Thelma et Louise pour introduire des jeunes au féminisme
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Cléo LInvité
Bonjour tout le monde 🙂
Je suis actuellement en Service Volontaire Européen en Macédoine, je travaille dans un centre de loisirs avec des jeunes qui ont entre 15 et 25 ans. Je souhaite démarrer un projet sur le féminisme. Afin d’intéresser le plus de jeunes possibles je veux démarrer en leur montrant un film grand public. Je pensais à Thelma et Louise. J’aurais besoin de vos conseils sur les thèmes que je pourrais aborder avec les jeunes en relation avec le film, dans le but de faire une introduction au féminisme (à l’égalité des genres).
Merci d’avance !
Paul RigousteParticipantCoucou Cléo,
Personnellement, j’ai vu ce film il y a assez longtemps, donc mes souvenirs restent assez vagues. Il doit exister pas mal d’articles de féministes sur ce film (plus ou moins faciles à trouver), car je sais qu’il a suscité (et suscite encore) beaucoup de débat entre les féministes. Il y a un article de Yvonne Tasker qui a été traduit dans le numéro de la revue CinémAction intitulé « 20 ans de théories féministes sur le cinéma », si jamais vous pouvez mettre la main dessus (sinon je peux vous le scanner et vous l’envoyer si ça vous intéresse).
Sinon, comme pistes qui me viennent à partir des très vagues souvenirs que j’en ai (donc à prendre avec beaucoup de précaution:-)), il y a peut-être des discussions intéressantes à lancer sur :– la description de l’émancipation de ces deux femmes. Par exemple dans la sortie du milieu fermé du foyer pour la conquête d’un espace immense et plein de possibles. Alors que sous le patriarcat, les femmes sont assignées à la maison tandis que les hommes conquièrent le monde, ici les femmes partent précisément à l’aventure, conquérir le monde (le choix du genre « road-movie » n’est en ce sens pas anodin, puisque c’est un genre plutôt traditionnellement masculin sous le patriarcat).
Ou encore dans l’évolution du personnage joué par Geena Davis qui, si je me souviens bien, prend confiance en elle, gagne en assurance, etc.– la représentation d’une amitié et solidarité féminine, dans une optique d’émancipation féministe en plus. C’est tellement rare dans notre cinéma masculiniste qui passe son temps à représenter des amitiés masculines (cf. par exemple le truc que j’ai écrit sur les films les 10 plus gros succès de 2012 : http://www.lecinemaestpolitique.fr/2012-en-affiches-i-bilbo-bond-batman-et-la-bande-a-banner/ & http://www.lecinemaestpolitique.fr/2012-en-affiches-ii-katniss-et-bella-parmi-les-hommes/ , voir la conclusion de la deuxième partie pour la représentation des amitiés féminines…)
– la question de la réappropriation de la violence par les femmes. Si je me souviens bien, Thelma manque de peu de se faire violer, et Louise la sauve en tuant l’agresseur. Il y a aussi des scènes où on les voit avec des flingues s’entrainer à tirer il me semble. Ou encore, elles font exploser un camionneur qui les harcèle depuis le début du film (si je me souviens bien). Du coup y a des trucs à dire ptet sur le fait que la violence est monopolisée par les hommes dans notre société patriarcale, ce qui permet aux hommes d’opprimer les femmes. Et du coup comment l’émancipation féministe peut (ou doit ?) passer par la réappropriation par les femmes de la violence (cf. l’autodéfense féministe) (Virginie Despentes dit plein de choses intéressantes là-dessus, dans King Kong Theory par exemple si je me souviens bien).
