais que jusqu’à un certain âge) pour apprendre (de façon « parfaite ») n’importe quelle langue humaine (la grammaire universelle de Chomsky, du moins ce que j’en ai compris), je ne pense pas que le cerveau humain soit pré-programmé pour comprendre de façon « parfaite » la mécanique quantique appliqué à la haute technologie, ou l’histoire des byzantin-e-s, ou comment réparer un moteur de voiture etc.

            Donc là où on peut a priori s’attendre à ce que les enfants apprennent leur langue maternelle (et même une seconde ou troisième ou quatrième langue si jamais on s’y prend assez tôt) sans AUCUNE structure du tout, c’est à dire sans aucune pensée et aucun effort investis dans « comment on va faire pour que les enfants apprennent », j’ai du mal à voir comment ça c’est possible pour les milliards d’autres choses que les diverses cultures et civilisations humaines ont développées et qui ne sont a priori PAS pré-programmées dans le cerveau humain.
            C’est juste ça que je voulais dire, peut-être bien de façon assez désordonné et confus parce que je réfléchis en même temps que je tape au clavier :-).
            Je dis ça parce que même « la maitre ignorant » reste une structure pour moi, c’est à dire des adultes qui ont réfléchi-e-s et expérimenté-e-s et travaillé-e-s sur ce « comment on va faire pour que les enfants apprennent », et qu’il est peut-être quelque peu illusoire de se dire que ce n’est pas AU FINAL les adultes qui décident de ce genre de choses parce que les adultes ont une capacité cérébrale que n’ont pas les enfants (d’un certain âge, je sais pas trop quel age d’ailleurs, c’est une question difficile) qui les permettent de se poser ce genre de questions, et donc qui ont un pouvoir et une autorité (légitime) a « décider pour » (quelque part) les enfants, du moins en ce qui concerne « la structure » [aussi flexible et légère et ré-appropriable (par les enfants) soit-elle].

            Je ne sais pas, c’est une question que je me pose. Je n’ai pas lu beaucoup de trucs là-dessus (Les libres enfants de Summerhill, Insoumission à l’école obligatoire, quelques textes de Frenet, regarder quelques documentaires), et il va de soi que c’est des questions totalement ouvertes pour moi, je tatonne, et je joue ptet un peu l’avocat du Diable aussi, parce que je vois bien qu’il est extrêmement important que « la structure » soit une structure que les enfants elleux-mêmes s’approprient et du cout développe quelque peu elleux-mêmes.

            Je m’arrête là faute de temps. J’essayerais de relire mon premier post plus tard pour voir si je suis cohérent et j’essayerais de rajouter des trucs ptet.

            En tout cas merci pour vos posts LouCenati et Nime, c’est des questions que je trouve vraiment importantes et ma réflexion dessus en est tout juste à ses débuts, donc je suis super content de discuter de ça avec des gens intéressé-e-s :-)!

          • @ Nîmes :
            À Berlin, n’importe quel.le employé.e du transport ou caissier/ère de grand magazin qui par ailleurs ne parle pas un allemand correct mais un dialecte local fait d’expressions toutes faires parle couramment au moins l’anglais.C’est assez extraordinaire.
            Quant au Wall Street Institut, il enseigne le « business english ». C’est pour cela que les gens y prennent des cours.
            Il s’agit de compléter son vocabulaire et d’exercer la langue (pas de l’apprendre. Les Allemand.e.s aussi le fréquente, souvent pour leur job.
            En France, on a tendance à considérer sa langue comme supérieure aux autres. Il y a une mentalité autour de la langue qui empêche d’apprendre les langues étrangères.
            La manie de franciser les noms étrangers est aussi une spécialité francaise.
            La langue francaise a trop longtemps été une langue parlée partout en Europe.Mais bientôt ce seront les Anglais.e.s qui seront incapables d’apprendre les langues étrangères !

          • Coucou Liam

            D’abord merci pour ces remarques très intéressantes (et merci à tout-e-s les autres aussi au passage pour tous leurs apports constructifs à cette réflexion).

            En ce qui concerne cette « structure » dont tu parles et qui empêcherait de comparer l’apprentissage de la langue avec tout autre apprentissage ultérieur. Personnellement je ne vois pas de différence fondamentale. Pour moi, les écoles type Freinet ne font que créer des conditions favorables à la multiplication des apprentissages et aux échanges entre les individus. En d’autres termes, elles ne s’opposent pas à la vie, à la manière dont on apprend des choses dans notre vie en dehors de l’école, mais cherchent plutôt une continuité avec la méthode d’apprentissage « naturelle ».

            Il n’y aurait pas d’école du tout que l’on apprendrait quand même les choses dont on a besoin. Grâce à notre expérience et aux échanges avec les gens qui nous entourent. L’immense majorité des connaissances que nous possédons se constitue d’ailleurs à mon avis de cette sorte, et l’apprentissage de la langue maternelle n’est en ce sens qu’un exemple parmi d’autres. Par exemple, on apprend la cuisine en essayant différentes techniques ou différents mélanges d’ingrédients, en lisant des livres de cuisine ou en allant sur internet, et en discutant avec des gens. Pas besoin de « structure » ici, au sens où tu emploies ce mot.

            La seule « structure » que proposent à mon avis les écoles type Freinet n’est à mon avis qu’une sorte de version « optimisée » (dans un but d’apprentissage) de la vie normale. On met en rapport des gens, on encourage les intérêts individuels, on donne les moyens matériels d’acquérir des connaissances, etc. Je ne vois pas en quoi c’est fondamentalement différent de la vie (et donc pourquoi il y aurait une différence de nature entre l’apprentissage de la langue maternelle et l’apprentissage de n’importe quelle autre connaissance). Est-ce que tu vois ce que je veux dire ?

            (Entre parenthèse, quand je parle dans l’article des fichiers autocorrectifs par exemple et autres outils spécifiques Freinet, il faut se rappeler que c’est dans le contexte très particulier de l’Education Nationale qui impose arbitrairement un certain programme que les élèves doivent maîtriser arrivé-e-s à un certain niveau. Donc plus on impose des savoirs à maîtriser en un temps imparti, plus les conditions d’apprentissage deviendront artificielles. Ce qui serait beaucoup moins le cas si on avait plus de liberté sur les choses à apprendre à mon avis).

            Après, sur la question plus spécifique des capacités cognitives dans l’apprentissage de la langue. J’ai personnellement une méfiance a priori de tous les discours qui veulent expliquer a priori quelles sont les capacités des gens, pour après dire ce qu’il faut enseigner et comment. Ce n’est pas du tout ton intention je pense, mais j’ai quand même toujours peur qu’on se bouche des possibles à se demander ce que la « science » dit a priori ce qu’il est possible de faire. Je me dis qu’il vaut mieux essayer, et voir directement ce qui est possible.

            Et donc en l’occurrence sur la question de l’apprentissage de la langue. Si un enfant peut apprendre à parler « parfaitement » (même si je ne comprends pas trop ce que tu veux dire par là) une langue en étant totalement immergé et sollicité à comprendre et parler cette langue pendant plusieurs années, est-ce que c’est pas aussi le cas pour un adulte ? Si on mettait par exemple un adulte dans un pays dont il ne connait pas la langue, et qu’il était sollicité autant qu’un enfant en étant forcé de ne parler que cette langue, est-ce qu’il n’arriverait pas, en cinq ans par exemple, à parler cette langue comme un enfant de cinq ans ? Je ne sais pas, je pose la question. Mais j’ai l’impression qu’on en serait pas loin. J’ai l’impression que tout est question de stimulation. Un gamin qu’on ne stimule pas beaucoup à parler apprendrait moins bien qu’un enfant qu’on stimule. Est-ce que ce n’est pas la même chose pour les ados ou adultes ?

            Du coup j’ai un peu de mal aussi avec cette idée de « cerveau pré-programmé ». Quelqu’un qui baignerait dans la mécanique ou l’histoire byzantine comme on baigne dans notre langue maternelle ne l’apprendrait-il pas de la même manière, aussi facilement ? J’ai l’impression qu’il suffit d’avoir l’envie et les conditions pour apprendre pour qu’un apprentissage s’opère, par expérience, essais et erreurs, etc. comme pour la langue maternelle.

            Après je ne sais pas, je dis ça comme ça, je n’ai pas réfléchi à ces questions en ces termes, donc peut-être que ce que je dis est bête. Mais j’ai l’impression que la comparaison avec la langue maternelle tient quand même pas mal. Je sais pas ce que t’en penses ?

          • Et bien voilà, de ce que j’en comprends, un-e enfant est capable d’apprendre sa langue maternelle même si l’on ne lae sollicite que très peu à parler. Il existe des cultures sur terre où les enfants ont très peu droit à la parole, et où pourtant l’apprentissage de la langue se fait, de ce que j’en ai compris (et je peux très bien me tromper).
            Et de ce que j’en ai compris aussi, c’est que pour un enfant, pour le langage, le temps d’exposition (et je rappelle, exposition sans structure aucune, juste des gens qui parlent autour de ellui) dont ille a besoin pour apprendre sa langue maternelle (avec tout ce qu’elle comporte de complexité) est incroyablement petit et optimisé par rapport au temps dont il faudrait pour un adulte exposé à des discussions sur la mécanique quantique de comprendre et de maitriser ce sujet, et précisément parce que le cerveau est « pré-programmé » pour accueillir le langage, qui vient donc « naturellement », avec très peu, au final, de stimuli.
            Alors, comme toute théorie scientifique, l’idée de la grammaire universelle, c’est une hypothèse, et elle peut très bien être fausse, et elle est très sûrement incomplète, au meilleur des cas.

            (Après, je me dis que c’est possible que tout ça c’est vrai aussi pour tout apprentissage, au sens où cette hypothèse sur le langage serait au final applicable aux autres apprentissages, et que ce que cela illustre c’est juste « la forme que peut prendre notre apprentissage », appliquée à tout, et qu’en fait l’on apprendrait tout de la même façon, avec très peu d’exposition et très peu de stimuli. Mais de ce que j’en ai compris, il me semble que cela s’applique peut-être de manière spécifique au langage, et a quelque chose à voir avec le développement du cerveau, la plasticité du cerveau à l’age enfant, plasticité qui s’estompe apparemment un peu par la suite. Encore une fois, tout ça c’est du tâtonnement, et j’entrevois un peu les problèmes politiques que je vais moi-même avoir avec mon propre discours, une fois que je l’aurais vraiment compris 🙂 )

            Lorsque je dis « parfaitement », je ne me souviens plus ce que ça veut dire vraiment en termes linguistiques, mais si je me souviens bien, ce que tu dis sur l’adulte qu’on baigne dans une langue et l’enfant qu’on baigne dans une langue n’est pas tout à fait vrai dans le sens où il y a une différence qualitative entre l’apprentissage d’une langue par un-e enfant et par un adulte (qui l’apprend en seconde langue donc).
            Alors, il se peut très bien qu’ici, pour ce qui nous concerne, on s’en fout, car donner une sorte de valeur absolue à cette (au final petite) différence entre la compétence d’un adulte et d’un-e enfant, ce n’est sûrement pas très constructif, surtout que je suis d’accord avec toi (et Nime je crois l’avais dit aussi) que le meilleur moyen d’apprendre une langue est d’être immergée et d’être forcé-e à la pratiquer.

            Pour ce qui est de ce que tu dis sur « On met en rapport des gens, on encourage les intérêts individuels, on donne les moyens matériels d’acquérir des connaissances, etc. Je ne vois pas en quoi c’est fondamentalement différent de la vie ». Je pense qu’il y a une utilisation de l’idée de « la vie » ici qui est un peu vite fait. Parce que « la vie », ça peut aussi être qu’on t’apprend ni à lire ni écrire et qu’on t’enfermes dans une usine à l’age de 7 ans et pour le reste de ta vie, et que si la notion d’école à un sens (et je suis d’accord que « l’école » ne devrait pas se limiter que aux enfants), c’est qu’il existe un projet de société qui donne de la valeur à certaines activités et pas d’autres, et donc qui encourage les individu-e-s (forcément très influencé-e-s par les valeurs de la société dans laquelle illes vivent) à s’intéresser à certaines choses et pas d’autres. Je pense qu’il est, quelque part « utopiste » (héhé je sens que je suis en contradiction avec moi-même d’utiliser ce mot) de se dire que toute société (et donc toute « école ») ne comporte pas sa part de censure. Parce que si je suis d’accord qu’il n’existe pas de « nature humaine », et que les êtres humains sont en soi autant capable de produire une société libertaire-anarchiste qu’illes sont capables de produire le nazisme, il va de soi qu’une (grosse) partie de ça passe par l’éducation.
            Comprends-moi bien, je ne dis pas que cette « censure » (ou « hierarchie de valeurs », pour le dire autrement) doit venir d’un appareil étatique, ou d’une autorité souveraine. Je suis beaucoup plus pour qu’elle viennent des individu-e-s qui composent la société, qui l’habitent, qui la produise, à travers des structures de démocratie directe et non coercitive. Mais je ne vois pas comment « l’école » reflèterait « la vie » au sens où tu le dis parce que « la vie » est déjà structurée, et il me semble assez important que « la vie » soit structurée, car je ne suis pas pour un retour à l’état sauvage (je sais que toi non plus, je dis pas ça pour être caricatural de tes propos, juste pour illustrer le mien)
            Et du coup ce qui me posait problème dans ce que tu disais c’est, plus largement, une sorte d’invisibilisation du fait que « la structure », qui reflèterait « la vie », relève a priori d’un rapport, de fait, d’autorité, du moins au début (je ne connais pas d’enfants qui aient fondé, par elleux-mêmes, une école*, mais peut-être que je me trompe). Je pense qu’il est important donc de ne pas invisibiliser le fait que « la vie » est toujours structurée, toujours culturelle, et qu’à mon avis « l’école » n’échappe pas à ça, et qu’il est important de ne pas quelque part se voiler la face sur qui détient l’autorité dans la relation adulte-enfant, et qui crée (selon certaines valeurs) « la structure » (formelle ou pas formelle, légère ou lourde, autonome ou hétéronome…) dans laquelle une société (disons la notre) investi une mission, celle d’une partie de l’éducation (je dis une « partie de l’éducation » parce que « l’éducation » se fait partout, pas juste à l’école) des enfants.

