Meek's Cutoff
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LiamMaître des clés
J’ai regardé ce film l’autre soir et j’ai trouvé que il y avait des trucs chouettes, quoique profondément ambigüe et du coup j’ai l’impression qu’on peut en faire ce qu’on en veut politiquement.
C’est réalisé par une nana, Kelly Reichardt, qui l’a aussi monté. C’est sorti en 2010, et été en compétition à Venise.
C’est assez lent comme film, et filmé quand même pas mal du point de vue des nanas de l’histoire, surtout une, qui prend de plus en plus de pouvoir dans le groupe, surtout une fois que le groupe capture un amérindien, dont illes ont besoin pour trouver de l’eau.
J’ai l’impression que le film montre (un peu) que le pouvoir hiérarchique des hommes est stérile et injustifié. Ce pouvoir est surtout représenté par Meek, un type qui passe pour un gros vaniteux de service qui mène tout le monde à leur perte parce qu’il ne veut pas admettre qu’il ne sait pas où illes sont.
La nana principale décide de faire confiance à l’amérindien, lui donne de la bouffe de l’eau et lui recoud sa chaussure, en se disant qu’il va les aider. Elle décide de tenir tête à Meek aussi lorsque celui-ci veut tuer l’amérindien.
Elle interpète les paroles de l’amérindien de façon optimiste, en disant qu’il ne cherche qu’à les aider, et de toute façon le groupe n’a plus le choix vu qu’illes vont crever si illes ne trouvent pas d’eau.D’habitude ça m’énerve profondément quand les dialogues des « autres » ne sont pas sous-titré dans les films, car on voit bien du coup que ces gens n’ont pas droit à la parole, à une subjectivité, à des motivations propres (c’est à dire qui ne sont pas juste perçu par le prisme des personnages « comme nous »).
Dans ce film, je trouve que c’est plutôt justifié, parce que le truc semble tourner autour de la question, assez elliptique, de « sur quoi repose la confiance, lorsqu’on ne peut pas vraiment communiquer? ».D’où la grosse marge d’interprétation possible. Moi j’avais envie de croire que le lien qui se noue entre la nana et l’amérindien est réel, et qu’il cherche vraiment à les aider. J’avais l’impression d’un truc un peu « les dominé-e-s se comprennent sans se comprendre », et même si l’amérindien devrait plutôt détester les blanc-he-s parce que ces derniers les massacre, et on pourrait penser qu’il va donc les mener à leur perte (en même temps lui aussi mourrai dans ce cas-là), le fait est que cette nana là n’est pas en position de pouvoir et n’est pas un Meek, qui présuppose comme par hasard la traitrise des amérindiens pour justifier de les tuer.
Du coup pour en revenir à l’absence de sous-titres, je me dis que là c’est justifiable (même si bon ça reproduit certaines tendances bien nulles, je le concède), vu que le but du film c’est de réfléchir un peu sur comment on interpète un comportement avec lequel on ne peut pas communiquer.
Si, comme le fait la nana, on l’interprète de manière favorable et généreuse, alors on laisse la porte ouverte pour la confiance et une relation qui mène quelque part. Si, comme le fait Meek, on l’interprète de manière négative et agressive, alors on ferme la porte et on continue dans le cycle mortifère patriarcal.
J’ai l’impression que ya un truc comme ça, mais c’est vraiment assez méga ambigüe ce film, et encore une fois je pense qu’on peut faire la sauce qu’on veut un peu.
En tout cas si quelqu’unE d’autre l’a vu, je suis très curieux d’avoir d’autres avis ou ressentis dessus!
Paul RigousteParticipantOui je suis d’accord, c’est assez ambigu, parce qu’il y a vraiment très peu de dialogues et très peu d’événements dans le film. J’ai eu vraiment du mal au début à cause de la lenteur du film, j’ai failli lâcher, mais effectivement, ça devient intéressant après.
Je suis d’accord sur le fait qu’on peut en faire un peu la sauce qu’on veut, et j’aime bien ta sauce :-). J’aurais pas réussi à le formuler aussi clairement, mais effectivement je trouve que c’est une lecture possible et intéressante politiquement.
