Jimmy P., Psychothérapie d’un Indien des plaines (2013) : guérir des femmes entre hommes
1 avril 2014 | Posté par Paul Rigouste sous Cinéma, Tous les articles |
Jimmy a des gros soucis. Depuis qu’il est revenu de la guerre, tout se détraque dans sa tête : ouïe défectueuse, migraines, et crises imprévisibles où il est aveuglé par des tâches de lumières et respire très difficilement. Sa sœur, chez qui il vit et qui s’occupe de lui, l’amène à l’Hôpital de Topeka où plein d’éminents spécialistes l’examinent sous toutes les coutures. Comme il était tombé sur la tête pendant la guerre, les docteurs pensaient trouver une origine physiologique à ses problèmes, mais ne découvrent finalement rien de tel. Leur conclusion : Jimmy est un « cas psychiatrique », qui souffre probablement de « schizophrénie ».
Ils font alors appel à George Devereux, un ethnologue qui s’y connaît en psychanalyse et en Amérindiens (parce que Jimmy est originaire de la tribu amérindienne des Pieds-Noirs). George demande à Jimmy de dessiner ce qu’il veut avec ses doigts sur une feuille recouverte de peinture, et le diagnostic est sans appel : « Les deux dessins sont séparés en trois bandes. Mais les lignes ne sont pas infranchissables. Il y a un col caché dans le contrefort. Et une route traverse les trois zones. Donc, pas de fractionnement. Je ne vois aucun signe de schizophrénie, latente ou déclarée. Cet homme n’est pas fou ». Et c’est pas tout, George trouve plein d’autres trucs dans les dessins : « une période préœdipienne complètement refoulée. Ici, une maison. Pour un adulte droitier hétérosexuel, la mère ou un équivalent. Deux montagnes : les seins. Et des nuages menaçants au-dessus du ranch de sa sœur ».
Là on se dit que le film ne prend pas totalement au sérieux ce discours (enfin c’est ce que je me suis dit en tout cas), d’autant plus qu’il a l’air un peu allumé le George, à sourire bêtement tout le temps. Mais en fait non, comme on s’en aperçoit dans la suite du film, George avait bien raison (et d’ailleurs il a toujours raison, comme ça au moins c’est simple, on sait qui il faut écouter). Devant ses confrères un peu étonnés qu’on puisse lire tant de choses dans deux malheureux dessins, le psychanalyste conclut donc que Jimmy n’a rien de grave, et qu’il est juste névrosé comme tout le monde. Il lui prescrit ainsi une psychothérapie avec lui à raison d’une demi-heure par jour jusqu’à ce que lumière soit faite sur ses soucis.
Au fur et à mesure des rencontres entre les deux hommes, la cause de tous les maux dont souffre Jimmy va se dessiner de plus en plus clairement. Le propos du film est simple et sans ambiguïté : si Jimmy va mal, c’est à cause des femmes (parce que les femmes sont à peu près toutes des garces qui font que tourmenter les pauvres hommes qui n’ont rien fait). Du coup c’est assez sympa comme film : en gros, c’est l’histoire de deux mecs qui discutent ensemble pendant 2 heures pour conclure que les femmes c’est vraiment pas une sinécure.
Héhé qu’est-ce qu’on s’entend bien tous les deux, ça fait du bien d’être entre mecs quand même…
Ce qui est bien en plus c’est que le film reste bien que du point de vue des deux mecs en question, comme ça on est sûr que rien ne peut venir les contredire. Les hommes sont des victimes, les femmes sont des salopes, tout va pour le mieux au pays du masculinisme.
Jimmy, ce pauvre homme martyrisé par les femmes
Dès le premier entretien entre les deux hommes, George met le doigt là où ça fait mal. Lorsqu’il demande à Jimmy de lui parler de ses parents, celui-ci répond que son père est mort quand il avait 5 ans, et qu’il a été élevé par sa sœur ainée. Etonné qu’il ne dise rien de sa mère, le psychanalyste l’interroge plus précisément au sujet de cette dernière, ce à quoi Jimmy répond : « Ma mère était très stricte ». George comprend tout de suite ce que l’Indien veut dire par là, et le retraduit en des termes plus explicites : « Est-ce que votre mère était une femme au cœur viril ? ». Etonné de la perspicacité du docteur, Jimmy acquiesce et ajoute : « Ma mère dirigeait son ranch comme un homme. Ma sœur aussi est comme ça ». Au fil de la discussion, Jimmy confirme que sa mère et sa sœur sont presque semblables à ses yeux, et qu’il admire beaucoup sa sœur. A la fin de ce premier entretien, le film a donc déjà posé les bases de son diagnostic : Jimmy souffre parce qu’il est un homme dominé depuis toujours par les femmes. Et les premières à l’avoir dominé sont sa mère et sa sœur, des femmes trop « masculines » (« manly hearted woman ») et qu’il admire beaucoup trop…
Jimmy et sa sœur, un problème de hiérarchie
Dans une autre de leurs discussions, Jimmy confiera à George que son ex-femme lui manque. Après s’être marié avec elle, Jimmy a dû partir à la guerre en France. Tous les autres soldats recevaient des lettres de leur fiancée, mais pas Jimmy. Un jour, son cousin Dale lui écrivit pour lui dire que sa femme le trompait avec un autre homme : « Je n’arrivais pas à m’ôter cette image de la tête : ma femme, déambulant dans Browning, main dans la main avec un autre homme. Je les voyais à la table de ma cuisine. Je les voyais rire dans mon lit ». La garce, faire ça à son homme pendant qu’il est à la guerre… Une fois rentré, Jimmy n’avait qu’une envie : tuer l’homme qui couchait avec sa femme, habitait sur ses terres et vivait de sa solde. Mais son beau-frère lui a dit de ne pas gâcher sa vie pour une femme (ces trainées n’en valent pas la peine). Il s’est donc contenté de demander le divorce, qu’il a obtenu. Trompé, humilié et dépossédé de tous ses biens par celle qu’il avait épousée, le pauvre Jimmy a encore fait la douloureuse expérience de la domination féminine.
Véritable feu d’artifice misogyne, le film se révèle ainsi être une succession d’anecdotes où le pauvre Jimmy raconte comment il a souffert à cause des femmes. On apprend par exemple que lorsqu’il était encore tout petit, une voisine âgée de six ans de plus que lui le violait régulièrement dans une grange : « Elle me demandait de jouer avec son vagin (…). Je voulais toujours m’en aller mais elle me rattrapait et me forçait à recommencer ». Le pire c’est que lorsqu’ils se sont fait surprendre en flagrant délit par la sœur de Jimmy, c’est lui qui s’est fait frapper et réprimander, alors qu’il était la victime.
Jimmy violé et battu par les femmes
Un autre événement traumatique a eu lieu un an après la mort de son père : alors qu’il rentrait de l’école, Jimmy a surpris sa mère « au lit avec un autre homme » selon ses propres mots. Il s’est alors enfui chez sa sœur et n’est plus jamais retourné chez sa mère.
Dernier exemple de femme qui a tourmenté le pauvre Jimmy : Jane, la mère de sa fille. L’Indien raconte : « Ce soir-là, il y avait un bal. L’après-midi, Jane m’avait dit qu’elle attendait un bébé. Elle était enceinte de deux mois. C’était notre secret. Elle m’a demandé de venir au bal. Sa famille y serait. J’ai mis mes beaux habits. J’ai dit à ma sœur que j’allais au bal. [Une fois arrivé], j’ai regardé dans la salle et j’ai vu Jane au fond avec sa mère. Elle me montrait du doigt. J’étais sur le seuil et une autre fille m’a dit : « Je suis malade. Je dois rentrer chez moi. Tu peux me raccompagner ? » J’ai dit : « D’accord. » Je l’ai ramenée chez elle et je suis revenu au bal. En attachant mon cheval derrière la salle des fêtes, j’ai vu un homme et un garçon… Je veux dire… un homme et une fille[1] qui débouchaient d’une meule de foin. D’abord, je n’ai pas fait attention. Mais quand je suis entré, ils étaient juste derrière moi. La mère de ma fille avec un autre ! Après ça, elle est venue me parler de mariage ! (…) Je me disais : « Que faisait-elle derrière la meule de foin ? » J’étais mal… ». Quelle garce cette Jane. A peine il a le dos tourné qu’elle est en train de coucher avec un autre. Alors qu’elle est enceinte de lui et qu’ils vont se marier en plus.
La garce… Les femmes c’est toutes des garces de toute façon.
Jimmy et sa « masculinité en crise »
Et le pire, c’est qu’au lieu de montrer à toutes ces femmes qui c’est le patron en posant les couilles sur la table, Jimmy s’écrase à chaque fois. Comme nous l’expliquera le film, son problème au fond, c’est qu’il respecte trop les femmes. Et ça c’est pas bon, parce qu’un homme qui respecte les femmes c’est un homme soumis, donc pas vraiment un homme. Lorsque George lui dit : « Je n’en suis pas fier, mais il m’est arrivé à plusieurs reprises de donner à une femme une bonne claque. Ça détend l’atmosphère, vous ne trouvez pas ? », Jimmy répond : « Moi je ne frapperai jamais une femme ». George lui rappelle alors qu’au bon vieux temps, chez les Pieds-Noirs, un homme pouvait battre, et même couper le nez de sa femme ou de sa sœur. Jimmy acquiesce, et on voit que ça le fait réfléchir mine de rien. Ce que le professeur insinue ici (avec la bénédiction du film), c’est que Jimmy est un homme en « crise » du fait de la perte de pouvoir sur les femmes qu’ont à endurer les Pieds-Noirs de sa génération. Eh oui, c’est pas parce que c’est un Indien qu’il souffre pas lui aussi de la domination féminine qui gangrène notre société… Sous couvert de pseudo-ethnologie, Desplechin ne ressort donc la bonne vieille rhétorique masculiniste, qui s’alarme devant les conséquences désastreuses de l’émancipation des femmes et déclare la « masculinité en crise ».
J’ouvre ici une parenthèse à propos de cette idée de « masculinité en crise ». Comme l’a montré Francis Dupuis-Déri[2], les discours proclamant « la crise de la masculinité » ne correspondent pas dans les faits à une crise réelle de « la masculinité ». Bien au contraire, ils se développent alors même que le patriarcat est bien en place ou en train de réaffirmer son pouvoir. Un bref retour dans l’histoire permet d’ailleurs de constater que ces discours n’ont rien de nouveau, puisqu’« en Occident les hommes se prétendent en crise depuis au moins les cinq derniers siècles[3] ». Et à chaque fois que ces discours de la « crise de la masculinité » deviennent plus insistants, c’est « en réaction à l’attitude de femmes qui remettent en cause un tant soit peu quelques normes patriarcales ». Loin de témoigner de la réalité des rapports entre les sexes, ces discours ont donc en fait une fonction politiques bien précise : « [ils] agissent comme une stratégie rhétorique pour discréditer les femmes qui s’émancipent, ou cherchent à s’émanciper, et qui sont désignées comme la cause de la crise. Ce discours permet aussi de justifier la mobilisation de ressources politiques, juridiques, économiques, culturelles et militaires pour confirmer la différence inégalitaire entre les sexes, réaffirmer la supériorité des hommes et consolider leur pouvoir et leurs privilèges à l’égard des femmes ».
