Frère des ours (2003) : qui est le monstre ?
23 octobre 2014 | Posté par Paul Rigouste sous Films d'animation, Tous les articles |
Cet article inaugure une série d’analyses portant sur les films d’animation qui développent un propos antispéciste. L’antispécisme est la position politique égalitariste qui refuse et combat l’exploitation des animaux par les humain-e-s, ainsi que tous les discours qui légitiment cette exploitation. Comme j’ai essayé de le montrer ailleurs sur ce site, les films d’animation sont saturés de représentations spécistes qui affirment la supériorité des humain-e-s sur les animaux. Valoriser les quelques films qui vont à l’encontre de ce discours dominant me semble donc important.
Je sélectionnerai dans ces articles des films qui tendent à présenter les animaux comme une classe opprimée plutôt que de se concentrer sur un (ou des) cas individuel(s) (comme c’est par exemple le cas dans des films comme Le Monde de Nemo ou Gang de Requins avec son personnage de requin végétarien). En mettant en évidence l’existence d’un rapport de domination d’une classe d’individus sur une autre, ces films font donc de la question du traitement des animaux par les humains une question politique. Rien que pour cela, ces films ont du mérite, car l’idée que notre rapport aux animaux puisse être politique est encore très loin d’aller de soi aujourd’hui pour la plupart d’entre nous. Un exemple parmi d’autres : cela ne choque personne (ou alors pas grand monde) que le meurtre des animaux soit autorisé par la loi, alors même que le meurtre d’humain-e-s est interdit. Deux poids, deux mesures.
Je choisirai aussi en priorité des films qui dénoncent l’exploitation directe des animaux, et pas ceux qui traitent avant tout de leur extermination par la destruction de leur milieu de vie (comme c’est par exemple le cas de Rio 2 ou de Animal United). Je ne pense pas du tout que ces films soient moins intéressants ou moins importants d’un point de vue antispéciste. Ils traitent eux-aussi de pratiques où le spécisme est pleinement à l’œuvre, puisque la vie et le point de vue des animaux y sont totalement ignorés, ou considérés comme totalement négligeables face aux intérêts des humains (qui considèrent la Terre comme leur propriété exclusive dont ils peuvent disposer comme bon leur semble). Mais il me semble que ces films laissent souvent la possibilité au public de conserver son point de vue anthropocentré (en lui expliquant qu’il s’agit aussi (et avant tout) d’arrêter d’exploiter les animaux parce que cela bousille son environnement et menace sa qualité de vie à lui). Un passage du discours des tortues dans Animal United est sur ce point exemplaire : « L’homme ne réalise pas que ce qu’il fait à la Terre, il se le fait à lui-même. Et que quand les terres auront été détruites, et que les animaux auront fui ou auront été tués, l’homme règnera sur la Terre… seul. Puis, perdu et désespéré, il sera lui aussi rayé de la surface de la Terre ». Si cette stratégie peut avoir son utilité pour convaincre certaines personnes ayant du mal à considérer d’autres intérêts que les leurs, il me semble également important de sortir totalement de cet anthropocentrisme, comme nous l’invitent à le faire sans aucune ambiguïté les films qui s’intéressent à l’exploitation directe des animaux par les humain-e-s.
Dernier critère de sélection : j’ai choisi de parler exclusivement des films qui me semblent aller jusqu’au bout de leur propos antispéciste, sans opérer un retournement de veste final (comme c’est le cas par exemple de Bee Movie, analysé ailleurs sur ce site). Ainsi, les films d’animation dont j’ai choisi de parler sont, à ma connaissance, les plus radicaux qui existent sur la question du spécisme (dans le cinéma « grand public » du moins).
Cela posé, je passe maintenant à l’analyse de Frère des Ours (Brother Bear en anglais), film produit par les studios Disney et sorti en 2003.
Chasse à l’ours et virilo-spécisme
Contrairement à d’autres films d’animation antispécistes comme Chicken Run, Frère des ours commence par nous faire adopter le point de vue d’un humain. Ce parti pris est d’importance, car le but du film est justement d’encourager un changement de point de vue chez les spectateurs/trices, en leur faisant suivre l’itinéraire intellectuel et affectif d’un humain qui s’émancipe progressivement de son cadre de pensée étroitement spéciste en adoptant le point de vue des animaux.
Kinaï est le cadet de sa fratrie. En âge de « devenir un homme », il s’apprête au début du film à effectuer le traditionnel « rituel de passage à l’âge adulte » au cours duquel chacun des membres de la communauté se voit attribuer un totem par la chamane. Représentant une qualité censée l’inspirer pendant sa vie d’adulte, chaque totem est symbolisé par un animal. Lorsque les enfants du village interrogent Kinaï au sujet de son futur totem, celui-ci leur répond : « j’aurai probablement un tigre symbolisant le courage, la grandeur ou la force. Bref, quelque chose qui me correspond ». Cette réplique sonne clairement dans le film comme une preuve de l’immaturité du héros, qui vient d’être présenté dans les premières minutes du film comme un jeune casse-cou irresponsable. De manière intéressante, les premières scènes lient ses aspirations à la virilité (il ne cesse de vouloir se faire remarquer par ses deux autres frères avec lesquels il est dans une relation de compétition) et son mépris pour les animaux, qu’il s’amuse à tourmenter (il énerve un caribou, fait du rodéo sur le dos d’un mammouth et qualifie les ours de « stupides »).
Ce rapprochement est à mon avis intéressant en ce qu’il met en évidence le lien qui existe entre virilisme et spécisme. Dans les deux cas, il s’agit en effet de dominer l’« Autre » (ou plus exactement celleux que l’on a construit comme « Autres » pour les dominer). C’est évident pour le spécisme, qui nie les intérêts des animaux pour mieux les asservir. Et c’est la même chose pour le virilisme, où il s’agit également de dominer (les autres hommes, mais aussi et avant tout les femmes). Le lien entre virilisme et spécisme ne se résume pas seulement à cette analogie, puisqu’ils se soutiennent aussi bien souvent l’un l’autre. En effet, beaucoup de pratiques spécistes sont considérées comme viriles dans notre société patriarcale. On peut citer comme exemple de ce « virilo-spécisme » la chasse et la pêche, activités traditionnellement masculines et connotées comme viriles (même si c’est en des sens un peu différents[1]), ou encore la corrida. De même, la virilité est souvent associée au fait de manger de la viande (ce qui apparaît de manière flagrante dans un grand nombre de films masculinistes, comme La Chasse, Le Bonheur est dans le pré, Calmos, La Grande Bouffe, Demolition Man, etc., mais aussi dans les publicité pour les marques de viande, avec en tête l’indépassable Charal).
Même si, comme on le verra, le film n’ira pas jusqu’au bout dans cette critique du « virilo-spécisme », il a néanmoins le mérite d’amorcer une telle critique dès les premières minutes en présentant ces deux oppressions comme intimement liées et profondément « immatures ». Le comportement de Kinaï est en effet comparé par un montage en parallèle à celui de la chamane, qui ne cherche pas à dominer les animaux mais les considère au contraire comme ses égaux, en leur témoignant du respect et de l’affection, et en les laissant vivre leur vie.
L’immaturité du comportement de Kinaï est également soulignée par la chanson introductive, dont les paroles indiquent que la sagesse en matière de relation avec les animaux est à chercher du côté des ancien-ne-s, qui considèrent tous les terriens comme des frères (c’est d’ailleurs aussi le sens du titre du célèbre documentaire antispéciste Earthlings, auquel l’acteur Joaquin Phoenix[2], qui prête ici sa voix à Kinaï, a également participé) : « Grands esprits de tous les êtres, montrez-nous la voie. En nous, insufflez vos vérités. Montrez-nous qu’à vos yeux, nous sommes tous pareils, tous frères sur cette terre[3] ».
