Monstres Academy (2013) : vive le capitalisme patriarcal !
12 décembre 2013 | Posté par Paul Rigouste sous Films d'animation, Tous les articles |
Conçu comme un préquelle de Monstres et Cie (produit par Pixar en 2001), Monstres Academy (Monsters University en VO) nous ramène au temps où Bob et Sulli arpentaient les couloirs de l’université pour devenir des « terreurs » (nom donné aux employés de l’usine chargés d’effrayer les enfants afin de récolter l’énergie produite par leurs cris). Or, loin de n’être un retour en arrière que d’un point de vue chronologique, ce nouvel opus l’est aussi et surtout d’un point de vue idéologique. Il articule en effet de manière totalement décomplexée un propos à la fois ultra-libéral, pro-capitaliste, élitiste, viriliste et masculiniste.
C’est précisément cette dimension politique que je me propose d’analyser ici, en essayant entre autres de mettre en relief ce qui l’éloigne des velléités progressistes du premier (que j’ai déjà analysé sur ce site avec un autre angle d’approche, à savoir les représentations qu’il donne de la paternité et de la virilité).
Monstres et Cie, ou la « moralisation du capitalisme »
Si Monstres et Cie était loin d’être un film anticapitaliste, on pouvait néanmoins y trouver quelques éléments de critique à ce sujet. Tout le mouvement du film consiste en effet à substituer à un capitalisme « sauvage » et « débridé » un capitalisme plus « moral » et « humain ». Alors qu’au début l’entreprise produisait de l’énergie en terrorisant des enfants, Sullivan substitue à cette exploitation un mode de production où la souffrance a été remplacée par le plaisir (puisqu’il s’agit maintenant de les faire rire au lieu de les faire pleurer). De plus, la mise en concurrence des employés et la hiérarchie au sein des équipes de travail semblent avoir disparu. On ne voit plus de tableau indiquant le classement des monstres les plus performants, et certains de ceux qui étaient des assistants au début (comme Bob) peuvent occuper le poste prestigieux de « terreur » qui leur était inaccessible auparavant. Le travail à l’usine ressemble alors à une sorte de fête perpétuelle où tout le monde s’active dans la joie et la bonne humeur, sous le regard paternel et bienveillant de Sulli, le nouveau patron.
Le capitalisme comme une immense fête supervisée par papa
En trouvant l’idée qui allait permettre d’augmenter la productivité de l’entreprise (le rire produit 10 fois plus d’énergie que la peur), Sulli a sauvé « Monstres et Cie » de la faillite, ce que son cupide prédécesseur n’avait pas réussi à faire.
On est donc très loin d’une remise en question du capitalisme. Au méchant patron prêt à tout pour faire des bénéfices (même torturer des enfants) s’est juste substitué le gentil patron qui veille sur ses employés comme un père sur ses enfants. Le chemin parcouru par Sulli au sein de l’entreprise recoupe en ce sens sa trajectoire de « nouveau père », puisque sa relation avec la petite Bouh lui a justement appris à devenir doux en laissant derrière lui tout son attirail de « terreur n°1 ». En promouvant ainsi un capitaliste paternaliste, le film ne remet donc aucunement en cause l’idée selon laquelle il faut des chefs et de la hiérarchie, bien au contraire. Du début à la fin, Sulli reste la star, celui qui se distingue de la masse des prolétaires abrutis, et Bob le débile, tellement débile qu’il ne se rend même pas compte de son infériorité. C’est d’ailleurs l’objet d’une blague, qui nous montre le petit monstre vert ravi de figurer sur « la couverture d’un magazine », alors que son visage est complètement caché par un code barre :
L’abruti content, parce que tellement abruti qu’il ne comprend même pas quand il est humilié
En reprenant à la fin cette blague qui ouvrait le film, les scénaristes nous font bien comprendre que rien n’a changé malgré les apparences, et qu’il existe encore un fossé entre les idiots comme Bob et les êtres exceptionnels comme Sulli. Celui-ci commandera et les autres se soumettront, puisqu’ils sont très manifestement beaucoup trop limités pour gérer eux-mêmes et collectivement leur usine.
Au lieu d’être remis en question en tant que système fondé sur l’exploitation et la souffrance, le capitalisme est sauvé par le film en étant « moralisé ». Tout est bien qui finit bien : les patrons commandent, les ouvriers se font exploiter dans la joie, et la croissance a repris de plus belle. Que demande le peuple ?
La sainte croissance donne sa bénédiction au capitalisme moralisé
Personnellement, je trouve ce genre de discours prônant la « moralisation » du capitalisme totalement mystificateur, puisqu’il revient à nous faire croire qu’il est possible de moraliser une exploitation (la bonne blague…). En tant qu’il participe de cette idéologie (dont le but principal est à mon avis de sauvegarder un système pourtant responsable de la souffrance de l’immense majorité de la population mondiale), Monstres et Cie reste un film profondément nauséabond politiquement. Néanmoins, on peut lui reconnaître le mérite de montrer le capitalisme comme un système produisant de la souffrance (dans la première partie du moins) et d’amorcer un début de critique conduisant à une « alternative » un peu plus respectueuse des individus. Or de ces bribes de remise en cause il ne reste plus rien dans le second volet des aventures de Bob et Sulli…
Monstres Academy, ou l’apologie du capitalisme
Monstres Academy revient donc sur ces quelques éléments de critique pour proposer une véritable apologie du capitalisme et de ses valeurs. Lorsque ses camarades sont découragés parce qu’on leur a bien fait comprendre qu’ils n’étaient pas faits pour jouer en « première division » (c’est-à-dire devenir des « terreurs »), Bob sait comment les faire rêver : il les emmène sur le toit de l’usine pour aller voir en vrai ce que c’est que d’être un ouvrier chez Monstres et Cie. Pendant toute la scène, le public est ainsi encouragé à partager le regard ému des héros, qui bavent devant cette panacée de l’épanouissement humain qu’est l’exploitation capitaliste. Dans un premier plan, on nous invite à admirer l’usine de l’extérieur et de nuit sur fond de musique lyrique avec plein de trompettes. Alors même qu’il est entouré d’une clôture barbelée (ce qui aurait pu lui donner un air de prison ou de camp de travail forcé), le bâtiment est magnifié avec insistance, avec en arrière-plan une multitude de cheminées qui crachent leur fumée (parce qu’on bosse la nuit dans ce paradis qu’est Monstres et Cie). Puis les visiteurs vont observer ce qui se passe à l’intérieur. Les yeux exorbités et le sourire aux lèvres, ils s’extasient devant les ouvriers travaillants à la chaîne et le tableau indiquant les scores réalisés par les plus performants d’entre eux.
Ouaaaaah, le travail à la chaîne et la mise en concurrence des employés, c’est vraiment le rêve !