Cela posé, revenons à notre pauvre Jimmy. Au cas où on aurait bien compris la crise que celui-ci traverse, le film enfonce le clou dans une autre scène. Il s’agit du moment où Jimmy demande à une infirmière de sortir pour aller retirer un chèque. Celle-ci lui répond qu’il pourra y aller le lendemain. Jimmy insiste en disant que le bureau sera fermé, comme il l’est tous les samedis. L’infirmière lui rétorque qu’il se trompe, et que le bureau est ouvert le samedi. Jimmy n’insiste pas. Or, comme l’analysera George, si Jimmy n’a pas osé insister, c’est parce qu’il a peur des femmes. « Vous ne pouvez pas affronter une femme », lui lance-t-il. Ce à quoi Jimmy-le-soumis ne trouve à répondre qu’un timide « Ça se fait pas, d’engueuler une femme ».
« Aïe aïe aïe, j’ai mal docteur »
« C’est juste que vous êtes une fiotte mon vieux »
George lui explique alors que quand on est un homme, on a pas peur d’engueuler une femme, surtout quand elle est moche : « Imaginez que deux filles fasse la même bêtise. L’une est moche et l’autre est jolie. A laquelle des deux trouveriez-vous plus facilement des excuses ? Moi je sais : j’engueulerais la moche ». Il est cool quand même George, parce qu’il est pas politiquement correct. Et ça c’est important, parce que rien de tel que le politiquement correct pour brimer les hommes dans leur masculinité…
La guérison de Jimmy
Grâce à ses discussions avec George, Jimmy finit par comprendre son problème et guérit finalement des femmes. On en a la confirmation lorsqu’il passe la nuit avec une fille qu’il a rencontrée lors d’une de ses sorties. Illes couchent ensemble, et quand la fille lui demande s’il va rester avec elle le soir, il lui répond qu’y a pas moyen. Ça y est, Jimmy est guéri, il a appris à traiter les femmes comme il se doit : des plans cul à qui on dit bye bye quand elles commencent à s’attacher et avec qui on garde ses distances. Lorsqu’il racontera à son pote George ses exploits sexuels, ce dernier se réjouira que tout marche à nouveau « au rayon pénis »…
Merci pour la baise chérie, mais ça s’arrête là. Comment veux-tu que je reste un homme si je me commence à me laisser envahir par une femme?
C’est que George s’y connaît bien en femmes. On peut s’en rendre compte dans la manière avec laquelle il traite Madeleine, son amante qui vient de New-York lui rendre visite. Personnage féminin totalement unidimensionnel, elle n’est définie que par rapport au Grand George, qu’elle aime et admire toujours avec la même intensité. A chaque fois qu’elle apparaissait à l’écran, on dirait que sa seule fonction est d’apporter un peu de « légèreté » et de « charme » dans cette histoire d’hommes. Réduite à sa beauté et à son amour pour son amant génial, elle incarne la bonne féminité face à la galerie de garces et de femmes trop masculines qui ont traumatisé le pauvre Jimmy. A la fin, elle saura s’éclipser de la vie de George pour ne pas gêner ce Grand Esprit dans sa Grande Œuvre. Elle se sera contentée de jouer le rôle de parenthèse rafraichissante entre deux entretiens sérieux entre hommes. Une femme bien à sa place quoi.
Une fois guéri, Jimmy part retrouver sa fille biologique, qu’il n’a quasiment jamais vue de sa vie, mais dont il est bien entendu le seul père légitime (vous avez dit « mystique du gène » ?[4]). Bien évidemment, après s’être entendu dire pendant 2 heures que Jimmy n’a été dans sa vie qu’une pauvre victime des femmes, il ne nous vient pas à l’idée de questionner sa légitimité à se pointer comme une fleur des années après (sa fille elle-même ne trouve visiblement rien à redire). C’est pas grave Jimmy, c’était pas ta faute tout ça, on te pardonne.
Au même moment où une association masculiniste telle que SOS Papa pose les pères divorcés en martyrs victimes de la domination féminine, Desplechin nous sort un film mettant en scène un homme dominé par les femmes et séparé de sa fille, qui finit par s’en sortir grâce à une relation fraternelle avec un autre homme. Avec en prime pour conclusion, les retrouvailles du père avec sa fille, sous la bénédiction de la mère qui regrette tout ce qu’elle a fait à Jimmy et lui supplie de prendre soin de leur enfant[5].
Jimmy et les gentils Blancs
En même temps que l’on voit les images de Jimmy retrouvant sa fille, on entend en voix-off George faire le bilan de sa relation avec Jimmy lors d’une séance avec son propre psychanalyste. Ses paroles sonnent comme la conclusion du film, voire même comme la « morale de l’histoire » (morale qui ne peut être énoncée que par le Blanc bien sûr, car lui seul possède le savoir et le recul lui permettant de surplomber la situation). Quand son analyste lui demande s’il ressent une culpabilité vis-à-vis de Jimmy, George répond : « Je ne me sens pas coupable des crimes de l’Amérique envers les Indiens. Je ne suis responsable que devant moi-même, pour mes actes. Je récuse la communion des saints tout autant que celle du mal. Je n’ai pas aidé Jimmy Picard parce qu’il était un Indien, mais parce qu’il était en mon pouvoir de l’aider. Ce qui est arrivé entre Jimmy et moi ne concerne que nous : deux hommes de bonne volonté, à la recherche d’un sens commun. Bien sûr, nous sommes différents ! Tous, nous jouissons différemment. N’empêche, nous devrions tous pouvoir nous asseoir au banquet des dieux. »
Plusieurs choses me gênent dans cette conclusion, qui n’est pas seulement celle de George à mon avis, mais aussi celle du film et de son réalisateur, puisque rien ne vient la remettre en question ou la relativiser, et qu’elle est prononcée par le personnage qui est présenté depuis le début comme celui qui sait.
J’y vois d’abord un pseudo-universalisme qui se donne des airs antiracistes (« Blancs et Indiens, on est tous main dans la main sans considération pour la couleur de peau ») pour mieux naturaliser le masculin comme l’universel. En effet, comme j’ai essayé de le montrer, ces hommes qui s’entraident et se lient d’amitié par-delà-leurs-différences ont tout de même un point commun de taille : ce sont précisément des hommes. Et la chose est loin d’être anecdotique, puisque tout l’enjeu pour Jimmy est justement de s’affirmer en tant qu’homme, contre les femmes, grâce à cette communauté masculine. Ainsi, il y a fort à parier que le « banquet des dieux » dont parle George à la fin de son discours lyrique ne sera pas un modèle de parité…
Ensuite, je ne peux m’empêcher de voir dans ce genre de discours exaltant les bienfaits de la « déculpabilisation des Blancs vis-à-vis de leur passé colonial » une manière de refuser de s’interroger sur les conséquences concrètes de ce passé sur notre société d’aujourd’hui, encore traversée de rapports d’oppression entre les « races ». Pour moi, ce discours à base de « il faut que les Blancs arrêtent de s’auto-flageller pour des crimes commis par leurs ancêtres » a pour fonction principale de légitimer le néo-colonialisme, en présentant celleux qui le critiquent comme des névrosé-e-s masochistes en perpétuelle recherche d’auto-culpabilisation. Dans une version plus passe-partout, ce discours s’évertuant à ignorer les rapports de domination existants entre les « races » peut prendre la forme du fameux : « ce sont les gens qui parlent sans cesse du racisme qui reproduisent le racisme, alors que si on se contentait de faire abstraction de la couleur de peau des individus pour les voir avant tout comme des humains, il n’y aurait plus de racisme ». On retrouve à mon avis exactement la même logique dans le discours de George lorsque celui-ci déclare qu’il « ne se sent pas coupable des crimes de l’Amérique envers les Indiens », et qu’il « n’a pas aidé Jimmy Picard parce qu’il était Indien » mais parce qu’il a vu avant tout leur relation comme celle de « deux hommes de bonne volonté à la recherche d’un sens commun ».
A côté de ça, le film mobilise un schéma néocolonialiste qui se rapproche à mon avis beaucoup du trope du « sauveur blanc » (que l’on trouve par exemple dans des films comme Avatar, Atlantide l’empire perdu, Oblivion, La couleur des sentiments, etc.[6] ). En effet, notre pauvre Indien ne peut guérir que grâce à la science de l’homme blanc. Et le film oppose d’ailleurs explicitement cette science aux croyances indiennes, certes pittoresques, mais inefficaces lorsqu’il s’agit de comprendre le mal dont souffre Jimmy (« Les Blackfoot pensaient que les rêves prédisent l’avenir. Nous pensons que les rêves éclairent un peu le passé », déclare George à son « frère inférieur »).
Le film en rajoute d’ailleurs une bonne couche en présentant tous les éminents docteurs de l’hôpital comme autant de « sauveurs blancs » mus par des idéaux universalistes (« nous n’avons pour l’instant soigné aucun indien, mais nous avions au départ conçu ce lieu comme un refuge pour tous les hommes, alors accueillons ce pauvre diable à bras ouvert et sauvons-le de sa misère »). On a beau dire, ils sont gentils quand même ces hommes blancs…
La Congrégation des Gentils Hommes Blancs
Alors que le titre du film (« Psychothérapie d’un Indien des plaines ») laissait espérer une relative déconstruction des prétentions à l’universalité de la psychanalyse, le film s’y vautre au contraire complètement en nous ressortant tout l’attirail théorique bien normatif sans aucun recul (« L’enfant se voit tout naturellement remplacer le père mort dans la couche parentale. Quelle déception quand il découvre sa mère dans les bras d’un autre ! « C’est ma place ! » L’enfant voit le pénis de l’amant. Il ne peut se détourner du fascinum. Je ne crois pas que le petit garçon désire ce pénis. Il est Hamlet, il désire la place de l’amant ! », déclare par exemple George à ses collègues enthousiastes, ou encore : « Le thème central de cette séance fut l’élément agressif dans le comportement sexuel. Il est intéressant de noter que le patient nia que le bébé fût mort parce qu’il n’avait pas de trou. Cette observation souligne l’angoisse de castration du patient »).
La chose est d’autant plus dommage que le début laissait espérer des analyses un peu plus intéressantes, comme par exemple lorsque George demandait à Jimmy de lui traduire des mots en blackfoot et semblait s’intéresser à sa culture dans le but de mieux comprendre ses rêves et ses névroses. Mais finalement, la prétention à l’universalité de la psychanalyse (et en particulier l’idée qu’elle serait la science du psychisme humain, pensé comme immuable et identique) n’est jamais fondamentalement remise en cause par le film. Bien au contraire, c’est sous le signe de cette « universalité » que les deux hommes se rencontrent par-delà-leurs-différences et que l’homme blanc guérit l’Indien des plaines. Ainsi, la psychanalyse sert ici à évacuer toute considération du contexte social dans lequel évolue Jimmy. Au lieu de prendre en compte son statut de néo-colonisé (comme tentait de le faire par exemple Franz Fanon à la même époque en d’autres lieux[7]), le film valorise au contraire dans la figure de Devereux une psychothérapie s’avère au final totalement aveugle à ce rapport d’oppression.
