Bande de filles – Céline Sciamma
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- Ce sujet contient 27 réponses, 1 ps. et a été mis à jour pour la dernière fois par Arroway, le Il y a 10 années.
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Paul RigousteParticipantGrussieInvité
Merci beaucoup pour ces articles !
Par contre ce qui me gonfle dans ce texte (en plus de certaines critiques qu’il fait et que je trouve infondées), c’est le ton paternaliste qu’il adopte vis-à-vis de Sciamma au début (« Mais là, franchement Céline, tu t’es ratée, ton film est bourré de maladresses, etc. »), ça fait un peu « je vais t’expliquer la vie, petite »… (le sexisme n’est pas loin à mon avis…)
Je suis tout à fait d’accord avec toi, et j’avais aussi tiqué sur ce passage au début :
et je ne parle même pas des seconds rôles masculins, tellement grossiers et clichés (le frère ou le mac croquemitaines qui n’ont aucune épaisseur et dont la seule fonction et de menacer le personnage principal).
Je ne vois pas ce qu’il y a de si grossier ou cliché dans le perso du grand frère. (Ça pourrait tout à fait être un des miens…)
Je pense qu’effectivement, si c’était un film sur de la violence conjugale ou familiale, ça serait bien de développer les personnages qui battent, pour éviter de tomber dans le « ce sont les brutes qui frappent leur femme/soeur, pas les hommes propres sur eux », qui aboutit à des situations où on ne reconnaît plus les violences conjugales/familiales comme telles, car « parfois il est gentil »…mais dans toutes les relations, mêmes très violentes, il y a toujours des éléments très bons. Ça ne change pas le fait que la relation soit toxique, violente et déséquilibrée, mais si on ne présente que des modèles « relation très bien/relation très violente tout le temps », on se retrouve avec des cas qu’on met des années à identifier comme violents. Bref, je suis un peu partie en HS là, mais tout ça pour dire, le grand frère qu’on ne voit quasiment qu’à travers ses coups, ça ne m’a pas gênée du tout, en l’occurrence, même si je comprends très bien ce qu’il y aurait de potentiellement problématique de ce côté-là. Mais c’est peut-être parce que ça me parlait beaucoup que je reconstruisais dans ma tête les « éléments manquants ». (je ne sais pas si c’est clair ?)
Sinon j’ai trouvé le harcèlement de rue bien traité aussi. Qu’on voyait vraiment les hommes dans la rue de son point de vue. Que son attention était momentanément attirée sur eux quand elle les croisait, et qu’on avait peur avec elle qu’il y en ait un qui l’emmerde, lui fasse des réflexions ou la menace. J’ai beaucoup la scène qui suit la scène d’ouverture pour cela, où on les voit de plus en plus silencieuses quand elles se séparent. Ça retranscrit tout à fait la pression qui pèse sur les femmes dans la rue la nuit, je trouve. (Et du coup, encore plus sur les femmes racisées ? Je ne sais pas…)
Paul RigousteParticipantEn ce qui concerne le personnage du grand frère, ce qu’il y a de problématique je crois, c’est plutôt l’aspect raciste du personnage. Parce qu’on est en plein dans le stéréotype du grand frère de banlieue dominant/autoritaire/violent/tyrannique avec ses sœurs (mécanique raciste et classiste qui sert à stigmatiser les non-blancs des classes populaires, en dédouanant au passage les blancs des classes moyennes/sup des violences intrafamiliales). J’imagine que ça aurait pu être moins problématique s’il y avait eu par exemple un autre perso de grand frère non dominateur, et/ou un autre personnage qui incarne ce contrôle de la sexualité sur les jeunes filles (au sein de la famille ou ailleurs), et/ou la même chose chez des blancs, bref quelque chose qui fasse éclater le stéréotype, parce que là ça le conforte de fait. Après il y a quand même le personnage d’Ismaël, qui a au moins autant d’importance à l’écran que le grand frère, et qui est tout sauf dominateur, mais bon, ça n’efface pas le stéréotype raciste du grand frère je pense (en tout cas c’est le point de vue de beaucoup de critiques que j’ai lues).
GrussieInvitéOui c’est vrai que la dénonciation des violences familiales seulement pour les familles noires de banlieue, c’est moche. (C’est bien ce que tu dis ?)
