Captain Fantastic
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SamInvité
Bon déjà « Captain » dans le titre, ça devrait éveiller la méfiance…
J’ai vu ce film hier et je suis curieux de connaître d’autres avis ou critiques dessus.
Mon impression est que ce film véhicule une vision du monde profondément pessimiste et nous invite à l’accepter comme tel et à nous soumettre.
Le film est un plaidoyer contre les critiques extrêmes et la radicalité en général. Le mode de vie de la famille (dans des cabanes dans la foret, coupés du monde sans téléphone ni internet mais avec plein plein de livres pour qu’ils aient une grosse culture G et un papa prof trop savant) est dépeint comme très séduisant et surtout très « efficace » (les enfants sont sympa, brillants, épanouis et même acceptés dans toutes les grandes facs américaines pour l’aîné !!!) mais le film s’emploie à nous montrer qu’il est irréaliste et pas adapté.
La conclusion où l’on nous amène est qu’il faut mettre de l’eau dans son vin, accepter les contraintes de la société et son système de domination et cantonner sa rébellion dans une sphère folklorique (genre porter des chapeaux à fleurs).
C’est un discours politique assez courant en France en tout cas dans une certaine génération qui, sans prétendre rejeter les critiques des différents systèmes de domination, les assimilent à des « utopies » forcément « contre-productives ».
Mais même ce monde « utopique » dessine en creux le conformisme profond du réalisateur:
– la famille remet en question des tas de choses, ils vivent dans des cabanes en foret, chasse leur propre viande, font l’école à la maison en célébrant Noam Chomsky, pestent contre les religions (sauf les bouddhistes), entraînent leur corps par de multiples activités sportives, mangent sainement, respectent la nature (un peu) mais garde fondamentalement un fonctionnement autoritaire, malveillant, et surtout un sexisme omniprésent dans le film.
– du coup une fois que le film nous a montré qu’il fallait bien vivre en société (et que la radicalité du papa est un peu pathologique, en tout cas s’explique par des raisons d’ordre privée et non politique) et qu’ils renoncent à leur mode de vie on se demande un peu ce qu’il va en rester …. Ils vont finir Trumpistes ces mômes…
Le film nie la possibilité de lutter au sein même de la société, dépolitise et pathologise la critique de la société. Cool.
D’ailleurs le papa « cool, alternatif et trop sympa » partage plein de chose avec son beau-père, antagoniste du film, « réac, conservateur, chrétien et désagréable » : ils ont en commun le goût de la chasse et des armes, l’habitude de décider tout à la place de leurs enfants et de leurs femmes, le fait de mépriser profondément les autres.
Voilà un peu en désordre. Je serais vraiment intéressé de voir les critiques des uns et des autres si vous l’avez vu !
Douffie ShprinzelInvitéJe l’ai vu à sa sortie et je me rappelle en être sortie avec une certaine perplexité sur le message du film. Malheureusement, ayant la mémoire d’un poisson rouge, je serais totalement incapable de te répondre précisément. Je me rappelle que je n’avais pas ressenti les choses comme ça (et aussi que j’avais été assez critique à propos du film par ailleurs).
Je n’avais pas l’impression qu’ils renonçaient totalement à leur mode de vie, juste (par exemple) que leur père leur donnait à la fin la possibilité d’aller à l’école s’ils le voulaient, et qu’ils ne le voulaient pas (le bus arrive et ils ne bougent pas)… non ?Par ailleurs je fais un aparté sur Chomsky comme tu le cites (et qu’il est cité dans le film)(et qu’il est cité partout) : Chomsky c’est vraiment une figure intellectuelle adorée d’une gauche qui se prétend anti-système et qui est infecte. Je linke le texte de Pierre Vidal-Naquet à propos de la préface que Chomsky a faite d’un livre de Faurisson, pilier du négationnisme : http://www.anti-rev.org/textes/VidalNaquet81a/
AnnaInvitéah, je suis ravie d’avoir un débat là-dessus.
j’ai beaucoup aimé ce film, parce que pour une fois j’y ai vu une critique qui m’est chère : celle de considérer l’extraordinaire inventivité des expériences d’alternatives radicale mais de prendre en compte que l’autarcie qu’elle nécessite est un frein à l’émancipation de l’individu, car dans l’éducation, il s’agit de ça.