            Un autre point, ce qui me gène aussi partiellement avec l’idée que « l’école » reflèterait « la vie » parce que dans « la vie » on apprend ce dont on a « besoin », c’est une vision quelque peu (trop pour moi) pragmatique et utilitariste de l’éducation, et donc (pour moi en tout cas) de la société dans laquelle l’on aimerait vivre. Parce que si il est vrai que sans l’école les gens apprenaient très bien ce dont illes avaient « besoin », il me semble bien aussi que leurs horizons étaient incroyablement limités, et que ce dont illes avaient « besoin » ne rimaient pas nécessairement avec leur épanouissement, leur autonomie, leur (aller j’ose le dire) bonheur, et ce pour des raisons évidentes, c’est qu’illes n’avaient au final aucun contrôle sur ce qui constituaient ce que d’autres avaient dicté être leur « besoins ».
            Ce que je veux dire ici, c’est que d’une certaine manière ça sera toujours (en partie) d’autres qui vont dicté-e-s ce dont a « besoin » l’enfant à éduqué (« l’autonomie », « l’indépendance », tout ça sont des valeurs comme des autres, développées au sein d’une société donnée, à un moment donné de son histoire), et qu’il est important de ne pas substituer à ce constat (ou ce que je considère être un constat), une sorte de notion (qui me semble un peu) naturalisante de l’apprentissage et de l’éducation (ou en tout cas l’éducation que l’on aimerait voir, parce qu’en ce qui me concerne, l’éducation que j’aimerais voir transmis aux enfants reste ancré dans certaines valeurs que je considère comme tout sauf naturel et tout de même très importantes).

            Je comprends ce que tu veux dire sur « la science » qui nous dicterait ce qu’il est bon et mauvais de faire en termes d’éducation. Je suis tout aussi circonspect que toi en ce qui concerne « la science » dans ce rôle là (il suffit à mon avis de s’intéresser 5 minutes au féminisme ou à l’anti-racisme pour être très méfiant-e envers « la science »).
            La raison pour laquelle je l’invoque ici, je crois, c’est pour pointer ce que je considère être un impensé dans ce que tu dis sur l’éducation (en ce qui concerne ton analyse de l’éducation nationale, ainsi que les idées de par quoi la remplacer, nous sommes a priori totalement d’accord) et peut-être surtout entre le rapport entre « l’éducation » et la société au sens large, et donc en annexe de ça le rapport adulte-enfant qui sous-tend ce rapport à l’éducation.

            Bon, j’ai beaucoup écrit, je m’arrête ici.

            Je ne sais pas si je suis clair (en me relisant je le doute), et encore une fois tout ça c’est moi qui réfléchit en tapant, et je défends mon bout de tarte aussi quelque peu pour faire l’avocat du diable, parce que je pense réellement que je ne sais pas encore ce que je pense de ces questions-là.

            *Cela me fait penser à un parallèle avec la lutte pour la libération animale (dont je fais, avec mes modestes moyens, parti). Une des choses qui distingue quelque peu cette lutte d’autres luttes (comme l’anti-racisme, l’anti-capitalisme, le féminisme, l’anti-homophobie etc.), c’est que dans ces autres luttes ce sont les personnes opprimées qui ont en premier lieu résisté et critiqué le système d’oppression dont elles souffraient (et souffrent encore). En d’autres termes, la lutte à été mené par les dominé-e-s elleux-mêmes, et c’est tout à fait logique et tout à fait cohérent que ça a été et que c’est encore le cas. Hors, dans la libération animale, cette résistance et critique « de l’intérieur » est a priori impossible (même si des micro-resistances existent, par exemple lorsque un éléphant de cirque, torturé par son dompteur, décide d’essayer de le tuer ou de s’évader, un exemple parmi des milliers d’autres), donc c’est à une partie des oppresseurs (celleux qui refusent d’être des oppresseurs-euses, à savoir les personnes véganes et engagées pour la libération animale) de s’en charger, avec tout ce que cela implique de remise en cause pour ces personnes.

          • @Euterpe

            « En France, on a tendance à considérer sa langue comme supérieure aux autres. Il y a une mentalité autour de la langue qui empêche d’apprendre les langues étrangères. »

            Cette specificite francaise viendrait de la construction nationale par la Republique. En effet la France est un des pays européens a la population la plus diverse en terme anthropologiques, qui réunit des peuples aux influences et aux valeurs parfois contradictoires (voir E.Todd et H.Lebras, l’invention de la France). La France n’étant pas une île ses frontières sont mouvantes, discutables, et elle n’avait plus de Roy pour donner un sentiment d’unité. Il fallait donc, pour éviter que basques, savoyards et alsaciens ne se sentent l’envie de se considérer comme plus proche du pays d’a cote (qui parlaient la même langue) les obliger a parler Francais. D’où la chasse aux patois/langues régionales qui fut faite en France sous la IIIeme république au moyen de l’école laïque gratuite et obligatoire (et nous retombons ici sur notre sujet ^^: l’ecole comme moyen de formatage plus que de formation), et l’emphase sur notre langue, « la plus belle du monde », qui n’existaient pas avant la fin du XIXeme siecle et qui n’existent pas tant dans les pays voisins.

            Le fait que tu mentionnes, d’avoir été langue dominante joue aussi, bien sur.

          • Bonjour,

            Avant de lire les dernières réponses et de poursuivre cette enrichissante conversation, je passe rapidement vous laisser le lien vers le film « Notre Monde », de Thomas Lacoste, et en particulier vers les entretiens relatifs à l’éducation, qui éclairent pas mal les problématiques dont on parle !

            http://www.notremonde-lefilm.com/

            http://www.notremonde-lefilm.com/webdoc.html#fiche/38
            http://www.notremonde-lefilm.com/webdoc.html#fiche/32

          • Merci pour ces liens LouCenati, je ne les connaissais pas. Je trouve que les deux résument assez bien la fonction politique de l’école (reproduction et légitimation de la hiérarchie et des inégalités sociales). Après, ça va un peu vite sur les propositions d’alternatives je trouve (surtout pour le deuxième), mais en même temps le temps dont devait disposer les intervenants était sûrement très limité. Intéressant en tout cas, merci.

  4. Louis je vous met la définition de wikipédia pour que la prochaine fois vous ne fassiez pas d’abus de langage:

    « L’argument ad hominem ou argumentum ad hominem est une locution latine qui désigne le fait de confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes1. Il sert fréquemment à discréditer des arguments sans les discuter en raison de la personne qui les présente.

    Typiquement un argument ad hominem est construit comme suit :

    A affirme la proposition B.
    Opposer que A n’est pas crédible (pour des raisons liées à ses paroles, à ses actes) quand il dit B.
    Donc la proposition B est fausse. »

    « on est soit un dominant, soit un social-traitre »

    C’est marrant, mais depuis que je suis ce blog, et que je parcours les articles, je ne crois pas avoir vu écrit une seul foi l’expression « social traitre », et je ne suis pas sur qu’un seul contributeur/rice ai pu reprocher à qui que ce soit d’être un social traitre. Pourriez vous me copier/coller les passages, qui selon vous, y font référence ?

    « S’il n’y a pas de « débat public » sur votre modèle d’école, cela ne vous est pas venu à l’esprit que c’est parce que la majorité des gens trouvaient vos idées tout simplement…stupides ? »
    Avoir une opinion sur un sujet sans l’avoir étudié ne serait qu’un préjugé non ?
    Donc si les citoyens/ennes français/aise estiment que ce genre de modèle scolaire sont « stupide », et cela sans préjuger, cela sous entend que l’intégralité des citoyens/ennes auraient lus sur ce sujet, auraient fait des recherches, personnelles ou collectives, et que à l’issue de ces recherches ils/elles en auraient conclus, dans leur grande majorité, que ce modèle d’école est « stupide ».

    Alors je suis peut être le dernier français qui doit faire ces recherches, peut être suis je à la traine, mais je n’ai pas l’impression de m’être documenté ou même juste renseigné sur la question, et j’ai encore moins l’impression que l’on m’ait encouragé à le faire, et vous ?

  5. Le S.H.I.T. me rappelle un peu l’université de Vincennes (http://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Paris-VIII#Vincennes_.281969-1980.29) (enfin « me rappelle »… j’étais pas né…). Serait ce une source d’inspiration?

    Si le modele semble seduisant pour les adultes (et pas seulement les etudiants bien sur) je suis perplexe sur son applicabilite aux jeunes enfants.

    En effet, l’enfant n’est il pas le seul avec qui le rapport de domination est un mal vraiment necessaire? Mon fils a 21 mois, il est evident que je ne peux pas le laisser faire ses propres choix, sinon il irait courir sur les rues plutot que les trottoirs, ou delaisserait les legumes pour les sucreries.

    Ceux qui ont déjà eu a garder de jeunes enfants savent que ce ne sont pas des suppositions: un aîné plus mature est vraiment nécessaire pour interdire les endroits dangereux et imposer un régime équilibré (je dis « un aîné » par ce que ça peut être un enfant moins jeune). « Interdire » et « imposer », voila des rapports de domination, mais ne sont ils pas ici nécessaires?

    Dans le domaine de l’apprentissage, il me semble que ce rapport de domination nécessaire pour les jeunes enfants reste vrai. Paul Rigouste parle des mathematiques qu’il dis avoir ete inutiles dans son cas. Il me semble au contraire que le calcul, l’arithmetique, des bases de statistiques sont de necessaires apprentissages pour le citoyen qui ne veut pas se laisser embobiner par ceux qui pretendent reflechir pour lui. C’est parcequ’on m’a force a apprendre le calcul a l’epoque ou j’aurais prefere aller jouer dehors que je peux comprendre que quand un « expert » me parle d’une « croissance stable de 3% par ans », il me parle en fait d’une croissance exponentielle (paye ta stabilité…) et en fait prend sa vessie (et la mienne) pour une lanterne.

    Tout ça pour dire que même en ayant pour but la prise d’autonomie de l’enfant, il est a ses début en état de nécessaire heteronomie, dont il lui faudra se sortir graduellement avec l’aide des adultes qui le dominent pour le moment pour son bien. Et ici « c’est pour son bien » n’est pas, comme trop souvent, une excuse facile pour dominant, mais n’est ce pas une réalité (en partie au moins)?

    Trouver l’équilibre entre désirable autonomie et nécessaire heteronomie est un véritable problème pour moi en tant que parent. Etre parent, c’est être dans l’effroyable conflit d’intérêt d’avoir a rendre autonome un petit être que l’on domine.

    • Bonsoir,
      Merci pour ces questions très intéressantes.

      Personnellement, j’ai l’impression que la question de la nécessité d’une certaine autorité par rapport aux enfants ne se pose pas exactement de la même manière quand il s’agit de l’apprentissage des connaissances (le seul point que je soulevais dans cet article) et quand il s’agit de la vie plus « élémentaire » (se nourrir, se déplacer dans le monde, vivre ensemble, etc.).

      Effectivement, dans ce second cas, je suis d’accord avec vous. Car à moins d’avoir des enfants particulièrement commodes (mais je pense que de tels enfants n’existent pas, ou alors c’est qu’illes subissent une autorité peut être moins visible de la part des adultes), on ne peut pas éviter à un moment d’exercer sur elleux une autorité, et je pense qu’on ne peut pas échapper en ce sens à un rapport de domination.

      Tout le truc, comme vous le dites, c’est d’arriver à encourager le plus vite possible chez elleux le passage de l’hétéronomie à l’autonomie. Ce qui est beaucoup plus facile à dire qu’à faire, vu qu’il n’y a pas je pense de solution universelle miracle en la matière, loin de là, je suis bien d’accord avec vous sur ce point.

      Après, en ce qui concerne le contexte de l’apprentissage, je pense que le problème est un peu moins difficile à résoudre (mais je vous avoue que j’ai plus réfléchi au cas des ados/adultes que des jeunes enfants). J’ai l’impression que, s’illes sont dans un univers où illes sont encouragé-e-s à parler, à poser des questions, à discuter entre elleux, les enfants sont assez naturellement en demande de connaissances, et qu’il n’y a pas beaucoup besoin (voire pas du tout besoin) de leur imposer des choses dans ce contexte. J’ai l’impression qu’il y a chez les enfants un appétit de savoir tellement grand qu’il suffit juste de l’encourager et de l’aider à se concrétiser.

      Peut-être qu’effectivement après il y a certains savoir « indispensables » qu’il faudrait imposer aux enfants qui ne souhaiteraient pas l’apprendre. Je vous avoue que je ne sais pas. Je me demande s’il y aurait de tels exemples de savoirs que des enfants n’auraient pas envie d’apprendre alors que ça leur serait utile/indispensable. Je suis assez dubitatif sur ce point.

      Votre exemple du calcul exponentiel suggère qu’il faudrait nécessairement posséder tout le background mathématique qu’on impose aux enfants depuis le CP pour comprendre après plus tard certaines choses. Je ne suis pas sûr. Je me demande, sérieusement. Le ressenti que j’ai personnellement par rapport à tout ce que j’ai appris en math pendant ma scolarité est qu’environ 10% doivent me servir aujourd’hui. Donc j’aurais plutôt tendance à dire que pour les enfants que ça intéresse, les courbes, les fonctions, les théorèmes de géométrie, les nombres imaginaires, les dérivées et les intégrales, qu’illes fassent des maths. Mais les autres, pourquoi leur imposer ? Est-ce qu’on ne peut pas vivre avec juste les maths dont on a besoin (et qui se résument à mon avis à pas grand-chose) ?

      Le problème avec les math en plus aujourd’hui, c’est que cette matière fonctionne comme le critère de sélection par excellence, vu le culte qu’on voue aux matières scientifiques dans notre société. Donc non seulement on les surestime à mon avis. Mais en plus cela a pour conséquence une pratique assez pauvre de cette matière au sein de l’école (qui sert principalement à trier les élèves). J’ai l’impression qu’il y aurait sûrement des moyens de rendre les maths beaucoup plus excitants et intéressants qu’ils ne le sont aujourd’hui à l’école (qu’ils l’ont été pour moi en tout cas).

