Posts Taggés par Pretty Woman

50 shades of s*** : la violence conjugale monochrome

NB : Cet article ne traitera que du film 50 shades of Grey, et pas du livre dont il est tiré. NB 2 : Comme d’habitude, je ne traite que les aspects politiques de l’œuvre et en aucun cas sa qualité cinématographique. Je n’avais pas lu le roman 50 shades of Grey avant d’aller voir […]

Sleeping with the Enemy (1991) : le cauchemar de Pretty Woman

Dans un article intitulé “Sleeping with the Enemy as Pretty Woman, Part II? Or what happened after the princess woke up”[1], la chercheuse féministe Jane Caputi proposait de lire le film Sleeping with the Enemy (1991) comme une suite cauchemardesque de Pretty Woman, sorti un an plus tôt. La présence en tête d’affiche de l’actrice […]

Pretty Woman et le complexe de Cendrillon

En psychologie, le « complexe de Cendrillon » désigne un désir inconscient éprouvé par les femmes d’être prises en charge, le plus souvent par leur partenaire masculin. Cette théorie est développée pour la première fois par Colette Dawling dans son livre intitulé Le Complexe de Cendrillon. Le « complexe de Cendrillon » est problématique car il est le résultat […]

 

Comparaison avec Maid in Manhattan, une autre histoire de Cendrillon

 

Maid in Manhattan (Coup de foudre à Manhattan) est lui aussi une histoire de Cendrillon, avec deux personnes diamétralement opposées dans le système social qui tombent amoureuses l’une de l’autre.

Marisa Ventura est femme de chambre dans un luxueux hôtel new-yorkais. Un jour, poussée par sa collègue et amie, elle essaye pour s’amuser la tenue luxueuse d’une cliente de l’hôtel et croise par hasard Chris Marshall, candidat au sénat. Après une journée passée ensemble, celui-ci est persuadé que Marisa fait partie de la haute société new-yorkaise et cherche à la revoir tandis qu’elle doit absolument l’éviter si elle ne veut pas perdre son travail.

Maid in Manhattan reprend exactement le même type de scénario que Pretty Woman, ou une femme dans une position peu enviable tombe amoureuse d’un homme puissant.

Paradoxalement, Maid in Manhattan se rapproche plus du conte original (on retrouve le Bal, le malentendu, la quête de l’inconnue, les méchantes sœurs, la bonne fée, etc…) mais est beaucoup moins nauséabond politiquement.

Pour commencer, Marisa est beaucoup moins désespérée que Vivian. En effet si son travail n’est pas épanouissant, celle-ci à l’ambition de devenir manager dans l’hôtel ou elle travaille. Cette ambition sera conservée tout au long du film et même atteinte dans l’épilogue.

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Ce n’est pas parce que tu as rencontré le prince charmant, que tu dois renoncer à tes ambitions…

Alors qu’on voit clairement le personnage de Vivian se transformer pour correspondre aux attentes d’Edward. Marisa reste entière tout au long du film, n’hésitant pas à défendre ses valeurs et à donner des opinions bien tranchées.

De plus la relation entre Chris et Marisa n’est pas principalement monétaire, si Marisa se retrouve à porter de luxueux vêtements à deux reprises dans le film, ceux-ci sont « empruntés » à une cliente de l’hôtel et non pas fournis par son « prince charmant ». De même les activités qu’ils font ensemble (promener le chien, aller au zoo) ne sont pas des activités « de luxe », on peut donc voir que Marisa apprécie Chris pour sa compagnie et non pas pour les avantages qu’il lui apporte.

Si Maid in Manhattan est beaucoup moins sexiste que Pretty Woman, le film n’évite pas certains poncifs, notamment avec le personnage de Caroline Lane. Elle est, avec son amie Rachel, l’équivalent des deux méchantes sœurs de Cendrillon dans le conte.

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Les deux méchantes « sœurs » au meilleur de leur forme…

Caroline est une riche mondaine sortant d’une rupture qui s’est mis en tête de séduire Chris Marshall, son personnage est la caricature typique de l’hystérique, à la fois dans sa gestion de la rupture et dans ses tentatives pour séduire Chris Marshall. Car au cinéma une femme prenant l’initiative de séduire un homme est le plus souvent soit une femme fatale, soit une hystérique désespérée. De plus, Caroline devient la méchante de l’histoire car c’est elle qui dénonce Marisa par pure rivalité féminine.