Alors que Kinaï s’attendait à recevoir un totem exaltant une valeur virile, la chamane lui révèle à sa grande surprise que les esprits lui ont choisi pour totem « l’amour », symbolisé par un ours. Déçu, il manifeste son insatisfaction en demandant à l’assemblée si quelqu’un veut bien échanger avec lui, au lieu d’écouter les explications de la chamane (« L’amour, qui connecte et unit tous les êtres vivants… »). Si le héros ne comprend pas son totem, c’est parce qu’il reste encore prisonnier de ses cadres de pensée virilistes (il vit en effet son totem comme une douloureuse injonction à la féminisation, ce que son frère Denahi ne se prive pas de lui rappeler en l’attifant d’une couronne de fleur et en l’appelant « loverboy ») et spéciste (il déclare en effet à son frère ainé : « Franchement, l’ours de l’amour ??? Je veux dire… les ours n’aiment personne. Ils ne pensent pas, ils n’ont pas de sentiments… »).
Au moment où il prononce ces paroles, Kinaï découvre qu’un ours a volé le panier dans lequel les trois frères avaient stocké leur réserve de poissons. Il suit ses traces mais arrive trop tard : l’animal a déchiqueté le panier et poursuit son chemin. Or, au lieu de le laisser partir, Kinaï s’énerve et provoque l’ours en lui lançant des pierres. L’ours affronte alors le héros, auquel ses deux frères sont venus porter secours. Le combat fait rage, et entraine finalement la mort de l’ainé, Sitka, qui se sacrifie pour sauver ses deux frères en mauvaise posture. Indemne, l’ours s’éloigne en laissant les deux hommes à leur malheur. Juste après la cérémonie funéraire en l’honneur de Sitka, Kinaï vient chercher Denahi pour l’enjoindre de venir chasser l’ours avec lui. Tentant d’être fidèle à son totem (la sagesse), Denahi lui répond : « je sais ce que tu ressens, mais tuer cet ours est mal (…). Je ne blâme pas l’ours (…) Le tuer ne fera pas de toi un homme ». Sourd aux conseils de son frère, le héros jette au feu le collier représentant son totem et part traquer la bête. Il la retrouve, la poursuit, la combat et la tue. Victorieux, il pousse un cri viril qui n’a rien à envier à celui de Rahan le fils des âges farouches…
Seul au milieu d’un décor de mort, hurlant vers le ciel avec le cadavre de l’animal à ses pieds, Kinaï est allé au bout de son virilo-spécisme, et le tableau que donne le film de cet accomplissement est loin d’être glamour. C’est alors que l’esprit de Sitka intervient et transforme Kinaï en ours, métamorphose qui sera à l’origine d’une quête initiatique au cours de laquelle le héros va être amené à remettre totalement en question son rapport aux animaux. Comme lui dit la chamane à son réveil : « tu vas avoir une toute nouvelle perspective sur les choses ».
Une nouvelle perspective sur les animaux
Cette nouvelle perspective consiste d’abord à percevoir les ours comme ses « frères ». Au cours de son aventure, il rencontre un jeune ourson, Koda, qu’il commence par mépriser parce qu’il n’est selon lui « qu’un petit ourson idiot ». Là encore, le film lie le virilisme et le spécisme du héros, puisque celui-ci refuse d’être affectueux avec son compagnon, qui lui avoue pourtant avoir perdu sa mère. Quand l’ourson vient se coller à lui au moment de dormir, il le repousse en déclarant : « Tes câlins de nounours, tu peux te les garder, petit ». Obligé de voyager avec Koda (car lui seul sait où se trouve l’endroit où les vivants peuvent entrer en contact avec les esprits), Kinaï apprend le connaître et à l’aimer[4]. Malgré ses tentatives de maintenir une distance entre lui et l’ourson, le héros est forcé de reconnaître en Koda un semblable, qui a lui aussi une histoire, des sentiments, une intelligence, etc.
Un passage symbolise bien ce que l’ourson apporte à Kinaï : alors que celui-ci trace une ligne de démarcation symbolique entre eux (c’est-à-dire entre les humains et les animaux), Koda s’empare d’un bâton et trace un cercle dans lequel il les inclut tous deux.
Alors que le spécisme s’acharne à tracer une ligne de démarcation entre humain et animaux pour mieux justifier la domination de ces derniers, l’antispécisme consiste au contraire à abolir cette barrière arbitrairement érigée dans le but de hiérarchiser les espèces, et à reconnaître ce qui nous rassemble en tant qu’êtres sensibles, intelligents, ayant des intérêts propres et une existence digne d’être vécue.
Le regard de Kinaï sur les animaux change au fur et à mesure que s’approfondit sa relation avec l’ourson. En vivant à ses côtés, le héros apprend à le connaître et à l’aimer. Alors qu’il ne considérait au départ les ours que de manière abstraite, c’est-à-dire comme des représentants interchangeables de l’espèce « ours », il prend progressivement conscience qu’ils sont en fait des individus singuliers, avec chacun une histoire singulière et une existence singulière.
Ce point mérite d’être souligné, car il touche à mon avis un des mécanismes par lesquels les humain-e-s se déculpabilisent des meurtres quotidiens qu’illes cautionnent pour leur plaisir gustatif. Il est en effet plus facile de manger « du mouton » que de manger un mouton, et d’autant plus si on a connu ce mouton auparavant et qu’on a partagé des moments avec lui. C’est la raison pour laquelle des gens qui mangent par ailleurs de la viande n’envisagent pas de manger leur chien ou leur chat domestique. La différence entre les animaux que l’on trouve « naturel » de manger et ceux dont le meurtre nous paraîtrait cruel réside uniquement dans le regard que l’on porte sur eux[5]. Alors que nous considérons nos chiens et nos chats domestiques comme des individus à part entière, ayant une histoire personnelle et une existence digne d’être vécue au même titre que la nôtre, nous considérons tous les autres animaux que nous exterminons comme des entités abstraites (ils ne sont que des exemplaires de l’espèce « vache », « porcs », etc., contrairement aux animaux domestiques auxquels nous donnons le plus souvent un « nom propre »[6]).
Deux des moyens essentiels par lesquels les humain-e-s se rendent l’exploitation des animaux tolérable sont à mon avis (1) la dévalorisation, et (2) la mise à distance. En effet, pour s’arroger le droit d’exploiter un individu, il faut nécessairement le considérer comme inférieur, comme quelqu’un dont la vie, les intérêts et le point de vue n’ont pas la même valeur que les nôtres (voire n’ont pas de valeur du tout). Si l’on retrouve cette infériorisation dans la plupart des systèmes de domination, le spécisme est peut-être le plus « fondamental » de tous. En effet, comparer d’autres humain-e-s à des animaux est le plus souvent un moyen de légitimer la domination que l’on exerce sur elleux. Patrizia Romito rappelle ainsi tous les noms d’animaux que les hommes donnent aux femmes (minettes, poules, chiennes, cochonnes, gazelles, vipères, biches, etc.[7]). L’historien Charles Patterson énumère quant à lui un grand nombre de cas où certains peuples en ont traité d’autres d’animaux afin de justifier leur exploitation/extermination (les Noirs comparés à des singes, les indiens d’Amérique à des bêtes sauvages, les juifs à des rats, les vietnamiens à des termites, les irakiens à des cafards, etc., etc., etc.[8]). L’idée selon laquelle les animaux sont inférieurs aux humain-e-s (voire même sont les êtres les plus inférieurs qui existent) apparaît ainsi comme une sorte présupposé fondamental sur lequel s’appuient les justifications d’autres rapports de domination[9].
Mais même si l’on considère intellectuellement les animaux comme des inférieurs, il reste tout de même assez difficile pour beaucoup de personnes de les torturer ou les tuer directement. D’où l’intérêt de garder l’animal et le crime le plus à distance possible. C’est ainsi que d’autres tuent pour nous (souvent au péril de leur propre équilibre psychologique[10]), pour que la viande que nous mangeons n’ait aucun rapport direct avec un animal réel. En choisissant l’« amour » comme valeur pour Kinaï, la chamane l’invite ainsi à une proximité affective avec les animaux qui rend impossible cette mise à distance et cette dévalorisation qui lui avait permis de tuer l’ours au début.