      Pour finir juste sur votre exemple de l’exponentielle comme notion possiblement importante d’un point de vue politique. Je ne pense pas qu’une société où tout le monde connaîtrait bien ses mathématiques nous prémunisse du genre de sophisme que vous décrivez. Je pense que s’il y a un truc à travailler contre ça, c’est plus la distance critique par rapport à la « Science » et à ses détenteurs auto-proclamés. Si les gens avaient un peu plus de méfiance vis-à-vis de l’autorité scientifique, et si les débats publics existaient réellement, je pense qu’il n’y aurait pas beaucoup de différence entre une personne qui a travaillé ses exponentielles à l’école et une qui ne l’a pas fait. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

      Mais bon, encore une fois, sur toutes ces questions, je tâtonne…

      • Ma seule expérience dans l’éducation des enfants, c’est d’etre parent, et encore depuis pas longtemps. Donc du coup je suis comme vous, je m’interroge. Je suis content de voir que je ne suis pas tout seul ^^.

        Je ne pense pas vraiment a des savoirs « indispensables », mais plus a des savoirs « désirables » et je me demande si il n’y en a pas auxquel les enfants ont pas ou peu de chances de s’intéresser par eux même. Les savoirs indispensables, les enfants seront dans la nécessité de les acquérir, donc je ne me fait pas de soucis la dessus. Encore que, ne sera-ce pas trop tard quand ils réaliseront quels sont leurs besoins? Je ne sais pas.

        Peut etre en effet l’arithmetique des exponantielles ne fait pas partie de ce bagage « désirable ». La dessus je doute qu’on puisse trancher autrement que par un arbitrage.

        Henri Laborit, dans la nouvelle grille donne une idée des savoirs qu’il estime importants pour la formation du jeune cerveau, justement dans le but de le rendre apte a inclure toujours plus de savoir au lieu de se refermer dans une voie spécifique. Il parle entre autre de la theorie des ensembles, que j’essaye de developper chez mon fils en lui donnant un jeu de construction avec des blocs de differentes taille, forme et couleur. C’est amusant de le voir les classer par couleur, puis par forme, etc… Cela dit c’est plus une gymnastique qu’un véritable savoir.

        Sur le coup des débats publics, je suis d’accord avec vous. Néanmoins il vaut mieux avoir plusieurs cordes a son arc, sans compter que celui qui n’a pas travaille ses exponentielles (ou n’importe quoi d’autre) espère un peu qu’un autre va venir, qui les a travaillé, lui rendre le service de penser a sa place. Il reste dépendant.

        D’un autre cote il est clair que tout le monde ne peut pas travailler tous les domaines, qu’une interdependance est necessaire. Mais est ce au’un socle minimum n’est pas necessaire? Encore une fois, je me garderait bien de fixer ses limites, il faudrait en discuter. Tout en gardant en tete qu’en disant « je pense que le bon citoyen doit au moins maitriser tel ou tel savoir », on commence est pas loin d’imposer ce que doit etre un « bon citoyen », etc…

        Aillant failli perdre mon job au moment du Lehman shock (2008), je me suis beaucoup intéressé depuis a l’economie en autodidacte. C’est vraiment un savoir que je pense indispensable au citoyen, et je voudrait qu’on m’ai colle le nez dedans plus jeune. D’un autre cote on m’aurait sans doute colle le nez sur les classiques et neoclassiques que sur les heterodoxes…

  6. Personnellement, je trouve les quelques gens que je connais sortant des écoles Freinet, Waldorf (http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_Steiner-Waldorf) ou Montessori (http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_Montessori) incroyablement gentil.le.s et créatifs/ives.
    On voit bien que l’esprit de concurrence leur est étranger et qu’illes ont confiance en elleux (en toute simplicité) et dans les autres.
    Je crois assez aux vertus de ces écoles.

  7. Salut !

    J’ai beaucoup aimé le film, il est très intéressant, et ton article lui rend bien justice !

    Ce film est vraiment très riche !

    Par exemple, tu n’as pas parlé du rapport entre le père du personnage principal et ce dernier : on le voit au début du film qui lui serre la main voire lui écrase les doigts en lui disant des choses du style « fais-nous honneur fiston », alors qu’à la fin du film, il n’hésite plus à prendre Bartelby dans ses bras. Le film ne s’appesantit pas là-dessus, mais on dirait qu’il y a aussi l’idée que la compétition scolaire et sociale est quelque chose de «masculin », de « viril » (il faut triompher des autres, se dépasser soi-même pour se faire une place dans la société, bref devenir un « homme »…) à la différence de la coopération entre les individus…

    Bon, le film ne fait pas de façon très explicite un éloge des valeurs considérées comme « féminines » (écoute, attention à l’autre, douceur…) par opposition aux valeurs considérées comme « masculines » (compétition, volonté de triomphe, absence d’émotivité), et n’engage pas du tout une réflexion sur la possibilité de considérer ces valeurs perçues comme « féminines » de façon abstraite et « pure » alors qu’elles sont indissociables de leur subordination aux valeurs considérées comme « masculines » –bref, tous ces problèmes compliqués qui surviennent dès lors qu’on commence à creuser ces questions…

    Mais il lance quand même quelques pistes de réflexion sympas sur ce thème, à travers le personnage du père, et je souhaitais le mentionner aussi !

    Pour le reste, je craignais deux choses.

    Premièrement, que le film nous montre un retournement limite parodique, une sorte de grand Carnaval qui soit tellement caricatural que le prendre au sérieux s’avère totalement impossible.

    Sur ce point, il flirte un peu avec ce risque là mais il s’en sort pas trop trop mal, je trouve, ça aurait pu être bien pire. Mais c’est vrai qu’il y a tout de même deux/trois absurdités, l’absurdité sexiste que tu as mentionné (cours de reluquage de filles en maillot de bain dans la piscine) ainsi qu’un cours de télékinésie pour un type dont la plus grande envie est d’apprendre à faire exploser les objets par la pensée… Mais à part ces 2, 3 aspects casse-pieds (non-crédibles, et faits pour être non-crédibles), le film ne présente pas non plus cette «autre école » comme une grosse blague, et reste donc carrément subversif, et politiquement très jouissif, comme tu l’as bien fait remarquer!

    Deuxièmement, je craignais que ce soit un peu « magique », c’est-à-dire que tout le monde passe en un clin d’oeil d’une société hiérarchisée dans ses moindres détails, organisant la compétition généralisée entre tous et toutes au niveau de la course aux diplômes et aux « savoirs » socialement reconnus, et foncièrement utilitariste (ce qu’illustre l’école de Harmon en gros) à une harmonie éducative où le contenu ainsi que les mode de transmission des savoirs échangés correspondent aux aspirations -démocratiques- de toutes les personnes inscrites à South Harmon.

    Là-dessus, le film se débrouille pas trop mal, comme tu l’as montré, mais je ne peux m’empêcher d’être un peu sceptique quand même, en ce qui me concerne… Je trouve personnellement que tout se passe trop facilement, comme si les étudiant-e-s étaient tous et toutes resté-e-s intact-e-s face à toutes les normes auxquelles illes ont dû se soumettre, et que, confronté-e-s à une situation de libre expression totale, leur nature spontanément égalitaire, leur progressisme immaculé se réveillait et faisait fonctionner l’école… Je trouve que le film occulte, à quelques nuances près, le fait que le système scolaire et la société dans leur fonctionnement actuels tendent à dessécher l’imagination pédagogique et politique des personnes qui tentent d’y résister, et qu’en gros, le simple laisser-faire, dans une société ultra-normée et inégalitaire, a peu de chances de produire immédiatement et spontanément de l’égalité et de la démocratie… (Le recours que le film trouve, pour ne pas se confronter à ce problème, c’est le personnage ultra-ingénieux et charismatique de Bartelby qui fait tout avancer dès que ça bloque… Bon… Ca me semble être un peu une pirouette mais par ailleurs, je ne sais pas comment ça aurait pu ou dû être montré, je te donne juste mes impressions «à chaud ». )

    Merci de nous avoir fait découvrir ce super film en tout cas ! Cela fait plaisir de ne pas voir un film pourri (ou un film simplement critique) sur l’école mais quelque chose qui essaye d’imaginer un peu des possibilités différentes !

    • Merci pour toutes ces idées. Je suis totalement d’accord avec toi sur tous les points que tu soulèves.

      Après, si je pense qu’effectivement le film aurait très facilement pu éviter plein d’écueils (comme le sexisme, le racisme, l’hyper-individualisme ou la tendance, comme tu dis, à en faire parfois un grand carnaval qui laisse la possibilité à certain-e-s spectateurs/trices de se dire que tout ça n’est pas sérieux au fond, que ce n’est qu’un délire de hippies, de skateurs, et de paumé-e-s), je pense qu’arriver à problématiser en même temps toutes les difficultés qu’il y a à monter une telle école quand on est des produits d’un système abrutissant aurait relevé de l’exploit.

      Certes, ça aurait été possible, mais ça aurait peut-être donné un autre film, beaucoup plus sérieux. Un tel film aurait pu être beaucoup plus pertinent politiquement que Accepted, mais il aurait peut-être perdu aussi en force de « percussion » (c’est débile comme terme mais j’arrive pas à le dire autrement). Au sens où le côté utopique du projet et la facilité avec laquelle il se réalise est assez motivant quand on le regarde je trouve. Pour le dire un peu bêtement, ça donne peut-être plus envie de le faire aux spectateurs/trices que si le film avait montré toutes les résistances qui se seraient effectivement opposées à ce genre de projet dans la réalité. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire. Je pense que les deux partis-pris ont leurs avantages et leurs inconvénients à ce niveau (peut-être qu’il y a des films qui arrivent à articuler les deux en ayant du coup le beurre et l’argent du beurre, comme le récent Foxfire, Gang de filles, mais ça reste assez difficile à mon avis).

      Et sinon, ce que tu dis sur la relation entre Bartleby et son père me fait aussi penser à un autre aspect dont je n’ai pas du tout parlé, mais qui me semble très réussi dans le film. C’est tout le début où l’on voit les « refusé-e-s » qui sont confronté-e-s aux adultes (leurs parents et les parents de leur camarades), qui viennent les voir en leur demandant dans quelle université illes sont reçues. Ces scènes ridiculisent bien les adultes qui foutent une pression sociale complètement dingue sur leurs enfants, se faisant ainsi les relais principaux de l’idéologie méritocratique/libérale/élitiste/etc.

      Ces scènes m’ont fait penser aux premières scènes d’un autre film que j’aime beaucoup : Le Lauréat, de Mike Nichols, avec Dustin Hoffman. Le propos n’est pas le même, mais la ridiculisation de la pression sociale qui pèse sur les jeunes adultes est tout aussi jouissive je trouve.

      • Je vois bien ce que tu veux dire, et effectivement, ça se défend bien.

        Il est vrai aussi, bien que je ne l’ai pas dit dans mon commentaire précédent pour ne pas donner l’impression de me contredire de façon trop flagrante :D, que le sentiment que tout fonctionne « trop facilement » est peut-être (aussi) dû à moi-même. Autrement dit, j’ai des difficultés à imaginer qu’une école reposant sur des principes aussi différents puisse être montée (et subsister) d’une façon aussi rapide et dynamique sans trop d’accrochages internes : cela tient aussi très probablement à mon histoire personnelle et à mon parcours scolaire assez terne, et plutôt déprimant pédagogiquement …

        Du coup, une des vertus du film, en surestimant peut-être un peu la facilité avec laquelle se construit une telle initiative, est d’aller à rebours de la tendance spontanée des spectateurs et spectatrices (qui serait de sous-estimer d’emblée la viabilité d’une telle démarche). Et par là même, en tordant un peu le bâton dans l’autre sens, ça donne un film plus entraînant ou « percutant », les spectateurs et spectatrices se disant peut-être plus facilement « pourquoi pas? ». Je n’avais pas vraiment vu les choses comme ça, mais à la réflexion, je suis tout à fait d’accord avec toi.

        A part ça, ce que tu dis sur la pression sociale qui s’exerce sur les étudiant-e-s est en effet parfaitement ridiculisée au début du film, notamment dans cette scène horrible du pique-nique entre toutes les familles qui « s’entre-flattent » au sujet de leurs enfants, pendant que les exclu-e-s se lamentent dans leur coin, ou entendent leurs parents dire (comme le père de Bartelby) « mon fils a décidé de rater complètement sa vie »… C’est une scène vraiment parlante, je trouve, parce que ça touche aussi à quelque chose d’assez « intime » : le sentiment de fierté de s’en être « sorti », le soulagement d’avoir trouvé une place, qui s’accompagnent nécessairement de la conscience du fait que d’autres ne réussissent pas, et que leur échec était d’ailleurs inévitable pour que certain-e-s puissent être fier-e-s de leur réussite…

        Je n’ai pas vu le Lauréat ni Confessions d’un gang de filles, mais ça a l’air super, je vais essayer de les voir !

        Merci de ta réponse et de ces précisions 🙂

  8. Ce film est l’illustration même que derrière les films américains de divertissement, si mals vus en france, il y a parfois de vraies perles et scénarios intelligents. Accepted est au rang de ces films, et je suis heureux que quelqu’un en face une critique aussi intéressante, merci.

  9. Pas surpris des levées de bouclier vues plus haut, surtout venant de personnes ayant pu profiter de ce tremplin.

    Je comptais suggérer le livre de Baker, mais c’est déjà fait, j’y ajouterais « Les apprentissages autonomes » de John Holt, faire des recherches sur les méthodes Freinet bien sûr, mais aussi Steiner, Montessori (dont je parle un peu ici : http://vegeweb.org/l-education-et-son-but-t10937-60.html#p350616) et d’autres, de regarder de chouettes exemples comme le lycée autogéré de Paris, d’oublier un peu « l’enfant » qui cache trop d’individus tout sauf moulés selon cette définition sociale pas plus légitime que « la femme » ni que « l’étranger »…

    Bel article, ça me fait très plaisir de voir ce sujet délicat et oh combien primordial (autant que tabou -ou peu s’en faut-) abordé ici. 🙂

    • Merci beaucoup pour m’avoir fait découvrir ce John Holt. J’ai lu une bonne partie du livre que vous citez, et j’ai trouvé ça vraiment très intéressant. J’ai particulièrement apprécié tout le premier chapitre, qui est uniquement basé sur des observations concrètes et ne part jamais dans de la théorie (potentiellement déconnectée de la réalité et donc potentiellement fumeuse). En plus, tout ce qu’il dit est vraiment facilement observable par toute personne qui est en relation avec des enfants. Donc, encore une fois, merci beaucoup pour le conseil. Je vais continuer à le lire et à réfléchir à toutes ses idées.