J’ai ressenti un certain soulagement à voir la violence familiale représentée et comme je l’ai dit, c’est bien possible que j’ai rempli dans ma tête les lacunes du film, à savoir que ces violences ont lieu dans toutes les classes sociales et dans des familles blanches tout autant.ArrowayInvitéSinon j’ai trouvé le harcèlement de rue bien traité aussi. Qu’on voyait vraiment les hommes dans la rue de son point de vue.
On a la même problématique raciste pour le harcèlement de rue : les reportages, vidéos, etc ne montrent très souvent que les Noirs, les Arabes, etc, comme harceleurs, et Bande de filles fait exactement pareil.
Sur le sujet, j’aime bien le sketch de Jessica Williams dans le Daily Show avec Jon Stewart, qui évite cet écueil : https://www.youtube.com/watch?v=C4sgHJh3eKkGrussieInvitéOn a la même problématique raciste pour le harcèlement de rue : les reportages, vidéos, etc ne montrent très souvent que les Noirs, les Arabes, etc, comme harceleurs, et Bande de filles fait exactement pareil.
Oui, bien sûr (j’ai l’impression de m’être mal exprimée parce que ça me paraît évident en fait, je voulais souligner ce que je trouvais chouette du point de vue du sexisme, « en faisant abstraction du racisme », mais c’est probablement juste, au mieux maladroit, au pire puant politiquement de vouloir séparer racisme et sexisme dans les cas où ils sont tous les deux présents. Le black feminism, ce n’est pas juste du féministe et de l’antiracisme, c’est plus complexe que ça. Mais bref.)
Un peu comme la dernière vidéo où une femme marche 10h dans les rues de New York et où les harceleurs blancs ont été coupés au montage…Il y a eu cette chouette réponse d’ailleurs.
megInvitéJ’ai toujours pas vu le film, mais j’ai trouvé cette critique qui peu apporter de l’eau au moulin de la discussion ici.
http://melanine.org/article.php3?id_article=379MarineInvitéJ’ai vu le film. Je ne partage pas certaines de vos critiques sur le racisme. Je m’explique: vous reprochez au film de montrer la violence familiale chez des Noirs, mettant ainsi une pierre de plus à l’édifice du racisme: « les Noirs ils sont méchants avec les femmes et les Blancs ils sont gentils parce qu’on ne les montre pas » (je simplifie à outrance mais c’est quand même un peu ça).
De deux choses l’une: le personnage principal du film fait partie d’une famille Noire. Ils sont donc noirs. Le sujet, c’est pas une famille banche: il n’y avait donc aucun intérêt à « comparer » avec des Blancs. Dire qu’il existe de la violence familiale chez les Noirs n’est pas raciste. A aucun moment le film ne sous-entend qu’il n’y a pas de violence familiale chez les Blancs.
Mais le fait est que oui, il y a de la violence familiale dans tout type de famille y compris chez certains Noirs. Ce n’est pas raciste que de le montrer dans un film?!Par ailleurs, sur les personnages masculins que sont le frère, le petit ami et le mac: je trouve que le film montre justement que tous les hommes ne sont pas violents (le petit ami est très gentil et respectueux avec le personnage féminin). Quant à la violence du frère qui est soit-disant caricaturée, c’est un argument que je ne conçois pas: montrer à quel point la violence familiale peut être crue c’est forcément de la caricature?? Ah bon?? Un frère qui tape sur la gueule de sa soeur parce qu’elle couche, ça n’existe pas? C’est de la science fiction? Ca sort de l’imagination de la réalisatrice? Il aurait fallut consacrer 10 minutes de film pour expliquer qu’en fait c’est parce qu’il aime sa soeur qu’il fait ça? Au contraire, je trouve le parti pris du film intéressant parce que justement, il ne s’attarde pas sur le pourquoi de la violence du frère. Ce qui compte c’est elle. Pour une fois, le sujet n’est pas traité en victime expiatoire qui va chercher des « excuses » ou des « justifications » au comportement du frère qui « aime sa soeur tellement fort qu’il ne supporte pas de la voir prendre des risques ». Le film montre le parcours d’une jeune fille qui va sortir de son schéma et qui part. Et oui, bizarrement, personne ne lui fait pas de cadeau.