Une nouvelle perspective sur les humain-e-s
Sa métamorphose offre à Kinaï une « nouvelle perspective » non seulement sur les animaux, mais aussi sur les humains. En étant placé dans la position de l’animal traqué, le héros prend en effet conscience de l’oppression spéciste qu’il exerçait lorsqu’il était humain. Alors qu’il qualifiait auparavant les ours de « monstres », il se rend compte petit à petit que les véritables monstres ne sont peut-être pas ceux qu’il croyait. Un moment décisif est celui où il tombe sur une peinture rupestre représentant un humain chassant un ours. Son regard s’attarde sur le visage monstrueux de l’ours, dans lequel il n’arrive visiblement pas à se reconnaître. Maintenant qu’il est lui-même un ours, Kinaï comprend à quel point l’idée qu’il se faisait de ces animaux était anthropocentrée et spéciste. A ce moment, Koda arrive et en rajoute une couche en commentant la peinture : « Ces monstres sont vraiment effrayants, surtout avec leurs bâtons ». Interloqué, Kinaï se tourne alors vers l’ourson, puis regarde à nouveau la peinture en centrant son regard sur l’humain. Et si c’était en fait l’humain le véritable monstre ?…
Significativement, c’est à partir de ce moment que Kinaï devient sympa avec Koda, alors qu’il ne cessait jusqu’alors de le repousser et de le mépriser.
Un peu plus tard, Kinaï est à nouveau amené à remettre en question ses préjugés spécistes lors d’une discussion avec Koda. Les deux ours viennent d’échapper de justesse à Denahi qui tentait de les tuer, et l’ourson interroge alors son ami sur les raisons de l’agressivité des humains :
Koda : Pourquoi nous haïssent-ils comme ça, Kinaï ?
Kinaï : On est des ours.
Koda : Et alors ?
Kinaï : Et ben, tu sais comment ils sont, ce sont des tueurs.
Koda : Attends une minute ! C’est qui, les tueurs ?
Kinaï : Les ours.
Koda : Quoi ? Quels ours ? Je ne suis pas comme ça, et tu n’es pas comme ça non plus.
Kinaï : Pas tous les ours. Toi, t’es sympa. Mais la plupart des ours trouvent n’importe quelle excuse pour attaquer les humains.
Koda : Mais Kinaï, c’est lui qui nous a attaqués.
Kinaï (à bout d’arguments) : Tu n’es qu’un ourson, tu comprendras quand tu seras plus grand.
Incapable de reconnaître que ce sont les humains qui persécutent les ours et non l’inverse, Kinaï finira par en prendre conscience quand il entendra l’histoire de Koda. Lorsque celui-ci raconte comment il a perdu sa mère alors qu’elle se battait contre un humain pour le défendre, Kinaï réalise qu’il s’agissait de lui, et qu’il est donc un meurtrier qui a privé un enfant de sa mère pour une simple histoire de vengeance. De surcroît, il prend conscience que l’ourse qu’il a tuée n’était pas un monstre sanguinaire et agressif, mais seulement un animal qui défendait son petit.
Le renversement de point de vue est finalement parachevé lorsque Kinaï se retrouve exactement dans la position de l’ourse qu’il avait abattue au début du film : affrontant son frère pour protéger Koda. Alors qu’il est sur le point de mourir empalé (exactement de la même manière qu’il avait lui-même empalé la mère de l’ourson), l’esprit de Sitka intervient pour le retransformer en humain. En voyant que l’ours qu’il s’apprêtait à tuer n’était autre que son frère (et donc plus largement « un frère »), Denahi prend conscience de sa cruauté et jette son arme. De son côté, Kinaï est arrivé au bout de son chemin initiatique en faisant l’expérience de l’étape ultime de l’oppression spéciste (le meurtre) du point de vue de l’animal.
Tous frères ?
Le film se termine sur une réconciliation entre humains et animaux. Après avoir retrouvé son apparence humaine, Kinaï demande à l’esprit de son frère de le retransformer en ours pour qu’il puisse veiller sur Koda, et embrasse chaleureusement Denahi.
Tout le propos du film consiste donc à redéfinir la fraternité de manière à y englober les animaux. La scène finale où l’on voit Kinaï, Koda et Denahi jouer ensemble dans l’herbe fait directement écho aux scènes de compagnonnage fraternel qui ouvraient le film. La seule différence, c’est que les frères qui jouent ensemble ici ne sont plus 3 humains, mais un ours, un humain, et un humain devenu ours.
Cette manière d’élargir le concept de fraternité a l’avantage d’être parlante, et donc plutôt efficace politiquement. Le problème est que le film reste dans une acceptation purement masculine de ce concept. En effet, les personnages féminins sont quasi-inexistants (si l’on excepte la mère de Koda qui meure rapidement, et la chamane, qui passe progressivement au second plan au fur et à mesure que le personnage de Sitka prend plus d’importance). La fraternité est donc avant tout celle des mâles entre eux. « Tous des frères », et pas « tou-te-s des frères et sœurs »…
Cela s’en ressent également au niveau de la représentation de la masculinité valorisée par le film. Alors qu’il semblait au début porter un regard critique sur la virilité de Kinaï, le film ne va pas vraiment jusqu’au bout de sa critique, dans la mesure où il se conclut sur une image idyllique de compagnonnage viril où les mâles se montrent leur amour en jouant à la bagarre plutôt en se faisant des câlins. J’ai l’impression le film cherche par là à éviter une trop grande féminisation de ses personnages masculins, menacés par la mise au premier plan de « l’amour » comme valeur unificatrice. De la même manière, le film formule toujours l’enjeu de la quête de Kinaï en termes de « devenir un homme » (la dernière phrase parle ainsi de « l’histoire d’un garçon qui est devenu un homme en devenant un ours »). Alors qu’il semblait amorcer une critique radicale du virilo-spécisme, le film se conclut donc finalement par une décevante « redéfinition de la masculinité », certes débarrassée de spécisme, mais toujours aussi indéboulonnable dans le principe.
A quoi s’ajoute l’impensé spéciste qui règne autour du fait de manger des poissons. La pêche semble en effet jouer le rôle de pont entre ours et humains. Kinaï s’intègre à la communauté (très masculine) des ours en pêchant le saumon avec eux, et c’est à ce moment-là qu’il prend conscience d’à quel point leur famille ressemble à la sienne (« In them I see family, I see the way we used to be », comme dit la chanson). Mais pourquoi les poissons ne sont-ils pas considérés eux-aussi comme les « frères » des humains et des ours, comme faisant eux-aussi partie de cette grande « famille » ? Parce qu’ils ne nous ressemblent pas assez[11] ? Parce qu’ils ne sont pas assez mignons ?
Tous frères… sauf les poissons !
Cependant, malgré ces quelques points très regrettables, Frère des ours reste tout de même pour moi un des films d’animations les plus intéressants et les plus émouvants sur le thème de l’antispécisme.
Post-scriptum sur les représentations raciales/ethniques
Il pourrait sembler par moments que Frère des ours mobilise la rhétorique raciste consistant à présenter certains « peuples primitifs » comme « plus proches de la nature ». Qu’il valorise ou non cette « proximité », ce type de discours est raciste, car il revient à considérer certains peuples comme « immergés au sein de la nature », dans un rapport immédiat avec elle, alors que « nous » (les « occidentaux ») nous serions extraits de cette nature, entrant ainsi sur la voie du progrès et de l’histoire, pour le meilleur et pour le pire.
Un des exemples les plus tristement fameux de cette rhétorique raciste nous a été donné par notre regretté Président de la République Française, Nicolas Sarkozy, lors du célèbre discours de Dakar, prononcé en juillet 2007 :
Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin[12].