  10. Bonjour,

    J’ai vu le film sur vos conseils et c’est vrai qu’il se distingue par sa réflexion. Dans un tout autre registre et sur le même thème, on peut voir En rachâchant de Straub/Huillet.
    http://www.youtube.com/watch?v=-VKlaNGcaHk

    Un livre dans la lignée de Rancière et que je n’ai pas vu cité ici m’a beaucoup impressionné : Inévitablement (après l’école) qu’on peut lire ici : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4353

  11. Bonjour,

    Tout d’abord je précise que je ne suis pas représentatifs des gens qui sont passés par l’école française : j’ai toujours été bon dans toutes les matières, littéraires comme scientifiques, je suis passé par les classes préparatoires scientifiques et j’ai ensuite intégré une école d’ingénieur plutôt réputée.

    En ce qui concerne la pédagogie je me base sur mon expérience d’animateur « Main à la pâte » en primaire, sur mon expérience de professeur particulier auprès d’élèves en difficulté et sur ma lecture de l’excellent « Chagrin d’école » de Daniel Pennac.

    Je suis d’accord sur le fait que l’idéal d’éducation serait de guider l’enfant dans les domaines qui l’intéressent et de lui fournir les pistes pour qu’il puisse se débrouiller en autonomie. J’ai eu cette chance : mes parents m’ont offert « la fête des petits matheux » et « les petits débrouillards » quand j’étais en primaire, j’ai lu d’excellentes revues adaptées à mon âge quand j’étais au collège (Sciences et Vie Junior pour ne pas la nommer) ce qui m’a par exemple donné une culture historique bien meilleure que celle apportée à l’école (un numéro spécial sur l’Empire romain dépasse largement le cours de 6° ^^), j’ai appris assez tôt à jouer aux échecs et au go, ce qui m’a aussi aidé à améliorer mes capacités de concentration.

    Au final j’ai pu développer seul des connaissances (j’ai démontré seul à l’âge de 9 – 10 ans que la somme de deux impairs est paire par exemple). Et du coup je me suis pas mal ennuyé au collège (moins au lycée).

    Mais si mes parents ne m’avaient pas fourni ces briques de base (et rares sont ceux qui le font aussi bien) je n’aurai pas pu développer seul ces connaissances et j’aurais bien dû me rabattre sur l’école. C’est peut-être pas génial mais ça au moins on peut l’assurer à tous les enfants. Et puis il y a des domaines où je dois beaucoup au coté « faire rentrer plein de connaissances dans la tête de l’élève ».

    J’ai mangé pas mal de grammaire allemande et italienne de façon intensive à l’adolescence, mais maintenant je peux lire Stefan Zweig ou Umberto Eco dans le texte et discuter facilement avec un natif alors que je n’ai jamais été vraiment en contact avec ces pays avant.

    Et puis je pense qu’il y a vraiment besoin d’un socle commun de connaissances que seule l’école peut espérer garantir (mais ce n’est pas encore vraiment le cas aujourd’hui…). Par exemple je peux expliquer le vote par internet (fonctionnement, avantages, inconvénients, situation dans lesquelles c’est une très bonne idée, situation dans lesquelles ce n’est pas du tout une bonne idée…) à un individu qui connait un peu les logarithmes, la logique de base, l’arithmétique et le déroulement normal d’un scrutin. C’est-à-dire à un élève de terminale scientifique de spécialité mathématique. Pourtant ça pourrait intéresser les littéraires.

    A mon avis cette absence de socle commun (qui se limite pour tout ce qui est technique au niveau bac S que ce soit pour les OGM, le vote électronique ou la climatologie) est la cause de la toute-puissance des experts. Même avec la meilleure volonté du monde on ne peut expliquer ces enjeux convenablement (pour le vote électronique cela ne demanderait que deux bonnes heures par exemple) qu’à 30% des nouveaux citoyens alors pourquoi s’embêter ? (ceci dit il y a des médias pas mal qui le font, pour les questions ayant trait à l’informatique en général je conseillerais par exemple le site interstices : http://interstices.info/jcms/jalios_5127/accueil)

    En résumé, mon opinion est qu’il faudrait former les parents à donner à leur enfant les clés pour avancer quand ils sont petits. Mais que tant que ce n’est pas fait, seule l’école peut espérer donner à tous un socle minimal à tous. Et je pense que ce socle est absolument nécessaire pour éviter certaines dérives de notre société.

    • Sans remettre en question ce témoignage, je suis toujours un peu gêné d’entendre parler de « socle commun » éducatif. Je ne vois pas en quoi c’est si primordial, hors mis dans une société ultra normée évidemment.

      Quant à l’histoire avec un grand « h », qu’arrive-t-il à celleux qui se rendent un jour compte que cette histoire est toujours et surtout écrite (ou réécrite) par les vainqueurs…

      Comme le dit très bien Soro Solo, il n’existe pas « une » vérité, mais les vérités de chacun mises en commun nous font aller vers « la » vérité.

      https://www.youtube.com/watch?v=gRoJuLHmYBQ

      Ce que cet homme témoigne de son enfance, n’oublions pas que nos grand parents ont vécu exactement la même chose en france.

      • L’Histoire est écrite par les vainqueurs certes, il n’empêche qu’il y a pas mal d’historiens qui travaillent à mettre à l’épreuve cette histoire officielle. Mais si vous vous attaquez à « Histoire populaire des sciences » de Clifford Conner sans connaître un minimum l’histoire officielle, vous risquez d’avoir quelques difficultés.

        Et puis le socle commun éducatif est à mon avis essentiel pour comprendre les débats de société actuels. Par exemple le débat sur les OGM est gangréné par le fait que personne n’arrive à mettre en évidence leur innocuité ou leur dangerosité. Du coup les gens qui n’ont pas de connaissances en biologie ou en statistiques s’enferrent dans des pseudo-débats sans fin et oublient l’essentiel : que les OGM sont avant tout une aberration agronomique qui n’apporte rien et nuit aux paysans (et au final leur vérité est totalement ignorée…).

        A mon avis la possession par l’ensemble de la population de connaissances techniques communes (et je demande le niveau bac S, pas la lune…) permettrait d’avancer plus sereinement sur les choses essentielles. Après pour le mode d’apprentissage il y a beaucoup à expérimenter.

        • Coucou,

          Pour vous alors, la raison pour laquelle les OGM existeraient et continueraient d’exister, ça serait parce que « les gens qui n’ont pas de connaissances en biologie ou en statistiques s’enferrent dans des pseudo-débats sans fin et oublient l’essentiel »? Vous pensez que les entreprises et les intérêts puissants qui continuent de développer les OGM n’ont pas les moyens de comprendre les répercussions à court, moyen ou long terme des OGM (ou, comme vous dites, un niveau de bac S)?
          Personnellement je le doute très fort. Je pense surtout qu’illes n’en ont juste simplement pas envie de prendre ça en compte parce qu’illes s’en foutent de ces considérations-là, préférant penser à leur actionnaires et aux bénéfices du prochain trimestre.
          Je pense que c’est assez douteux de penser que les raisons derrières des horreurs comme les OGM ça serait que « les gens comprennent pas, faut juste leur expliquer ». Ça me fait penser à un livre de Chomsky où il expliquait que les campagnes pour le désarmement nucléaire (aux Etats-Unis) avaient réussi (dansles années 70 je crois) à mettre d’accord 75% de la population que les armes nucléaires étaient dangereuses (et à mon avis faut pas un niveau bac S pour comprendre ça, loin de là), et qu’il faudrait commencer à désarmer. Ensuite, de ce que j’en comprend, le mouvement s’est quelque peu scindé parce qu’une bonne partie d’entre elleux voulaient aller « expliquer aux élites, celleux qui on le pouvoir » que les armes nucléaires sont dangereuses et qu’il faudrait désarmer. Seulement les élites savaient (et savent toujours) pertinemment que les armes nucléaires sont dangereuses, c’est bien pour ça qu’illes les aiment car elles leur donnent une position de pouvoir géopolitique horrible. Alors l’idée que c’est juste en « leur expliquant bien pour qu’illes comprennent », comme si forcement tout le monde était de bonne foi et voulait juste avancer vers le bien commun, que l’on va arrêter des saloperies comme les OGM ou les armes nucléaires ou n’importe quoi d’autre, je trouve ça un brin irréaliste, et assez contre-productif politiquement.
          Je trouve aussi que peut-être derrière ça (alors je sais pas si c’est votre cas, je n’essaye pas de vous attaquez personnellement), se cache l’idée que la valeur d’une idée se résumerait à (ou serait fortement dépendant de) son niveau de maitrise d’une connaissance technique associée. En d’autres termes (plus brutales), les gens qui ont le droit à une opinion sont les gens qui « savent des choses ».
          J’ai énormément de mal avec cette idée parce que (pour prendre un exemple parmi d’autres) très souvent, dans l’histoire de la lutte des classes (économiques), l’ont a utilisé (et l’on utilise toujours) cet argument pour discréditer les luttes des travailleuses/eurs (les luttes pour la journée de 8h, pour le droit à la grève, pour des vacances payées etc.), les renvoyant à leur « ignorance » de « comment ça marche l’économie », « comment ça marche une entreprise », et expliquer en quoi ces personnes étaient/sont totalement irresponsables/idiotes/dangereuses etc. parce qu’illes leur manqueraient les connaissances techniques nécessaires. Et aux économistes et aux experts d’entreprises de tout bord de sortir leur charabia incompréhensible (et, en tout cas pour moi, souvent volontairement incompréhensible) pour bien faire comprendre que c’est à « celleux (enfin, surtout ceux, j’ai l’impression, mais passons) qui savent » de prendre les décisions et de gérer les choses.

          Pour moi, en gros, l’opinion d’un-e ouvrier-e sur les conditions de son travail (et de ceux des autres ouvrier-e-s aura TOUJOURS plus de valeur que l’opinion d’un-e patron, simplement parce que les vécus ne sont pas les mêmes, les enjeux matériels derrières ne sont pas les mêmes, et donc les intérêts investi dans l’opinion ne sont pas les mêmes.
          Autrement dit, vu que c’est l’ouvrier-e qui fait le boulot, c’est à ellui de définir les conditions de son travail (ou elleux si illes sont plusieurs à partager le même travail).

          Pour ce qui est du socle commun, personnellement je trouve que vous soulevez une question intéressante, et j’essayerais de réfléchir un peu plus à ça et de baragouiner quelque chose la prochaine fois :-).
          Mon intuition c’est que si l’on veut réfléchir à un « socle commun », il est plus important de réfléchir en terme de valeurs qu’en termes de connaissances techniques, mais j’ai pas vraiment plus réfléchi que ça alors j’arrête ici.

          Merci d’avoir soulever cette question, qui je pense est une question très intéressante lorsque l’on réfléchi à l’éducation 🙂

          • fourbe choriste

            @Liam
            Vous ne m’avez pas compris je crois :-).
            Je n’ai aucun doute quant au fait que Monsanto vise le profit sans s’intéresser aux répercussions. Le problème des OGM (contrairement à l’arme nucléaire) c’est que son action sur la santé n’a rien d’évident ni dans un sens ni dans l’autre et ce fait est exploité par les firmes comme Monsanto pour semer le doute dans l’esprit des gens (en effet pour savoir si une étude penchant dans un sens ou dans l’autre a de la valeur il faut des connaissances en statistiques).

            Du coup les gens doutent sur un sujet secondaire et oublient la parole des paysans qui se rendent compte qu’ils sont poussés à la faillite par les OGM (surtout dans les pays en développement), et celle des habitants des pays pauvres qui n’ont pas les moyens de se payer cette nourriture. Je ne voulais pas du tout mépriser ceux qui n’ont pas fait d’études et je m’excuse si je me suis mal exprimé.

            En résumé l’absence de connaissances technique couplée avec le fait qu’on a naturellement tendance à se focaliser sur ce qu’on ne comprend pas par rapport à ce qu’on connaît fait que selon moi on a des aberrations comme les OGM qui peuvent se développer sans peine.

          • Bonjour fourbe choriste,

            Je suis tout à fait d’accord avec V3nom et Liam. Cette idée selon laquelle « certaines dérives de notre société » pourraient être évitées si tout le monde avait des connaissances équivalentes au niveau Bac S me laisse vraiment dubitatif. Et je crois que c’est même l’idée de penser un « socle commun » en termes de contenu de connaissance qui me dérange.

            J’ai l’impression que ce genre d’expression conduit encore à se focaliser sur les savoirs plutôt que sur les rapports que les individus entretiennent avec les savoirs. Et s’il y a une raison aujourd’hui à mon avis de la « toute-puissance des experts » comme vous dites, elle est plutôt à chercher dans le rapport de vénération qu’on a envers la Science toute puissante et soi-disant détentrice de La Vérité. Et j’ai pas l’impression qu’un bac S pour tout le monde change ça, bien au contraire… Car est-ce qu’on nous apprendre en S à avoir un recul critique sur les choses qu’on apprend en matières scientifiques ? Je ne crois pas. On nous apprend des lois et des théories comme si elles étaient La Vérité Absolue.

            Du coup, je trouve la suggestion de Liam de penser un « socle commun » en termes de valeurs plutôt qu’en termes de connaissances techniques assez intéressante. Au début l’idée m’a fait un peu peur car ça a évoqué dans ma tête une sorte de cours de morale qui imposerait à tous les enfants de penser d’une certaine manière, et donc un truc qui connote dans mon esprit une ambiance « régime totalitaire ». Mais après je me suis dit que c’était débile, parce que ça présuppose que seuls certains types d’écoles enseignent des valeurs, et que la merveilleuse école républicaine-laïque-etc. au contraire laisse tous les élèves avoir les convictions qu’illes veulent, etc. Ce qui est faux, puisque, notre école enseigne à longueur de journée l’hétéronomie, la soumission à l’autorité, l’esprit de compétition contre l’esprit de coopération, etc.

            Par conséquent, vu que tout mode de fonctionnement de l’école est déjà politique, la question est juste : quel fonctionnement on choisit ? et donc indirectement : quelles valeurs on veut promouvoir avant tout ? La compétition ou la coopération et la solidarité ? La soumission à l’autorité (qu’elle soit politique ou scientifique) ou l’autonomie ? etc.