J’ai trouvé de nombreux défauts à ce film, mais la critique sur le racisme du film et sur le traitement « pas sympa » des personnages masculins, je ne suis pas d’accord.
SfefsInvitéJe me permets de répondre partiellement, bien que, je le précise, je n’ai personnellement pas vu le film.
Le sujet, c’est pas une famille banche: il n’y avait donc aucun intérêt à « comparer » avec des Blancs. Dire qu’il existe de la violence familiale chez les Noirs n’est pas raciste. A aucun moment le film ne sous-entend qu’il n’y a pas de violence familiale chez les Blancs.
Sorti du contexte général de la production cinématographique française actuelle, il n’est effectivement pas raciste de mettre en scène des violences exclusivement au sein des familles racisées car, bien évidemment, elles existent. Pour peu que les principaux protagonistes en soient tou(te)s issu(e)s, bien entendu, comme cela semble être en le cas ici. Seulement voilà, ce film n’est pas le premier à porter un regard exclusif sur la violence, notamment familiale (les fameux « grands frères »), au sein de certaines de ces populations, en gommant au passage tout l’aspect social, pourtant fondamental, de la question.
Se focaliser sur les violences intra-familiales au sein des classes populaires, alors qu’elles sont sans doute au moins aussi importantes chez les classes plus aisées, est déjà un biais contestable. Mais là où cela devient vraiment problématique, c’est lorsque ces classes populaires sont majoritairement dépeintes comme non-blanches, ce qui essentialise ainsi les violences qui peuvent s’y produire.
Alors oui, il est à peu près certain que les non-blanc(he)s ont davantage de chances d’appartenir aux classes défavorisées que les blanc(he)s, mais je ne pense pas non plus trop me tromper en affirmant que les classes populaires comptent dans leurs rangs au moins autant d’individus blancs que non-blancs. Or, cette réalité n’est pas toujours facile à établir au regard de la production cinématographique française contemporaine, et notamment la plus visible.
D’ailleurs, n’oublions pas non plus que Céline Sciamma est elle-même blanche, tout comme l’immense majorité des membres de sa profession.
Un frère qui tape sur la gueule de sa soeur parce qu’elle couche, ça n’existe pas? C’est de la science fiction? Ca sort de l’imagination de la réalisatrice? Il aurait fallut consacrer 10 minutes de film pour expliquer qu’en fait c’est parce qu’il aime sa soeur qu’il fait ça? Au contraire, je trouve le parti pris du film intéressant parce que justement, il ne s’attarde pas sur le pourquoi de la violence du frère. Ce qui compte c’est elle. Pour une fois, le sujet n’est pas traité en victime expiatoire qui va chercher des « excuses » ou des « justifications » au comportement du frère qui « aime sa soeur tellement fort qu’il ne supporte pas de la voir prendre des risques ».
Encore une fois, je pense que l’on ne peut pas faire, à propos des personnages masculins, abstraction de la dimension raciale qu’ils véhiculent et donc des représentations racistes auxquelles ils renvoient dans l’inconscient collectif (ou blanc, tout du moins). Mais surtout, j’ai envie de dire qu’il y a une différence entre « expliquer » et « excuser » : que l’on le veuille ou non, la violence, tout comme le reste, ne sort pas de nul part, elle a une cause. Et ce n’est en aucun cas minimiser la gravité de cette violence que de chercher à en montrer l’origine. Au contraire, mettre en scène une violence comme purement « gratuite » la dépolitise et empêche donc de réfléchir à comment l’empêcher.
MarineInvité@Sfefs
Le sujet du film est le personnage féminin pas le personnage masculin. Le contexte est la banlieue, pas le sujet. C’est un parti pris politique de ne pas expliquer pourquoi le frère est violent dans le film. Il s’agit de la réalité vécue par le personnage féminin. Par ailleurs, quand tu dis « mettre en scène une violence comme purement « gratuite » la dépolitise et empêche donc de réfléchir à comment l’empêcher », je ne suis pas d’accord. Cette violence n’est pas « gratuite ». Il ne la frappe pas sans raison. Il la frappe parce qu’elle sort, parce qu’elle couche avec un garçon, parce qu’elle vit en femme libre. Ce film n’a pas vocation à apporter des solutions (d’ailleurs, il n’en apporte aucune), encore une fois ce n’est pas son objet. Il nous montre un parcours, un début de chemin vers l’auto-détermination. Il ne s’agit pas d’un exemple, ni d’une histoire vraie mais d’une oeuvre originale sur le parcours d’une jeune femme dans un contexte particulier. En aucun cas le film ne sous-entend qu’ailleurs, il n’existe pas de femme ayant à sortir aussi de leur schéma familiale/social imposé. Là, l’auteure choisit un sujet et s’y tient.