Tels des fans devant leurs stars favorites, les terreurs en herbe reconnaissent même leurs idoles d’enfance (« Regardez, c’est « Earl The Terror Thompson » ! Il a détenu le record de terreur pendant 3 ans !!! »). Comme dans Monstres et Cie, les employés les plus performants jouissent donc du statut de star, dans un monde où la compétition capitaliste est médiatisée de la même manière que le foot dans notre société (il existe même des cartes à collectionner à l’effigie des « terreurs » les plus célèbres…). En faisant ainsi la concurrence au sein de l’entreprise à une sorte de compétition sportive excitante, le film glamourise à l’extrême ce qui est et restera toujours par définition une exploitation[1]. On ne remerciera jamais assez Pixar de faire rêver nos enfants avec une si belle utopie…
En plus d’être ainsi glamourisé, le travail au sein de l’entreprise Monstres et Cie est présenté comme le seul horizon possible pour les héros. A aucun moment du film ne se dessine ne serait-ce que l’esquisse d’une alternative un peu attrayante pour eux. Alors même qu’ils n’ont aucune disposition pour devenir des « terreurs », les bras cassés qui recueillent Bob et Sulli dans leur fraternité n’envisagent jamais un autre avenir professionnel (et ne remettent jamais en cause ce système qui les exclut de manière pourtant si violente). La seule alternative pour eux, c’est soit avoir un boulot prestigieux à Monstres et Cie, soit avoir un boulot de merde à Monstres et Cie. En dehors du capitalisme, point de salut.
Cette idéologie selon laquelle il n’existe aucune vie digne de ce nom hors de l’ordre social dominant (que ce soit le système scolaire élitiste ou le système capitaliste) est constamment réaffirmée pendant le film grâce à une opposition récurrente entre le « dedans » et le « dehors ». Lorsqu’il visite pour la première fois l’usine Monstres et Cie avec son école (parce que c’est comme ça qu’on éduque les enfants dans le monde merveilleux de Pixar…), Bob est sommé de ne pas franchir la ligne qui marque l’entrée de l’atelier, ce qu’il fera, témoignant ainsi son désir de faire partie de cette grande famille. On retrouvera la même symbolique quand il arrivera à l’Université des monstres, puis quand il s’en fera exclure. Le film insistera d’ailleurs sur la honte que constitue le fait d’être ainsi en dehors du système : alors que Bob se résigne en déclarant finalement se satisfaire d’être juste « ordinaire » (« I’m ok just being ok »), Sulli le regarde avec un air dépité. Etre ordinaire et pas au-dessus des autres, quelle horreur ! Comme Les Indestructibles, Monstres Academy crache sur « les médiocres » et glorifie ceux qui se distinguent de la masse de par leur exceptionnalité. Contre l’égalité et pour la hiérarchie entre les individus, Pixar persiste et signe.
Etre comme les autres et pas au-dessus d’eux ? Oh non, déconne pas Bob, tout mais pas ça…
Heureusement, à force de travail et d’ambition, Bob retrouvera son honneur en se faisant employer à Monstres et Cie et en grimpant les échelons pour devenir une « terreur ». Le film se conclut ainsi par un plan montrant notre héros franchir fièrement la ligne séparant les gens « ordinaires » et sans valeur des gens exceptionnels qui comptent en ce bas monde…
A côté de cela, Monstres Academy semble parfois critiquer l’individualisme compétitif et le culte de la performance. A la première épreuve des « Scare Games », Bob et Sulli manquent de peu de faire perdre leur équipe parce qu’ils jouent trop « perso ». Ils prendront alors conscience que l’union fait la force et qu’il vaut mieux « travailler en équipe », et parviendront ainsi à arriver jusqu’en finale. Mais si les valeurs de coopération et de solidarité sont ainsi valorisées, c’est uniquement dans le cadre plus général d’une compétition qui oppose des équipes entre elles. La seule collaboration que le film envisage est donc le travail d’équipe qui permet de devenir plus forts pour écraser les autres…
C’est toujours à l’intérieur de ce cadre idéologique que le film fera l’apologie du travail en équipe. Alors qu’ils se bousculaient dans leur chambre le matin au réveil, Bob et Sulli finissent par coordonner parfaitement leurs mouvements. Le duo est ainsi devenu une machine bien huilée, plus performante, et ainsi prête à servir les intérêts du capitalisme de la manière la plus optimale.
Aucune contradiction avec l’apologie du capitalisme et de ses valeurs donc, bien au contraire. En affirmant la nécessité de travail en équipe pour être plus performant et écraser la concurrence, le film ne fait que relayer une idéologie qui est depuis longtemps un pilier de la philosophie managériale de nombreuses entreprises.
Le pouvoir aux biens nés et aux méritants
De plus, cette coopération que le film valorise est loin de placer tous les individus sur un pied d’égalité. Au sein de l’équipe des Oozma Kappa, la hiérarchie semble s’imposer tout naturellement. Bob et Sulli sont en effet présentés dès le début comme supérieurs à leurs autres camarades, ce qui leur confère automatiquement le pouvoir au sein du groupe. Loin de critiquer ce schéma où certains semblent voués à commander et d’autres à obéir par nature, le film le présente comme un ordre souhaitable et harmonieux qui satisfait les dominants comme les dominés.
Parce qu’il sait toujours mieux que tout le monde, Bob devient le coach de l’équipe. Il passe ainsi son temps à donner des ordres à ses partenaires et à superviser les entraînements pour les « Scare Games ».
On avance quand JE dis d’avancer
On se tait quand JE dis de se taire
On lève les genoux quand JE dis de le faire (moi j’ai pas besoin…)
On fait des pompes sous la pluie parce que JE l’ai dit
Et tu m’écoutes quand JE t’explique comment te servir de ton corps (parce que JE le sais mieux que toi)
Si le film semble tenir au début un regard plutôt critique sur le leadership de Bob, c’est seulement parce qu’il cherche aussi en même temps à poser Sulli comme indispensable. Dans la scène de la bibliothèque, Bob manque en effet de faire perdre son équipe parce qu’il est trop prudent, et il faudra l’audace de Sulli (qui entrainera avec lui le reste de l’équipe) pour leur permettre de se qualifier. Si Bob sait mieux que tout le monde, il lui manque (et lui manquera toujours[2]) ce tempérament sanguin qui fait le véritable homme d’action, et que seul Sulli possède.
En effet, Sulli est présenté comme supérieur aux autres Oozma Kappa du fait de ses capacités physiques et de sa plus grande virilité, qui font de lui une véritable « terreur née ». Contrairement à Bob qui a acquis ses compétences par le travail et la volonté, Sulli les possède par hérédité, parce qu’il est « le fils Sullivan ». Il existe donc deux types de chefs légitimes pour le film : les leaders naturels (qui possèdent des dispositions héréditaires dont le commun des mortels sera toujours privé) et les méritants (qui se distinguent de la masse par leur persévérance et leur ambition).