            Pour revenir à votre exemple des OGM. J’ai l’impression que ce n’est pas parce que les dangers de ceux-ci sont plus difficiles à comprendre ou à voir que ceux du nucléaire qu’ils existent encore. Mais uniquement pour des raisons politiques, à savoir que les gens aujourd’hui dans notre société n’ont absolument aucun pouvoir politique. Si ce n’était pas une poignée de puissants (intéressés économiquement) qui décidaient de la production et de la commercialisation des OGM mais le peuple, dont les considérations seraient avant tout « est-ce que c’est nocif ou pas ? ». Je pense qu’il y aurait déjà plus de chance que ce problème disparaisse.

            Or le peuple n’a aucun pouvoir aujourd’hui, et cela semble pour beaucoup une situation « normale », voire « souhaitable ». A mon avis, ce genre d’idée/habitude nous vient en grande partie de l’école, où on nous a habitué-e-s pendant toute notre enfance/adolescence à l’hétéronomie. Je me dis que si tous les gens étaient passés par une école où ils avaient choisi collectivement les règles de vie de la classe en assemblée, réglé les problèmes interpersonnels aussi collectivement en assemblée, choisi les choses qu’ils avaient envie d’apprendre, à partir de problèmes concrets qu’illes se posaient elleux, confronté ces idées avec celles des autres, etc. etc. etc., et bien peut-être que ça les ferait un peu plus chier qu’on leur dise tout à coup : « bon ben maintenant vous décidez plus, mais vous allez choisir des gens qui vont décider à votre place » ou « y en a qui savent mieux que vous ce qui est nocif/dangereux ou pas », et « concentrez-vous juste sur votre travail et votre vie privée, le reste on s’en occupe ».

            Je me dis que le premier truc à faire c’est pas d’apprendre quoi que ce soit aux gens (car en plus, comme le dit Liam, ce genre d’idées me semble très douteuses politiquement), mais plutôt de leur donner le pouvoir politique. Et ça, ça commence à l’école.

            Je vais un peu vite pour ne pas en tartiner des pages, mais est-ce que vous voyez à peu près ce que je veux dire ?

            PS : et j’ai l’impression que vous avez aussi peur que, dans une pédagogie « alternative » où l’on partirait des désirs des élèves, celleux-ci risquaient ne pas posséder certaines connaissances de base. Mais les enseignants Freinet constatent tou-te-s que lorsqu’on part des désirs des élèves, on aborde non seulement tout le programme, mais on va même beaucoup plus loin. Donc à mon avis, il n’y a pas trop à avoir peur des connaissances de bases qu’on apprend en primaire par exemple. Après, en ce qui concerne ce qu’on apprend en bac S par exemple, je pense que de partir des désirs des élèves éviterait pour une grande partie de perdre leur temps avec des connaissances inutiles. Car je ne vois pas ce que l’on peut décréter « connaissance indispensable en soi » dans ce programme (par contre, des connaissances profondément inutiles j’en vois plein :-))

          • « Autrement dit, vu que c’est l’ouvrier-e qui fait le boulot, c’est à ellui de définir les conditions de son travail (ou elleux si illes sont plusieurs à partager le même travail). »

            Compte tenu du fait que l’ouvrier n’a ni pondu les idées qui ont donné naissance à l’entreprise, ni payé les moyens de production pour la faire tourner, ce serait gonflé qu’il décide unilatéralement.

            Je vois bien que ce que @fourbe choriste veut dire sur le socle commun et ses avantages mais le problème est de savoir qui le définit ? Pour mettre quoi dedans ?

            Ca me rappelle un peu ce débat sur la morale à l’école. Honnêtement, entre les valeurs de droite(le citoyen serviteur de la patrie, l’individu s’épanouissant dans le travail, regardez comme l’Occident est grand et fort et admirez-le…) et celles de gauche(la domination c’est pô bien, la diversité nous enrichit, des calins et des impôts pour tous…), j’ai du mal à savoir laquelle vomir en premier.

  12. Je double mon commentaire, on ne peut pas éditer.

    Qu’entendez-vous Paul par « On nous apprend des lois et des théories comme si elles étaient La Vérité Absolue. » ?

    J’ai envie de dire : euh…ouais 🙂

    • Ce que j’entends par là, c’est que l’enseignement des matières scientifiques n’est accompagné d’absolument aucune réflexion sur les sciences. On apprend juste des contenus (des théorèmes, des lois, des théories, etc.) comme si c’était La Vérité absolue, le dernier mot sur l’Univers. On apprend la science de manière dogmatique, dans un esprit qui est précisément à l’opposé de ce qu’on appelle « l’esprit scientifique » (c’est-à-dire l’esprit qui anime le travail réel des savant-e-s). Pour le dire de manière un peu provocatrice (et idiote en un certain sens) : pour moi, on apprend la science comme une religion.

      Déjà, on déshistoricise totalement les sciences, alors que ce qui est appelé aujourd’hui « la science » n’a rien à voir avec, par exemple, ce que les Grecs appelaient ainsi. Or, peut-être que de prendre un peu conscience que « la science » est en perpétuelle évolution amènerait à moins prendre les théories d’aujourd’hui pour La Vérité Absolue.

      L’idée spontanée qui se dégageait dans mon esprit pendant les cours de science en lycée, c’était qu’on était en train de m’expliquer qu’est-ce qui existait réellement, qu’on était juste en train de me décrire la réalité. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on ne m’a jamais fait prendre conscience que ce que j’apprenais était juste des théories, et qu’il y avait dans la science une immense part de construction. Je veux dire par là que le travail des scientifiques ne consiste pas juste à remarquer des choses que d’autres n’avaient pas remarqué (parce qu’ils auraient par exemple des outils plus puissants pour observer le monde que leurs prédécesseur-e-s). Au contraire, les scientifiques élaborent des théories, qui ne sont que des théories possibles sur le monde, et pas La Vérité en soi (que l’on viendrait finalement de découvrir là, aux 20èmes et 21èmes siècles).

      Autre point qui est lié à cela : on dépolitise totalement la science. Du coup, on laisse croire que la science serait comme en dehors des contingences de la société, qu’elle appartiendrait à une sphère autonome et détachée de la société et de ses rapports de dominations par exemple. Or il suffit là encore de faire un peu d’histoire politique des sciences pour se rendre compte que cette image de la science que certain-e-s essaient de promouvoir est une vaste mystification. On peut prendre comme exemple toutes les théories racistes qui ont, il n’y a pas si longtemps, été considérées comme de « la science ». Ou encore aujourd’hui les théories « scientifiques » de la dualité des sexes, qui sont tout aussi imprégnées d’éléments « extra-scientifiques » que les théories racistes à propos desquelles tout le monde scientifique (ou presque) s’accorde aujourd’hui à dire qu’elles ne sont pas « scientifiques ».

      Je trouve aussi dommage que l’on déconnecte totalement l’enseignement de la science de l’actualité de la science, de la science en train de se faire. Il me semble qu’on apprend par exemple en physique au lycée les théories de Newton qui datent du 17ème, alors qu’il s’est passé quand même quelques trucs depuis, et qu’il s’en passe constamment. Du coup, j’ai l’impression qu’on choisit à chaque fois un état de la science à un certain moment, et qu’on l’enseigne comme La Vérité. Du coup on fige totalement la science. Elle devient juste un ensemble de lois, de connaissances, complètement hors du temps.

      Je m’arrête là, même s’il y aurait beaucoup plus à dire. Pour essayer de résumer (et pour le dire de manière un peu brutale), ce qui me gêne avec ce type d’enseignement de la science, c’est qu’il contribue à mon avis au scientisme. Il ne conduit à aucun recul critique sur les savoirs labellisés « science » (ce qui est un peu embêtant lorsque ceux-ci ont des implications politiques très concrètes, comme les théories racistes ou la théorie de la dualité des sexes). Il donne une idée fausse de ce que sont réellement les sciences dans notre société, de comment elles produisent leurs « vérités », etc. En plus de rendre les sciences beaucoup moins passionnantes que ce qu’elles sont en réalité, il a donc des implications politiques vraiment nauséabondes de mon point de vue.

      • « Ce que j’entends par là, c’est que l’enseignement des matières scientifiques n’est accompagné d’absolument aucune réflexion sur les sciences. »

        Je suis pas d’accord avec vous. Dans une matière scientifique, quand un professeur entre dans le champ de l’incertain, ce qui est rare mais peut arriver, il précise aux élèves que l’on parle de modèles théoriques et qu’il reste des points obscurs pour la recherche (Un exemple actuel : l’évolution de l’homme a-t-elle une origine locale ou multirégionale ? / Un exemple passé : l’univers est-il en expansion ?). Par ailleurs, plus on avance dans les études scientifiques, plus on comprend l’étendue de notre ignorance et plus on nous demande un esprit critique (Un exemple : l’énergie noire qui composerait les trois-quarts de notre univers). Les cours d’épistémologie dans le programme de philosophie de terminale et ceux dispensés dans les universités et les grandes écoles, couplés avec des cours en histoire des sciences, participent à cette prise de conscience.

        Si l’on n’aborde pas toujours ces questions en primaire, collège et lycée, c’est parce que les savoirs sont simples et parce qu’ils ont été établis comme une Vérité Absolue parfois… depuis la Grèce Antique 🙂 (un exemple : les premiers postulats de la géométrie euclidienne) L’erreur que vous faites est de penser que c’est la science que l’on apprend en primaire, collège et lycée qui pourrait, un jour, être remise en cause dans ses fondements.

        Des exemples :
        – La relation entre les côtés d’un triangle rectangle sera toujours a² + b² = c².
        – La réaction de deux molécules de dihydrogène avec une molécule de dioxygène sera toujours 2 H2 + O2 => 2 H2O
        – La sensation de plaisir procurée par la marijuana sera toujours la conséquence de son action sur les récepteurs cannabinoïdes.

        Ce ne sont pas des théories. Les débats scientifiques, avec son lot de théories, ne se placent pas à ce niveau là.

        « Ce que je veux dire par là, c’est qu’on ne m’a jamais fait prendre conscience que ce que j’apprenais était juste des théories. »

        Des exemples ? (enseignés aujourd’hui au primaire, collège, lycée)

        « Au contraire, les scientifiques élaborent des théories, qui ne sont que des théories possibles sur le monde, et pas La Vérité en soi (que l’on viendrait finalement de découvrir là, aux 20èmes et 21èmes siècles). »

        L’histoire des sciences n’est pas qu’une succession de théories. C’est surtout un gigantesque travail de débroussaillage vers la Vérité Absolue où les Modernes viennent au secours des Anciens (un exemple : Dalton après Démocrite, Rutherford après Dalton, Bohr après Rutherford ; des dizaines de manuels expliquent et illustrent ces évolutions dans la modélisation de l’atome) . Les XXe et XXIe siècles aidant sans commune mesure à l’aide de leurs méthodes rigoureuses et de leurs outils d’observation et d’analyse surpuissants.

        « Du coup, on laisse croire que la science serait comme en dehors des contingences de la société, qu’elle appartiendrait à une sphère autonome et détachée de la société et de ses rapports de dominations par exemple. »

        Des exemples ? (enseignés aujourd’hui au primaire, collège, lycée)

        « Il me semble qu’on apprend par exemple en physique au lycée les théories de Newton qui datent du 17ème, alors qu’il s’est passé quand même quelques trucs depuis, et qu’il s’en passe constamment. »

        Les théories de Newton enseignées au lycée ne sont plus des théories mais des lois. Aujourd’hui, F est toujours égal à G*(M1M2)/d². Ce qui a changé depuis le XVIIe pour les élèves, c’est qu’on a réussi à affiner la valeur de G et qu’on y ajoute les travaux d’Einstein dans d’autres secteurs de recherche. Pour un lycéen, cela ne change rien.

        Je comprends vos inquiétudes Paul et vos doutes sur les méthodes. Toutefois je vous assure qu’il n’y a aucun problème du côté du contenu des sciences.

        • Je pense pouvoir préciser ce que je comprends de l’opinion de Paul Rigouste sur certains points mais je suis fondamentalement d’accord avec Mxi.

          Il est incontestable que la plupart des élèves de terminale n’ont aucune idée de l’origine des connaissances qu’ils apprennent : prenez un bachelier S au hasard et demandez-lui de citer une manifestation concrète de la théorie de l’évolution (j’entends par là un élément qui corrobore le modèle évolutionniste actuellement en vigueur), vous risquez fort de ne pas obtenir de réponse satisfaisante. Pourtant si vous lisez le cours de cet élève je vous parie que certains exemples y sont (drépanocytose et phalène du bouleau en général). Ce sont d’ailleurs des exemples relativement récents (deuxième moitié du XX° siècle en tout cas).

          Demandez au même élève qui était Fermat, il ne répondra probablement pas. Cherchez parmi tous les manuels de maths qu’il a utilisés, vous en trouverez au moins deux ou trois qui contiennent une biographie de lui, un bref résumé de
          ses travaux et la date de la démonstration de son Dernier Théorème.

          Demandez-lui de quand date la première estimation quantitative intéressante de la vitesse de la lumière et comment elle a été obtenue : probablement pas de réponse. Regardez les exercices de son manuel de seconde, il y en a un sur la méthode de Römer (début du XVII° siècle, en utilisant les éclipses d’un satellite de Jupiter).

          Je pourrais multiplier les exemples (mais un pour les trois matières majeures de la filière S, c’est déjà pas mal 🙂 ).

          Qu’en conclure ? A mon avis :
          1°) que les efforts sont faits par la plupart des concepteurs de manuels et des professeurs pour faire connaître le cadre historique et épistémologique des sciences.
          2°) que ces efforts n’atteignent pas l’immense majorité des élèves.

          Après quant aux conclusions à en tirer je vous laisse juge. La mienne est que Paul Rigouste a tendance à surestimer la capacité des élèves à s’intéresser au coté culturel des sciences. Ceux-ci se concentrent (avec fort peu de succès d’ailleurs pour la plupart d’entre eux) sur le coté « nez dans les calculs sur des problèmes de décharge de condensateur » (fort peu passionnant il faut bien l’avouer).