Je suis d’accord avec la réalisatrice dans son parti pris: elle n’a pas à justifier du pourquoi elle ne lâche jamais son héroïne. C’est un choix d’auteur et aussi un choix politique. Il faudrait faire un autre film sur la violence familiale.Par ailleurs, sur le sujet du frère qui frappe sa soeur. C’est toujours compliqué de montrer une « minorité » commettre un acte répréhensible au cinéma car on va vite vers le jugement moral: c’est parce qu’ils font partie de ce groupe minoritaire qu’ils font des choses mauvaises. Dans ce film, tous les acteurs sont noirs: qu’ils soient « gentils » ou « méchants ». Dire que montrer des « méchants » noirs est raciste n’est pas cohérent car le film montre aussi des noirs « gentils ». D’autant plus que le film ne joue absolument pas sur l’appartenance à une communauté noire. C’est au contraire un film sur l’individualisme de la lutte (ce avec quoi d’ailleurs, je ne suis pas d’accord). C’est seule qu’elle s’en sort. La « communauté noire » n’a pas sa place dans le film (c’est un sujet de critique à mon sens).
Si tu veux voir un film sur la violence des Blancs sur leurs « femmes », il faut aller voir un autre film, pas celui-là car, encore une fois, ce n’est pas le sujet du film.
J’ai l’impression que parce qu’il traite d’une femme Noire et parce qu’il se passe en banlieue, alors le film doit se justifier de ce qu’il n’est pas. Ce n’est pas un film sur la banlieue. Ce n’est pas un film sur la violence familiale. C’est un film sur une jeune fille qui va sortir progressivement du carcan dans lequel elle a toujours vécu.MarineInvitéJuste une autre chose: Je lis souvent que la réalisatrice n’a pas de légitimité pour filmer des Noirs car elle est Blanche.
C’est un sujet qui me questionne beaucoup: doit-on absolument être Noire pour filmer des Noirs? Doit-on être homosexuel pour filmer des homosexuels? Doit-on être une femme pour filmer des femmes?
Peut-être oui…. mais pourquoi? Est-ce dans le cadre de la recherche d’une vérité sur le sujet? Et dans ce cas, quel est le rôle et le pouvoir de l’artiste s’il doit être prisonnier de sa nature, de sa race, de son sexe, etc?
Pourquoi une femmes blanches ne peut-elle pas être légitime à filmer des femmes noires?Je pense que le problème de fonds n’est pas tant qu’une blanche filme des noirs mais que dans le cinéma français, il n’y a pas/peu de réalisatrice noire….. et que du coup, « par défaut », c’est une blanche qui traite le sujet.
Mais lui reprocher d’être blanche, c’est un peu engueuler celui qui montre la Lune: en effet, au moins, elle, elle fait quelque chose: elle filme des noirs! Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de films! Bref, je vous trouve un peu sévères…..SamuelInvitéMarine : « Juste une autre chose: Je lis souvent que la réalisatrice n’a pas de légitimité pour filmer des Noirs car elle est Blanche.
C’est un sujet qui me questionne beaucoup: doit-on absolument être Noire pour filmer des Noirs? Doit-on être homosexuel pour filmer des homosexuels? Doit-on être une femme pour filmer des femmes?
Peut-être oui…. mais pourquoi? Est-ce dans le cadre de la recherche d’une vérité sur le sujet? Et dans ce cas, quel est le rôle et le pouvoir de l’artiste s’il doit être prisonnier de sa nature, de sa race, de son sexe, etc?