Monstres Academy concocte ainsi sa petite idéologie à l’usage des enfants, qui pioche aussi bien dans le culte de la hiérarchie naturelle que dans le mythe libéral promettant gloire et réussite aux plus travailleurs. Et pour nous faire passer sa pilule réactionnaire, le film lui donne la forme d’une belle-amitié-entre-deux-êtres-complémentaires-qui-doivent-chacun-apprendre-l’un-de-l’autre. Sulli doit apprendre de Bob que l’hérédité ne suffit pas mais qu’il faut aussi travailler dur pour développer ses dispositions naturelles, et Bob doit apprendre de Sulli qu’il faut parfois savoir reconnaître ses limites et se contenter de la place qui nous est destinée dans la belle hiérarchie capitaliste.
Difficile de ne pas voir là-dedans une autojustification par les dominants de leur place à l’intérieur du système capitaliste. Le seul qui peut prétendre légitimement à occuper la place la plus prestigieuse au sein du système est l’héritier (Sulli), celui qui a tout ce qu’il faut parce qu’il l’a reçu de papa à la naissance. Voilà une thèse qui a dû bien plaire à Arnaud Lagardère et ses copains du MEDEF. Mais en même temps, comme cette apologie de l’hérédité et de la reproduction sociale est un peu trop manifestement injuste pour être avancée d’une manière aussi décomplexée, le film l’agrémente d’un petit couplet libéral et méritocratique : « il y a des chefs par nature, mais attention, ceux-ci doivent mériter leur place ! ». On retrouve ici le même genre de discours que dans Le Roi Lion, dans lequel on nous répète que Simba est le seul leader légitime parce qu’il est le fils de papa, mais qu’il doit tout de même mériter sa place en montrant qu’il a le sens des responsabilités et les couilles nécessaires pour être un vrai chef (en dégageant Scar l’usurpateur dans un affrontement viril), au lieu de se la couler douce à la Hakuna Matata. Un beau cocktail idéologique quoi…
Une des grosses mystifications qui s’opère également ici consiste à évacuer toute considération pour les exclus et les dominés de ce système élitiste. On voit finalement nos deux héros méritants gravir l’échelle sociale à force de travail et de volonté, mais on entend bizarrement plus du tout parler des autres Oozma Kappa…
Oui on te donnera de nos nouvelles nous les winners, mais par contre de comment tu vas finir toi le looser on s’en fout. Allez, bye bye les nazes, on vous reverra pas du film parce que ceux qui « réussissent » pas, on s’en fout chez Pixar…
De même, la nature hiérarchique de la relation entre Sulli et Bob est subtilement dissimulée. J’ai l’impression que le film reste ambivalent sur ce point, et que l’on peut analyser cette relation de deux façons différentes, aussi horribles l’une que l’autre puisqu’il s’agit soit d’une relation hiérarchique dans laquelle Bob domine, soit une relation hiérarchique dans laquelle Sulli domine. D’un certain point de vue, on peut considérer que l’on a affaire ici à une revalorisation du personnage de Bob, totalement méprisé dans le premier volet. Celui-ci n’est plus l’assistant insignifiant de Sulli la superstar, mais son « coach », qui lui permet de développer tout son potentiel. Sulli reconnaît d’ailleurs à plusieurs reprises qu’il doit tout à Bob, et le film nous l’illustre sans ambiguïté dans la scène du dortoir. Or la manière dont ce rapport coach/athlète est développé par le film ressemble fort à une dichotomie esprit/corps. Bob, qui a le cerveau mais pas les muscles, commande en disant ce qu’il doit faire à Sulli, qui a les muscles mais pas le cerveau. Cette opposition entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent me semble fonctionner essentiellement comme une justification de l’organisation hiérarchique au sein de l’entreprise capitaliste.
Mais on peut aussi faire une autre lecture de cette relation « complémentaire » entre Bob et Sulli, en y voyant une façon de dissimuler la supériorité de Sulli la star, un discours mystificateur faisant passer une inégalité pour de la « complémentarité ». Alors que dans Monstres et Cie, la supériorité de Sulli la star sur Bob le larbin était affirmée sans complexe (et même objet de blagues dont on était censé-e-s rire), elle serait devenue ici un peu trop dérangeante. Monstres Academy tente ainsi de nous présenter le poste d’assistant qu’occupe Bob comme étant aussi prestigieux que celui de Sulli, alors que seules les « terreurs » ont été glorifiées depuis le début du film. Cette pirouette peu convaincante a ainsi pour fonction de nous faire oublier que dans le système hiérarchique valorisé par le film (aussi bien à l’université qu’à l’usine), il y a certaines places beaucoup plus enviables que d’autres, et donc des larbins qui sont cantonnés aux tâches ingrates et méprisées (comme fabriquer les bouteilles servant à recueillir les cris par exemple).
Le cours des loosers pour devenir un minable fabriquant de bombonnes
Après avoir dévalorisé ces postes subordonnés pendant une heure et demie, le film nous explique qu’en fait chaque individu à une égale importance au sein de l’entreprise et qu’il s’agit pour chacun de « trouver sa place ». Difficile de faire plus hypocrite…
Jamais Monstres Academy ne remettra en question l’idée de hiérarchie. Certaines pistes intéressantes avaient pourtant été lancées vers le milieu du film. Bob explique par exemple aux bras cassés d’Oozma Kappa qu’il existe autant de manières d’être terrifiant qu’il existe d’individus. Lors des séances d’entrainement qu’il supervise, il les encourage ainsi à découvrir le potentiel qui se cache en chacun d’eux et à développer leurs aptitudes personnelles. Cette manière de valoriser les différences en montrant que tout le monde peut être compétent à sa manière, dans son registre propre, représentait un pas notable vers une conception plus égalitariste de l’organisation sociale. Mais le film fera finalement marche arrière en posant une valeur comme absolue et indépassable (ici le fait d’être une « terreur »). Seul Sulli parviendra ainsi à réaliser son rêve, Bob devra quant à lui apprendre à connaître ses limites (et je ne parle même pas des autres bras cassés dont on entend plus parler, mais dont on se doute bien qu’elles ne deviendront pas des stars comme Sulli l’héritier). Parce qu’il refuse de sortir du cadre du capitalisme et de ses valeurs (concurrence, individualisme, performance, etc.), le film ne peut donc donner suite à ses velléités égalitaristes, et finit par réaffirmer les bonnes vieilles valeurs hiérarchiques (avec une petite touche d’hypocrisie qui lui permet de ne pas se poser la question de l’échec et des exclus/dominés que ce système produit en masse).