          • @ Mxi

            J’ai l’impression que vous n’avez pas bien compris ce qui me gêne dans l’enseignement des sciences aujourd’hui. Comme j’ai essayé de l’expliquer dans mon commentaire précédent, ce que je critique ici, ce ne sont pas les « contenus des sciences » comme vous dites, mais la manière de les enseigner. (déshistoricisation, dépolitisation, déconnexion de la science en train de se faire aujourd’hui, etc.).

            Vous me demandez, je cite, « des exemples (enseignés aujourd’hui au primaire, collège, lycée) » de choses qu’on ne m’a jamais apprises ou jamais fait prendre conscience en cours de science. Mais comment voulez-vous que je vous donne des exemples de trucs qui n’ont pas existé dans l’enseignement que j’ai reçu ! Par définition, il n’y a pas d’exemple ! Et c’est bien le problème.

            Encore une fois, comme je l’ai expliqué dans le commentaire précédent, j’aurais aimé qu’on historicise toutes les connaissances qu’on m’a enseigné, qu’on me fasse réfléchir sur comment elles ont été produites, sur leur statut de « vérités au-dessus de toutes les autres vérités » qui est souvent implicitement affirmé dans ce genre de cours, sur tous les éléments « extra-scientifiques » qu’elles contiennent, sur le lien avec la science d’aujourd’hui, etc.

            Du coup, les seuls types d’exemples que je peux vous donner, c’est quand on m’a fait du martelage dans le sens inverse, puisque des exemples positifs, il n’y en a pas eu un seul (sauf un peu en cours de philo effectivement, mais personnellement, et contrairement à vous, 16h de philo des sciences (et je suis gentil…) en terminale, je trouve que ça ne pèse pas très lourd par rapport à toutes les heures de sciences sans réflexion qu’on nous impose dans toute notre scolarité).

            Un exemple donc de martelage inverse qui m’a particulièrement marqué : lorsque mon prof de biologie de terminale a strictement interdit d’employer tout vocabulaire ayant une connotation finaliste, parce que selon lui ce n’était pas « de la science », vu que la science n’explique uniquement le monde qu’en terme de mécanisme. Voilà quelque chose que je trouve 1/ à l’opposé de l’esprit scientifique (puisque la finalité des organes, des comportements, etc. fait partie intégrante du raisonnement des biologistes), 2/ politiquement très dangereux. Difficile d’expliquer tout ce que ce genre d’idéologie peut avoir de néfaste, donc je ne prendrais qu’un exemple : l’étude des animaux et de leur comportement. A tout étudier en terme de mécanisme, on conçoit les animaux semblables à des machines, et on nie du coup totalement qu’ils puissent avoir par exemple quelque chose comme des intentions, ou une subjectivité. A partir de là, si les animaux sont juste un peu plus complexe qu’un rocher ou une plante, pourquoi leur prêter une quelconque considération ? Et pourquoi pas les manger, les utiliser pour faire des expériences scientifiques (tiens, revoilà une science qui est peut-être un peu politique), les exploiter, etc. ? Dans le même esprit, des profs de philo (dont la mienne) expliquent bien qu’à la différence de l’Homme ( « les femmes » on se demande du coup…), les animaux, eux, n’ont pas de conscience (ou autres fadaises anthropocentrées du genre « les animaux n’ont pas de langage »). Donc, quand mon prof de biologie me dit que la science la vraie, elle explique mécaniquement et puis c’est tout, il dissimule un enjeu politique central intrinsèque à la biologie et qui déborde la biologie. Et qui fait donc que la biologie est traversée de politique.

            D’autres choses me gênent dans votre discours, comme l’idée que certaines connaissances ne sont plus, à partir d’un certain moment, des « théories » mais deviennent des « lois ». J’ai l’impression que vous pensez qu’un beau jour la science est arrivée (dans son « gigantesque travail de débroussaillage vers la Vérité Absolue ») à enfin atteindre la réalité, l’unique. Comme si les scientifiques d’avant (mais étaient-ce alors vraiment des scientifiques ?) ne faisaient qu’avancer des « théories », et que maintenant au contraire on possède les « lois » du monde, c’est-à-dire la vérité vraie. Vous auriez vécu au 18ème vous auriez sûrement soutenu la même chose, et pourtant, votre moi du futur aurait considéré a posteriori toutes vos « lois » comme de simples « théories ».

            Or, pour moi, la science c’est juste des théories. Comme dit Liam plus haut (ou plus bas je sais plus :-)), ce sont juste des théories qui permettent de prévoir des événements et d’agir dans une certaine mesure sur le monde. C’est sûr que c’est super. Mais de là à faire de ces théories les lois décrivant l’essence de la réalité, des vérités supérieures à toutes les autres qui nous mèneraient vers « la Vérité Absolue », il y a à mon avis un grand pas que je ne suis personnellement pas près de franchir. Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ?

            @ fourbe choriste

            Je pense que je ne « surestime » personne. Si les élèves « ne se concentrent (avec fort peu de succès d’ailleurs pour la plupart d’entre eux) que sur le côté nez dans les calculs sur des problèmes de décharge de condensateur » et ne s’intéressent pas au « côté culturel des sciences » comme vous dites, ce n’est pas parce qu’illes sont bêtes, c’est parce que l’école ne leur demande que ça.

  13. @Paul Rigouste
    Je suis d’accord avec vous sur certains points.

    1°) Actuellement l’enseignement en lycée (et avant aussi) n’est pas spécialement conçu pour que les élèves apprennent à utiliser leur savoir en dehors de l’école. J’ai eu un enseignant de biologie en Terminale qui a essayé d’ouvrir l’esprit des jeunes sur autre chose que le programme et il n’a pas vraiment réussi (ou alors seulement avec quelques uns, auxquels il a par exemple fait lire les articles de Mendel et Wallace pour illustrer les freins que rencontrent les nouvelles idées pour peu que leur découvreur ne soit pas connu académiquement). Trouver un autre modèle d’école pour transmettre les connaissances est un projet important et je soutiens ceux qui s’y attellent.

    2°) Il n’y a pas que le bac S dans la vie, je le prenais comme exemple parce que c’est celui sur lequel j’ai le plus de recul mais il est bien évident que les autres filières sont importantes aussi. Je ne pense donc pas que le bac S suffit pour éliminer tous les problèmes du monde.

    3°) Effectivement il est problématique d’observer une certaine soumission à l’autorité à l’école. Encore que cette soumission n’est pas totale (il m’est arrivé de m’opposer publiquement à ma prof principale, mais mon statut de premier de la classe incontesté aidait à faire passer pas mal de choses…)

    Par contre je ne peux pas vous suivre sur plusieurs de vos points.
    1°) Il n’y a pas de connaissances « profondément inutiles ». Il y a certes des connaissances qui ne nous servent pas dans la vie (savoir que l’Europe a été ensanglantée par une guerre terrible entre 1914 et 1918 par exemple) mais ce n’est pas pour autant « inutile ». Idem pour le fonctionnement du système immunitaire du corps humain. Il y a aussi des connaissances qui vous semblent certainement inutiles dans l’absolu comme la notion de produit scalaire, et pourtant vous l’utilisez tous les jours lorsque vous écoutez un fichier MP3 (avec des séries de Fourier aussi…). Je ne connais par exemple aucun point du programme de mathématiques de lycée qui soit inutile.

    2°) Le problème d’un socle de valeurs plutôt que de techniques (aussi bien scientifiques qu’économiques ou littéraires d’ailleurs) c’est que pour appliquer des valeurs à un cas pratique, il faut arriver à bien se représenter le dit cas pratique. Comment voulez-vous vous représenter le vote électronique, l’agriculture intensive, la politique énergétique, les risques naturels ou l’informatisation croissante de la vie quotidienne sans un minimum de connaissances techniques? Comment pouvez-vous appliquer des valeurs quelles qu’elles soient sur un sujet pour lequel vous êtes obligés de vous fier à l’opinion d’expert (qu’ils soient pour ou contre d’ailleurs) ? C’est la raison pour laquelle j’affirme qu’un minimum de connaissances techniques, géopolitiques et économiques sont nécessaires. Je suis tout à fait ouvert sur la manière de les enseigner cependant.

    3°) Je ne doute pas qu’un bon enseignant ayant réfléchi à une pédagogie alternative qui lui conviennent puisse obtenir des résultats meilleurs que ceux d’un professeur déroulant toujours la même méthode sans trop réfléchir, mais je doute qu’il y ait assez de tels enseignants et je pense qu’un mauvais enseignant appliquant une pédagogie alternative sera moins bon que s’il appliquait la méthode traditionnelle. Je suis aussi d’accord sur le fait qu’un enseignant capable de ne pas faire preuve d’autoritarisme est meilleur qu’un autre qui n’en serait pas capable, mais je pense aussi qu’ils sont peu à avoir assez de charisme pour cela (mais il est vrai que mes meilleurs professeurs avaient cette qualité).

    En résumé, ma position rejoint presque la votre en ce qui concerne les méthodes d’enseignement idéales. Je soutiens totalement des initiatives comme le Concours Kangourou des Mathématiques qui promeut de la primaire à la terminale un apprentissage des maths par le jeu par exemple. Mais je pense qu’il n’y a pas assez de monde capable de les appliquer convenablement.

    En revanche je suis en totale opposition avec vous en ce qui concerne le contenu des enseignements. Il y a des choix à faire, ceux-ci sont difficiles, mais il n’y a pas de connaissances inutiles enseignées à l’école primaire ou secondaire, quelle que soit la filière (générale, technique ou professionnelle). Et certaines d’entre elles sont essentielles à la formation de citoyens éclairés.

    • @fourbe choriste

      Coucou!

      En ce qui concerne les points où vous n’êtes pas d’accord avec Paul, j’ai juste quelques trucs qui m’embêtent.

      Je ne pense pas que le problème soit que à un moment donné les gens vont devoir écouter un-e « expert-e » sur un sujet donné, pour ensuite informer sa propre opinion sur la chose, si ille en a envie/besoin. Cela me semble évident. Il est strictement impossible que durant ma vie j’arrive à amasser toutes les connaissances qui m’intéressent sur tous les sujets qui m’intéressent. Je n’ai pas le cerveau assez grand, et pas assez d’année sur cette terre, sans compter les méandres de la mémoire humaine. Le problème donc, n’est pas admettre que quelqu’un-e d’autre en connait plus sur un sujet que soi, mais plutôt est problématique l’idée que cela lui confère le droit à un pouvoir de décision sur soi, parce que « c’est des connaissances qui sont nécessaires, alors si tu ne les a pas t’as pas le droit de décider et je vais le faire à ta place ». C’est ça qui est problématique, l’idée que quelqu’un-e qui y connait PLUS y connait forcément MIEUX et a RAISON.
      C’est là que je vois le problème avec un « socle commun nécessaire » de connaissances, parce que « les connaissances » n’arrivent pas dans le vide, et sont à mon avis conditionnées par les valeurs d’une société.
      Il existait une époque où certaines personnes apprenaient les différentes typologies des « races humaines », et c’était considéré comme des « connaissances » tout à fait légitimes et même prestigieuses. Aujourd’hui, une majorité de la communauté scientifique mondiale REFUSE d’amasser des « connaissances » en terme de « races humaines », non seulement car la notion de « race humaine » est impraticable scientifiquement, mais AUSSI et peut-être surtout parce que, suite à des mouvements anti-raciste très forts partout dans le monde, cette communauté scientifique reconnait qu’il est DANGEREUX politiquement de faire de la recherche en terme de « races humaines » (la fameuse Osaka Meeting en 2005).
      Le racisme n’a pas été remis en cause en premier lieu parce qu’il y a eu des « connaissances » qui ont ébranlé les rapports de forces et de domination qui sous-tendaient les discours et actes racistes. Il a été remis en cause par des personnes qui ont refusé leur propre stigmatisation, leur propre dégradation en tant qu’êtres humains.
      Cela me fait également penser aux grévistes et aux wobblies (membres de la Industrial Workers of the World) durant la fin du 19eme siècle et le début du 20ème siècle aux Etats-Unis. La plupart d’elleux ne savaient ni lire ni écrire, ne possédaient aucune connaissance prestigieuse, et pourtant c’est grâce à ces personnes-là qu’une bonne partie des droits des travailleuses-eurs ont été obtenu aux Etats-Unis. Parce que leurs valeurs, elles, étaient liées à leur conditions de vie. Elles se sont formées à partir de leur sentiment, leur profonde conviction d’être exploité-e-s. Car ce n’était pas des idiot-e-s, loin de là, mais illes avaient très peu de « connaissances techniques », comme vous dites (la plupart étaient des travailleurs-euses sans « compétences » particulières).
      Je pourrais multiplier les exemples en parlant du féminisme, qui s’est développé alors même que la vaste majorité des gens, pensant avoir des « connaissances techniques » qui rendaient caduques toutes les théories féministes, ridiculisaient ces femmes, les humiliaient, les tuaient, les violentaient…
      Donc, j’en reviens à ma question: Qui défini ce que doivent être ces « connaissances nécessaires »? A partir de quel vécu?
      A mon avis il n’est que possible de répondre à cette question en affirmant que cette décision doit être prise par les individu-e-s elleux-mêmes, au sein d’une société où ce pouvoir leur appartient, mais pour faire ça il faut forcément qu’il y ait déjà un « socle de valeurs communes », parce que l’idée que c’est à chacun-e de décider quelles sont les connaissances importantes dans sa propre vie, et bien c’est déjà une valeur, et ce n’est pas une « connaissance ». Du coup si l’école (sous quelque forme qu’elle prenne) va prendre en charge une quelconque « mission », il faut forcement qu’elle le fasse au sein d’une société de personnes qui ont en commun non pas des connaissances, mais bien des valeurs, c’est à dire des principes, qui, reposant sur une idée de la justice, guident tout le reste.
      Comme le dit Paul, l’école est déjà forcément un lieu politique. J’ai du mal à voir comment on peut l’appréhender uniquement ou avant tout comme un endroit où est divulgué des connaissances techniques, car la forme que prennent ces connaissances, la façon dont on les enseigne ainsi que leur fond, sont déjà hautement politiques, et renvoient aux valeurs de la société qui a crée l’école.
      Alors, ça ne veut pas dire qu’on s’en fout des connaissances, car elles sont très utiles et pratiques. Je ne suis pas en train de dénigrer les connaissances techniques. Je suis simplement en train de les subordonner aux valeurs, qui me semblent bien plus importantes, politiquement parlant.