Desplechin s’inscrit ainsi pleinement dans une tendance qui consiste à utiliser le discours psychanalytique pour dépolitiser totalement l’analyse de phénomènes qui ont le plus souvent une dimension politique. Il suffit par exemple de penser au nombre incalculable d’articles que les magazines « psy » consacrent aux « pervers narcissiques » sans qu’aucune allusion soit jamais faite au patriarcat ou à la domination masculine, alors même que les stratégies des « pervers narcissiques » en question ressemblent étrangement aux violences psychologiques exercées par les hommes sur les femmes[8], et que les féministes les ont depuis longtemps analysées comme des moyens de contrôle et de domination (mais ça, visiblement, ça n’est pas prêt d’avoir à droit un dossier de dix pages dans Psychologie Magazine ou Le Cercle Psy…). L’effet politique concret de ce genre de discours (encore archi-dominants aujourd’hui) est d’atomiser, d’individualiser les problèmes, de déconnecter totalement les comportements ou souffrances individuelles des systèmes d’oppression dont les individus sont partie prenante (en n’en recherchant les causes que dans l’entourage proche, et en premier lieu la famille, dont la structure est conçue comme universelle et anhistorique).
Ce genre de discours psychanalytique est non seulement dépolitisant, mais il contribue aussi souvent à légitimer les violences masculines (dont sont victimes femmes et enfants sous le patriarcat[9]) et à « pathologiser » tou-te-s celleux qui s’écartent de la norme hétéro-cis (les trans, les homosexuels, bisexuels, asexuels, etc.). Ce genre de violences parsème l’histoire de la psychanalyse[10] jusqu’à aujourd’hui (il suffit par exemple de penser aux arguments mobilisés récemment par un grand nombre de psychanalystes pour s’opposer au PACS, puis au mariage pour tou-te-s et à l’homoparentalité[11]). En ressortant « le complexe d’Œdipe » ou « l’angoisse de castration » pour asseoir son propos misogyne et masculiniste, le film de Desplechin apporte sa pierre à cet édifice violemment normatif.
En résumé, au lieu de valoriser un type de psychothérapie qui s’éloignerait un tant soit peu de la psychanalyse orthodoxe, Jimmy P. fait au contraire l’apologie de sa forme la plus étroitement universaliste et normative.
Crise de LOL avec Amalric qui fait le Sigmund
Grâce à ses concepts universels permettant de comprendre le fonctionnement-universel-du-psychisme-humain, la science de l’homme blanc permet donc à celui-ci de sauver l’Indien dominé par les femmes et en crise profonde dans sa masculinité, qui peut ainsi retrouver son statut de père légitime-parce-que-biologique. Voilà une histoire dont nous avions bien besoin en ces temps tourmentés…
Paul Rigouste
[1] J’imagine que ce lapsus de Jimmy est censé nous faire comprendre que celui-ci voyait Jane comme une femme masculine (semblable en ce sens à sa sœur et sa mère, ces « femmes au cœur viril »), face à laquelle il était dans une position « féminine », c’est-à-dire dominée.
[2] Dans son article « Les discours de la « crise de la masculinité » comme refus de l’égalité entre les sexes : histoire d’une rhétorique antiféministe » (que l’on peut trouver dans le numéro 25(1) des Cahiers du genre intitulé « Les antiféminismes »)
[3] En plus de la période actuelle, Dupuis-Déri étudie le cas de l’Angleterre au XVIIème, de la France au moment de la Révolution de 1789, ou encore de la fin du XIXème et le début du XXème en Occident.
[4] Cf. sur ce site l’article consacré à Starbuck (2011) : « Les gênes, y a que ça de vrai »
[5] Avant de mourir, celle-ci lui avait envoyé une lettre où elle écrivait : « Mon amour, j’aimerais n’être pas mariée et t’épouser encore et encore. Mon cœur t’appartient. Tu es le seul homme qui ait compté. S’il m’arrivait quelque chose, prends soin de notre fille, Jane. »
[6] Cf. par exemple : http://www.screened.com/white-savior/262-549/movies/, http://feministfilm.tumblr.com/post/6608112156/a-brief-list-and-analysis-of-white-savior-films
http://higginst.tumblr.com/post/15791039516/a-brief-list-and-analysis-of-white-savior-films
[7] Cf. par exemple : « En 1946, il part étudier la médecine à Lyon, avant de s’orienter vers la psychiatrie. C’est après sa thèse, soutenue en 1951, qu’il publie Peau noire, masques blancs. Dans ce livre, qu’il décrit comme une « étude clinique », il analyse « l’aliénation » du colonisé, et plus particulièrement du Noir antillais. Pour le jeune psychiatre martiniquais, cette aliénation est inhérente au système colonial. « Le colonialisme exerce une violence psychique, son discours : le colonisé est “laid”, “bête”, “paresseux”, a une sexualité “maladive”, explique la politologue Françoise Vergès. Et pour Fanon, le colonisé finit par intégrer ces discours de stigmatisation, le sentiment d’être inférieur, il finit par mépriser sa culture, sa langue, son peuple, il ne veut plus alors qu’imiter, ressembler au colonisateur. (…)
Cette aliénation qu’il décrit chez le Noir antillais, Fanon l’observe également chez les colonisés d’Afrique du Nord à partir de 1953, alors qu’il occupe le poste de médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Blida, en Algérie. Désormais, toute son énergie et sa pensée seront consacrées à cette question : comment guérir le colonisé de son aliénation, lui permettre de devenir libre, d’accomplir son humanité ? » (http://www.scienceshumaines.com/frantz-fanon-contre-le-colonialisme_fr_28199.html)
Ou encore : « Ensuite, Il fait une expérience décisive chez Tosquelles à St Alban et devient un disciple engagé de la psychiatrie institutionnelle. Son maître dira de lui que sa vigilance paranoïde est en fait une méfiance à l’égard de tous les discours normatifs. A la différence des élèves de Tosquelles de l’époque, il se refuse à l’expérience psychanalytique mais prépare le médicat des hôpitaux psychiatriques.
En novembre 1953, un poste se libère en Algérie, à Blida. Dans l’hôpital qui porte maintenant son nom, il va faire l’expérience de l’impasse identitaire dans laquelle sont plongés les colonisés, ici les Algériens, ailleurs les Antillais : « Parler une langue, c’est assumer un monde et sa culture. » Dans cet hôpital sous-équipé, il va pourtant inventer un travail commun : il sera le rassembleur passionné de ce qui lie les hommes entre eux malgré leurs différences, en mettant en œuvre ce qu’il a appris à St Alban. Il aura pour alliés les internes et les infirmiers, à une époque où la psychiatrie officielle (représentée par le Pr Porot) voyait en « l’indigène nord-africain un être primitif à l’évolution cérébrale défectueuse et génétiquement fixée ». Il pratique à Blida une psychiatrie ouverte mais il fait aussi l’expérience de l’échec d’une sociothérapie à base occidentale dans ce pays musulman dont il tentera sans cesse de prendre en compte la culture, et cet échec relatif nourrira sa pensée théorique. » (http://1libertaire.free.fr/FFanon04.html)
« Fanon n’allait pas tarder à avoir l’occasion de mettre en pratique à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville où il sera nommé en 1953, les principes des sociothérapies institutionnelles pratiquées à Saint Alban. Une psychiatrie accessible au doute, respectueuse des personnes, et dont les difficultés allaient témoigner qu’elle se mettait à l’épreuve du contexte colonial de son exercice car elle s’adressait aux femmes et aux hommes réels » (http://www.espaces-marx.net/spip.php?article201)
[8] http://jeputrefielepatriarcat.wordpress.com/2012/05/07/des-informations-utiles-sur-les-strategies-des-pervers-narcissiques/
[9] Cf. les exemples que donne Patrizia Romito dans Un silence de mortes (dont le tristement fameux « Syndrome d’Aliénation Parentale »)
[10] Cf. par exemple ce que raconte Jonathan Ned Katz dans L’invention de l’hétérosexualité. Ou encore Didier Eribon dans En finir avec la psychanalyse.
[11] Voir par exemple ceux que cite Didier Eribon dans son livre Sur cet instant fragile…
Autres articles en lien :
- La vie rêvée de Walter Mitty (2013) : Ben Stiller reprend du poil de la bête
- Astérix et Obélix, Au service de sa Majesté (2012) : Virilix et Misogynix sont sur un bateau…
- Intouchables (2011) : L’intouchable domination masculine
Il existe quelques films dans le même ton qui mettent en scènes des hommes qui ont des problèmes avec les femmes. Beaucoup de ces films mettent en scène une complicité entre ces hommes. Je n’apprendrai rien à personne quand je fais remarquer qu’il existe des hommes dans la vraie vie qui ont des problèmes avec les femmes. Qui n’ont rencontré que des femmes qui leur ont déplu, et qui apprécient/préfèrent la compagnie des autres hommes. Il n’y a rien de mal à ça, ça peut arriver.
Il existe également des femmes qui ont des problèmes avec les hommes. Qui n’ont rencontré que des hommes qui leur ont déplu. Il existe également des films mettant en scène des groupes de femmes, dont les problèmes tournent en général autour des hommes. En fait dans ce genre de film, les hommes sont la cause de tous les problèmes des protagonistes. Cela peut arriver au cinéma comme dans la réalité, il n’y a rien de mal à cela non plus.
Si le premier type de film était anormalement surreprésenté par rapport au deuxième, on pourrait commencer à froncer un sourcil. Est-ce le cas? L’écrasante majorité de comédies destinées à un public féminin ne contient-il pas (ne consiste-t-il pas en) un groupe de copines qui se plaignent de la source de tous leurs problèmes: les hommes?
Comme disait Jon Snow, les gens adorent se plaindre de leurs leaders et de leurs conjoints.
Coucou BabarJohn,
J’ai l’impression que vous dites des grosses généralités sans jamais citer des exemples. Du coup il est extrêmement difficile de vous répondre à moins de soi-même partir dans le très vague sans exemples.
Si vous pouvez étayer votre propos avec quelques exemples, je pense qu’il sera plus facile de cerner votre propos.
Vous parlez de « L’écrasante majorité de comédies destinées à un public féminin » et de « quelques films dans le même ton qui mettent en scènes des hommes qui ont des problèmes avec les femmes », vous avez des exemples?