L’importance d’être un gros dur et pas une petite fiotte
Comme je l’ai dit, le rêve de tous les protagonistes masculins du film est de devenir une « terreur », donc non seulement un mec qui fait peur et intimide les autres, mais aussi un mec qui écrase les autres pour être le meilleur (puisque, je le rappelle, le fonctionnement de l’usine est basé sur une mise en concurrence perpétuelle des employés). Pour bien mesurer le recul que constitue cette glorification de la masculinité capitaliste-patriarcale par Monstres Academy, il faut se rappeler à quel point le projet idéologique de Monstres et Cie lui était opposé. Comme j’ai essayé de le montrer ailleurs sur ce site, le premier opus valorisait l’évolution de Sulli qui devenait un père doux et affectueux en luttant contre les injonctions à la virilité et sa propre intériorisation des normes masculines traditionnelles. Plus rien de tout cela ici : être un homme, c’est être la plus terrifiante de toutes les terreurs. Point.
L’incapacité du film à se détacher de ces valeurs donne d’ailleurs lieu à une scène assez ridicule. Je veux parler du moment où Bob et Sulli disent adieu à leurs amis des Oozma Kappa. Alors que ceux-ci n’ont absolument rien d’effrayant, Bob leur déclare en les quittant : « Vous êtes les monstres les plus effrayants que j’ai jamais rencontré. Ne laissez personne vous dire le contraire ». La musique larmoyante qui accompagne la scène nous invite à nous émouvoir de cette soumission totale aux idéaux virils. Ce qui est censé être beau ici, c’est de continuer à croire en ces belles valeurs alors même qu’elles nous sont inaccessibles. Et même pire : de se convaincre soi-même et de convaincre les autres qu’on les incarne contre ceux qui diront le contraire. Au lieu de reconnaître que les Oozma Kappa sont plus mignons que terrifiants et de les valoriser ce sens, le film préfère montrer comme touchant le déni de Bob, qui persiste à ne vouloir considérer ses amis qu’au regard des normes viriles dominantes. Monstres Academy se révèle ainsi totalement incapable d’envisager d’autres types de masculinités que la bonne grosse masculinité traditionnelle[3]. En dehors de la virilité, point de salut.
Ce virilisme est martelé tout au long du film, en présentant tout ce qui peut ressembler à quelque chose de « féminin » comme absolument honteux pour nos héros. Pour les humilier, les autres fraternités les bombardent ainsi de paillettes et de fleurs, avant de lâcher sur eux des animaux en peluche. Dans le même esprit, Bob connaît le sommet de sa crise existentielle lorsqu’il s’aperçoit que des petites filles le trouvent mignon et veulent lui faire des câlins. Et Sulli est quant à lui profondément dégouté quand il s’aperçoit que son camarade lui a fait des bisous sur la main pendant son sommeil…
Pouah ! T’embrassais ma main ? T’es pédé ou quoi ?
Au lieu de déconstruire les injonctions normatives qui répètent aux garçons qu’ils doivent à tout prix se distinguer des filles (ces êtres inférieurs), Monstres Academy préfère en rajouter dans la stigmatisation de ceux qui s’écartent de la norme.
Par une pirouette finale, Monstres Academy parvient même à intégrer Bob à son apologie de la virilité. La chose était loin d’être gagnée d’avance, car même si celui-ci a tenu pendant tout le film le rôle du chef qui donne des ordres à tout le monde, son physique n’est pas vraiment celui d’un Stallone ou d’un Schwarzenegger… Lorsque les deux héros se font virer de l’université et que Bob a pris conscience qu’il ne pourra jamais être une terreur, Sulli comprend ce qui fait la véritable valeur de son pote : « Mike, tu n’es pas effrayant. Pas le moins du monde. Mais tu n’as peur de rien ! ». Ouf, nous voilà rassuré-e-s, ce n’est pas parce que Bob n’est pas une terreur que c’est forcément une fiotte. C’est sûr que c’est toujours mieux d’être le plus fort et le plus viril (la star reste Sulli, ne l’oublions pas), mais c’est pas grave si on y arrive pas… à condition d’avoir tout de même des couilles !
Devenir des hommes loin du matriarcat
Le film nous fait suivre l’itinéraire des deux héros qui tentent de devenir des « terreurs », c’est-à-dire des hommes virils. Tout l’enjeu pour eux ainsi est de faire leurs preuves en la matière, au sein d’un univers qui s’avère peu propice à l’épanouissement de leur masculinité[4] : l’université. Comme par hasard, celle-ci est dépeinte comme une sorte de matriarcat gouverné de main ferme par la terrifiante doyenne Hardscrabble.
Celle-ci est d’ailleurs introduite par une blague qui montre bien à quel point elle est une menace pour les hommes. On voit un professeur se présenter en cherchant à intimider les élèves : « Je suis sûr que vous deviez être les monstres les plus terrifiants dans votre ville. Mauvaise nouvelle : vous êtes dans MA ville maintenant, et on ne m’effraie pas facilement ». Alors qu’il vient tout juste de finir sa phrase, le professeur sursaute de peur, effrayé par la doyenne qui fait alors son entrée.
Qui a peur de la doyenne Hardscrabble ?
Dans le même esprit, la bibliothécaire est elle-aussi une figure féminine explicitement castratrice. Impitoyable, elle fait régner la terreur sur son royaume en y imposant un silence de mort.
Au lieu de se soumettre à son autorité, les Oozma Kappa la provoqueront en improvisant un concert destiné à faire tourner la vieille femme en bourrique. Par cette séquence jubilatoire, le film valorise ainsi la rébellion de nos héros masculins face au matriarcat castrateur. Ils chantent à tue-tête, tapent du pied, hurlent, shootent dans les affaires des autres étudiants, etc., comme s’ils pouvaient enfin exprimer leur masculinité brimée.
La troisième figure féminine qui empêche les terreurs en herbe de « s’épanouir dans leur virilité » est la mère de Squishy. Celle-ci n’est pas autoritaire et terrifiante comme le sont la doyenne et la bibliothécaire, mais son emprise sur les héros s’avère tout aussi néfaste. Elle est en effet une mère envahissante, qui ne laisse pas à son fils et ses copains l’espace dont ils ont besoin pour « explorer leur masculinité » entre hommes. Un gag la montre ainsi gêner le bon déroulement du rituel d’initiation de Sulli et Bob dans la fraternité des Oozma Kappa en faisant bruyamment la lessive juste à côté.
Notons au passage que ces trois femmes castratrices sont les seuls personnages féminins à être individualisés[5]. Les étudiantes des sororités concourant pour les « Scare Games » ne sont en effet que des exemplaires d’un même stéréotype. C’est flagrant pour les « Pinks Nu Kappa », sortes de bimbos rose bonbon habillées en pom-pom girls qui ricanent comme des niaises.