  14. @Liam
    Bonjour,

    Déjà nous ne sommes pas d’accord sur la fonction que devraient avoir les experts. Pour moi un expert est celui qui fait le travail de fond sur un sujet donné pour ensuite expliquer ses conclusions et sa démarche de façon compréhensibles à ceux qui ont besoin de ses travaux. Mais il faut quand même que la personne à qui on explique cela ait les bases techniques pour comprendre (elle a certainement déjà les capacités cognitives nécessaires). Cela permet à mon avis un débat de société sain (on en est loin aujourd’hui).

    Je suis conscient du problème que vous soulevez concernant les recherches (sincères la plupart du temps) destinées à prouver que les pauvres / femmes / noirs sont des êtres inférieurs. Mais à chaque fois ces recherches étaient entreprises par des gens coupés de leur objet d’étude pour des gens coupés de leur objet d’étude, les autres n’étant pas capables de vraiment suivre les détails ces théories (certains détails, comme la mesure du poids du cerveau d’un pendu (qui a eu un afflux de sang à la tête avant de mourir) ayant pour effet de perdre le profane). Je pense que si plus de gens avaient eu assez d’esprit critiques pour suivre dans les grandes lignes la démarche de ces savants, ils auraient pu voir les failles de raisonnement qui nous semblent aujourd’hui béantes (genre « en fait le rapport longueur du bras / taille n’est pas un bon indicateur car les Hottentots et les Mongols nous battent avec ce critère, cherchons en un autre »). On se rend souvent compte de ses propres erreurs en voulant convaincre un auditoire non gagné d’avance.

    En ce qui concerne le fait que c’est l’individu qui doit décider de quelles connaissances il a besoin en fonction de ses valeurs, je suis à peu près d’accord avec vous. Cependant il se trouve que c’est surtout quand on est petit qu’on a beaucoup de temps pour apprendre (on ne doit pas encore gagner sa vie seul, on n’a pas soi-même des enfants à élever, etc.) et c’est après que l’on développe vraiment ses valeurs (avant on se calque surtout sur celles de nos parents). Du coup il me semble qu’il faut bien se débrouiller pour donner aux enfants et adolescents des connaissances dont ils auront besoin par la suite sans qu’ils en soient encore conscient.

    • @fourbe choriste

      Je pense que si nous sommes d’accord sur la fonction que devraient les expert-e-s.
      Ceci dit, je ne vois pas en quoi « un base technique » rendrait les « débats de société » plus « sain ». J’ai l’impression que ce qui vous fait dire ça c’est l’idée que JUSTE avec plus de connaissances, les gens font les « bon choix », par exemple en refusant les OGM. Mais, ce que je trouve bizarre, c’est que vous acceptez que les gens qui bossent à Monsanto (et c’est pas les seul-e-s) doivent avoir plein de connaissances, et pourtant font le choix de développer les OGM et de mentir aux gens. Mais alors il y a des autres intérêts en jeux non? Des autres valeurs? Et toutes les connaissances de la terre ne va pas les « convaincre », parce qu’illes s’en foutent royalement d’être « convaincu » (ou même plutôt ça les arrange, parce que des personnes qui s’efforcent à les « convaincre » avec des « connaissances » au sein d’un « débat public sain », elles ne sont pas en train de les arrêter concrètement en faisant autre chose).

      Pour ce qui est de votre deuxième point, c’est quoi qui étaient sincères? Les recherches qui visaient à prouver la supériorité d’une population sur une autre? Les gens qui les menaient? Lorsque vous dites sincères, je ne sais pas si vous voulez dire que les gens qui les menaient pensaient sincèrement œuvrer vers « la vérité » où qu’illes étaient sincères dans leur quête de « prouver » la supériorité d’une population sur une autre, sans se soucier de la véracité ou en tout cas de la cohérence de leur recherches. J’ai l’impression que vous penchez plutôt vers la première option, vu qu’à la fin vous dites « On se rend souvent compte de ses propres erreurs en voulant convaincre un auditoire non gagné d’avance », comme si les personnes concernées (une grande partie de la communauté scientifique à l’époque) étaient forcément sincères et de bonne foi. Je pense pour ma part que les scientifiques sont des êtres humains comme tou-te-s les autres, et que bien souvent illes n’oublient pas leurs intérêts de classe, et qu’illes évoluent dans un champs qui n’est pas exempt d’analyse sociologique.
      Les acteurs et actrices de ce champs répondent aux mêmes pressions et déterminismes sociales/politiques que tout le monde, et il est impossible, en tout cas pour moi, de considérer qu’illes évolueraient dans un champs « à part », où les stéréotypes, les préjugés n’existeraient pas, ou alors n’affecteraient en rien l' »esprit scientifique », qui serait « objectif », « au dessus de toute subjectivité ». Également, les oppressions, rapports de forces et de domination n’existeraient pas dans le « champs scientifique ».
      Tout ça, de ce que j’ai compris (il y a assez longtemps, c’était le début de mes réflexions là dessus) en écoutant une série de cours de The Teaching Company sur l’épistémologie scientifique, c’est à bien des égards une mystification, une idylle qu’on nous vend, une croyance même, mais qui ne correspond en rien à la réalité, qu’elle soit historique ou actuelle, et qui a comme objectif de masquer les caractéristiques tout à fait « subjectives », « orientées » et tout sauf « objectives » de beaucoup de recherches scientifiques.
      Personnellement, je ne crois pas en un quelconque « projet scientifique », je ne pense pas que la science, sorte de léviathan a-historique, a-sociologique, découvre, en procédant par a + b = c, les « lois de la nature », mais plutôt qu’elle porte un point de vue sur ce qui nous entoure*. Un point de vue très pratique pour certaines choses, et pas pratique pour d’autres. Les sciences décrivent, d’un certain point de vue, la nature, elles ne l’expliquent pas. Les « lois » de Newton ne sont rien de tel, elles sont des mécanismes qui décrivent très adéquatement (même si de ce que j’ai compris la théorie de la relativité les décrivent mieux, et a priori un jour futur verra une autre théorie qui les décrieront encore mieux) certains phénomènes, et c’est tant mieux, ça nous permet de faire certains calculs et d’être suffisamment précis-es pour ne pas se planter sur un truc pratique. Et ça c’est vraiment très chouette et intéressant, je n’ai rien contre. Mais la religion qui entoure « la science », elle, je ne la comprend pas, et je la trouve à bien des égards nuisibles.
      Alors l’on peut très bien penser que l’on peut aspirer à une idéal scientifique, que l’on peut tendre vers ça au maximum de nos capacités. Ça me parait un effort assez louable. Mais mystifier les aspects politiques (au sens large bien entendu) du champs scientifique en refusant d’en faire des analyses sociologiques me semble être une vaste escroquerie, et qui a pour but de renforcer une croyance qui n’a pas lieu d’être, celle de de « l’objectivité » de « la science », qui serait donc a-politique.

      Là j’ai parlé de physique, et il est vrai qu’en physique l’ont voit mal ce que la politique (encore une fois au sens large bien entendu) vient faire là-dedans (je veux dire au niveau du contenu, parce que pour ce qui est des structures et des relations humaines au sein de la « communauté scientifique » qui étudient la physique, ça me parait évident que la politique à beaucoup à faire là-dedans). Entre un modèle pour décrire les atomes et un autre, bon, peut-être pas de quoi émettre des objections politiques là dessus. Par contre, il suffit de s’intéresser à la médecine ou à la biologie, et là on commence à voir, dès qu’on s’intéresse au féminisme, comment une analyse sociologique et féministe permet de rendre compte de biais phallo-centrés dans les théories et les recherches menées dans beaucoup de domaines. Pour un point de vue historique sur cette question, je vous conseille le livre de Elsa Dorlin « La Matrice de la Race » [où elle montre que la genèse du discours raciste médicalisé, en France, s’est calqué sur le discours sexiste médicalisé, et surtout que en aucun cas ces discours ne crées ces oppressions (en tout cas généalogiquement), mais plutôt ces discours RÉPONDENT, en les épaulant bien sûr, à des états d’oppression déjà existant. Ouf, c’était long, désolé 🙂 ], ou bien « La Fabrique du sexe » de Thomas Laqueur (où il montre que les définitions du sexe et du genre sont historiques et changeantes), et pour un point de vue plus contemporain, « L’emprise du genre » de Illana Lowy.
      Il suffit de s’intéresser un peu à la pratique habituelle des médecins de charcuter les bébés né-e-s avec des organes génitaux ambiguës pour se rendre compte en quoi « la médecine » n’a rien « d’objectif » ou même de « scientifique ». C’est un acte qui est motivé par plusieurs choses (le prestige lié à l’opération, le fanatisme de la médecine qui veut que tout nouveau né rentre nécessairement dans la case « garçon » ou la case « fille »…), les parents sont souvent consciemment désinformé-e-s en leur faisant croire que leur bébé risque la mort ou la maladie, ou alors que juste une intervention chirurgicale suffira (alors que la vaste majorité du temps il en faut plusieurs, au fur et à mesure que l’enfant grandit), ou bien que l’acte chirurgical n’aura pas d’effets néfastes sur l’enfant une fois grandit (alors que la vaste majorité du temps la chirurgie endommage les organes génitaux de manière irréversible, ce qui peut nuire grandement au plaisir sexuel de la personne plus tard). C’est un exemple assez frappant, à mon avis, de l’escroquerie qu’est la religion de « la science objective ».

      Du coup, pour moi, les « failles de raisonnement » dont vous parlez, ne me semble qu’une sorte de justification a posteriori (« ahhh mais c’est tellement évident, comment ont-ils fait pour ne pas le voir! encore heureux qu’aujourd’hui on ne fait plus ce genre d’erreurs, ouf! ») pour éviter de se confronter au fait qu’il a existé, et existe encore, un état de fait politique (avec ses rapports de forces, de domination etc.) au sein du champs scientifique, qui était et reste aujourd’hui un champs parmi d’autres.
      Et, pour finir, que si les luttes anti-racistes n’avaient pas eu lieu, l’on serait encore en train de comparer (surement de façon bien plus « technique » et « précise ») les différentes typologies de « races humaines », tout comme aujourd’hui l’on compare encore les différentes typologies des « deux sexes humains » (je suis pas sur que mon utilisation du mot « typologie » est correcte, mais je pense que vous voyez le truc, en tout cas je l’espère! 🙂 ).

      Allez, j’arrête, j’ai déjà beaucoup écrit!

      *sur ce point je suis assez nietzschéen, au sens où je ne pense pas qu’il existe LA vérité, mais plutôt des interprétations du réel, de la nature, qui certes ont plus ou moins de valeur. Je pense que Nietzsche avait raison lorsqu’il disait qu’il faut remplacer l’idée de La Vérité par l’idée de valeur. Et, pour moi, la croyance en « La science » comme garant de « La vérité », c’est ce que Nietzsche appellerait la « figure du religieux », à savoir une croyance qui se calque sur la croyance en un Dieu, ou La Vérité vient juste remplacer l’idée Dieu, mais où le mécanisme est le même.
      Je ne souhaite pas trop m’associer à Nietzsche tout de même, qui fut quand même un grand phallocrate et misogyne devant l’éternel, mais sur ce point je le trouve intéressant.

      • @Liam
        Attention je n’ai pas dit que JUSTE avec des connaissances les gens font les bons choix. En général il y a quelques problèmes quand on parle d’argent. Dans le cas de Monsanto, il est clair que la perspective de faire plus de profit occulte une bonne partie du reste. Par contre le citoyen lambda lui n’a pas autant d’intérêt dans les OGM donc lui peut utiliser ses connaissances et ses facultés de raisonnement de façon plus détachée pour voir ce qui est bon pour le monde dans lequel il vit.

        Quand je parle de sincérité, je veux dire que des gens comme Paul Broca pensaient sincèrement que les Blancs étaient des êtres supérieurs et qu’ils voulaient le prouver objectivement. Paul Broca est un pionnier reconnu de l’anatomie du cerveau, et je ne pense donc pas qu’il ait conduit des recherches racistes pour faire parler de lui étant donné qu’il aurait été connu de son vivant sans cela.

        Pour ce qui est des lois de la nature vous avez entièrement raison. Celles que l’on découvre ne sont bien que des modèles très ingénieux qui fonctionnent très bien en pratique.

        La politique vient faire des choses dans toutes les sciences, y compris la physique (les théories d’Einstein ont été décriées car elles étaient issues d’un allemand (en 14 – 18 par exemple), puis parce qu’elles étaient issues d’un individu d’origine juive). Pour la médecine je suis également d’accord pour dire qu’il y a de nombreux problèmes, dont vous citez un exemple sans doute assez représentatif.

        Par contre je persiste et signe sur les erreurs de raisonnement. Certaines ont eu des conséquences graves, mais il s’agissait quand même d’erreurs de raisonnement. Les scientifiques sont pris dans le contexte de leur temps (comme les cinéastes :D) et peuvent par conséquent partir sur des fausses pistes. Il est alors de notre devoir de nous tenir au courant de ce qui se fait en recherche et développement pour nous questionner sur les bases de réflexions. C’est tout l’intérêt du débat scientifique et j’aimerais vraiment que plus de gens puissent y prendre part.