Au cinéma, il y a matière à réfléchir sur les représentations de femmes violentes (puisque souvent les films tentent de neutraliser cette violence en sexualisant les femmes (Tomb Raider par ex), en les renvoyant à leur maternité (Kill Bill) ou autres type de réassignation à la féminité). Il y a aussi les débats autour du fait que se réapproprier la violence pour les femmes peut conduire à reproduire des schémas masculins. Il y a pas mal d’articles sur ce site qui abordent un peu ces questions. Cf. par exemple dans les derniers :
http://www.lecinemaestpolitique.fr/les-flingueuses-2013-comedie-feministe/
http://www.lecinemaestpolitique.fr/deathproof-2007-django-unchained-2012-tarantino-ou-le-boulevard-du-mepris/
http://www.lecinemaestpolitique.fr/someones-watching-me-une-histoire-de-points-de-vue-2/
http://www.lecinemaestpolitique.fr/sleeping-with-the-enemy-1991-le-cauchemar-de-pretty-woman/– La représentation des hommes dans le film. Si je me souviens bien, il y a une opposition entre l’horrible mari phallocrate de Thelma et le gentil mari compréhensif de Louise. Je m’en souviens pas assez pour dire quoique ce soit, mais peut-être qu’il y a des choses à dire sur cette opposition peut-être un peu simpliste dans le film ( ?) entre les mecs dominateurs et les mecs cools. Peut-être que ça a pour inconvénient de permettre à plein de mecs qui regardent le film de se dire « ouais moi je fais partie des mecs cools, donc je participe pas de la domination masculine », alors qu’en réalité tous les hommes sont des dominants dans le système patriarcal (en ce qu’ils possèdent des privilèges, qu’ils le veuillent ou non), et que le sexisme consiste pas juste à battre et séquestrer sa femme, mais prend plein de formes différentes et n’est donc pas juste le fait de ceux que certains appellent « machos » pour se dédouaner de tout sexisme. Mais bon, après je m’en souviens plus assez pour savoir si y a moyen de réfléchir à tout ça à partir du film.
– Peut-être aussi y a-t-il moyen de réfléchir sur la (non)représentation des lesbiennes au cinéma, parce qu’il me semble que le film a été lu comme « crypto-lesbien » par des spectatrices lesbiennes (je crois que c’est dans l’excellent documentaire The Celluloïd Closet que j’avais vu ça). Y a ptet moyen de réfléchir sur comment les publics dominés (femmes, homo-bisexuel-lle-s, trans, non-Blancs, etc.) regardent tous ces films qui sont faits pour les dominants. Comment illes peuvent être à l’affut de la moindre ambiguïté pour se reconnaître ou se projeter dans un film (il me semble qu’il y a plein de témoignages intéressants à ce sujet dans The Celluloid Closet).
Voilà les trucs qui me viennent comme ça sans trop réfléchir. Désolé d’être aussi approximatif dans mes formulations, je suis très fatigué ce soir :-).
Et n’hésitez pas si vous voulez que j’approfondisse des trucs que j’ai dit, ou si vous voulez préciser vos questions. Car après tout dépend de ce que vous voulez avoir comme discussion (par exemple si vous recherchez plus une discussion sur le patriarcat et le féminisme en prenant Thelma et Louise comme prétexte, ou si vous cherchez plus à avoir une discussion sur les représentations politiques dans les films, en analysant précisément ce film là…).Bonne soirée
Fanny GonzaguesMaître des clésHello!
J’ai trouvé ça y’a un truc sur Thelma et Louise, c’est à la toute fin de l’émission!
http://www.radiorageuses.net/spip.php?article291GrussieInvité– La représentation des hommes dans le film. Si je me souviens bien, il y a une opposition entre l’horrible mari phallocrate de Thelma et le gentil mari compréhensif de Louise. Je m’en souviens pas assez pour dire quoique ce soit, mais peut-être qu’il y a des choses à dire sur cette opposition peut-être un peu simpliste dans le film ( ?) entre les mecs dominateurs et les mecs cools.
J’avais aussi trouvé qu’il y avait cette opposition, sauf que…le gentil copain compréhensif de Louise me paraissait quand même problématique ! Je crois que genre il balance une chaise ou une table à un moment où il est en colère contre Louise. Je ne me rappelle plus bien parce que je ne l’ai pas vu récemment, mais je sais qu’avec un ami, on s’était fait la réflexion que même le modèle d’homme cool, bein…il est un peu menaçant physiquement.