Les femmes, ces êtres interchangeables…
De leur côté, les « Hyènes Si-Si », sortes de gothiques introverties, sont représentées comme différentes les unes des autres, et possèdent donc un peu plus d’invidualité que les bimbos (même si elle n’ont pas non plus droit à la parole, faut pas pousser). Mais le film ne les posera jamais comme digne d’intérêt pour nos héros masculins (à la différence de « Pinks Nu Kappa » qui sont présentées comme objets de désir). Apparait ici l’étroitesse des normes de beauté féminines qui ne tolèrent qu’un seul type de physique… impossible à atteindre. Au lieu de profiter du fait qu’il met en scène un univers de « monstres » pour valoriser des physiques qui sortent de la norme sexiste dominante, Pixar préfère ajouter sa pierre à l’oppression.
… mais une seule façon d’être belle.
Mais revenons à nos héros brimés par le matriarcat castrateur. C’est uniquement en fuyant ce monde dominé par les femmes que nos deux héros pourront enfin devenir des hommes. Une étape cruciale est franchie dans la scène où Bob s’aventure dangereusement dans le « vrai monde ». Ce moment intervient après la finale des Scare Games. Si les Oozma Kappa ont officiellement gagné, Bob déchante rapidement lorsqu’il découvre que Sulli avait truqué le simulateur pour optimiser son score. Notre héros est profondément blessé, non seulement parce qu’il ne mérite pas sa coupe, mais aussi et surtout parce que cela signifie qu’il n’est pas la terreur qu’il pensait être. Il décide alors d’aller « éprouver sa virilité » dans le monde réel (celui des humains), pour être fixé sur sa vraie valeur.
Après avoir atterri dans un dortoir en pleine forêt, il tente d’effrayer des enfants… en vain. La scène tourne au cauchemar lorsqu’il se retrouve encerclé par une horde de petites filles qui veulent lui faire des câlins.
Susciter des câlins au lieu de susciter des pleurs et des cris : le cauchemar
Le traumatisme est tel que Bob semble totalement anéanti lorsque Sulli le retrouve. On le voit abattu, à genoux au bord d’un lac en train de contempler son visage avec horreur. Le film nous invite ainsi à éprouver de l’empathie envers ce personnage qui souffre d’être mignon alors qu’il préfèrerait avoir une gueule de tueur. Au lieu de contribuer à déconstruire les normes viriles qui encouragent les physiques puissants et imposants chez les garçons (en montrant par exemple un homme assumer un corps « ingrat »), Monstres Academy préfère s’attarder sur la douleur de ceux qui n’ont pas la chance de correspondre à ces normes (sans jamais suggérer que le problème pourrait résider dans ces normes elles-mêmes, et non dans le fait de ne pas y correspondre…).
Cela donne lieu à un pur moment de masculinisme où les deux héros se confient mutuellement leur souffrance d’être des hommes. Bob se plaint de son incapacité à correspondre aux normes de virilité, tandis que Sulli y va de son couplet en se larmoyant sur sa condition de dominant (« c’est si dur d’être un héritier, on a tant de pression à supporter, il faut être à la hauteur de ce qu’on attend de nous, dur dur… »). Bien évidemment, seule la souffrance masculine fait l’objet d’un tel traitement ici. On nous invite de manière insistante à éprouver de l’empathie pour ces pauvres hommes qui souffrent du patriarcat, mais des femmes on se fout royalement, comme toujours chez Pixar d’ailleurs. Non, la seule chose qui intéresse les hommes de chez Pixar, ben c’est les hommes, leur point de vue, leurs exploits et leurs souffrances. Etonnant non ? La seule et unique fois (en 27 ans d’existence et 17 longs métrages) où le studio a mis en scène une héroïne féminine, c’était dans Rebelle. Certes, Mérida avait le droit de parler un peu de sa souffrance, mais pas trop quand même, parce que toutes ces salades féministes c’est un truc de petite « orgueilleuse » et « égoïste » qui font de la peine à maman (voir ici). Par contre, Bob et Sulli ils sont pas égoïstes eux, ils souffrent vraiment…
Cette scène est absolument centrale, puisque c’est après ce moment de connivence masculine que les deux héros vont pleinement réaliser la force de l’amitié qui les lie (« Pourquoi ne m’as-tu jamais dit ça avant ? » « Parce que nous n’étions pas amis avant »). Merci Pixar de centrer comme ça un de ses films autour d’une belle histoire d’amitié masculine, c’est tellement rare (après tout y a que deux Cars et trois Toy Story…), et puis on croule tellement sur les histoires d’amitié féminines (euuuuh attendez je cherche… y a ptet euuuuh… Mérida eeeet… ben non, y en a pas une seule en fait).
Forts de leur complicité masculine, les deux hommes vont retrouver la force nécessaire pour se sortir de là, en montrant qu’ils en sont dans le pantalon. Sur une idée de Mike, ils élaborent un dispositif qui leur permet d’effrayer tout un groupe de policier, et parviennent ainsi à réactiver la porte pour retourner dans leur monde.
Tu la sens ma grosse virilité ?
Le retour en arrière par rapport à Monstres et Cie est vraiment flagrant ici. En effet, le premier opus condamnait sans ambiguïté ce comportement agressif de Sulli en montrant la petite Bouh pleurer et et reculer devant ce spectacle d’ultra-virilité. Cette réaction jouait ainsi le rôle de déclic chez le héros, qui décidait à partir de là de délaisser totalement son attirail viril pour devenir un homme doux et affectueux. Or dans Monstres Academy, ce comportement agressif et dominateur n’est plus du tout critiqué. Il est même totalement glorifié.
En unissant leurs forces, Bob et Sulli ont ainsi redoré le blason de leur masculinité, en montrant leur supériorité sur la femme qui les dominait jusqu’ici, la doyenne Hardscrabble. De l’autre côté de la porte, celle-ci ne comprend pas ce qui lui arrive. Toutes les bombonnes de la pièce se remplissent simultanément et explosent dans tous les sens tellement l’énergie générée par nos deux héros est énorme. Devant ses yeux ébahis, ils finissent par passer à travers la porte dans une explosion à laquelle seule Bruce Willis pourrait survivre en vrai… Elle s’approche d’eux, presque choquée, et avoue son incompréhension (« comment avez-vous fait ça ? »). Cette démonstration de virilité permet ainsi aux deux hommes de remettre la femme à sa place, c’est-à-dire en bas, elle qui osait les dominer alors qu’elle ne leur arrive pas à la cheville.