Cette opposition entre peuple immergé dans la nature et peuple entré dans l’histoire se retrouve dans des films comme Avatar ou Pocahontas. Dans ce dernier, l’héroïne explique à John Smith, le représentant de la civilisation, qu’il s’est coupé de la nature et que là est son drame (voir en particulier la chanson « Color of the wind »). Mais le film ne se contente pas de montrer les indien-ne-s comme un peuple plus respectueux de la nature et des animaux, il les dépeint également comme étant « immergé-e-s dans la nature ». Alors que les blancs viennent explorer/conquérir de nouveaux territoires, les indien-ne-s sont présenté comme des sortes de bons sauvages, vivant dans une temporalité cyclique, et sont clairement animalisé-e-s (en particulier l’héroïne).
Or si l’on retrouve quelques éléments qui semblent tendre vers cette rhétorique raciste dans Frère des Ours (par exemple au début de la chanson introductive qui ancre l’histoire qui va nous être contée dans un lointain passé où «l’homme et la nature vivaient côte à côte[13] »), j’ai l’impression que ce film ne tombe pas dans cet écueil. Déjà parce qu’il oppose, au sein du peuple qu’il met en scène, différents personnages ayant un rapport différent aux animaux (et non un peuple homogène de « sauvages » qui s’opposeraient, en tant qu’« êtres de nature », au peuple d’occidentaux civilisés et « êtres de culture »). Mais aussi parce que la trajectoire du héros montre bien que ce « rapport à la nature » n’a rien d’immédiat, mais demande au contraire une éducation. On est loin ici de Pocahontas et de son union mystique avec la nature et les animaux (peut-être parce que les personnages sont masculins et que, sexisme oblige, les hommes sont moins facilement considérés comme des « être de nature » que les femmes dans notre société patriarcale… [14]).
Paul Rigouste
Notes :
[1] « Autant la chasse est perçue comme une activité virile, au sens d’une activité guerrière, d’un sport sanglant, autant la pêche de loisir, par contre, semble être l’activité pacifique par excellence, qui ne fait de mal à personne. Elle est pourtant aussi une activité virile (ce sont pratiquement uniquement des hommes qui pêchent), mais où la virilité s’exprime surtout comme assurance tranquille, nonchalance, calme serein. » (http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article29)
[2] Joaquin Phoenix est végane et membre de deux associations militant pour les droits des animaux : l’IDA (In Defense of Animals) et la PETA (People for the Ethical Treatment of Animals)
http://en.wikipedia.org/wiki/Joaquin_Phoenix#Animal_rights_activism
[3] « In this wilderness of danger and beauty / Lived three brothers, bonded by love / Their hearts full of joy / they ask now for guidance /Reaching out to the skies up above. / Great Spirits of all who lived before / Take our hands and lead us / Fill our hearts and souls / with all you know / Show us that in your eyes /we are all the same / Brothers to each other / In this world we remain truly / brothers all the same. / Give us wisdom to pass to each other / Give us strength so we understand / That the things we do / the choices we make / Give direction to all life’s plans »
[4] L’évolution du comportement de Kinaï vis-à-vis de Koda le rapproche des films de « nouveaux pères » qui pullulèrent pendant ces années 2000. En effet, dans un grand nombre d’entre eux, un homme se retrouve avec un (ou plusieurs) jeune(s) enfant(s) sur les bras, et doit apprendre à devenir plus doux et affectueux avec eux (voir en particulier http://www.lecinemaestpolitique.fr/nouveaux-peres-i-de-monstres-et-cie-a-moi-moche-et-mechant-apprendre-a-etre-doux/). De même, Kinaï, qui refusait au départ les câlins de Koda, apprend à devenir de plus en plus gentil avec le jeune garçon, et finit par choisir de rester à ses côté pour jouer le rôle de « père adoptif ».
[5] Les variations que l’on observe suivant les cultures et les individus sont une preuve de la nature entièrement culturelle de cette distinction entre animaux mangeables et immangeables. La plupart d’entre nous seraient par exemple dégoutés à l’idée de manger des chiens ou des chats, alors que cette pratique peut ne poser aucun problème dans d’autres cultures.
[6] Voir sur ce sujet le livre de Florence Burgat intitulé Une autre existence : La condition animale. Et en particulier les chapitres « L’expérience animale : expérience vécue en première personne et biographie » et « L’histoire et le nom propre » (p. 352-365).
[7] Patrizia Romito, Un silence de mortes, p. 88
[8] Voir le chapitre 2 du livre Un éternel Treblinka intitulé « Loups, singes, cochons, rats, vermines : Humilier les autres en les traitant d’animaux »
[9] Certain-e-s historien-ne-s ont même fait l’hypothèse que le processus (extrêmement violent) de domestication des animaux par les humain-e-s fut le premier pas vers l’exploitation par les humains d’autres humain-e-s (femmes et esclaves). Voir Charles Patterson, Un éternel Treblinka, chapitre 1
[11] Voir sur cette question http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article29
[12] http://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_Dakar
[13] “When the earth was young / and the air was sweet / And the mountains kissed the sky / In the great beyond / with its many paths / Man and nature lived side by side”
[14] De manière significative, le personnage de la chamane est celui qui lorgne le plus dangereusement vers les représentations racistes à la Pocahontas ou Avatar.
Autres articles en lien :
- Bee Movie : Désamorcer l’anti-spécisme à coup d’arguments spécieux
- Avatar (2009) : le prophète blanc et ses sauvages
- Pocahontas (1995) : être femme et indienne chez Disney
Bonjour, il y a quelque chose que je ne saisis pas bien dans votre article, pourquoi parler de spécisme dans le cas des ours qui mangent des poissons ? Parce que si j’ai bien compris, le terme de meurtre d’autres animaux ne s’applique qu’à ceux commis par des humains, non ? Puisque contrairement aux autres animaux, nous avons le choix de modifier notre régime alimentaire et de nous nourrir de végétaux alors qu’à la base nous sommes omnivores comme les autres singes, les cochons ou les ours ! Un ours ne va pas se dire que ce n’est pas éthique de manger d’autres animaux, de ce point de vue, le film est assez réaliste, à moins d’aller jusqu’au bout de l’anthropomorphisme ! Idem quand un chat va tuer des souris ou des oiseaux, c’est un façon de s’entraîner à chasser pour survivre, cela n’a rien à voir avec la chasse inventée par les humains.
Tout à fait. Mais je ne pense pas que le but de ce film soit de décrire les pratiques et comportements réels des ours. Il y a un anthropomorphisme assumé. Dans la réalité, les ours ne parlent pas, ils ne se font pas des soirées où ils se racontent des anecdotes lol, et ils ne deviennent pas copains avec des élans non plus. Personnellement, je ne trouve pas cet anthropocentrisme gênant ici, car le but est de susciter chez les spectatrices/teurs une empathie vis-à-vis des ours, de montrer que les ours sont « comme nous », etc.
Mais du coup, s’il y a anthropomorphisme assumé, pourquoi ne pas l’avoir étendu au régime alimentaire ? Les ours sont omnivores et se nourrissent principalement de végétaux dans la réalité, donc il n’y aurait pas eu d’aberration biologique à les montrer décider d’arrêter de manger du poisson (ça aurait déjà été plus bizarre si ça avait été des animaux carnivores comme des lions par exemple, mais là il n’y a absolument aucun problème). D’où ma question : jusqu’où le film choisit-il d’être anthropomorphique ? et pourquoi ?
A mon avis, il n’étend pas l’anthropomorphisme aux choix alimentaires parce qu’il reste prisonnier d’un impensé spéciste autour du fait de manger des poissons. Ce n’est pas un hasard si on trouve des gens qui se disent végétarien-ne-s et qui mangent du poisson. Comme les poissons sont des animaux qui ont beaucoup moins de ressemblance anatomique et comportementale avec nous (par rapport à d’autres animaux comme la plupart des mammifères), beaucoup de gens les mangent sans état d’âme. Du coup je trouve regrettable qu’un film aussi intéressant que Frère des ours ne remette pas ça en question (surtout que c’est très facile de montrer que les poissons souffrent, il suffit d’en voir un au bout d’un hameçon), chez les ours comme chez les humain-e-s (puisque, significativement, on ne voit pas non plus les humain-e-s arrêter de manger du poisson (le problème n’est même jamais posé)). Et c’est là que l’anthropomorphisme (tel que le film l’utilise) montre ses limites à mon avis, car il ne s’applique qu’aux animaux qui nous ressemblent beaucoup, et pas à TOUS les animaux, qui sont TOUS des êtes sensibles, qui peuvent souffrir, qui ont une vie propre, etc.