Egalement, vous semblez mettre sur un même pied d’égalité « des hommes dans la vraie vie qui ont des problèmes avec les femmes. » et « des femmes qui ont des problèmes avec les hommes ». Outre la façon très vague d’amener le propos (quels seraient ces « problèmes »?), je ne peux que constater que vous mettez de côté le patriarcat, et vous semblez considérer que les hommes et les femmes seraient « à égalité » devant les problèmes qu’illes ont avec l’autre sexe.
Donc, ma question c’est: Pensez-vous donc que cette égalité existe, et qu’au final nous n’auriont affaire que des problèmes « entre personnes », et que les systèmes d’oppressions, dans tout ça, ça n’existe pas, où n’ont aucun effet?
Ah tiens je n’ai pas compris le film comme ça (je ne l’ai vu qu’une fois). J’ai une impression d’à l’envers dans cette critique alors que même si je ne souscrit pas à toutes les analyses de ce site je le lis régulièrement, car souvent avec profit. Mais là, je vous trouve trop « balle dans le pied ». Je précise que j’ai une bite blanche occidentale (et énorme) non psy non indien non blogueur..
Un film de psychanalyse se joue en général sur le développement de diversions (soit le refoulement en freudiens je crois) puis de l’enfermement dans les mensonges ou d’une résolution par la découverte d’un vrai… machin en freudien genre résolution.
La mise en avant de ce paradigme de la psychanalyse freudienne qui est la rencontre avec l’amant de la mère ne marque dans le film que l’acceptation de Devreux par ses pairs pendant un exposé à huis clos, marque le premier tiers du film et ne marque aucune amélioration de l’état de Jimmy. La résolution n’est pas un diagnostique posé, c’est sa paternité assumée.
J’ai moi aussi souri souvent et j’y voit toujours une ironie. La psychanalyse dis par exemple que les rêves parlent du passé, mais ironiquement Jimmy décrit comme rêve le suicide au couteau dont il sera témoin le lendemain. Madeleine est une psy non freudienne qui offre une barbe LOL a son amant… Les psy font plus charlatans qu’autre chose (Jimmy devient assistant à la fin sans formation théorique), c’est la rencontre, la parole et le temps qui sont mis en avant, pas la théorie freudienne qui ne concerne que les freudiens convaincus dans le film. L’apport d’un regard extérieur (indien ou anthropologue) est d’ailleurs le moteur du film et le moyen d’éviter une erreur médicale.
De vraies blessures telles que l’abandon d’un mariage (et d’une femme enceinte, un premier amour), telles qu’une guerre, qu’une démobilisation par accident stupide peu glorieuse, qu’un divorce doublé d’une extorsion, une situation socio économique mal reconnue ne peuvent suffirent a cristalliser le mal être de Jimmy dans le film. Je crois qu’il y a aussi une histoire de fille noyée sous ses yeux enfant dont il se sent responsable et une culpabilité redoublée par le fait qu’il s’accuse de la mort de son premier amour. Je crois me souvenir que son malaise à dire non au touche pipi est lié aussi à cette noyade puisque la fille était présente le jour de la noyade et que les deux histoires sont racontées à la suite (je me trompe peut être, mais j’espère que cette association ne vient pas de mon inconscient personnel à moi, piouc dégueu…).
Contrairement a la théorie freudienne aucune névrose sexuelle associée. Se sont les fuites successives mal digérées de Jimmy qui doivent être réglèes pour qu’il prenne ça vie en main (boulot a l’hosto, paternité et passé assumé, non au touche pipi si je le sent pas mademoiselle)
J’ai vu d’ailleurs dans ses culpabilités multiples la raison des provocations de Deveraux, combattre la culpabilité par la colère pour la nommer voir tester la possibilité de passage à l’acte agressif dangereux pour le patient et les autres (ici les femmes en premier lieu, leur nez et leur oreille en particulier).
Après tout il est anthropologue, mis en contact avec des formes de matriarcat indien, témoin dominé du nazisme, révolté par le traitement administratif des indiens à la banque, galant et en couple avec une femme remarquable d’intelligence. Je doute vraiment que malgré ses abords dragueurs il tienne pour salutaire le fait de reprendre les infirmières pour des questions de supériorité masculine ou de hiérarchie personnelle.
La scène du dernier test médical s’explique pour moi par cette liberté de tromper le patient pour observer ses réactions (vouloir être guéri ou garder la solde de traumatisé de guerre).
La résolution me semble lié à l’aveu à un tiers (= 1 « psy » en freudien, = 1 « figure paternaliste d’homme occidental blan »c en progressif ;-p , = 1 « juif cosmopolite sociologue bobo dégénéré » en soralien) et pour lui même de Jimmy de la sur interprétation manifeste de l’épisode dit de « la meule à foin » avec son premier amour.
C’est je crois le seul souvenir raconté deux fois, avec une évolution du point de vue. De j’ai été trahis à j’ai fait une énorme erreur irréparable. On apprend en effet de la bouche de Jimmy dans un deuxième temps qu’il s’est vu confirmer l’absence de marivaudages de son premier amour, qu’il a été injuste et incompréhensible, que celle ci est morte seule en couche, qu’il s’en accuse, regrette sa fuite, que sa dernière lettre le déchire [5], qu’il n’a jamais pu la revoir ni voir sa fille, qu’il rêve depuis de tuer des ours qui se transforment en bébé, bébé qu’il fait ensuite tomber à terre… et fin du film, résolution, et scène finale avec rencontre avec sa fille.
(Je vais mieux d’avoir récupéré mon matériel génétique dispensé au sein d’une femelle infidèle par nature telle est donc la grande leçon du film)
Rien dans cette critique sur cette aveu qui pour moi explique le parcours de Jimmy et l’intérêt de ses autres récits, la construction de ses arcs narratifs dans le film.
Moi je me souvient que notre Jimmy est à deux doigts d’être malade psy grave d’un relent de patriarcat qui lui fait abandonner un premier amour enceinte pour une suspicion d’infidélité
(jalousie adolescente selon moi… plus souvenir du choc de la mère infidèle pertinent ici malgré Freud, et peut être fuite devant la peur de ne pouvoir protéger une femme et un enfant comme face à l’épisode de la noyade, incapacité a demander des comptes à une femme comme après divorce, avec la mère ou avec l’infirmière…)
Le décalage, le malaise et l’impuissance sont d’autant plus grand dans un film ou les indiennes sont dans certaines situations vues comme ayant des « cœurs d’hommes », soutiennent leur frère en difficulté et gèrent tout un ranch, couchent avant le mariage ou peuvent profiter d’une nuit d’amour par envie sans drague lourde ou adieux déchirants…
Un monde (fictif hein c’est que du cinéma ;-p ) ou les femmes blanches sont intelligentes éduquées et aimantes traversent l’océan pour profiter d’un amant malgré leur alliance au doigt et leur mari en Europe et le quittent pour poursuivre leur route et respecter les projets de chacun malgré l’Amour et son grand A…
Loin des potiches et des bons sauvages virilo intégristes habituels.
« Patriarcat » = 1 trauma.
« On s’en fout on s’aime » = 0 trauma
(et ça nous débarrasse du petit qu’ira vivre chez sa sœur s’il nous voit).
Pour le monologue final du blanc dominant (un juif post shoah, mais bon), à la vue de votre retranscription, vu le registre de langage je penche pour une citation directe du journal de Devereux. J’en ai aucune preuve. Il est vrai que raccroché la problématique de domination raciale et culturelle sans l’avoir traitée dans le film m’avais déçu. Réduire chaque apparition d’un dominé à une lutte surtout commenté par un dominant ça sonne comme un manque d’élégance à mes oreilles. Ca doit être encore plus pénible pour d’autres.
Pas de quoi faire un film estampillé féministe ou progressif sans doute, mais une vraie tranche de vie, basée sur des documents historique, et surement pas de quoi le classer en Oblivion intello taupe rampante de PsyMag contre une lutte des classes marxo compatible ? (Il y a pourtant quelques autres films à analyser dans ce sens)
Desplechin s’est cool, « Un conte de noël » et « Rois et reines » sont des films très recommandables. ‘Jimmy P » est plus sage, plus classique, mais d’excellents acteurs (certes un seule vrai rôle d’actrice, pour deux voir trois d’acteurs, un seul vrai acteur indien qui joue… un neurasthénique) des trucs de mises en scènes vraiment sympas, un scenario de facture très classique mais un univers original (Indiens après guerre, réal et héro français en Amérique, psychanalyse pas si freudienne dans un temple du freudisme américain, un film analytique non symbolique…) et un regard personnel qui traverse toute une filmographie. Un réalisateur qui n’a pas volé un budget pour aligner les poncifs réacs.
Je reverrai ses films, comme d’autres, avec à l’esprit les apports de ce site (Je n’ai pas fait l’effort de différencier chaque auteur au cours de mes lectures désolé), et j’attends avec intérêt et curiosité vos critiques de films vus récemment comme « La vie d’Adele » « Nymph()maniac », « Venus à la fourrure », « l’inconnu du lac », « La fille de nulle part » ou « Las brujas de Zugarramurdi ». Certaines de vos analyses sont puissantes et étaient vraiment nouvelles pour moi (d’autres…bon…parfois…).
Mais soit mon souvenir est biaisé et mon regard naif, soit certains aspects du films sont occultés pour forcer une lecture partisane ici, ce qui dépasse l’aspect vertigineux de l’énumération d’éléments à charge ou les écarts d’appréciations subjectifs de vos articles habituels et entraine des contre sens manifestes.
Je dis critique à l’envers. Et balle dans le pied (pied de la tête donc).
Cordialement
Florent
Je ne comprends pas tout ce que vous dites (pas grand-chose à vrai dire). Donc je réponds juste à certains points :
« La mise en avant de ce paradigme de la psychanalyse freudienne qui est la rencontre avec l’amant de la mère ne marque dans le film que l’acceptation de Devreux par ses pairs pendant un exposé à huis clos, marque le premier tiers du film et ne marque aucune amélioration de l’état de Jimmy. La résolution n’est pas un diagnostique posé, c’est sa paternité assumée. »
Je ne comprends pas. Vous voulez dire que la cure psychanalytique sous la direction de Devereux n’est pas montrée dans le film comme la raison de la guérison de Jimmy ? Certes, je suis d’accord avec vous qu’il n’y a pas d’amélioration de l’état de Jimmy au premier tiers du film, mais au final c’est quand même grâce à Devereux qu’il « assume sa paternité » comme vous dites, et qu’il se prend les couilles en main pour être un homme un vrai. Non ?
J’ai pas le film sous la main là, mais il me semble que ce que le film montre comme le moment décisif est le passage où Jimmy refuse de se confronter à l’infirmière. Si je me souviens bien, les deux hommes s’énerve un peu, et Jimmy commence à avouer qu’il ne sait pas et que peut-être que Devereux à raison de dire qu’il a peur d’affronter les femmes. Et après on a la confirmation qu’il est guéri quand il réussit à coucher avec l’autre fille et à se barrer, puisqu’on a juste après la petite promenade avec Devereux qui lui dit « parfait parfait vous êtes guéri, tout va bien au rayon pénis », où un truc du genre.