La femme ébahie devant le spectacle de la puissance masculine
Cette scène est d’autant plus symbolique que la doyenne Hardscrabble est présentée depuis le début comme la détentrice du « record de peur », c’est-à-dire comme celle qui a récolté le plus d’énergie en un seul coup. Ce record est matérialisé par une bombonne poussiéreuse qu’elle expose comme la preuve de sa légitimité à diriger l’université. Or ce n’est pas une bombonne que Sulli et Bob lui renvoient à la figure, mais des dizaines. Détrônée la matriarche. Humiliée.
Et ce n’est pas non plus un hasard si c’est en pleine forêt, dans le « monde réel », que les deux hommes sont enfin parvenus à « exprimer pleinement leur virilité ». Car pour le film, c’est seulement là qu’on peut devenir un homme, dans le monde sauvage et dangereux, et pas dans celui, artificiel et sécurisé, de l’université. En plus d’être dominé par des figures féminines, ce dernier est rempli de machines qui ne font que simuler la réalité et empêchent les hommes d’avoir une juste idée de leur valeur (c’est-à-dire de leur virilité). Pour « réussir », nos deux hommes devront finalement quitter l’université pour le vrai monde, celui de l’entreprise. Si le film semble parfois critiquer l’université, c’est donc seulement dans une perspective ultra-libérale, pour valoriser le travail en entreprise, seul lieu où les hommes pourront s’épanouir et montrer toute l’étendue de leurs capacités.
Tout le trajet des héros consiste ainsi à devenir l’élite de l’élite. Si le film donne parfois l’impression de critiquer l’élitisme des fraternités et sororités en adoptant le point de vue de ceux qui en sont exclus (les bras cassés de Oozma Kappa), il se complait en même temps dans le spectacle des élites s’affrontant entre elles pour déterminer qui est la crème de l’élite (les « Scare Games »). Bob et Sulli ne quittent pas l’enseignement universitaire classique puis l’université elle-même parce qu’ils en refusent l’élitisme, bien au contraire. Les « Scare Games » leur permettent en effet de se révéler comme des élites parmi les élites. Et de la même manière, leur départ de l’université pour le monde de l’entreprise leur permet lui aussi de s’affirmer comme supérieurs aux autres, en faisant leur chemin par eux-même dans l’entreprise comme de parfaits self-made men. Ils apparaissent donc finalement comme l’élite de l’élite de l’élite. De quoi donner la nausée…
Le film se conclut ainsi sur un sommet de propagande libérale, dans lequel on voit nos deux héros commencer tout en bas de l’échelle, à trier le courrier, puis gravir les échelons à force de travail et de volonté pour enfin réaliser leur rêve : devenir des terreurs.
Gravir les échelons à la sueur du front, pour enfin serrer la main du patron et tomber la secrétaire
En récompensant les héros parce qu’ils se sont donnés à fond pour l’entreprise, le film parachève son apologie de la « valeur travail ». J’entends par là cette manière de valoriser le travail en soi, sans jamais se demander si ce travail est épanouissant ou pas. On retrouve le même propos dans les scènes où Bob réveille Sulli tous les matins pour aller bosser, et où celui-ci finit par y prendre goût puisque c’est lui qui finit par réveiller Bob pour aller en baver. Le film aurait pu distinguer entre un travail qui permet de s’épanouir (en créant des choses, en échangeant avec les autres, en apprenant, en améliorant nos conditions de vie, etc.) et un travail aliénant, abrutissant et inintéressant. Mais à la place de cela, il préfère faire l’apologie du « travail pour le travail », discours qui sert bien évidemment les intérêts du capitalisme.
Grâce au compagnonnage masculin, les deux hommes ont donc finalement pu s’extraire du matriarcat qui brimait leur sacro-sainte virilité pour s’épanouir dans le monde merveilleux de l’entreprise capitaliste, où les meilleurs par nature et les plus méritants trônent aux postes les plus prestigieux tandis que les médiocres lavent le carrelage et transportent les bombonnes. Si c’est pas le rêve tout ça, alors qu’est-ce que c’est ?
Paul Rigouste
[1] Cette glamourisation de l’exploitation capitaliste opère simultanément à deux niveaux. Premier niveau : dans le fait de montrer comme un lieu attrayant une usine où des employés travaillent à la chaîne et de nuit, sans avoir aucun pouvoir de décision et sans être les propriétaires de leurs moyens de production (donc accomplissant un travail aliénant, au sens marxiste classique). Deuxième niveau : dans le fait de dépeindre comme quelque chose d’excitant et d’épanouissant la mise en concurrence des employés (notamment ceux qui occupent les postes les plus prestigieux dans l’entreprise) en dissimulant toutes les souffrances que ce mode de fonctionnement génère (pour les employés eux-mêmes, mais aussi et surtout pour tous ceux qui sont dominés au sein de la hiérarchie de l’entreprise ou qui ne sortent pas vainqueurs de cette grande compétition)
[2] Comme le montreront plus tard les scènes où Sulli tentera de coacher Bob pour qu’il « laisse parler la terreur qui se cache au fond de lui », en vain…
[3] Il ne s’agit pas de sous-entendre ici que « redéfinir la masculinité » pourrait être un moyen d’en finir avec le patriarcat. En effet, je pense que le seul moyen d’arriver à ce but serait plutôt d’abandonner la différence binaire et exclusive entre « hommes » et « femmes » et ses dérivés, dont l’opposition « masculinité/féminité ».
[4] Encore une fois, il ne s’agit en aucun cas de sous-entendre qu’il existerait en tout homme (au sens biologique) quelque chose comme « la masculinité », qui ne demanderait qu’à s’épanouir comme une fleur dans un champ en été, tout naturellement… Non, pour moi (et je n’invente rien ici, mais ne fait que reprendre les positions des féministes matérialistes), les normes de la masculinité (qui sont d’ailleurs multiples) sont apprises socialement, et n’ont aucun fondement naturel.
[5] A l’exception de l’institutrice de Bob au début et de la co-présentatrice des « Scare Games », qui restent des rôles anecdotiques.
Autres articles en lien :
- Nouveaux pères (I), de « Monstres et Cie » à « Moi, Moche et Méchant » : apprendre à être doux
- La vie rêvée de Walter Mitty (2013) : Ben Stiller reprend du poil de la bête
- Nouveaux pères (III), du « Monde de Nemo » à « Chicken Little » : problèmes de virilité
J’ai vu des ramassis de connerie dans toute ma vie, mais la… C’est le pompon, le hors série, le spécial « prix du jury »! Monster Academy n’a rien a voir avec une histoire de capitalisme et patriarcat, c’est juste l’histoire de deux monstres que tout oppose et qui font fi de leurs différences pour aider un bande de loosers! Si vous mettiez autant d’énergie dans des causes utilise que dans ces bêtises se site ariverais (peut être) a servir a quelque chose!