Vous voyez ce que je veux dire ?
Oui, je vois, c’est vrai qu’il y a une telle variété d’espèces animales – mammifères, poissons, insectes, etc – que l’on a spontanément tendance à s’identifier aux animaux mammifères comme nous. Après, comme vous l’aviez montré il y a aussi des films qui s’intéressent aux insectes mais assez peu dans leur rapport aux humains comme « Fourmi Z » ou « Mille et une pattes ». Quand j’étais petite je me souviens d’avoir visionné un dessin animé où les héros étaient tous les animaux d’une ferme ainsi que la série des animaux du bois Quat’sous qui sont intéressants puisqu’on les y voit confronté à la destruction ou modification de leurs milieux de vie par les humains.
Très bon film, à tristement comparer au numéro 2, qui se complait dans une représentation ultra traditionaliste de la famille : ben ouais, faut bien une maman avec papa + bébé ours !…
Oui j’avais été moi aussi très déçu par le 2ème. Snif 🙁
Dans les films anti-spécistes il y a Chiken Run.
Honnêtement, je ne suis vraiment pas sûr. Déjà, parce que ce qui est vraiment présenté comme anormal, c’est surtout le sadisme et la cruauté de la fermière (oui, une femme, comme par hasard, son mari est juste le débile de service) et pas l’élevage en lui-même. Ce film mise avant tout, à mon sens, sur la dichotomie entre « méchant » élevage industriel, symbolisé par la machine à tourtes, et l’élevage traditionnel, vertueux, qui profiterait à tous, humains comme animaux.
D’autant que ce qui provoque vraiment l’empathie, c’est l’anthropomorphisme des personnages, c’est cela qui achève de nous convaincre de l’injustice de leur condition. Je ne suis pas sûr (et c’est un euphémisme) qu’une telle identification serait possible avec des personnages davantage « animalisés ».
Au final, je ne pense pas que les réalisateurs de ce film soient antispécistes et je doute qu’il ait encouragé beaucoup de personnes à le devenir.
Toutefois, le propre d’une œuvre est justement de pouvoir être considérée indépendamment de ses concepteurs ou de ses récepteurs et l’on peut donc, dans une certaine mesure, faire tenir un discours antispéciste à Chicken Run… Mais avec des réserves.
Coucou Sfefs,
Personnellement je trouve ce film assez excellent sur la question du spécisme. Contrairement à vous, je ne pense pas que ce film propose l’élevage traditionnel comme une bonne alternative à l’élevage industriel. A la fin, les poules ne trouvent pas le bonheur dans une « ferme traditionnelle », mais dans la nature (contrairement à un film comme La Ferme se rebelle par exemple, qui est pour le coup une apologie assez claire de l’élevage traditionnel). Du coup, Chicken Run me semble plus proche des positions antispécistes consistant à refuser tout type d’exploitation humaine quelle qu’elle soit (en prônant une sorte de « libération animale »).
Et si je suis d’accord pour dire que le sadisme de la fermière est too much, je ne suis pas sûr que cela soit un moyen de faire passer les conditions d’élevage dans lesquelles sont exploitées les poules comme quelque chose de bien pour les poules. Dès le début, alors même qu’il n’a pas encore été question de les tuer (mais juste de les garder enfermées pour récolter leurs oeufs), elles cherchent à s’échapper. Je me souviens aussi d’un moment où l’une d’entre elle se plaint de ne pas avoir eu de vie. Donc il me semble que l’élevage lui-même est condamné (et pas juste le meurtre des poules).
J’avais commencé un article sur ce film il y a longtemps, je vais le reprendre bientôt, car il y a à mon avis plein d’autres trucs intéressants dans ce film (et d’autres beaucoup plus craignos, comme la misogynie que vous avez notée…)
C’est vrai que l’on ne nous présente pas une situation d’élevage « positif », mais d’un autre côté, la condition d’origine des poules est parfaitement surréaliste : l’appel et le passage en revue « martial » des pensionnaires, les baraques numérotées, le grillage autour duquel patrouille le fermier avec ses chiens, les plans d’évasion (notamment par un tunnel), le passé « militaire » du coq patriarche, le « mitard »… Tout le film est conçu comme un gigantesque hommage aux films de prisonniers, comme « Stalag 17 », auquel une référence directe est même faite, si je me souviens bien.
Cela dit, je ne suis pas non plus en désaccord avec votre analyse, c’est juste que je trouve ce film plus ambigu qu’il ne pourrait paraître au premier abord.
Après, c’est sûr que les quelques (terrifiantes) séquences à l’intérieur de la machine à tourtes ont un fort potentiel traumatique à des fins de prosélytisme antispéciste ! ^^
Impatient de connaitre votre point de vue sur la question, en tout cas. 🙂
Oui, justement, ce que vous voyez comme une référence surréaliste aux films type Stalag 17, moi je le vois avant tout comme un parallèle très pertinent entre l’élevage intensif et les camps de concentration/extermination nazis. Donc pas comme quelque chose qui déréalise, mais au contraire comme quelque chose qui fait prendre conscience que ce qu’on fait subir quotidiennement et massivement aux poules aujourd’hui, c’est quelque chose de comparable à ce que l’on conçoit unanimement comme un sommet de cruauté en ce qui concerne les crimes perpétrés contre les humain-e-s. Mais bref, je développerai ça mieux dans l’article que j’écris sur le film 🙂
Ce qui me dérange dans ce film, c’est qu’on a un truc qui ressemble trop à Disney chez les méchants: la femme dominatrice à travers la fermière sadique et le sidekick masculin ridicule et dominé. Cependant en ce qui concerne le coq patriarche, même s’il se rattrape à la fin apparait comme sympathique, il est montré comme un grincheux énervant et est très souvent rabroué par l’héroïne Ginger (qui finit d’ailleurs par lui dire « Vous dites toujours « de mon temps » Pensez au présent, c’est votre grand jour aujourd’hui! ») qui est montré comme un exemple d’héroïne forte qui ne se laisse pas abattre malgré les nombreuses punitions qu’elle subit (d’ailleurs de la part du sidekick masculin et pas de la fermière sadique, ce qui montre qu’il peut être également oppresseur et pas qu’oppressé). Et même si elle accorde sa confiance à Rocky, c’est pour une question d’intérêts communs, il n’y a aucun sentiment de sympathie entre eux. Après, les poules qui se font avoir, ça ne prend pas beaucoup de temps d’écran parce que « l’entrainement » et le cadre oppressant de l’élevage est ce qui intéresse vraiment les scénaristes (les poules qui prennent conscience que les fermiers les engraissent pour les tuer, elles qui tentent de se battre pour résister même si elles se font berner par Rocky) Et lorsqu’elles prennent conscience qu’elles se faites avoir, elles se reprennent vite en main et décident de trouver un autre moyen pour s’enfuir, ce qu’elles parviennent à faire.
Après, ce qui m’énerve, c’est que Rocky est pardonné un peu trop vite de leur avoir donné un faux espoir mais il se prend quand même une gifle avant. Cependant, Ginger n’a pas besoin de son aide pour s’en sortir puisqu’elle bat la fermière toute seule et grâce à son intelligence, les personnages féminins n’ont pas « naturellement » besoin de l’aide de personnages masculins pour s’en sortir.