« Madeleine est une psy non freudienne qui offre une barbe LOL a son amant… »
Madeleine n’est pas présentée comme psy si je ne m’abuse ? Vous vouez appuyez sur quel passage pour dire ça.
Personnellement, j’ai l’impression que Madeleine est juste là pour décorer. Elle est jolie, elle sourit, elle est amoureuse de George…, une femme charmante quoi…
« Les psy font plus charlatans qu’autre chose (Jimmy devient assistant à la fin sans formation théorique), c’est la rencontre, la parole et le temps qui sont mis en avant, pas la théorie freudienne qui ne concerne que les freudiens convaincus dans le film. L’apport d’un regard extérieur (indien ou anthropologue) est d’ailleurs le moteur du film et le moyen d’éviter une erreur médicale. »
Je vois pas en quoi le film fait passer les psys pour des charlatans. Dès le début, ils sont tout bienveillants. Ils ne font justement pas d’erreur médicale en demandant l’avis de Devereux (ils sont très ouverts et très auto-critiques ces gens). Devereux le super-psy des plaines guérit le patient. Et le club des gentils psys à la fin est bien content pour lui, et tout le monde est content. Donc je vois vraiment pas en quoi il y aurait dans ce film une once de début d’esquisse de critique d’un seul aspect quel qu’il soit de la psychanalyse….
« Je crois qu’il y a aussi une histoire de fille noyée sous ses yeux enfant dont il se sent responsable et une culpabilité redoublée par le fait qu’il s’accuse de la mort de son premier amour. »
Merci de rappeler ce détail important, j’ai oublié de le mentionner. Pour moi, ça va dans le même sens que le reste. A mon avis, on retrouve là le thème masculiniste de l’homme qui souffre de ne pas avoir pu correspondre aux idéaux de masculinité sous le patriarcat (l’homme tout-puissant, courageux, qui protège les femmes). Comme il le dit à un moment : « à partir de là, j’ai toujours été un homme qui laisse mourir une femme ».
On retrouve souvent ce thème masculiniste au cinéma, comme par exemple dans le film Vertigo (Sueurs Froides) d’Alfred Hitchcock (même si Vertigo est beaucoup plus ambivalent politiquement que Jimmy P., et contient du coup des trucs plus intéressants). Dans Vertigo, Scottie est l’homme qui souffre de n’avoir pas pu sauver Madeleine, qui s’est suicidée en sautant du clocher. Et à partir de là, il erre comme une âme en peine dans San Francisco. Déjà qu’il était « menacé de féminisation » au début à cause de ses vertiges (qui l’empêchent de sauver Madeleine de la mort), mais il devient définitivement « féminisé » à partir de là (son rêve et son errance le rapprochent des personnages de Madeleine et de Carlotta). On retrouve donc ici exactement ce même thème de la souffrance de l’homme qui n’a pas pu sauver une femme, et donc être un-homme-un-vrai. Vous voyez ce que je veux dire?
Après, encore une fois, je ne comprends pas grand-chose à ce que vous dites, alors je ne réponds que sur des détails. Peut-être pourriez-vous résumer en quoi vous n’êtes pas d’accord avec ma critique ? (sauf si vous n’êtes d’accord avec rien :-)). Mais déjà, est-ce que vous êtes d’accord qu’on a affaire à un film dont le propos est assez clairement misogyne et masculiniste ?
Bonjour 🙂
Merci de la réponse.
Ca fait un peu sec et paternaliste a l’écrit, mais ma réponse fait brouillon et aussi un peu sec et paternalisme malgré blague et smileys (premier jet, temps limité le matin).
Je compte revoir le film à terme par plaisir dans un cycle Desplechin mais je vais m’appuyer sur http://www.cineclubdecaen.com/realisat/desplechin/jimmyppsychotherapiedunindiendesplaines.htm
Je m’étonne d’une vraie différence de ressenti.
Il y a aussi des erreur factuels dans mes souvenir (pas de mort en couche, oublie du proces en paternité, Madaleine n’est pas psy elle a juste une connaissance et un avis sur le sujet qui m’avait plu…)
Je suis d’accord sur la psychiatrisation des problèmes sociaux (je ne m’appuie que sur les cours d’Onfray radiodiffusés sur les freudo marxiste et un ressenti perso mais je ne suis pas spécialiste), sur l’existence de trope dont celui du le blanc sauveur, sur le fait que indiens et femmes soient des dominés plus encore dans les représentations des dominants…
J’adore le trope sur rater le sauvetage d’une femme pour le héro j’y ferai attention désormais (c’était un gosse là pour le coup Jimmy, pas un héro de film noir et une autre fille plus agée est présente et impuissante aussi)…
Il faut que je revoit Vertigo.
Pour moi l’origine de la psychossomation de Jimmy et leur résolution tient à l’injustice fait à Lily, seul souvenir raconté deux fois, seul lié à la résolution (revoir la fille).
Le fait aussi qu’il fuit sa vie (trope aussi), l’armée, le travail, la santé, sa fille, une relation stable…
Plutôt dénonciation d’un épisode patriarcal (je maitrise mal ce concept) et mise en avant de l’émancipation par la prise en main de sa vie.
Je trouve les figures de femmes dont indiennes positives, à une exception (l’usurpation de la solde de guerre) (Peut être aussi le touche pipi mais Jimmy est décris ensuite comme un amant non traumatisé, on est nombreux à avoir joué au docteur pour une fois c’est la fille le docteur).
Jimmy n’est pas victime (que) des femmes. Il y a la guerre, la domination des indiens, Le paternalisme des banques sur les indiens (et les noirs? et les femmes?), la perte de son travail, le spectacle de marionnette, la figure du médecin qui l’accuse d’alcoolisme chronique après une cuite…
Les figures de femmes sont positives. La mère et la sœur sont des chefs de famille et de ranch, les infirmières (je suis infirmier mais non psy) tiennent un rôle important de le soin, le sexe hors mariage est accepté, le coup d’un soir n’a rien d’une potiche et semble émancipée, c’est une solution au mal être de Jimmy même s’il lui préfère retrouver sa fille.
Magdaleine n’a rien d’une potiche, est une figure intelligente et cultivée (je me souvenais d’elle comme d’une psy), affranchie de son amant et de son mari, son couple libre, éphémère et égalitaire (et certes inventé par l’auteur je vient de l’apprendre) sert de contre point à l’enfermement de Jimmy dans sa solitude. Elle offre des cadeau, conduit une voiture en 45, maitrise sa vie et est une figure de stabilité.
Devereux tient plus du trope de la belle ingénue inspirant le héro (les psys blancs calvicieux) que Magdaleine.
Je reste sur l’ironie des passages de psychanalyse purs que je pense tirés des document du Devereux réel. L’interprétation du dessin, la jubilation à retrouver la vue du pénis de l’amant sur le terrain, le rêve prémonitoire de Jimmy, le diagnostique de schizophrénie faux et démenti par un dessin ou la simple observation du comportement de Jimmy, l’incapacité à géré la neurasthénie ou les crises suicidaires…
Je pense que la guérison est liée à la réparation au moins symbolique à l’injustice à Lily (et à sa fille) et à une émancipation de l’autorité de la culpabilité et des médecins (Épisode de la crise devant les marionnette) sur Kimmy.
Ce sont des tropes de la psychanalyse mais ils chargent la jalousie, le refus de discuter avec une femme accusée de tromperie, l’abandon d’un enfant, la soumission à des autorités symboliques (regard de la société sur les infidélités, médecins, infirmières, banque…).
Je tiens les discours misogynes de Devereux comme une part de l’analyse et non comme une solution à la montée d’une féminisation des esprit. Je m’appuie sur la dernière scène médicale (mentir au patient avec un test inutile pour voir sa réaction) et sur le fait que Devereux est sans doute une figure émancipatrice au même titre que Fanon.
C’est plus un article de foi envers Desplechin et les anthropologues juifs cosmopolites qu’une vraie analyse de ma part sur le travail de Devereux (je ne connais pas).
Je m’étonne du jugement sur les amours libres de ce film (forcement au bénéfice masculin).
Je m’étonne que ne soit pas souligné le fait que se soit un des rares films qui présente les indiens et leur rapport au sexe et au genre plus émancipé que l’homme occidentale de 45. Les indiens, « sauvages » hommes préhistoriques se voient généralement affublés des traits de la vision dominantes (toi femme, moi guerrier).
Je m’étonne de l’oublie de la culpabilisation de Jimmy envers Lily.
Je m’étonne du rattachement d’un anthropologue orignal respectant le matriarcat rescapé de la shoah et mis à l’écart de la psychanalyse institutionnelle au blancs occidentaux castrateur de femmes et d’indiens.
Je m’étonne de la réduction d’un réalisateur français intéressant, possiblement émancipateur avec de vrais rôles d’héroïne dans sa filmo, à une caricature de soralien intégriste (couper le nez des femmes au premier degré sérieusement?).
Je ne comprend pas comment articuler l’ensemble des rêves et symptômes de Jimmy autour de la dénonciation de l’emprise des femmes sur sa vie, ou comment passer sous silence l’injustice faite à Lily.
J’y ai vu un contre sens.
L’épisode de l’infirmière et le contre rendu finale de Devereux (trop d’autorité prêtée au femmes) plaide en votre sens et appel une deuxième vison du film de ma part.
Cordialement
Florent (LOL « Joffrey Plucourt » LOL MDR LOL)
Désolé j’ai paru paternaliste ou sec, ce n’était pas mon intention (c’est juste que j’essaie d’être le plus concis possible pour ne pas monopoliser l’espace avec des pavés, et que je n’avais en plus pas beaucoup de temps quand je vous ai répondu).
J’essaie de répondre à votre série de « Je m’étonne » :
« Je m’étonne du jugement sur les amours libres de ce film (forcement au bénéfice masculin). »
Je ne juge pas les amours libres en soi, mais j’essaie d’expliciter le propos du film à ce sujet (et d’ailleurs je ne pense pas que le film parle des « amours libres » en soi). Il s’avère que dans ce film, on met en scène une femme qui aimerait bien passer un peu plus de temps avec un homme après avoir couché ensemble, et l’homme qui dit que non y a pas moyen. A quoi s’ajoute juste après la scène où l’homme discute de cette femme avec son autre pote homme en disant « ouais je pense pas que je vais la revoir », et le pote est content et le comprend (« hu hu tout marche bien au rayon pénis »). D’ailleurs le pote fait à peu près la même chose avec sa copine. Là encore, c’est elle qui s’attache et pleure leur séparation, et lui ça va, il est pas aussi dépendant d’elle qu’elle est dépendante de lui.
J’ai donc l’impression que dans ce film, il y a une asymétrie entre les sexes : les hommes et les femmes ne m’y semblent pas égaux dans la représentation de « l’amour libre » comme vous dites. Est-ce que vous comprenez juste ce que je veux dire ? Je veux juste dire que dans ce film, c’est « au bénéfice masculin » (et que c’est pas un hasard vu le scénario).