Je ne pense pas qu’il faille passer par des insultes pour critiquer un travail, qui je pense a dû prendre un temps considérable à M.Rigouste :).
Pour ma part, je trouve cet article très intéressant et réfléchi. Certes je ne suis tout à fait en accord avec quelques points cependant l’article reste excellent !
Merci !
Bonjour Jim,
Merci pour votre compliment, et n’hésitez pas à me dire sur quels points vous n’êtes pas d’accord avec moi, ça m’intéresse, car je ne prétends pas énoncer la vérité absolue sur ce film, et je suis donc très intéressé par le point de vue des autres (enfin, de celleux qui ont envie de réfléchir, pas celleux qui veulent juste rester au fond de leur caverne comme notre ami le capitaine :-)).
Vous avez tout à fait le droit d’avoir votre avis mais en cas vous n’avez celui d’insulter les gens gratuitement. Et franchement, apprenez à écrire correctement.
« se site[…]ariverais » On dit « ce site arriverait » ou encore « unE bande de loosers » et pas « un bande de loosers ». De plus, qu’est-ce qui vous permet de parler de bêtises? N’importe qui a le droit d’analyser des films et de chercher des sens cachés. Et en plus, vous parlez de loosers. Apparemment, vous ne semblez pas aimer le fait qu’on remette en cause les normes de la force physique. Désolée mais c’est vrai que dans la réalité, ça cause des problèmes et que c’est mieux de s’accepter tel qu’on est plutôt que de chercher à tout prix de correspondre à cette norme. Or, « Monstre Academy » dit totalement le contraire. Pour moi, c’est prequel inutile et raté.
J’ai eu la même réflexion concernant notre ami le Capitaine :).
Et je suis du même avis qu’Alex, si au moins il pouvait argumenter ses propos… Bref.
Tout d’abord, Paul, je suis complètement d’accord sur le concept de masculinité, virilité, c’est ce qui m’a le plus frappé dans le film. Pourtant, je ne pense pas que la doyenne soit une réelle menace. Au contraire, elle les poussent à se surpasser et s’allier même s’ils doivent se remettre en question. D’ailleurs à la fin du film, elle m’est apparu comme une personne bienveillante et reconnaissant le potentiel de Bob et Sulli. Mais vous avez parfaitement raison, je crois, de dire que la femme semble empêcher les garçons de « s’épanouir », elle est considérée comme une castratrice (comme dans presque tous les Disney/Pixar). Ensuite votre interprétation sur les normes de beauté ne m’avait même pas effleuré l’esprit en visionnant le film, et en le lisant j’ai été totalement d’accord !
Je tiens à préciser que je n’ai vu le film qu’une seule fois et il y a très longtemps, donc mes interprétations peuvent être complètement fausses 🙂
Merci pour vos précisions. Oui je suis d’accord avec vous, j’ai été trop rapide sur le personnage de la doyenne. Je pense comme vous que ce personnage à une dimension « positive » en ce qu’elle pousse les héros à se dépasser, comme vous le dites très justement. C’est d’ailleurs elle qui a créé les Scare Games, cette espèce de tournoi qui met en compétition les élites (fraternités et sororités) pour déterminer quelle est l’élite de l’élite, et que le film montre avec une grosse complaisance.
La doyenne tient aussi au début du film un discours que je trouve personnellement assez ignoble, à savoir, je cite : « Mon travail consiste à rendre les meilleurs encore meilleurs, pas à rendre les médiocres moins médiocres ». Au début ça me semblait tellement gros que je me disais que c’était du second degré, que le film voulait critiquer ça. Mais non, c’est bien le propos du film : il faut que les « meilleurs » deviennent encore « meilleurs », et les « médiocres » on s’en fout. Je me demande si c’est pas parce qu’elle représente cette idéologie qu’elle est dans le film un personnage au final assez positif. En effet, elle dit à la fin à Bob un truc comme « vous m’avez surpris, continuez de surprendre ». Donc, en d’autres termes, « vous avez prouvé que vous faisiez partie des meilleurs et pas des médiocres contre toute attente, et c’est ce qui fait votre valeur » (discours auquel le film donne sa bénédiction).
En bref, je suis tout à fait d’accord avec vous, je pense que les deux dimensions s’articulent. C’est un personnage « positif » car il les force à reconnaître se dépasser et à prouver leur valeur, mais en même temps aussi du coup un peu « négatif », au sens où ils vont devoir forcément s’éloigner d’elle et de son royaume pour grandir et « s’épanouir totalement dans leur virilité ». Mais dans les deux cas, c’est un personnage qui reste de mon point de vue complètement horrible politiquement.
Oui c’est vrai qu’elle reste néanmoins une personne assez désagréable. La réplique que vous avez citez m’était complètement sorti de la tête, cette idée omniprésente de hiérarchie, de supériorité persiste à travers ce perso.
En tout cas, je vous encourage à écrire d’autres article, vous ainsi que vos collègues, car je ne me lasse pas de ce site qui je pense nous permet de voir le cinéma d’un autre angle. En attendant (impatiemment) un prochain article, je vous souhaite bonne continuation 🙂
Puisque vous voulez que j’argumente, autant reprendre tout simplement « Mulan » où Shang souffre de ce qu’on attend de lui: un homme viril qui doit être fort à tout prix et se soumette aux lois. Ce qu’il impose « discipline et force » à ses soldats, il se l’impose à lui-même et en souffre car ça l’empêche de laisser aller à ressentir de la chaleur humaine et à vraiment se rapprocher de Mulan. Il veut même vraiment respecter les codes de la virilité au point de la tuer lorsque l’armée s’est aperçue qu’elle était une femme (quoi? une femme dans une armée d’hommes?quel scandale! on tape pas l’incruste comme ça dans leur monde!)mais il a compris qu’il devait aller au-delà de ce qu’on attendait de lui et s’accepter comme il l’était et ne pas respecter les codes de la virilité ne lui correspondant pas. Résultat, il combat aux côtés de Mulan et se comporte maladroitement avec Mulan sans lui parler durement comme il le faisait auparavant.
Peut être que je me suis mal exprimé, je parlais du capitaine et non de vous 🙂
Okay
Votre article m’a vraiment beaucoup intéressé. Cette interprétation du dessin animé me parait vraiment pleine de sens.
Maintenant, j’aurais quelques critiques à formuler concernant le message que vous entrevoyez dans le dessin animé. En effet, le sens sous-jacent de cette oeuvre ô combien politisée n’est pas celui du capitalisme selon moi, mais bien celui du communisme et des illuminatis.
Je m’explique…
Voyez-vous, l’on pourrait penser (naïvement), que tout le scénario n’était qu’une excuse à la représentation d’un capitalisme idéalisé et, bien sûr, terriblement mensonger.
