Répondre à: La forme de l'eau: mieux vaut être poisson que muette

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#39404
Lana
Invité

Je trouve l’analyse effectivement un peu systématique sur le mode de la dénonciation du « film qui semble être progressiste mais en fait véhicule plein de sous entendus réacs racistes sexistes ».
En fait, son propos contre la société américaine archétypale telle qu’on l’a vendue comme modèle magnifique particulièrement à partir de la guerre froide, est clair.
Del Toro dénonce cette société, on peut peut être penser qu’il le fait aussi en tant qu’appartenant à une société, le Mexique, très maltraitée par l’impérialisme économique et culturel américain.
Je pense donc qu’après avoir construit sa carrière avec cette machine, il en profite pour lui faire un joli pied de nez. Il ne faut pas oublier qu’il a fait ce film avec des moyens très modestes, au regard des moyens alloués habituellement. Un mec comme Christopher Nolan dont le cinéma est lui parfaitement et clairement raciste, sexiste et impérialiste, fait des films avec 5 fois plus de pognon (20 M $ pour Del Toro, 100 M $ pour « Dunkerke »)
Et donc Del Toro rend les coups : TOUS les hommes américains blancs et hétéro sont des monstres, pas seulement le méchant. Et c’est cet « american dream » que Del Toro dénonce, de façon il est vrai tout à fait outrée, comme un cauchemar. Le mari de Zelda est un gros nul aussi, mais c’est bien parce qu’il est un « oncle tom ». Au contraire des collègues de Zelda.
Même le russe est humain. Ce qui, en ces temps de relent anti-russe réchauffé, est tout de même pas si anodin.
Et la sexualité de l’héroïne est plutôt bien montré. En gros, elle en a une sans que ça constitue un argument de vente, comme dans bien des films qui utilisent la sexualité féminine dans cet objectif, et c’est dans une démarche de désir et d’affirmation de vivre une sexualité bien à elle qu’elle « craque » pour l’amphibien ‘(je ne saurais trouver un terme plus adéquat).
Quand à l’évocation du pénis, là aussi c’est un pied nez à la question qu’on se pose quand on voit des « monstres » censés être nus au cinéma : où est leur zizi ?
De façon contradictoire, on peut tout de même s’interroger sur le véritable libre-arbitre de l’héroïne dans cette histoire et c’est là que le bas blesse.
ATTENTION : SPOILER
Alors voila (POUR CEUX QUI L’ONT VU OU QUI S’EN FOUTENT) : comme à la fin, elle se trouve adaptée à la vie aquatique par son étrange particularité physique, il semble qu’elle ait été « préparée » dans son pays d’origine (elle est originaire d’Amérique du sud, comme l’amphibien) pour être destinée à lui. Ou alors, elle l’aurait déjà rencontré, bébé ? est-ce lui qu’il l’a blessée ? Ou l’a t il au contraire sauvée ? (il a des pouvoirs spéciaux). en tout cas, ça pourrait aussi expliquer pourquoi elle n’est jamais effrayée par lui mais au contraire tout de suite attirée, alors que sa collègue Zelda se montre plus prudente. Ce qui semble tout de même une réaction normale. Moi, je le verrais, comme ça, au premier abord, je ne lui sauterais pas dans les bras.
Bref. C’est là où le conte en est un : il n’y a pas de hasard à cette histoire à tiroir aux interprétations multiples.
Par ailleurs, concernant la violence, on est aussi dans la particularité des films de Del Toro : des contes cruels et violents.
Je pense que sur cette question, le traitement du fond d’un film doit aussi s’accompagner d’un regard sur l’écriture du réalisateur. Del Toro fait des films avec une violence sanglante et cruelle. Pourquoi ? C’est un autre sujet mais ce n’est pas une facilité de sa part.
En tout cas, même si il utilise la violence, je trouve qu’elle ne sert pas, par un contre point pervers de bien des films, la puissance de l’homme blanc. A voir : (si on le cœur bien accroché) : le Labyrinthe de Pan. Là encore : le monstre est l’homme blanc, viril, militaire. Ah oui : l’armée. A l’évidence, pour Del Toro, là est le danger réel.

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