« Je m’étonne que ne soit pas souligné le fait que se soit un des rares films qui présente les indiens et leur rapport au sexe et au genre plus émancipé que l’homme occidentale de 45. Les indiens, « sauvages » hommes préhistoriques se voient généralement affublés des traits de la vision dominantes (toi femme, moi guerrier). »
Heureusement que c’est pas si grave que ça aujourd’hui en 2014. Je n’ai pas très envie de lancer des fleurs à chaque représentation des Indiens qui ne serait pas horrible raciste et colonialiste. Comme si c’était un exploit de pas être raciste. Pour moi c’est pas un exploit, c’est juste la moindre des choses.
Et après je ne suis pas sûr que le film soit exempt de racisme à ce niveau. Parce que le problème qu’éprouve Jimmy dans son rapport aux femmes est explicitement relié par le film au fait qu’il soit Blackfoot (lorsque Devereux insinue qu’il vit mal la perte de pouvoir des hommes pieds-noirs par rapport aux générations précédentes). Pour moi, ça sonne un peu comme : les problèmes de rapports homme/femme, ça touche surtout les gens qui ont pour origine une culture archaïque à ce niveau (où les hommes ont eu le droit de couper le nez de leur femme), et pas nous les Blancs évolués chez qui règne depuis longtemps harmonie entre les sexes.
« Je m’étonne de l’oublie de la culpabilisation de Jimmy envers Lily. »
Je ne comprends pas ce à quoi vous faites allusion. J’ai peut-être oublié. Pouvez-vous me rappeler en quoi Jimmy culpabilise envers Lily ? (dans mon souvenir, elle l’a trompé avec un autre pendant qu’il était à la guerre, a hérité de tout ce qu’il avait, et donc lui ne culpabilise pas du tout vis-à-vis d’elle, mais il se peut que j’ai oublié un détail).
« Je m’étonne du rattachement d’un anthropologue orignal respectant le matriarcat rescapé de la shoah et mis à l’écart de la psychanalyse institutionnelle au blancs occidentaux castrateur de femmes et d’indiens. »
Je ne parle pas du vrai Devereux dans l’article, mais du Devereux dépeint aujourd’hui par Desplechin dans ce film. C’est ce film qui me pose problème, pas le Devereux historique, que je ne connais pas.
« Je m’étonne de la réduction d’un réalisateur français intéressant, possiblement émancipateur avec de vrais rôles d’héroïne dans sa filmo, à une caricature de soralien intégriste (couper le nez des femmes au premier degré sérieusement?). »
Je n’ai aucune sympathie pour Desplechin. Ça me fait d’ailleurs penser à un article sur lui qui devrait vous plaire 😉 : http://lmsi.net/Comment-je-me-suis-mise-en-colere
Quand j’avais vu la scène de Rois et Reine où Amalric explique sans sourciller à Deneuve ses idées sur les différences hommes / femmes (https://www.youtube.com/watch?v=j0CBftasH7A) , je m’étais dit à l’époque hi hi c’est rigolo c’est du second degré hi hi trop lol. Depuis, je me dis que le fait d’être dans une posture second degré n’empêche pas d’être misogyne. Et après avoir vu Un Conte de Noël et son portrait misogyne de la mère, puis Jimmy P. et son portrait misogyne de quasiment toutes les femmes du film, je me demande même si la « blague » de Rois et Reine était vraiment du second degré…
« Je ne comprend pas comment articuler l’ensemble des rêves et symptômes de Jimmy autour de la dénonciation de l’emprise des femmes sur sa vie, ou comment passer sous silence l’injustice faite à Lily. »
Je ne me souviens plus des rêves. Il ne me semble pas qu’ils s’articulent effectivement au propos misogyne/masculiniste, mais c’est pas sûr, il faudrait que je reregarde le film (ce qui serait, je dois vous l’avouer, un moment assez désagréable pour moi 😉 ). Mais même si ces rêves n’avaient pas de lien direct avec la misogynie et le masculinisme, cela ne constituerait pas une objection aux thèses que je défends ici. En effet, je n’ai jamais prétendu épuiser le sens du film, qui ne se réduit bien évidemment pas à ce que je dis ici. J’en ai juste analysé une dimension, qui me semblait assez centrale et assez nauséabonde, c’est tout.
Je cite ici mon lien en début de deuxième message.
C’est a mon sens le point cardinal de ma compréhension du film à rebours de la votre:
(et je confond Lily (garce usurpatrice sans mise en contexte) et Jane (premier amour): désolé c’était pas clair):
« Jimmy et Devereux vont voir ensemble Vers sa destinée de John Ford. De retour, Jimmy explique son grand traumatisme d’avoir abandonné Jane. Elle était venue dans le Montana avec sa famille pour construire une école. Ils s’aimaient. Ils allaient avoir un enfant et ils devaient se marier. Mais, un soir, il l’avait surprise derrière une meule de foin avec un autre homme. Brusquement, il avait cessé de la voir et avait refusé le mariage. Elle lui avait intenté un procès en reconnaissance de paternité qu’elle avait perdu. Elle était repartie seule avec sa famille. Plus tard, Jimmy avait appris de l’homme derrière la meule de foin, Allan, que Jane était seulement en colère contre lui et le cherchait. Mais il avait déjà épousé Lilly et la guerre approchait. Il avait, après la guerre et après son divorce cherché à revoir Jane. Elle était mariée mais ils projetaient de vivre ensemble avec leur fille, Mary Lou. Alors qu’il s’embarquait à la gare de Browning pour la revoir, une amie lui avait annoncé la mort tragique de Jane des complications d’une opération bénigne. »
Je comprend vos points de vue.
La confusion entre attribut réel de Devereux et qualités prêtées au personnage est manifeste dans ma vision du film.
J’aime ma vision de « Jimmy P. » problème psychique causé par une réaction patriarcal dans une société indienne matriarcal.
J’avais aussi de très bons souvenirs de « l’amour est dans le pré » de quand j’était gamin XD
Bref un blog utile.
Je penserai à vous lors de ma deuxième vision du film.
Merci pour le lien sur LMSI, je ne pense pas l’avoir déja lu.
Je me posait en effet des questions sur votre avis sur Desplechin. Je me posait des question sur le votre car j’avais des doute sur le mien aussi. Puis on n’a pas tant de réals doués et perso en France même si se n’est pas le propos du site.
(A noter ici Almeric est en phase maniaque dans « roi et reine » aucune ironie dans la scène, les mères comme dans conte noel existent, sa relation est différente avec chaque enfant, je ne me souviens pas de misogynie, je répondrait le cas échéant sur LMSI pas encore lu…)
Je prend toute filmo indicative (à l’occasion) sur l’esclavage noir ou la représentation des amérindiens non chaman ou directeur de casino.
J’attendrai avec curiosité vos prochain articles mais là le décalage me semblait trop flagrant et justifiait un commentaire de 4 844 655 signes.
Cordialement
Florent
Merci pour le lien vers les mots sont importants (que je lis à l’occasion grâce à rezo.net).
Sur Desplechin et en court pour une fois:
Outre ses qualités de réalisation, son intérêt est (sauf pour ce film pour le coup) sont absolu subjectivité.
Ça frise effectivement le ridicule régulièrement. L’accusé de défendre les points de vues de son milieu et de sa classe n’a d’intérêt que si on n’en fait partit (je ne suis pas bourgeois, hypokanien, surdoué, lecteur de mythologie…).
Cela lui assure une grande indépendance et liberté (loin d’être totale) avec la doxa cinématographique habituelle.
Ca ne fais pencher la balance du coté d’un discours émancipateur sur le genre, les rapports de sexes… mais il ne vole pas son budget de la de réalisateurs et réalisatrices d’autres milieux. On appelle de nos vœux des profils plus variés justement pour multiplier cet accès à des subjectivités. On se fout qu’une amérindienne refasse du Ford plan par plan ou un blockbuster hollywoodien.
Il y a des choses aussi à apprendre, des rapport de forces à décrire et des personnes à émanciper aussi dans les milieux dominants.
Ça n’enlève bien sur en rien la pertinence d’une lecture politique et critique de ses œuvres.
Ah oui je comprends mieux maintenant, c’était de Jane et pas de Lily dont vous vouliez parler. Effectivement, je me souviens vaguement d’un truc de cet ordre. Pourquoi mentionnez-vous ce personnage en fait ? Vous y voyez quelque chose qui s’oppose à ce que je dis ?
Moi j’ai pas l’impression qu’on ait le fin mot sur ce qui s’est passé derrière la meute de foin. Cette scène, on l’a vécue du point de vue de Jimmy, et on a été invité à partager sa souffrance. Donc déjà, il me semble que le film légitime le comportement qu’il adopte ensuite avec Jane. C’est pas comme si la scène nous avait clairement montré un Jimmy jaloux qui s’imagine de manière complètement infondée le moindre truc dès que sa future femme s’approche d’un homme. Là, le film me semble plutôt complaisant vis-à-vis de Jimmy et de ses réactions.
Après, vous parlez de « culpabilisation » de Jimmy vis-à-vis de Jane. Est-ce que vous pensez que ça s’oppose à ce que je dis ? Moi j’ai pas spécialement l’impression. Un classique du discours masculiniste me semble être justement de dire que les hommes doivent arrêter de culpabiliser vis-à-vis des femmes mais plutôt de se recentrer sur eux-mêmes, parce que le féminisme ça culpabilise les hommes patati patata (de la même manière que l’anti-colonialisme culpabilise les pauvres blancs patati patata).
On retrouve à mon avis ce discours masculiniste dans le film Her, de Spike Jonze, qui vient de sortir. On y voit le pauvre Theodore ne pas arrêter de culpabiliser par rapport à son ex-femme (que le film nous montre sous un jour très négatif, contrairement à Theodore-le-gentil-tout-plein-qui-ne-ferait-pas-de-mal-à-une-mouche). Et à la fin Theodore arrive à sortir de sa souffrance masculine en arrivant précisément à arrêter de culpabiliser sur son ancienne relation et à être un peu « égoïste » pour reprendre le vocabulaire de sa copine Amy. Pour moi c’est le même truc : pour arrêter de souffrir (car dieu sait qu’on souffre à cause des femmes, nous les hommes), les hommes doivent arrêter de culpabiliser et regarder en avant (pour Jimmy ça consiste à construire quelque chose avec sa fille biologique).
Vous voyez ce que je veux dire ?
Désolé d’intervenir à un autre niveau que Joffrey « Florent » Pluscourt, mais je me pose des questions plus simples et plus générales sur votre critique, cher Paul Rigouste. 🙂
Sans parler de la démarche de Desplechin, je me suis interrogé sur le récit lui même, au premier degrés, et sur ses personnages. Etant donné que la société est sexiste, avec des rôles genrés assignés lourdement (un américain indien combattant dans l’armée doit commander aux femmes), il me semble cohérent qu’une distorsion dans ces rôles puisse aboutir à un mal être profond d’un individu.