Alors un dernier point qui m’énerve: Moi personnage principal, Moi tout savoir, Moi seul pouvoir guider foule hors des ténèbres. En effet, Ginger est la seule à comprendre comment fonctionne l’élevage, quelles seraient les stratégies pour berner les fermiers, qui sait réfléchir et qui comprend vite ce qui se mijote dans la ferme à la moindre action des fermiers. La seule qui l’aide et qui est « presque » son égale parce qu’elle est montrée comme l’intello Mac Bec (trop lol) mais elle se contente de faire des calculs et de monter des machines, en gros de suivre les ordres. Et puis, pourquoi quand les rations de nourriture sont doublées, Ginger est la seule à comprendre que c’est pour engraisser les poules et les tuer? Pourquoi les poules apparaissent comme des pleurnichardes que Ginger doit tout le temps rassurer? Pourquoi quand les poules sont trop au petit soin pour Rocky qui se prélasse plus qu’il ne devrait leur enseigner le vol, Ginger est la seule à pouvoir leur rappeler les priorités? Parce que…Ben, c’est l’héroïne, c’est tout. Y a pas d’autre explication. Bernadette apparait même comme l’exemple typique de donneuse de leçons idiote qui changera de comportement selon la situation: sympathique si elle est agréable et antipathique si elle lui semble stupide. Et aussi, autre problème mysogine qui touche Ginger et les poules, pourquoi le seul moyen d’amener un peu de joie dans l’élevage, c’est des mecs machos mais agréables quand même, hein (les rats escrocs qui volent tout le matériel des éleveurs pour transformer l’une des cages en piste de danse, Rocky qui apprécie les poules parce qu' »elles sont super » peut-être qu’il veut parler de la niaise Babette qui lui tricote un couvre-bec pour l’hiver, après tout, les filles doivent être aux petits soins pour les garçons quand ceux-ci se montrent gentils et qu’ils font un minimum, c’est-à-dire qu’ils les amusent même s’ils leur mentent)? Et puis, Ginger qui s’excuse d’avoir mal jugé Rocky parce qu’il danse avec elle et qu’il la sauve de la machine à tourtes (bon après dans le four, Rocky fait n’importe quoi et se mets en danger, ce qui fait que Ginger doit aller le chercher et les rôles sauveur-sauvée s’inversent pour devenir sauveuse-sauvé mais ça reste quand même énervant parce que c’est quand même Rocky qui est allé chercher Ginger à la base)? Et Ginger qui dit que le refuge est mieux que ce qu’elle s’est imaginé en se jetant dans les bras de Rocky (j’ai mon refuge et mon mec, je suis comblée), pourquoi la plupart des films d’animation ont besoin d’une romance hétérosexuelle le plus souvent quand le protagoniste principal est une jeune fille (même dans les films d’animations où l’héroïne est une jeune enfant, on a parfois droit à un quotat de beaux gosses de son âge histoire de bien la préparer aux noces, berk!)?
Donc, ce film est très progressiste dans son antispécisme et il a également une héroïne intelligente qui fait ses preuves du début à la fin en réfléchissant, en se montrant forte et en triomphant elle-même de la méchante mais il possède quand même ses problématiques hétérosexistes.
Oui, c’est vrai. Démoniser la culture européenne est l’autre bout extrême. Je n’aime pas quand les gens vont d’un extrême à une autre. Nous sommes tous les êtres humains, nous avons la même Terre. De plus, quand quelque nation ou race commet un acte noble (horrible), ce n’est ni plus ni moins honorable (reprochable) que celui d’une autre nation ou race.
Oui, certes, il y a des groupes qui sont sous pression constante le plus souvent, en ce qui concerne le privilège blanc mais cela, c’est une autre face du problème.
c’est le meilleur dessin animé selon moi ! et en effet ya pas vraiment de fille dans le premier, par contre dans le 2e oui. On voit l’amie d’enfance de Kinai qui fait partie des personnages principaux. Mais c’est pas vraiment la même histoire.
Merci pour cet article, je n’avais pas regardé ce film, du coup, je vais me hâter pour le voir.
Par ailleurs, je tente de constituer la liste de tout les films oeuvrant pour la nature, par le biais des dessins animés ou animés : http://lelision.com/-Films-.html
Ou par les films réels : http://lelision.com/-Animes-dessins-animes-.html
Auriez vous des films à ajouter ? merci d’avance.
Je me souviens d’un film de John Boorman que j’aimais bien quand j’étais plus jeune, la Forêt d’Émeraude (http://en.wikipedia.org/wiki/The_Emerald_Forest). Si je me souviens bien il y avait un message de ce genre, mais ça fait très longtemps que je ne l’ai pas vu, donc pas sûr…
Et dans les dessins animés, vous avez aussi Pocahontas de Disney (par ailleurs assez politiquement craignos http://www.lecinemaestpolitique.fr/pocahontas-1995-etre-femme-et-indienne-chez-disney/), notamment la chanson Color of the Wind.
Merci pour votre réponse. Pocahontas, il est vrai qu’il y a un message de préservation de la nature, mais il est « caché » par la sauvegarde des peuples premiers qui est tout de même le sens premier du film.
Penses-tu faire une analyse du film Brisby et le secret de Nihm? Parce que même si je n’en ai qu’un vague souvenir, il me semble assez anti-spéciste.
Je ne m’en souviens plus du tout. Je l’ai vu il y a maintenant très très longtemps, et à l’époque, je n’étais pas du tout conscient de ce genre de choses, donc je n’en ai pas le souvenir. Mais je le re-regarderai…
Un film à mon sens clairement antispéciste, c’est White God de Kornél Mundruczó. Ce n’est pas un film d’animation, mais le réalisateur a eu l’idée de ce film suite à une prise de conscience antispéciste (en visitant une fourrière). D’ailleurs les chiens qui jouent dans le film n’ont pas été sélectionnés (hormis ceux qui jouent le rôle principal) : ils ont pris tous les chiens enfermés dans les fourrières environnantes, et après le film, leur ont tous trouvé une famille (250 chiens, quand même…). Attention par contre : il y a des scènes dures à soutenir.
Fan d’animation (et militante antispé) c’est un vrai bonheur de tomber sur ces articles ! 🙂
J’attends celui sur Spirit avec impatience ^__^
Prévoyez-vous de faire une analyse sur des films moins connus (hors gros studios) abordant l’exploitation animale ? (Free Jimmy, Leafie, Plague Dogs, Bisby…)
De ceux que vous citez, je n’ai vu que The Plague Dogs (sur lequel j’ai commencé à écrire un truc), mais je vais regarder les autres du coup. Merci pour ces conseils (et si vous en avez d’autres, n’hésitez pas, ça m’intéresse)
à part Watership Down (même réalisateur que Plague Dogs) je ne vois pas trop quoi indiquer de plus comme films abordant le spécisme (ah oui, ça ne court pas les cinémas).
Je vais réfléchir si jamais j’en ai oublié.
Je vous laisse cette liste de films :
Spirit, l’étalon des plaines
Ferngully, the last rain forest
les rebelles de la forêt
Tarzan
Watership Down
je n’arrive pas à retrouver un film que la critique ciné accusait de vouloir rendre les enfants végétariens… je vais aller fouiller plus antérieurement dans mes magazines ciné.
Pour illustre votre capture d’ecran sur une comprehension non antropomorphe de la metaphore du cercle trace:
documentaire
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Projet_Nim
http://nemesistv.info/video/6O1YAX2H6U77/le-projet-nim#sthash.j8R7dyna.dpbs
docufiction de Herzog (garanti a mourir de rire pour un fan d’humour noir)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grizzly_Man
http://fr.wikipedia.org/wiki/Timothy_Treadwell
https://www.youtube.com/watch?v=q8MjDyfcMmU
Apres separer ne veut pas dire hierarchise mais n’eduquer pas nos gosses a jouer avec les ours non plus.