et justement, le rapport à l’autre famille est super : les ados sont typiquement accrochés aux jeux vidéos, ils sont ‘abêtis’ par leur crise d’adolescence mais le mépris des enfants de la grande famille est flagrants : vous êtes des produits de la société industrielle, à ce titre vous êtes inférieurs. Par là il y a une critique de la gauche bien-pensante et moralisatrice : ses choix montrent la voie à suivre, en gros, ils ont bouffé la vérité.
pour autant, le développement de savoir-faire autres que ceux de l’école est montré comme quelques chose de positif, comme celle de la créativité. la critique de l’école comme frein au développement de l’individu est ainsi bien présente.
mais il s’agit d’une critique de l’intérieur, c’est-à-dire que cette famille va bien, qu’aucun enfant n’est en rivalité et que tous ont leur place, sans être enfermé dans un genre non plus, mais on ne peut pas déroger à la règle. l’un des enfants va incarner ce besoin de faire différemment, cette pulsion pour la normalité qu’on tant d’enfants et cette envie de dire merde à son père.
la scène du plus grand garçon avec la jeune fille est très bien montrée : il a grandi dans la critique, mais l’essentiel de ce qu’on apprend dans la vie, on l’apprend au contact des autres. son manque de socialisation le rend totalement attardé par rapport au monde dans lequel il est. on retrouve la figure de l’intello qui passe tout son temps dans les bouquins et qui ne sait pas comment faire – comme le film ‘pas son genre’- et ça, c’est vrai !.pour finir, je ne trouve pas que ce film soit une critique plaquée de l’utopisme des années 70′ mais au contraire, qu’elle porte avec une grande honnêteté les limites de ces formes de vie ultra-radicales tout en montrant la puissance critique qu’elle pouvait avoir alors.
ni nostalgie, ni mépris, mais une juste lecture de l’histoire.EnzoInvitéC’est une analyse intéressante. Pour ma part j’ai modérément apprécié le film ; le cadre m’a fait penser au documentaire « Alaskan Bush People » qui narrait l’existence – en plusieurs points très similaire à celle de Mortensen et ses enfants au début du récit – d’une famille de néo-pionniers en Alaska à l’époque actuelle. Mais là où le documentaire montrait clairement ce à quoi les Brown devaient renoncer pour vivre selon leur liberté (technologies, livres, accès rapide aux soins…), « Captain Fantastic » dépeint un tableau utopique selon lequel le père et les enfants ont absolument tous les avantages : non seulement la débrouillardise et les compétences physiques, mais aussi une éducation avancée, une santé parfaite, une vision humaniste du monde, aucun souci imprévu pour survivre, et même une propreté corporelle parfaite. Le parti pris du film dans son deuxième acte apparait donc pour moi clair : le Captain a crée une harmonie relativement stable en faisant de ses enfants des « philosophes-rois » (tel que c’est nommé) et cet état de fait ne saurait être remise en question par moins « éclairé » que lui. En quoi le mode de vie « ordinaire » de leurs proches pourrait-il être intéressant, puisqu’eux-mêmes ont déjà tout ce qu’il faut à la base, tant matériellement que physiquement et mentalement ?
Aussi, je ne pense pas, pour ma part, que Mortensen soit décrit à aucun moment comme quelqu’un de malveillant : les seules limites à son projet sont le manque de compatibilité sociale des enfants, une unique imprudence qui met sa fille en danger, et le garçon qui se rebelle avant de s’excuser. La confrontation du père avec le grand-père sur l’absence de choix donné à sa progéniture ne constitue qu’un bref moment de doute, menant à une solitude très vite rompu par les enfants qui, au final, souhaitent bel et bien rester avec leur papa, parce que sinon le film serait trop triste… Enfin, au lieu d’assumer clairement son parti pris, toutefois, le film résout maladroitement ces « problèmes » par un compromis naif dans la dernière scène, laissant croire qu’il suffit à la famille d’avoir pris la grande décision de s' »intégrer dans la société » pour pouvoir se la couler douce façon Petite maison dans la prairie. Décevant.
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