  15. « Personnellement, quand je repense à ma scolarité (avec mention particulière pour les années de collège et de lycée), je n’arrive pas à me souvenir de l’écrasante majorité des cours autrement que comme le lieu d’un profond ennui. »
    Il m’est déjà arrivé de m’ennuyer durant des cours mais c’était souvent parce que je n’apprenais pas mes leçons. Par exemple en maths lorsque je n’apprenais pas le cours je ne le comprenais plus, ne pouvait pas faire les exercices et finissait par m’ennuyer. En fait lorsque j’étais sérieux tout devenait plus intéressant et si je m’ennuyais c’était de ma faute et non celle du prof comme je le disais.
    « l’école est avant tout une source d’ennui et de stress, un endroit où l’on perd son temps, où l’on apprend à se soumettre à l’autorité, à accomplir sans broncher un travail qui nous est imposé d’en haut, etc. »
    En ce qui concerne le stress : j’ai passé toute ma scolarité à stresser comme beaucoup d’élèves : le prof donnait un travail à rendre dans une semaine et je m’y mettais la veille au soir. Ou bien le prof interrogeait des élèves, je n’apprenais pas et je « priais» pour que ça ne tombe pas sur moi,…
    Sinon lorsqu’on donnait des exercices j’essayais de cacher qu’ils n’étaient pas faits, etc.…
    Oui j’ai beaucoup stressé et je pense que mes exemples peuvent concerner beaucoup d’élèves mais d’un autre côté je n’avais cas essayer de mieux m’organiser ?
    Après je ne vois pas le problème de l’autorité. Je pense qu’elle est normale et je serais presque parfois favorable à ce qu’il y en ait plus !! Mais je ne pense pas qu’elle soit incompatible avec le fait d’être critique avec le prof et de parfois exprimer un désaccord. Ceci dépend des matières : en maths l’on ne va pas débattre sur « (a + b) 2 = a2 + 2ab + b2
    Mais dans d’autres matières comme l’économie ou parfois l’histoire-géographie …l’on peut très bien débattre en classe et avoir des avis différents que le prof, etc.
    Par exemple en cour d’économie 1 fois le prof disait qu’il était contre la réforme des retraites de 2010 pour x raisons et bien 1 élève lui a dit qu’il y était favorable pour y raison sans que ceci énerve le prof.
    « Sans avoir une connaissance exhaustive de tous les films sur le sujet, j’ai tout de même la forte impression que la majorité d’entre eux ne font que maintenir le statu quo. Même lorsque le portrait qui est fait de l’école est plutôt négatif, aucune alternative possible ne semble se dessiner »
    Je crois qu’il y a le film P.R.O.F.S. (avec Patrick Bruel) :c’est intéressant car ici l’on voit à un moment 1 prof qui fait exprès de donner des trucs faux aux élèves et qui constate qu’ils ne remettent jamais en question ce qu’1 prof dit.
    Ceci dit même si l’on critique l’école il n’y a dans ce film « aucune solution ».
    « Significativement, cette prise de conscience a lieu lorsqu’un « allumé » dans la salle interrompt le monologue de Bartleby (qui s’apprête à révéler la supercherie) pour déclarer : « Quand j’ai été accepté ici, ça a été la première fois où mes parents ont été fiers de moi ». »
    J’ai trouvé cette scène intéressante car l’on voit que si beaucoup d’enfants acceptent la pression de leurs parents c’est parce qu’ils ont peur de les décevoir et de perdre leur fierté.

    « Par ce geste collectif, illes se reconnaissent ainsi comme les victimes de la même injustice et manifestent en quelque sorte une « conscience de classe » naissante (la classe des exclu-e-s du système éducatif). »
    Après certains sont victimes d’injustice comme Rory per exemple mais d’autres n’avaient peut-être jamais fait aucun effort.
    Bartleby par exemple : pourquoi était-il exclu ? A cause de certains qui prenaient sa place avec le piston ou bien à cause d’autre chose ?….J’ai un peu pensé que lui et sa sœur ressemblaient à Bart et Lisa Simpson mais si Bart est exclu et Lisa accepté est-ce anormal ?
    Ce serait plutôt le fait que Lisa soit exclue qui serait injuste ?
    Et puis ici ce sont comme dans toutes les facs des USA les élèvent qui payent.
    Ils ne viennent donc pas tous de milieu défavorisés (mais les autres ont du s’endetter pour pouvoir payer).
    Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’injustice, d’exclusion et je ne nie pas qu’il existe du piston.
    « Contre un système scolaire basé sur la sélection (et donc l’exclusion) des individus, et par là producteur de hiérarchie et de ségrégation sociale, Bartleby propose une université qui accepterait tout le monde, parce que son but ne serait pas de trier les gens en dominant-e-s et dominé-e-s (ce que fait au passage à merveille notre système éducatif français) mais au contraire l’épanouissement de tous les individus, tou-te-s ensembles (et pas les un-e-s contre les autres). »
    Il ne faut pas oublier que les choses sont différentes en France : les universités sont gratuites et les écoles payantes ne nécessitent pas de s’endetter à vie.
    Oui il y a de l’exclusion en France mais en tout cas il y a des limites dans la comparaison entre le système américain et le système français.
    « Déjà, avec leurs têtes d’aryens transpirant le mépris pour qui n’a pas leur capital (économique, social et culturel), »
    Je pense que les représenter comme des aryens est assez problématique.
    Ceci est quand même significatif du manichéisme du film : les exclus très gentils (aucun méchant parmi eux) et l’élite très méchante.
    Après il y a parmi les élites des favorisés, des privilégiés mais aussi certains qui ont travaillé dur et qui ne méritent pas de se faire traités de dominant.
    « A cela, le S.H.I.T. opposera une pédagogie basée sur les désirs des individus. Pour déterminer le programme des enseignements, Bartleby commencera par faire un sondage auprès des étudiant-e-s pour leur demander ce qu’illes aimeraient apprendre »
    J’ai trouvé que c’était très positif en fait Bartleby ne sait pas quel programme appliquer et de ce fait il y a une construction positive En effet si l’on étudie ce que l’on aime l’on va moins s’ennuyer et il y a moins de « problèmes disciplinaires » et même si le film est peu crédible son message , qui est qu’une université doit favoriser la passion des étudiants est selon moi très positif.
    « De l’inutilité des professeurs »
    Je ne suis pas d’accord avec le fait qu’il y ait une inutilité des professeurs et peu importe le domaine.
    Par exemple pour apprendre des langues étrangères l’on peut regarder des films en VO, écouter de la musique mais surtout aller à l’étranger. Je pense que les échanges scolaires sont positifs et avoir un correspondant étranger permet d’apprendre une langue tout en faisant apprendre à l’autre c’est un enrichissement mutuel. Cependant je ne vois pas en quoi ce n’est pas compatible avec des cours et un prof : les 2 sont souhaitables je pense que c’est même complémentaire l’on n’est pas obligé de faire un choix.
    « Cela dit, Accepted est loin d’être parfait »
    « Un des enseignements dispensés au S.H.I.T. consiste par exemple pour quelques étudiants masculins (et au passage pour le spectateur masculin) à « étudier » le corps dénudé de filles pulpeuses en bikinis »
    Je suis vraiment d’accord avec vous c’est sexiste et laisse sous-entendre « voila ce qui arrive lorsque on laisse le choix aux élèves ».
    D’un autre côté il y a un cours « les hommes, sexe faible » mais on ne le voit pas et on ne sait pas si c’est un cours pour l’égalité hommes-femmes sérieux ou bien des filles qui disent « ouais les filles on est les meilleures ! »

    « Car encore une fois, un film qui pose ainsi les bases d’une alternative radicale au système scolaire actuel, ça ne court pas les rues »
    Le film pose des bases mais je n’y crois pas. Il y a beaucoup de choses regrettables l’on ne voit que très peu de cours .L’on aurait pu voir des répétitions de musique par exemple ou voir comment les cuisiniers faisaient leurs cours sans prof (en s’échangeant leurs idées…).
    Il y a les cours de l’oncle de Sherman : il critique la société mais ne propose aucune solution.
    Ceci aurait peut être été intéressant si justement il avait demandé aux élèves comment le monde devrait être et surtout comment y arriver car c’est bien le but de cette université.
    Lorsque l’on dit que le gouvernement US favorise les riches sur le plan fiscal ils n’essayent pas de proposer des solutions.
    Le propos politique du film est positif mais je ne le trouve pas crédible.
    Souvent vous dites qu’il ne faut pas blâmer les élèves.
    Je ne suis pas vraiment d’accord il existe de nombreux élèves de mauvaise foi.

  16. Bonjour, je suis un lecteur régulier de ce site depuis plusieurs semaines et j’ai décidé de réagir à certains points de l’article.

    « C’est pour cette raison que j’aimerais attirer l’attention sur le film Accepted (en français Admis à tout prix) sorti en 2006, ignoré en France (patrie de l’« exception culturelle »…) sûrement parce qu’il n’est qu’une comédie populaire américaine pour ados, et donc considéré a priori comme dénué d’intérêt. Or Accepted me semble être au contraire un film assez exceptionnel d’un point de vue politique. En effet, Accepted ne se contente pas de critiquer l’école (ici, plus précisément, l’enseignement supérieur), mais il montre en même temps la voie vers un autre type d’école, plus épanouissante et égalitaire. »

    Si toute l’analyse du film porte sur l’inégalité des chances dans l’accès aux études supérieures, je pense qu’un peu de contextualisation est souhaitable, car le film est de production américaine, et il faut savoir aussi que le système éducatif change significativement d’un pays à l’autre. Cependant il reste tout à fait juste que le problème puisse être posé en France, puisqu’il s’agit en quelques mots d’une méritocratie qui légitimise ceux qui réussissent donc une forme d’inégalité. J’ai lu notamment un article intéressant de « alternatives économiques » sur des nouvelles formes d’inégalité en France, je vais essayer de le retrouver.

    Je voudrais aussi intervenir sur la partie « désirs des élèves » et « de l’inutilité des professeurs ».

    Pour ce qui est des « désirs des élèves », je comprends le problème de fond, mais pas la forme. Il est évident que, l’éducation doit prendre en compte le désir des élèves, leurs projets et leurs ambitions. Seulement le rôle de l’éducation secondaire, et plusieurs commentaires de l’article ont déjà abordé ce sujet, est d’apporter les savoirs élémentaires pour la vie en dehors du système éducatif (les factures, toute la paperasse administrative dont je ne m’occupe toujours pas puisque je vis chez mes parents, l’importance gestion de l’eau, ce qu’il faut savoir sur le nucléaire et la radio-activité etc etc ). Ce sont des choses qui sont mises en pratiques tous les jours.
    Je nuance tout de suite en ajoutant que vous avez raison sur une chose importante : on accorde pas assez le droit de décision et d’opinion des élèves dans leur espace de travail. Mais ce droit de l’élève à plus d’indépendance doit se faire progressivement, surtout vers les dernières années de l’éducation secondaire (le lycée, seconde, première et terminal). Nous allons peut-être entrer en désaccord, mais un collégien en troisième n’est selon pas encore apte à réfléchir de manière autonome. Il existe bien sûr des enfants de l’école primaire qui parviennent à démontrer des lois mathématiques de niveau lycée, mais je doute que statistiquement ce soit le cas pour le plus grand nombre. Pour en revenir à l’autonomie des élèves, il faut le mettre en valeurs dès l’entrée au lycée, ce qui est déjà un peu le cas avec la spécialisation, l’orientation en seconde et les tpe en première. Il s’agit tout de même de l’avenir professionnel de l’élève.
    Mais la véritable autonomie on devrait en faire l’expérience à l’enseignement supérieur, et sur ce point je pense que le lycée doit jouer une transition entre « encadrement total » par le collège à « autonomie totale » par l’université. Je n’irais pas jusqu’à dire que l’élève est son propre professeur, car le professeur reste un élément capitale dans le parcours de l’élève. J’étudie en première année dans la fac de lettre de Nice, et justement je déplore que les cours magistraux ont pour défaut que d’écouter le professeur, sans qu’il y ait un échange réel entre le savoir du professeur et celui de l’élève. Ce qui est important selon moi c’est l’échange car dans l’université, l’étudiant est suffisamment autonome pour acquérir du savoir et de le faire partager aussi aux professeurs.

    Pour finir, j’ai une question : je parlais de contextualisation du film, est-ce un problème spécialement nord-américain ou plus général ? L’enseignement français est réputé pour encadrer de manière assez prononcée, à la différence des Etats-Unis, qui sont plus souples, par exemple sur la formation de l’audio-visuel et du cinéma. Mais je ne connais pas grand chose de l’enseignement aux Etats-Unis et ça m’intéresserait beaucoup, dans l’idée de faire une comparaison.

    Voilà pour ce que j’avais à dire. En tout cas j’apprécie vos articles et je continue à les lire

  17. Article très intéressant, qui m’a évoqué un autre film abordant la question de l’école que j’ai personnellement beaucoup aimé : un film japonais intitulé Biri Gyaru (ビリギャル). (Je crois qu’il existe une version sous-titrée en anglais appelée Flying Colors.)

    On y suit l’histoire d’une lycéenne en échec scolaire, méprisée par ses professeurs qui la traitent de « déchet » (autrement dit, quelque chose d’inutile aux yeux du système), qui décide de passer l’examen d’entrée ultra-sélectif de la meilleure université privée du pays, aidée par un éducateur défendant une philosophie opposée à la norme.

    Le film n’est bien sûr pas parfait, mais il fait néanmoins une critique intéressante de ce système éducatif à la « marche ou crève ». Comme le dit l’éducateur du film (de mémoire et en français), « à l’école, on apprend tout à tout le monde de la même façon, et ceux qui n’arrivent pas à suivre sont laissés au bord de la route ».

    De plus, on se rend compte au cours du film que les élèves pris en charge par l’éducateur (donc des élèves en échec scolaire, laissés au bord de la route par l’école normative) représentent diverses formes de « sous-cultures » (appelées « sous-cultures » par les dominants, bien sûr) : fans de dessins animés, de jeux vidéo, ou bien, comme le personnage principal, jeune fille qui aime porter des mini-jupes et sortir avec ses amies en boite de nuit et qui est traitée de « cruche sans cervelle » par les hommes dominants.

    Bref, si vous avez aimé les messages défendus par Accepted, je ne peux que vous recommander de voir ce film aussi, malgré ses quelques défauts et le fait qu’il ne soit pas disponible en Occident via les réseaux de distribution officiels (ce qui est fort dommage, à mon humble avis). 🙂

  18. J’ai trouvé cet article sur l’école.
    http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20160825.OBS6888/l-ecole-peut-etouffer-la-mecanique-d-apprentissage-des-enfants.html

    Je ne sais pas comment ça se passe dans les autres pays (même européens) mais en France je trouve que les filières et les matières sont méga-hiérarchisées.
    Pour les filières c’est clairement le général en haut (S puis ES et enfin L) puis le technologique et le bac pro en bas.
    Tous le monde (élèves, profs et parents)sait qu’avoir 8 en sport (ou en art plastique\techno) est loin d’être aussi grave qu’avoir 8 en maths (français).

    C’est possible que ce ne soit qu’une impression.

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