J’ai l’impression que le film se centre vraiment sur les positions de Meek et de la femme jouée par Michelle Williams, et que les autres personnages restent en second plan. C’est un peu dommage en un sens, je trouve, car ça aurait pu amener plus de complexité au propos. On voit un peu que tous les personnages réagissent différemment (le père qui se laisse mourir, la fille qui panique, etc.) mais ça reste pas très approfondi je trouve, les deux personnages les plus « forts » restant Meek et l’ « héroïne » je trouve. Ce qui fait un peu combat de chefs. En ce sens là c’est un peu dommage je trouve, mais en un autre sens, ça a le mérite de clarifier l’opposition, comme tu le montres bien.
Le personnage de Meek est d’ailleurs explicite sur ce point, quand il sort à l’héroïne sa grande théorie sur la différence entre les hommes et les femmes : « Les femmes ont été créées selon le principe de chaos, le chaos de la création, le désordre amenant du nouveau dans le monde. Les hommes ont été créés selon le principe de destruction. Comme un coup de balai, une destruction mettant l’ordre. ». C’est marrant je trouve cette formulation qui présente la destruction masculine comme une création d’ordre par l’élimination du chaos féminin. C’est une manière assez efficace de synthétiser un aspect de l’idéologie patriarcale je trouve (du moins dans une de ses versions).
En tout cas c’est intéressant comme film, même si ça reste un peu trop lent et obscur pour me plaire vraiment, personnellement.
J’ai vu que cette réalisatrice avait fait d’autres films, que je vais regarder par curiosité, pour voir si on retrouve des problématiques communes : Old Joy (2006), Wendy & Lucy (2008), et Night Moves (2013). C’est marrant parce qu’elle a l’air d’être quand même une réalisatrice assez « expérimentale » (au sens où ces films sont pas très accessibles je trouve, du moins Meek’s Cutoff, et doivent être à mon avis distribués en France dans les cinémas d’art et essai exclusivement), mais en même temps elle tourne avec des acteurs/actrices plutôt connu-e-s, voire des stars (Michelle Williams, Jesse Eisenberg, Dakota Fanning). Bref, je vais regarder, surtout Wendy & Lucy qui m’attire beaucoup. Merci pour la découverte et les pistes de réflexion.
Paul RigousteParticipantJ’ai regardé un autre film de Kelly Reichardt : Wendy & Lucy (2008), avec encore Michelle Williams, que j’ai trouvée vraiment très chouette dans ce film. Et le film lui-même m’a aussi beaucoup plu. On suit les déboires d’une jeune femme qui traverse l’Oregon en voiture avec sa chienne pour aller chercher du travail en Alaska. Comme elle a presque pas d’argent, elle vole dans un supermarché, mais se fait arrêter par un vendeur. Du coup, elle passe quelques heures au commissariat, et quand elle revient, sa chienne qu’elle avait attachée devant le magasin a disparu. Elle passe alors le reste du film à la chercher, et est confrontée à d’autres problèmes du fait de la précarité de sa condition.
J’ai bien aimé parce qu’on est vraiment pendant tout le film du côté de cette femme, qu’on sent abimée, mais qui ne se laisse pas démonter et affronte avec courage les différentes violences qu’elle essuie du fait de sa condition. Par l’intermédiaire de cette femme, le film nous place du point de vue des dominé-e-s, et c’est pas du tout classiste. Il y a des solidarités qui se nouent (avec le gardien de parking notamment). (Le seul truc que j’ai trouvé peut-être un peu décevant c’est tout ce qui tourne autour de la question du spécisme. Il y a quelques débuts de trucs mais qui sont vraiment pas approfondis. J’ai trouvé ça un peu dommage. Ptet parce que j’attendais un peu du film à ce niveau là aussi vu que ça s’appelle « Wendy & Lucy »)
Sinon la mise en scène est très sobre, comme dans Meek’s Cutoff, mais c’est très émouvant (moi ça m’a beaucoup ému en tout cas, alors que Meek’s Cutoff non). On retrouve quelques thèmes communs entre les deux films : la solidarité entre dominé-e-s, la survie quand on est démuni, le voyage qui n’avance pas, l’espoir d’une destination où la vie sera un peu meilleure,… Mais bon, les films n’ont pas plus de rapport que ça j’ai l’impression.
Je te le conseille en tout cas. Dis-moi si ça t’as plu si jamais tu le regardes…
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