Je connaissais déjà Le Projet Nim, mais je n’avais jamais entendu parler de Grizzly Man. Je suis donc allée voir (malgré mon anglais ne m’ayant pas permis de tout comprendre), et ce documentaire, c’est franchement… de la merde. Une tentative de mettre une barrière spéciste entre les ours et les humains, comme s’il en était besoin, alors que nos préjugés sur les animaux sont déjà bien assez craignos sans l’aide de Werner Herzog. Oui, le type a été tué et dévoré par un ours. Mais faire passer cette tragédie pour une preuve de l’indéniable cruauté des animaux et leur absence d’empathie, c’est très fort. C’est oublier que d’une part, les gens qui vivent ainsi au contact d’animaux considérer comme dangereux (ours, lions, gorilles…) sans se faire tuer existent. C’est oublier que la mort de Timothy n’est pas due à la cruauté de l’ours, mais à la bêtise de l’humain, qui a cru qu’il pouvait s’introduire sur le territoire d’ours inconnus de la même façon qu’il avait auparavant été accepté par un groupe d’ours, pendant treize ans. Mais on ne se pointe pas chez des inconnus comme on se pointe chez de vieux amis. Au passage, je ne donne pas cher non plus de la vie d’un ours qui se pointerait en plein territoire humain : soit on le tuerait, soit on le priverait de liberté en le foutant dans un zoo. D’ailleurs un indice du spécisme qui traîne de long en large tout au long du film : tout le monde déplore la mort de Timothy et de sa compagne, mais personne ne semble s’offusquer du fait que l’ours qui les a tués est abattu au fusil juste pour récupérer des restes. Franchement, si on tuait tous les humains qui ont des morceaux d’animaux dans l’estomac, le chiffre de la population humaine mondiale diminuerait drastiquement. Ce pauvre ours n’a eu qu’une réaction normale (ces humains sont entrés sur son territoire, sans demander le moins du monde la permission) et il paye de sa vie l’erreur commise par ces humains (ceux-là même qui prétendaient être ses amis, en plus. Quoique je suis persuadée que Timothy, si on lui avait demandé son avis, aurait préféré qu’on ne tue pas cet ours).
La réflexion de Herzog, à la fin du film, comme quoi Timothy voyait dans les ours des amis, alors que lui ne voit dans ce regard que de la cruauté et de l’indifférence, signe à elle seule toute la dimension spéciste du film.
Autre chose : lorsque Timothy pleure la mort d’oursons ou de renardeaux, Herzog prétend qu’il n’est pas conscient que la nature n’est absolument pas un monde d’harmonie, mais seulement un monde de cruauté et de meurtre (quelle drôle de vision de la nature…). Alors ouais, Timothy semble être un personnage particulier, un peu mégalo et pas mal naïf, mais de là à le faire passer pour quelqu’un n’ayant pas conscience que la mort est présente dans la nature… Cela me parait aussi idiot que de filmer un enterrement, avec les gens qui pleurent, et de commenter en voix off : « voyez tous ces humains qui pleurent la mort de leur proche ! Ils ne sont pas conscient de la nature mortelle de l’humanité, grands naïfs qu’ils sont. » Hum !
Outre la dimension fortement pro-spéciste du film, j’ignore si c’est le réalisateur qui l’a voulu ou non (mon anglais n’est pas suffisamment bon), mais nombre de critiques soulignent le caractère antipathique de Timothy, accentué par le fait… qu’il était un ancien drogué. Donc, une grosse couche de spécisme, et une lichette de toxicophobie. Youhou !
Je rappelle à toutes fins utiles que si Timothy Treadwell est mort, non pas à cause de la nature cruelle et sanguinaire des ours, mais parce qu’il a commis des erreurs et a joué avec les limites (plusieurs fois il montre qu’il est conscient des risques qu’il prend pour sa vie), que Diane Fossey, par exemple, a elle aussi vécu des années au contact d’animaux puissants et potentiellement tueurs (les gorilles), et que ce ne sont pas eux qui l’ont tuée, mais bien des humains, ces animaux apparemment si civilisés, doués de conscience et d’empathie. Je pourrait aussi parler de Kevin Richardson qui vit au contact de lions, hyènes et autres grands fauves, tout en respectant les codes de ces grands fauves (ce que ne fait pas Timothy en s’invitant sur un territoire d’ours inconnus comme s’ils étaient des amis de longue date). Kevin Richardson est toujours vivant. Jane Goodal qui vit au contact de chimpanzés est toujours vivante aussi. Etc.
Et tout bien réfléchi, il y a aussi un paquet d’humains qui ne partent pas vivre au contact d’ours ou de lions, et qui finissent eux aussi tués, par des humains. Personne ne vient pour autant prétendre que les humains ne sont pas capables d’empathie, ne sont que cruelle et froide indifférence et qu’il ne faut pas tenter d’entrer en contact avec eux.
Bonjour
« Grizly man » est un docu FICTION.
Les commentaires youtube sont le signe d’un très mauvais sens des réalités de nos comtoporains et la disparition d’un discours écolo responsable sous un gloubigoulga de moraline et bon sentiment.
Il n’y a pas de commentaire spéciste. Il y a un commentaire sur certaines formes d’idéalisme.
Timothy est un drogué car il fuit la réalité. Il est homophobe et misogyne car il s’idéalise sans voir les autres que par cliché. Il est ridicule et phallo car il est creux mais bavard. Il est inutile et dangereux car incapable de réflection arcbouter sur son assurance de mener un combat juste…
Il est à mourir de rire.
Il est un personnage de fiction.
Utilisez tous les sophisme que vous voulez mais laissez de vrais scientifiques et humanistes tranquiles. (Diane Fossey vs Tradwell sérieusement…)
Rien de Timothy (hors votre diatribe peut etre) ne vous ressemble, il est un discour sur les fictions qu’on nous vend.
Le film ne critique ni de pret ni de loin un quelconque discour rationnel écologique ou végétarien.
N’eduquer pas nos gosses a jouer avec les ours non plus, surtout si vous etes une truite. (ou pire une humaine c’est dangereux pour l’ours)
Je me permet de préciser (on ne peut pas édit):
Herzog ne dénonce pas la dangerosité des ours. Il filme Tradwell les fréquenter, souvent sans fond vert, soit disant sur plus de 10 ans. La scène « de fin » n’est pas filmée, sa bande son sert d’effet comique autour du voyeurisme. Ce ne sont pas les limites de l’ours qui sont dépassées mais celles de Tradwell qui se refuse à rentrer à la date prévue (et qui deviens parano et abusif avec sa compagne).
Comparaison floue pour comparaisons floues autant dire que mobby dick dénonce la violence des baleines.
Tradwell se fout des ours, il veut se filmer en héros d’une cause qu’il caricature pour fuire la vie de merde qu’il s’est construit par sa bétise.
Il s’invente des amis animaux pour le soutenir sans pouvoir le contredire.
C’est le meme intéret pour le Projet Nym, chaque intervenant place en Nym sa vision, ses préjugés, ses ambitions, ses violences, se heurt à la réalité et c’est l’animal, le plus faible, qui trinque parce qu’il est… ce qu’il est.
Ca ne nie pas la possibilité de vivre en harmonie avec un animal aprés de la patience, de l’étude et du respect (et souvent de la distance à l’exeption des parasites et des domestiques) comme le prouve Diane Fossey, ceux qui on repris le projet Nym ou mon petit chat tout trognon.
Par contre ca va à l’encontre des conclusions de l’article sur la fraternité soit disant de fait du règne animal mais gachée par la mauvaise éducation spéciste issu du lobby du steack.
(en plus meme si j’ai pas vu le film, l’article zappe de ours à symbole male ou indiens quand ca l’arrange et j’ai l’impréssion qu’il m’explique que Wall-E est un film anti raciste envers les robots.
Et puis caliner un ours non symbolique… c’est un animal sauvage dans cette scène, un ours premier degrès… mais un qui aurait arréter de bouffer du poisson… pour apprendre à respecter les animaux sauvage à un gosse… mais les animaux sauvages non piciphobes… grace à la réflection anti spécisme… LE film idéal pour gamin)
Les sous titres de Grizzly Man sont facilement trouvables et on peut récupérer la vidéo de youtube en 2 clics.