Le film est également problématique car si Chris ne « sauve » pas Marisa, il remplit cependant un manque dans sa vie, en devenant un père de substitution pour son fils, on retrouve ainsi la fameuse famille « normale » si chère aux médias…

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La famille parfaite…

Bien qu’il reste beaucoup plus fidèle au conte original (c’est d’ailleurs cette fidélité qui lui confère des éléments sexistes comme les deux méchantes sœurs), Maid in Manhattan reste néanmoins beaucoup moins sexiste que Pretty Woman, principalement grâce à un personnage féminin fort et intransigeant et à une relation beaucoup moins basée sur l’argent. Le film valorise également l’empowerment des femmes au travers de leur carrière professionnelle. Il est donc possible d’adapter un conte de fée d’une façon qui ne soit pas atrocement sexiste.

La damoiselle en détresse, ennemie de l’indépendance des femmes

L’histoire de type Cendrillon n’est au fond pas autre chose qu’une dérive du schéma de la damoiselle en détresse, qui est l’un des schémas que l’on retrouve excessivement souvent dans les œuvres de fiction et qui s’adresse aux hommes comme aux femmes. On retrouve ce schéma dans quasiment toutes les cultures patriarcales et à quasiment toutes les époques. On peut considérer qu’il s’agit que l’un des éléments fondateurs de notre société patriarcale.

http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/DamselInDistress?from=Main.DistressedDamsel

Le trope de la damoiselle en détresse enseigne aux femmes que plutôt de se sortir d’une situation elles-mêmes, il faut attendre l’aide d’un homme. Plutôt que de prendre leur vie en main, les femmes sont donc maintenues dans la dépendance des hommes.

Que ce soit sous forme de conte de fée, de film ou de livre, les histoires de Cendrillon, et par extension de damoiselle en détresse, sont problématiques car elles façonnent nos fantasmes, nos désirs, nos attentes et nos relations avec l’autre sexe. Ces tropes ont un double effet pervers : maintenir les femmes dans la passivité et imposer des normes quasi-inaccessibles aux hommes.

En effet ceux-ci doivent absolument faire preuve de puissance, de richesse et de pouvoir afin d’être désirables. Les hommes subissent également la pression patriarcale, et plus encore ceux qui ne correspondent pas aux clichés traditionnels de la virilité : les homosexuels (même s’ils ont des comportements « virils », la société les considère souvent comme des « peu masculins »), les hommes voulant exercer un métier traditionnellement réservés aux femmes, les hommes dit « sensibles ». Les hommes souffrant de la pression patriarcale ont d’ailleurs tout intérêt à déconstruire le genre comme les féministes le font plutôt que de rejoindre les rangs des masculinistes…

Les femmes sont tout de même les premières victimes des injonctions patriarcales venant des tropes de damoiselle en détresse et des contes de fée qui non seulement les privent de toute forme de pouvoir, mais leur font en plus croire que cette absence de pouvoir et cette soumission à l’homme sont la clé d’un réel bonheur qui répond aux « aspirations naturelles » de « lafâme »[5].

Julie Gasnier

Edit : Suite au commentaire d’une personne concernée, j’ai modifié le terme « Prostitué-e » par le terme « Travailleur-euse du sexe », j’ai également modifié quelques formulations qui me paraissaient problématiques. Le sens de l’article n’a pas été modifié.

Sur Pretty Woman, voir aussi sur ce site l’article de Paul Rigouste : Sleeping with the Enemy (1991) : le cauchemar de Pretty Woman

[1] Un lien qui analyse cette nouvelle standardisation des fantasmes : http://fsimpere.over-blog.com/article-est-ce-ainsi-que-les-femmes-revent-120620101.html

[2] L’aphrodisme est le système de domination consistant à valoriser dans une société donnée les individus correspondant aux normes de beauté physique de cette société, tout en dévalorisant ceux/celles qui n’y correspondent pas. L’aphrodisme est analogue à d’autres systèmes de domination comme le sexisme ou le racisme en tant que, comme eux, il construit socialement une inégalité à partir d’une différence physique qu’il a arbitrairement posée comme significative, voire essentielle. Cf : L’article de Paul Rigouste : http://www.lecinemaestpolitique.fr/en-finir-avec-laphrodisme-au-cinema/

[3] http://cafaitgenre.org/2013/07/15/le-male-gaze-regard-masculin/

[4] A titre personnel, je suis anti-abolitionniste :

http://www.slate.fr/tribune/60175/abolition-prostitution-feminisme

http://www.acontrario.net/2012/02/04/discours-abolitionnistes-victimes-putes/

http://www.crepegeorgette.com/2013/09/27/pourquoi-la-penalisation-du-client-de-prostituees-est-une-mauvaise-idee/

http://radio-londres.fr/2012/10/interview-de-morgane-merteuilsecretaire-generale-du-strass/

[5] Oui, lafâme, vous savez, cet éternel féminin qu’on trouve beaucoup dans les médias et si peu dans la réalité…