Autrement dit, sans rien vouloir essentialiser, et sans prendre en compte Desplechin, est-ce que le problème de Jimmy ne pouvait pas être, effectivement, son rapport aux femmes ?
Dans cette hypothèse comment résoudre le problème individuel de Jimmy sans le rétablir dans sa « virilité défaillante » ou quelque chose du genre comme le fait Amalric ?
Dans des sociétés misogynes comme les nôtres, un discours politique peut-il être une réponse à un mal être individuel ? Le thérapeute de Jimmy aurait-il du le convaincre d’arrêter de concevoir les choses à travers un prisme homme-femme écrasant ?
Pour aller encore plus loin, quelle peut-être, selon vous, une attitude politique face à des individus comme Jimmy qui souffrent des distorsions dans notre société genrée ?
Je ne sais pas si je suis très clair.
En tout cas merci pour votre travail précieux.
Samuel
Bonjour
Je me permet:
C’est la thèse défendue dans la partie analyse du lien qui je donne vers le ciné club de Caen (analyse différente et assurément meilleure que la mienne):
Je cite:
« L’utilité de l’anthropologie est de rapprocher les deux hommes sur une culture commune, celle des indiens. Elle sert éventuellement à faire comprendre à Jimmy qu’il lui faut passer d’une société matriarcale à une société américaine profondément patriarcale. Devereux met ainsi en œuvre ce qu’Elisabeth Roudinesco dans sa préface à son livre Psychothérapie d’un Indien des plaines : réalités et rêve (1951) a résumé ainsi : « Soigner l’homme malade, l’adapter à son environnement, le guérir en prenant en charge son corps, son âme et son bonheur. »
De manière simple et générale mon avis:
En écartant le travail d’auteur de Desplechin pour nous concentrer sur les faits historique de la vie de Jimmy que nous connaissons (déja je donne mon avis sur 10 000 lignes, je vais pas raconter ma vie non plus), il y a deux grands types d’aliénations:
Celles liée à un pouvoir extérieur et réel: (d’après moi)
Etre battu pour un touche pipi par sa grande soeur qui a une morale chrétienne.
Ne pas pouvoir travailler au chemins de fer car tu es sourd d’une oreille.
Etre enfermé car tu refuse les tests psy et que tu es peut être schizophrène.
Dessiner sans en avoir envie sous ordre du médecin.
Ne pas pouvoir retirer de l’argent sans tutelle.
Reconnaitre sa fille par procès. (procès perdu par la mère)
Te voir refuser un test médical car tu bois. (possiblement médicalement justifié)
Patienter face à une infirmière qui retarde un test sanguin avec une excuse fallacieuse (la banque sera ouverte demain).
Celles que Jimmy s’impose: (d’après moi)
Accepter le touche pipi avec réticences (par culpabilité?)
Ne pas partager mon foyer avec l’amant de ma mère.
Rompre avec mon premier amour si elle me trompe.
Ne pas revoir sa fille car il s’accuse de se qu’il a fait à sa mère.
Ne pas se venger de femme qui a dépensé ma solde avec un autre homme car ça ne vaut pas la peine. (suggéré par un tiers)
Se soumettre à une femme (d’après Devereux)
M’infliger des symptômes de vertiges et de maux de tète.
Lier sa guérison au médecin. (épisode de la marionnette)
Refuser de porter ses lunettes pour une raison mal défini dans le film.
Bander pour être en bonne santé (suggéré par un tiers)
Vers la fin du film après travail psychanalitique:
Ne pas rester avec une femme à sa demande car je suis un homme (d’après Paul Rigouste)
Commander à l’avenir de ma fille par droit filial (d’après Paul Rigouste)
Ne pas me laisser répondre par une femme (d’après Paul Rigouste)
Commander aux femmes car c’est un soldat américain pour s’epanouir en société (d’après vous)
Les premières ne sont négociables que par une réponse politique (démocratie réel, anarchisme, moi empereur, IA dominant le monde…). Rien ne sert d’insulter le guichetier pour retirer des sous. Le pouvoir ne négocie qu’avec le pouvoir, et quand on n’en a pas, la solution commune est le pouvoir du nombre.
Les deuxièmes sont négociables avec soit même.
Par la psychanalyse (par forcement médicalisée) pour mettre à jour et valider ou invalider l’aliénation qu’on s’impose suite à un parcours de vie.
Par la réflexion (collective de préférence) pour mettre à jour et valider ou invalider se que nous avons accepté comme vrai par pression sociale ou l’éducation (les soldat américain doivent dominer les femmes).
Le cas présenté est celui d’un homme qui s’est guéri de somatisation avec une psychanalyse de son parcours de vie.
Il y a des cas de mieux être lié à des solutions politiques et de réflexion sur les injonction de la société.
S’il n’y a aucun pouvoir associé en théorie (sans essentialisation) toutes ses aliénations sont solvables par la réflexion.
Rien n’empêche d’être un soldat américain égalitariste épanoui et revendiqué sauf constitution de pouvoir coercitif (harcèlements, mise à l’écart, lois…) qui appellent de contre pouvoirs (il faut recruter ou à défaut légiférer, prendre un couteau, programmer une super IA, me nommer empereur…).
Mener les trois de front est le travail de tout une vie… et ferait un sacré film.
La catégorisation est faite à la serpes mais elle aide ma réflexion sur ses thèmes, en espérant qu’elle vous aide aussi et surtout que vous puissiez m’aider à l’améliorer.
Cordialement
Joffrey « Florent » Pluscourt
Désolé Paul (je vous appel Paul mon Paulo) je n’avais pas vu votre commentaire (que j’attendais):
Je dis juste:
Description d’un comportement patriarcal (refus de multiple partenaires chez une femme) ==)
Comportement injuste (procès perdu par la mère par un avocat malhonnête, silence imposé à la fin du couple, amour brisé…) ==)
souffrances (« c’est le pire moment de ma vie » « j’ai pensé mourir » en gros) ==)
résolution (première: retour du couple mais mort en opération, deuxième analyse, deuil, retour à la fille)
Ca colle avec les rêves, les autres introspections et la scène finale, tout le film quoi et… c’est absent de votre critique.
Certes l’innocence de marivaudage de Jane pourrait recadrer ça en patriarcat. Mais Jane c’est remariée et surtout c’est une histoire historique, pas un choix d’auteur. En plus le trauma précède la révélation par le témoin tiers.
C’est comme reproché « l’échange de femme » de « Conte de Noel » dans le lien de LMSI (en citant Levis Strauss à tord pour quelqu’un qui reproche à Desplechin ses citations).
« l’Homme reste maître du logos et de l’initiative sexuelle (le scénariste a osé l’histoire de la fille échangée entre garçons : on se croirait chez Levi-Strauss !). »
Un frère s’arroge une fille à une soirée face à son frère. Il est amoureux mais se tait. Le couple fonctionne se marie a des enfants.
C’est un comportement de connard et stupide. Mais il n’entraine de souffrance que pour l’homme qui le commet (il a laissé son amour à son frère dans un délire d’objectivation des femmes, mais en souffre, reste célibataire, tourne en rond dans sa vie, l’aime encore).
La résolution (pure création de l’auteur même si surement très inspiré de sa vie voir jurisprudence associé à son procès contre son ex compagne pour « Roi et Reine ») la resolution donc est la mise à jour de ce comportement stupide, a travers les mots de la tante (lesbienne) et de la fille échangée (qui met le mot « stupide » dessus plus tard il me semble LOGOS face au frère coupable). C’est ensuite le choix de la fille de profiter de l’amour du frère (amour libre INITIATIVE) sans que son mari ne prenne ombrage (pas très patriarcal).
J’ai la même impression dans votre critique à vous.
Décrire des situations plausibles et des personnages réalistes mais patriarcal/injuste/débile… pour en détricoter les enjeux, montrer le mal qu’ils provoquent (à eux et aux autres) et en exposer des solutions (filiation, héritage, art, amour libre, acceptation, psychanalyse pour Desplechin en général) fait des films émancipateurs. Pas un travail spécifique sur les tropes, le genre, le féminisme, mais un discours émancipateur.
Je suis d’accord avec la psychiatrisation des problèmes sociaux. Mais là un travail d’analyse typiquement freudien est cité car c’est le sujet du film (un anthropologue, analyste, progressiste mais de son époque) mais n’est pas présenté comme la résolution dans la vie de Jimmy. Son deuil, son affirmation et sa émancipation de son analyste (transfert je crois) le retour à sa fille le sont.
Je garde mon avis sur l’ironie, on a tous les deux souri (ironie sur le discourt freudien, pas sur le cul des filles s’entend).
Je suis d’accord avec les tropes, mais là l’apport de l’auteur c’est l’ajout de femmes sexuellement libérées, intelligentes, avec humour, répondant et sens critique. Belle certes mais pourquoi potiches?
Elle pleure j’ai mal pour elle, j’ai pleuré d’amour aussi. Ca fait un bon film (avec des emotions). Ca fait un contrepoint avec Jimmy. Il faut savoir laisser partir la France pour Devereux, la parenthèse des vacances aux US pour Magdaleine. De là à laisser entendre que le comportement normal de Devereux par Desplechin serait de quitter sont patient et boulot pour la suivre, ou de refuser de la recevoir pour des vacances tendres en prévention… A la premiere lecture j’etait à deux doigts de vous accusé de racisme anti jolies filles (beauté non conventionnelle ici en plus).
Le reste c’est de la biographie, tirée des écrits d’un ethnologue pas la constitution d’une histoire à partir de clichés nauséabonds.
(Jimmy et Devereux sont tirés de documents, certes choisis et esthétisés)
Certes il existe des ethno psychologue mais pourquoi ne pas parler de Devereux ici? En quoi le comportement du personnage était symptômes de racismes ou de domination? (citer sa connaissance des coutumes Black Foot sans juger?)
Je n’ai pas revu le film, mais j’ai creusé ma filmo, film sans caricature sur les indiens… qui parle de matriarcat… je creuse.
Coller Jimmy P. en film réactionnaire est pour moi contradictoire. Desplechin n’est pas mon réalisateur préféré, travail des problématiques différentes de celles du site et prête le flanc à bien des critiques formelles et sur le fond. Mais franchement je comprend vos arguments mais je ne renouvelle pas les miens. On est d’accord mais j’ai encore un gout de balle dans le pied.
Je ne peut pas m’empêcher de penser que si les apports conceptuels sont intéressants, votre critique n’est valable que si on oublie le cœur du film.
Ca m’étonne de votre part et je l’ai ouvert car Desplechin c’est pas du Disney. Je pense que sa vision est disons globalement positive et sa connaissance par le grand public trop faible. Je trouve votre charge disproportionnée et contre productive.
C’est de ca dont je parle. (mais merci pour vos reponces sur les tropes)
Cordialement
Florent
Bonjour, je voudrais juste revenir sur le « Conte de Noel », dont le traitement du trio amoureux Sylvia/Simon/Ivan (Simon et Ivan sont cousins je crois, pas frères) m’a beaucoup dérangée quand je l’avais visionné.