Cependant, quelques éléments nous prouvent le contraire et je m’en vais vous les exposer.
Premièrement, le support. Quelle idée étrange, ne croyez-vous pas, que de placer dans un film pour enfant de la propagande (appelons un chat un chat) capitaliste. Je serais bien idiot de penser que cette dernière n’influe pas sur l’inconscient de nos chères têtes blondes et c’est justement là que tout se joue! N’avez-vous pas senti, à la vision de ce dessin animé en apparence tout innocent, cette ironie larvée qui se cachait derrière chaque intervention, chaque dialogue? A cela s’ajoute le contraste d’un sujet aussi grave et d’un support aussi innocent; sans conteste la preuve d’une diatribe grinçante à l’égard d’un capitalisme sans limite, éthique ou morale.
Deuxièmement, je vais reprendre le premier exemple de l’article « Le capitalisme comme une immense fête supervisée par papa ». Certes, l’on pourrait penser à une vision paternaliste de l’ensemble, mais attardons-nous un peu plus longuement sur le système dans sa globalité. Quel est-il?
Eh bien, contrairement à ce que l’on pourrait penser de ce film pseudo-capitaliste, il n’y a qu’une seule entreprise dans le paysage économique: Monstres et Cie. Il n’y a aucune concurrence. Remarquez aussi que les problèmes se passent en interne, au sein de l’entreprise-état (le mot est lâché) qu’est Monstres et Cie. Dès lors, on en arrive à une contradiction toute particulière: une entreprise-état avec un patron du type capitaliste. Ce système n’est pas sans rappeler quelques reliquats communistes plutôt que capitaliste.
En effet, dans le premier système (communisme), cette contradiction apparente entre paternalisme et entreprise unique parait tout à fait possible (ce qui est impensable dans le capitalisme actuel).
Finalement, à bien y réfléchir, Sully n’est qu’une grande allégorie du Che et son entreprise n’est finalement que la représentation de l’Etat.
Enfin, pour ce qui est des relations inter-personnelles entre les protagonistes du dessin-animé, je vous renvoie à Youtube. Allez voir les complots des illuminatis, vous comprendrez vite de quoi il retourne.
Merci de votre lecture.
Bel effort de fermeture d’esprit et de normalisation bien-pensante (surtout pour quelqu’un qui prétend combattre les normes idéologiques !): « travailler c’est forcément nul et avilissant, vouloir travailler c’est être un abruti étriqué d’esprit, s’accrocher à ses rêves c’est signe de peur d’être hors-norme, vouloir avoir certaines compétences c’est masculiniste, certains emplois sont forcément mieux et plus dignes que d’autres (apparemment, produire de l’énergie serait ‘aliénant, abrutissant et inintéressant’…Merci pour les employés d’EDF)…. »
Je m’arrête là, je pense que c’est bien suffisant. Restez dans votre petit monde plein de préjugés (qui a traité les Oozma Kappa de crétins dont on se fout à la fin ? Ou les étudiants en bonbonnes de « loosers » ?….Vous.), cela vous sied à merveille !
Tous ces pauvres diptères pour un malheureux film pour enfants…
Est ce que quelqu’un a relevé que Razowski sonnait inconditionnellement Polonais voir Juif? Et tadaa comme par hasard il incarne le personnage le plus humilié et le plus rejeté durant tout le film Monstre Academy (sans parler de la blague du code barre dans le premier volet).
Sinon pour virginie, je pense que vous vous perdez dans un contre sens il serait peut être nécessaire que vous relisiez l’article. Et en ce qui concerne EDF ils sont en train de détruire l’Amazonie et les peuples qui l’habitent pour y construire des barrages, donc oui, pour moi les « bons petits employés d’EDF » participent à l’élaboration d’un crime contre l’humanité
Après avoir lu votre article certes intéressant, j’ai l’impression que vous condamnez ce film a priori, c’est à dire qu’avant même de l’avoir vu vous l’aviez considéré comme mauvais. Sur de nombreux points que vous évoquez, on peut tout à fait avoir une autre lecture que la vôtre. Là où vous voyez une doyenne castratrice, je peux y voir au contraire une figure féminine qui accumule les succès et qui n’est pas soumise aux hommes et au patriarcat. Là où vous voyez qu’une bande de filles uniformes signifie que les créateurs de Pixar promeuvent la beauté unique, je peux vous dire qu’au contraire ils la dénoncent en choisissant volontairement de forcer le trait en les faisant toutes identiques.. Enfin, je pense que vous passez à côté de la première chose que raconte le film : si les monstres veulent être des terreurs et faire peur, ce n’est pas par quête de masculinité ou de virilité et parce que c’est pas cool de faire des câlins, c’est juste la base de l’histoire car dans l’imaginaire des enfants, les monstres font peur ! Si les monstres ne voulaient pas faire peur, il n’y aurait aucune histoire… Et notez d’ailleurs un message important que vous ne relevez pas dans votre analyse : si les enfants ont peur des monstres, ils ignorent que les monstres eux-même ont peur des enfants… Celui qui semble être dans une position de force se trouve en fait fragilisé et affaibli… Bref, tout ça pour dire que je trouve votre jugement très orienté et à sens unique..
Je suis tout a fait d’accord avec la première partie de l’analyse (je n’ai pas encore terminé)a une exception : il me semble hypocrite de critiquer ce que le film ne cache pas : il y a des métiers meilleurs que d’autres…ne mentons pas c’est bien une réalité et même si on envie un monde idéal où chaque place serait glorifiée on en est loin sur cette terre il faut bien que chacun soit « classé » par poste enfin par le poste qu’il réussi à atteindre (je suis plutôt pour la méritocratie personnellement) car si être » fabricant de bonbonnes » était aussi bien que ‘directeur »ça serait un monde sans aucun sens non? Finalement si on se bat pour être plutôt directeur c’est qu’il y a une raison…et je trouve cela normal qu’un film d’animation l’enseigne aux enfants car plus tôt on leur dira la vérité sur cette société qui hélas est capitaliste avec ou sans Disney ça je pense qu’on y peut rien ce ne sont pas quelques films qui changeront la donne…plus tôt ils seront avertis et ne regretterons pas plus tard d’être devenus ‘bonboniers » même si je n’ai rien contre ce type de metier il y a des gens qui choisissent cette voie chacun a le droit..disons d’être devenus quelque chose qu’ils pensaient valorisé mais qui en réalité ne le sera jamais…et en vrai : n’avez vous pas vous aussi ce sentiment automatique que certains postes sont plus enviables que d’autres ? Si vous arrivez à tout mettre au même niveau avec les écarts de salaire de mode de vie…alors bravo. Mais c’est hypocrite de faire croire que tout le monde pense ainsi.