Et rien que pour lire les commentaire youtube après (je découvre c’est hallucinant), ce film a du génie.
Bonjour,
Merci beaucoup pour vos articles, ils formulent très bien ce que je pense du spécisme dans les fictions.
Ils me donnent envie de rebondir sur quelque chose dont vous ne parlez pas spécifiquement, c’est l’image de l’animal sauvage dans les médias.
Je crois que c’est ce qui me choque le plus dans beaucoup de films. La diabolisation d’animaux qui n’ont pas été domestiqués par l’homme et qui se trouvent en haut de la chaîne alimentaire de leur milieu… Le premier exemple qui me vient à l’esprit c’est » Les dents de la mer » qui selon moi est probablement le film le plus spéciste qui soit mais les exemples de fictions dépeignant de dangereux prédateurs prêts à dévorer nos femmes et nos enfants ne manquent pas.
Le pire étant que la solution qui est le plus souvent proposée comme une évidence est tout simplement de les buter. Pire, le tueur (ou la tueuse mais c’est plus rare) est vu comme un héro sauveur du village.
Le résultat ? En montagne on croise des couleuvres mortes tuées par des coups de pierre etc. Ces films rendent tout à fait légitime le meurtre d’un animal sauvage pour la seule raison qu’il nous fait peur. Vous en pensez quoi vous ?
Oui, tout à fait d’accord avec vous. Je n’avais jamais pensé à ce genre de films d’un point de vue antispéciste, mais maintenant que vous le dites, je me rends compte qu’ils craignent aussi 🙂 .
Les films type Jurassic Park doivent être aussi bien gratinés à ce niveau. Ça fait longtemps que je n’ai pas revu le premier, mais ça ne m’étonnerait pas que le film problématise le rapport humains/animaux uniquement d’un point de vue humain, sans jamais susciter ne serait-ce que de l’empathie pour les animaux (du genre « la tragique démesure humaine a l’origine de ces créations qui se retournent sur leur créateurs »). Alors que dans des films où la créature est humaine (ou caractérisée comme participant en partie de l’humanité), type Frankenstein, il y a sûrement beaucoup plus de cas où le point de vue et les souffrances de la « créature monstrueuse » est envisagé je pense. Après, encore une fois, je n’ai pas vu les Jurassic Park récemment, donc peut-être que je me trompe. C’est juste un mauvais pressentiment que j’ai..
En tout cas, merci pour votre remarque. Je ne regarderai plus ce genre de film avec le même regard 🙂
Oui, dans mes souvenirs de Jurassic Park, il me semble que c’est bien comme ça que ça se passe. Les carnivores sont des machines à tuer qui bouffent tout ce qui passe et contre lesquelles on n’a aucun autre choix que de se défendre… Ceux qui fuient ou se cachent sont dépeints comme vulnérables (les enfants).
La différence entre les films dont je parle et Jurassic Park étant quand même que pour croiser un T-rex dans une forêt,il faut quand même se lever tôt.
Enfin… Un ours, un loup, un croco, un serpent, une mygale, un requin, un anaconda aussi, j’avoue :).
J’avais lu quelque-part que les loups n’attaquaient jamais l’homme, que les requins ne faisaient que très très peu de victimes humaines (un grain de sable comparé ceux tués directement et indirectement par l’homme).
Très peu d’animaux sauvages sont offensifs envers les humains, à part si on touche à leurs petits, si ils nous confondent avec leurs proies habituelles, si ils ont vraiment la dalle et là, je pense qu’un seul humain à la fois suffit, si on les titille ou si ils sont surpris.
J’ai lu aussi ailleurs que les dauphins étaient de redoutables prédateurs qui pouvaient être très cruels avec leur proies et tuer juste pour le plaisir de jouer à ballon avec des p’tits cadavres. Alors, pourquoi dans les fictions le requin est le grand méchant et Flipper est le cool de la bande ? Je pense que ça vient, (en plus du délit de sale gueule et de la taille des dents) du fait que les humains aient réussi à dresser l’un et pas l’autre. Tout comme le loup serait l’ancêtre indompté du gentil petit caniche joufflu.
Pour les personnages de méchants comme Frankeistein, ils sont souvent présentés comme des » Freaks » ou des marginaux et pas des représentants de l’espèce humaine. Alors que l’anaconda dans le film du même nom représente les serpents au sens large (un serpent c’est méchaaant !) et en plus c’est un gros serpent (MEEECHAAAANNNT !). Hihi ! Pardon pour le pavé mais je trouve tout ça tellement révoltant ! Je suis bien contente d’avoir trouvé ce site. Merci
Jurassic parc? Avec « la vie trouve toujours son chemin »?
Je ne suis pas sûr de comprendre cette notion de specisme, mais les animaux de ce film s’affranchissent des humains et on nous explique que c’était normal et prévisible. Peut etre que je suis embrouillé par le livre, nécessairement plus profond que le film, car plus de matière.
Ha, et le tyrannosaure était probablement un charognard. Un peu comme la hyène qui chasse de temps en temps.
Mes souvenirs de ce film (je n’ai vu que le 1) sont un peu flous.
Je crois qu’il est un peu spécial parce qu’il est question de plusieurs espèces et qu’elles n’existent plus… Ils s’affranchissent des humains mais c’est presque montré comme un film d’horreur » Oh mon dieu! Pourquoi a-ton donné vie à ces monstres ? Ils vont tous nous bouffer ! Leur cerveau ne sert qu’à chasser et à manger des humains ! « .
Tant le livre que le film sont plus nuancé dans mon souvenir. Si on reproche bien aux humains d’avoir réintroduit des créatures forcément inadapté, donc forcément « monstrueuse », le spectateur/lecteur n’en est pas moins invité à s’emerveillé tant des créatures que de l’inventivité de la vie pour s’adapter justement.
De fait, en rebondissant sur les propos precedants, il y a un reproche à faire: les protagonistes ont tendance à faire des papouilles aux herbivores, et à se méfier des carnivores.
Il ne me viendrais pas à l’esprit des faire des papouilles a un rinoceros même si je connais son régime alimentaire. De même le comportement des carnivores n’est pas homogène. Comme je le disait la dentition du tyrannosaure tant à prouver qu’il se comportait probablement comme un charognard.
Je pense que le principal problème dans la relation de l’homme par rapport à la nature n’est pas le spécisme lui même, car toute espèce passera ses propres intérêts par rapport à une autre, mais plutôt un anthropocentrisme ayant comme idéologie que la nature doit s’adapter à l’homme qui la dompte, et non l’inverse.
Le problème n’est pas que l’homme mange des animaux, mais qu’il les mange sans tenir compte des dégâts entraînés par une consommation inadaptée aux ressources. La situation est d’autant plus vraie maintenant, avec une population humaine en pleine explosion face à des ressources naturelles de plus en plus limitées.
Peut on reprocher à un homme de tuer un lion pour se défendre, ou une poule pour se nourrir, alors qu’on ne blâmera jamais un lion de tuer une gazelle? Même si l’homme peut s’accommoder d’un régime à nette prédominance végétarienne, il n’est pas un herbivore pur comme les ruminants et les chevaux (il n’a ni le rumen des premiers, ni le caecum des deuxièmes), il est omnivore et il aura une composante animale modérée dans son alimentation.
Exiger d’un homme qu’il ne mange aucun animal au nom de l’antispécisme, alors qu’on ne fera jamais la même demande à un animal est paradoxalement témoin d’un intense spécisme.
Cependant, ce que l’homme doit faire, afin de montrer un certain respect des autres espèces, est de ne pas empiéter sur le territoire des autres espèces pour des motifs purement futiles, ou, au moins, limiter cet empiètement.
De même, il doit se nourrir sans épuiser l’écosystème dont il dépend. Plus que le spécisme, c’est la reconnaissance par l’homme de sa dépendance à la nature qui l’entoure qui doit être le message important à transmettre, un message de modestie par rapport à l’univers qui nous entoure.