Un frère s’arroge une fille à une soirée face à son frère. Il est amoureux mais se tait. Le couple fonctionne se marie a des enfants.
C’est un comportement de connard et stupide. Mais il n’entraine de souffrance que pour l’homme qui le commet (il a laissé son amour à son frère dans un délire d’objectivation des femmes, mais en souffre, reste célibataire, tourne en rond dans sa vie, l’aime encore).
La résolution (pure création de l’auteur même si surement très inspiré de sa vie voir jurisprudence associé à son procès contre son ex compagne pour « Roi et Reine ») la resolution donc est la mise à jour de ce comportement stupide, a travers les mots de la tante (lesbienne) et de la fille échangée (qui met le mot « stupide » dessus plus tard il me semble LOGOS face au frère coupable). C’est ensuite le choix de la fille de profiter de l’amour du frère (amour libre INITIATIVE) sans que son mari ne prenne ombrage (pas très patriarcal).
Dans mes souvenirs, on assiste vraiment à deux mecs qui décident entre eux à qui va revenir la femme. Simon pense qu’elle sera plus heureuse avec un autre. Traduction : la volonté ou les désirs de la femme sont complètement niés à l’écran (et bien sûr la petite elle est docilement et passivement à disposition du premier mec dominant qui a décidé qu’elle était à lui – ce serait trop demander qu’elle repousse un garçon pour aller vers un qu’elle préfère). Parce qu’il me semble quand même qu’elle était plutôt attirée par Simon à la base, mais non monsieur sait ce qui est mieux pour elle. Alors oui il souffre le pauvre, il s’est sacrifié. Mais il a quand même pu choisir : il a décidé de sa destinée, et de celle d’une autre. Considérer que Sylvia n’en a pas souffert est une nouvelle violence envers le personnage.
Je me souviens plus très bien, mais il me semble que lorsqu’elle tombe Simon, on voit qu’il se passe quelque chose de pas clair, qu’elle regrette le comportement de Simon qui s’est effacé, bref, toute passive qu’elle est, elle est pas complètement heureuse de la tournure des évènements et d’ailleurs le fait qu’elle couche avec Simon montre bien que si on lui avait laissé le choix, elle serait allée avec lui plutôt qu’avec Ivan.
Ce comportement des deux hommes est plus que « stupide », il est révoltant parce qu’il nie la volonté et l’individualité d’une femme. C’est le patriarcat paternaliste dans toute sa splendeur. On décide de la vie d’une femme parce qu’un homme sait forcément mieux qu’elle ce qui est bon pour elle. On décide qui elle est doit aimer, ce qui est le comble : déjà, il faut pouvoir envisager d’être capable de susciter de l’amour sur commande chez quelqu’un d’autre, mais en plus ça marche. Il n’y a qu’une seule explication: l' »amour « d’une femme n’est qu’une réponse, une réaction au fait qu’un homme s’intéresse à elle. Prendre l’initiative en amour, c’est pas possible.
Dans mes souvenirs, il n’est pas non plus si clair que cela que le mari ne prend pas ombrage : il est sombre quand il comprend ce qu’il se passe, mais il peut pas trop la ramener après ce qu’il a fait, et quelque part supporter un adultère d’un soir (ou plus longtemps, je sais plus) c’est un peu sa dette qu’il est en train de payer. Mais il n’a pas l’air si en danger que cela : ils sont mariés, ils ont des enfants, la nana elle va pas tout quitter comme ça pour une amourette de jeunesse.
Bonjour Arroway.
J’ai Conte de Noël sur mon disque dur (les films d’auteurs disparaissent des per to per). C’est un des films (avec une impressionnante collection de porno lesbien hardcore) que je garde et qui m’empêche de télécharger Jimmy P. pour une deuxième vision avant d’avoir fini d’autres films par manque d’octet.
Il fait 2h30 et vlc zappe à raison de 30s. Je n’est pas trouvé la scène d’échange de fille. Si vous en avez souvenir (de la scène pas de l’histoire) elle existe, je chercherai plus sérieusement.
Il ne s’agit pas de la tante mais de la fiancée de l’arrière grand mère Rosanna. (oh le vilain jeux de mot inconscient mais révoltant de ma part)
L’échange à lieu adolescent entre 3 cousins pour sauver Ivan jugé trop fragile pour supporter une déception amoureuse, il n’est pas montré il est avoué.
Sylvia beneficie d’une scene face caméra pour exprimer son enfance de 2 minutes.
Il s’en suit un savon de Sylvia à Simon.
Simon se définit comme « matamore » « j’etais creux, je suis un homme creux », négociations avec sa culpabilité, sourire crispé au bord des larmes sur toute la fin de la conversation…
Sylvia « mais on ne me donne pas je ne suis pas un chameau une chèvre » « tu fais comme si tu n’étais pas dans le jeux mais tu es dans le jeu, la preuve c’est que tu as choisi à ma place » « t’es une ordure » « tu as joué à ma place et tu as triché », « depuis dix ans t’as aucune vie, t’es minable dans ton atelier » « tu es pathétique » « t’es un échec monumental »…
Il y a 5 minutes d’explication/séduction le lendemain, ou Sylvia a l’initiative et les derniers mots.
La scène de sexe ne film certes que Sylvia comme un objet de désir. Le seul plan sans visage montre Sylvia replacer les mains des seins aux hanche. Simon est maladroit, timide… Sylvia active et a l’initiative.
Au réveil par les enfants Ivan sait ou sont les amants. Il sourit en faisant non de la tete, baise la tete et sort du cadre quand Sylvia lui demande comment il va du regard. Les deux amants sont nus dans le même lit sans que les enfants s’en offusque. La scène a lieu après un carton « Allégresse ».
Il ne s’agit pas de remettre en cause votre ressenti (vous n’avez pas analysé le film en prenant des notes, ni écrit un blog dans un des rare porte parole d’une lecture politique des films). Nous n’avons pas le même vécu. Je vous invite à revoir le film (complexe et passionnant) en intervertissant les genres afin de voir si vous considérez toujours Sylvia comme passive ou soumise.
Je maintien que souffrir d’une femme et souffrir d’une injustice faite à un femme a une portée politique différente.
J’insiste sur le fait que la présence écrasante de figures de femme sous des traits de dominée ou malfaisant (ou révoltants, idiots…) ne doit pas formater notre regard (ce que j’appelle se tirer une balle dans le pied).
Cordialement
Florent
P.S: Ne voyez pas les bandes annonces, elles spoilent ou mentent, sont le fruit d’un système marchant et publicitaire, pas d’un auteur.
Je n’ai pas le film sous la main, je l’avais vu quand il était passé sur arte y a quelques temps. Mais oui il faudra que je re-regarde les scènes à l’occasion.
Cordialement.
Si vous êtes l’Arroway blogueuse de se site, merci pour la redécouverte de « Battlestar Gallactica ». J’en avais abandonné la vision avec ma tv et l’ai fini depuis grâce à vous depuis. Les films recommandables ne pullulent pas sur ce site et c’est dommage (si quelqu’un pouvait m’aider à ses Princess Arete).
Bonne continuation.
Je n’ai pas vu ce film. Mais je me souviens de la manière dont il a été présenté à sa sortie. Ce qui me choque, c’est qu’il était présenté ainsi « Un Indien blackfoot présente des traumatismes et des séquelles étranges après son retour de la guerre », orientant nettement le spectateur vers un « la guerre l’a rendu fou ». Bref, un lien direct avec le genre de traumatisme que ramènent avec eux les soldats modernes, je m’attendais donc à une critique de la folie guerrière… mais non, alors ?
Je comprends qu’il ne faille pas révéler le film à sa sortie, mais éloigner à ce point le spectateur…
Juste un tout ptit commentaire pour signaler que l’article de Francis Dupuis-Déri semble être parut dans le Cahier du Genre numéro 52, et non 25 ^^ (amusant inversement des chiffres)
http://cahiers_du_genre.pouchet.cnrs.fr/FichesNumeros/numero52.html
Cahier que je compte me procurer tant les sujets et ce thème particulier m’importe. (merci pour la référence en tout cas)
Et merci pour cet article de ce film qui m’intéressait par curiosité, mais que je verrais avec un oeil avertis des poncifs sexistes dorénavant ^^
En fait, c’est assez étrange, mais l’intitulé exact de la revue, que j’ai sous les yeux, c’est « Cahiers du Genre 52 / 2012, Recherches féministes vol. 25, n° 1 ». Donc c’est à la fois le n° 52 et le n° 25 🙂 !
Et ce numéro est effectivement très intéressant. J’ai beaucoup aimé l’article de Mélissa Blais aussi, qui analyse les violences antiféministes et leurs effets sur les féministes, en faisant un parallèle (qui ne tient pas jusqu’au bout, comme elle l’explique elle-même) avec les violences conjugales et post-conjugales. Vraiment très intéressant.
Et Dupuis-Déri il a écrit plein d’autres trucs sur le masculinisme, avec Mélissa Blais notamment. Et tout ce que j’ai lu d’elleux est très bien, à la fois clair et intéressant.
Ha bin du coup j’espère ne pas me tromper, l’intitulé du numéro 25 m’avait l’air assez clairement différent.
http://cahiers_du_genre.pouchet.cnrs.fr/FichesNumeros/numero25.html
De toute façon c’est comme les Cahiers Antispécistes je pense : ils sont tous bons à lire. ^^
Meuh non, ça veut juste dire qu’il y a numéros par volume, et que c’est le 52ème numéro depuis le début de la création de la revue.
Mmmmh, que c’est terre à terre… Ce site n’est vraiment là que pour lister les stéréotypes genrés dans les films ?
C’est vraiment ridicule ! Pourquoi vous étonnez-vous que les films contiennent des stéréotypes genrés alors que notre société (occidentale, pour ce que j’en sais) en est pleine ?
Il s’agirait de s’éloigner un peu du film avant de lui faire dire n’importe quoi.
Ne vous vous êtes jamais dit que le problème de Jimmy, cela pourrait être la vision stéréotypée qu’il a du concept d' »être un homme » ? Qu’il y a beaucoup d’hommes, de nos jours, qui souffrent de ne pas correspondre aux « critères de virilité » (entendez par là « être musclé », « être chef », « coucher avec plein de femmes », etc.) ?
Que Devereux adhère aveuglément aux thèses freudiennes du fait de l’époque où il vit ? Que le fait que le réalisateur lui fasse faire des conclusions hâtives à partir d’un seul dessin, cela pourrait être, au pire, un besoin de fluidité du film, ou au mieux, une vraie critique de l’universalité de la psychanalyse ? Qu’il y a, certes, des gentils hommes blancs, mais que tout les oppose à Devereux, tout simplement parce qu’ils sont américains, et qu’il est français, et juif (la deuxième guerre mondiale vient de se terminer, je vous le rappelle) ?
Ce n’est pas parce que le film ne se passe pas dans une société idéale qu’il ne critique pas la nôtre…