MBargeldInvitéC’est vrai, le gentil copain compréhensif ne l’est pas tant que ça, puisqu’on nous fait comprendre que c’est lui qui révèle à Harvey Keitel (Le policier qui se veut bienveillant) leur désir de s’en aller au Mexique.
Et en effet, il s’énerve en frappant chaise et table, et essaye ensuite de garder Louise en la proposant en mariage. Quand une solution patriarcale ne marche pas, il en tente une autre (Colère -> Mariage -> Je te balance aux autorités masculines!)
GrussieInvitéAh dans mon souvenir c’était le type joué par Brad Pitt qui parlait à la police…
MBargeldInvitéAh… En fait… Peut-être… Oui, je crois que c’est ça en effet, le copain de Louise à été interrogé, mais je crois qu’il n’a rien dit de particulier…
CaerbannogInvitéAlors, en fait Jimmy (le mec de Louise) se crispe quand il se rend compte qu’elle a décidé de continuer sa route quoi qu’il arrive. Quand elle lui demande : « Tu m’aimes? » Il hésite et le silence laisse assez de temps à Louise pour comprendre que ce sera sans lui, avant qu’il ne dise « Ouais. » Quand ils se retrouvent à l’hôtel pour lui apporter son argent (à elle), il la joue romantique et elle lui demande si il aurait pas pris une pilule pour se mettre à lui parler gentillement et il répond : « Ouais et elle passe mal ». Et c’est là qu’elle comprend que décidément ils ne parlent pas le même langage et qu’ils ne se comprennent pas et qu’entre eux c’est fini.
A l’origine dans le script de Khouri, Jimmy était vraiment censé être le contre-point du mari de Thelma, mais Susan Sarandon a exigé de réécrire la scène à l’hôtel parce qu’elle ne voulait pas à ce stade là que Jimmy passe pour compréhensif et gentil. T&L sont entre elles et à ce stade elles n’ont plus l’espoir qu’un mec y échappe.
Et ce qui est pas mal c’est que plus elles avancent et piquent des accessoires aux mecs (le chapeau, la casquette du routier, les lunettes du flic) et se débarassent des leurs (les bijoux, les foulards) plus les mecs (flics et mari) se retrouvent confinés à la maison à regarder la télé, à attendre que le téléphone sonne, à manger des pizzas …
Certaines lesbiennes (mais pas seulement) ont effectivement lues le film comme « crypto lesbien » l’ont aimé et l’ont aussi critiqué parce que beaucoup ont luEs la fin de façon littérale en disant que « paf ! elles s’embrassent et meurent à la fin ».
Mais en fait, Callie Khouri à dit ceci :
« Ça m’a toujours paru dingue que les gens le voit comme un suicide. Je ne les considère même pas mortes. Je ne m’attendais pas du tout à ce que les gens disent : « Mon Dieu, elles se sont tuées ? C’est quoi ce message ? » Moi, ce que je voudrais dire c’est que : c’est vous qui l’avez compris comme ça, pas moi ! Pour moi, la fin était symbolique, pas littérale. Allez, franchement, lisez des livres. Nous avons tout fait pour surtout ne pas vous montrer une mort littérale. Que vous ne voyiez pas la voiture s’écraser, vous n’avez pas vu un gros nuage de fumée remonter du fond du canyon. Vous êtes restés avec cette image d’elles en plein vol. Elles se sont envolées, hors de ce monde et dans l’inconscient collectif. Des femmes qui se libèrent totalement des chaînes qui les entravent n’ont pas leur place dans ce monde. Le monde n’est pas assez grand pour les inclure. Elles y mourront si elles y restent. Mais elles n’allaient pas se laisser attraper. Alors laissez les partir. J’ai adoré cette fin et j’adore cette image. Après tout ce qu’elles avaient vécu, je ne voulais plus que personne puisse les toucher. » -
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