Pourquoi une femmes blanches ne peut-elle pas être légitime à filmer des femmes noires? »C’est un peu la question récurrente sur ce site et du débat politique en général. L’autre jour le ministre de l’économie disait « Pourquoi un banquier millionnaire ne pourrait pas s’occuper des pauvres ? »
A mon sens il n’y a pas le choix, on « est » aussi le produit de nos identités, même subies. En l’occurence, Céline Sciamma « est » blanche. Son regard sera donc, pas seulement bien sur mais « aussi », le regard de quelqu’un perçue, éduquée, vivant comme « blanche ». C’est inévitable.Maintenant si elle veut filmer des noirs, elle est face à deux options. Soit elle fait ça en ayant conscience de son statut de « blanche » et du non-vécu que ça implique. Soit elle prétend s’extraire de sa situation, et dans ce cas prend le risque majeur de véhiculer sur les noirs un regard encore plus empreint de préjugés. Et ce même si ce n’est pas le sujet du film bien sur.
C’est tangent mais c’est possible je pense. C’est un peu caricaturale mais c’est ce que fait Lena Dunham avec une jolie mise en abîme dans le début de la 2nde saison de Girls…
Et puis pointer certains aspects du film de Sciamma ne veut pas le rejeter en bloc. Franchement, rien que pour la campagne d’affiches dans les rues (j’ai pas vu le film 🙁 montrant 3 jeunes femmes noires en très grand partout dans Paris, je pense que ça a un aspect positif !!
ArrowayInvitéSalut,
Juste une autre chose: Je lis souvent que la réalisatrice n’a pas de légitimité pour filmer des Noirs car elle est Blanche.
C’est un sujet qui me questionne beaucoup: doit-on absolument être Noire pour filmer des Noirs? Doit-on être homosexuel pour filmer des homosexuels? Doit-on être une femme pour filmer des femmes?
Peut-être oui…. mais pourquoi? Est-ce dans le cadre de la recherche d’une vérité sur le sujet? Et dans ce cas, quel est le rôle et le pouvoir de l’artiste s’il doit être prisonnier de sa nature, de sa race, de son sexe, etc?
Pourquoi une femmes blanches ne peut-elle pas être légitime à filmer des femmes noires?Tout dépend ce que l’on entend par « légitimité » : si le but du film est de visibiliser des femmes noires, de leur donner la parole et de parler de leurs conditions de vie de femmes noires opprimées au moins en raison de leur genre et de leur « race », alors d’un point de vue politique, le fait que ce soit une femme blanche et non une femme noire qui réalise le film reproduit qu’on le veuille ou non une forme d’oppression dans le sens où une fois de plus, c’est le discours d’une femme blanche qui est écouté et distribué.
Maintenant, cela ne veut pas dire que le propos d’une femme blanche sera forcément raciste ou pas pertinent. De mon point de vue (de femme blanche), j’ai tendance à penser que l’on peut servir de relais à des textes, des discours, des analyses produits par des femmes et des hommes noir-e-s pour donner plus de visibilité à certaines problématiques qui ne seraient autrement pas forcément abordées dans certains espaces/contextes. Le danger principal, c’est d’introduire un biais en privilégiant tel ou tel discours qui nous « arrangerait » en tant que blancs, parce qu’on n’a pas encore pris conscience de nos biais/préjugés/réflexes racistes qu’il reste à déconstruire.
IL y a des blanc-h-es dont on dit qu’illes sont « noir-e-s à l’intérieur » (par exemple, Johnny Clegg, le « zoulou » blanc), mais cela ne sort pas de nulle part, c’est un parcours de vie.Dans le cas de Bande de filles, ce qui est gênant, c’est qu’on ne sent pas cette démarche chez Sciamma : le scénario a été écrit par elle, le film a été réalisé par elle… d’un point de vue militant, c’est tronqué, cela donne juste l’impression que la parole est donnée à des femmes noires, alors qu’en fait non… Ce que lui reproche des gens, c’est de ne pas avoir mobilisé ses ressources, sa renommée pour laisser la parole à des femmes noires. Et surtout, le résultat contient des clichés racistes : même si ce n’était pas son intention, même si des fois ça se passe comme ça, le simple fait qu’elle soit blanche donne cette dimension à son film. A cause du contexte politique dans lequel se film sort. Si c’était une femme noire qui avait réalisé ce film et montré des scènes de violences entre hommes et femmes noir-e-s, cela n’aurait pas eu la même signification (parce qu’il n’y aurait pas eu cette dimension de domination raciste qui rentre en jeu) et surtout cela n’aurait probablement pas été fait de la même manière. Notamment, l’expérience commune du racisme et son influence auraient peut-être été montrées de manière plus subtile et plus complexe.
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