Battlestar Galactica : une odyssée féministe semée d’embûches (II)
11 septembre 2013 | Posté par Arroway sous Séries, Tous les articles |
Battlestar Galactica, on l’a vu au cours d’une première analyse, traite de manière ambiguë la place aux femmes au pouvoir, même si de nombreuses femmes fortes à la fois physiquement et psychologiquement occupent des premiers rôles. Cette deuxième partie vient explorer à la question suivante: qu’en est-il de la représentation des femmes et des hommes dans les autres grandes thématiques abordées par la série ?
Sexe et séduction : des armes de femme
Les modèles Cylons sont décrits à plusieurs reprises comme des corps parfaits, des physiques idéaux qui ne vieillissent pas. La première image d’un Cylon humanoïde qui apparaît à l’écran est celle d’une Six incarnée par l’ex-top modèle Tricia Helfer. La connotation de la scène est explicitement sexuelle – Six se penchant sur le diplomate délégué en lui demandant « Are you alive?», puis l’embrassant avant que la station n’explose -, renvoyant plus tard aux ébats amoureux de Baltar et Caprica Six.
L’un des nouveaux designs Cylons : tailleur écarlate et blonde platine, la recette de la femme fatale.
« Es-tu vivant ? Prouve-le ! »
Certains modèles – Six, Boomer et Ellen Tigh – jouent ouvertement de leur séduction. A la fois guerrières et hautement désirables, les Six entretiennent via le personnage de Baltar en particulier, puis Caprica Six qui prend les traits de d’Ellen Tigh aux yeux de son mari, une tension sexuelle tout le long de l’histoire : grande, le plus souvent blonde platine, silhouette parfaite, maquillage, tenues suggestives. La Six imaginaire de Baltar est l’incarnation de ses fantasmes.
Mais les Six sont bien plus que cela : elles se battent, pilotent des vaisseaux, prennent la tête de la rébellion, représentent les Cylons au Qorum. Elles partagent également une grande sensibilité alimentée par un sens du religieux et la recherche de leur humanité : c’est d’avantage en trouvant au père de Baltar une maison de retraite où vivre que par sa disponibilité sexuelle que Caprica Six gagne sa place dans le cœur du scientifique.
Une Six n’est pas qu’une poupée : elle peut mettre la pâtée à Starbuck.
Ellen est l’épouse provocante de Saul Tigh. Et à part séduire la gente masculine de la flotte et intriguer pour la carrière de son mari, on ne sait pas grand chose de ses activités extra-conjugales. C’est en couchant avec le Cylon Cavil qu’elle pense être arrivée à libérer son mari torturé sur New Caprica.
Avant la chute des colonies, Ellen monte sur la scène d’un strip club…
… Saul Tigh peut prendre sa retraite, l’avenir financier du couple est assuré.
Les relations majeures de la série sont toutes hétérosexuelles. On retrouve des parties de jambes en l’air à plusieurs sur le vaisseau Cylon entre D’Anna, Caprica Six et Baltar ; sur New Caprica entre Baltar et plusieurs femmes ; dans la secte de Baltar. On reste dans le scénario habituel : un homme, plusieurs femmes, dans un contexte de luxure avéré.
L’homme objet : regards de femme
Baltar est un personnage qui se retrouve être un objet de désir pour un certain nombre de femmes.
Baltar a une touche.
S’il est d’abord plus surpris qu’intéressé en s’en rendant compte, il ne dira pas non à l’occasion de mettre une journaliste dans sa poche.
Il est dépeint comme un grand séducteur, mais il ne prend pas forcément l’initiative. En fait, Baltar est un personnage « faible », passif la plupart du temps : il est balloté par les évènements, dirigé par la Six de ses visions lors des moments clé. Mais il n’hésite pas à user de son charme tout patricien et profiter de la situation lorsqu’un femme lui offre son corps.
Baltar est comme un jouet entre les mains du destin et entre les mains de Six.
Les « quotas de nudité » semblent équilibrés entre hommes et femmes. Anders est interviewé dans un bain sous le regard d’une journaliste intéressée, une image qui fait écho à son corps d’hybride qui en dévoile pour le coup un peu plus que le corps de l’hybride féminine qui est habillée (sa poitrine est couverte, celle d’Anders non).
Samuel Anders en interview…
… ou en Hybrid, toujours sexy dans son bain
Apollo aussi est souvent vu torse nu ou en pagne dans les dortoirs.
Oups, la serviette a glissé !
Apollo aussi a du succès auprès des journalistes.
Empowerment sexuel des femmes et homophobie
A Ellen, Six, Boomer – ces femmes qui instrumentalisent sans retenue leurs charmes et le sexe pour arriver à leur fin et séduire les hommes -, répondent des personnages féminins qui suivent simplement leurs désirs sexuels. Alors que Kara a mis un terme à son couple, elle continue de se servir de Sam, complaisant et disponible, désespérément loyal à sa femme, pour se détendre par des petites séances de sexe.
Kara : C’était exactement ce dont j’avais besoin.
Sam : Ravi de pouvoir rendre service.
Sam, même s’il est à la tête de la résistance sur New Caprica, est un personnage dépendant de Kara : il doit attendre le retour de la jeune femme sur Caprica pour qu’elle ramène les derniers survivants sur le Galactica ; son épouse Kara doit le surveiller comme un enfant lorsqu’il tombe malade sur New Caprica (il sort jouer plutôt que de rester au lit) ; il tire sur Gaeta dans un élan de loyauté un peu aveugle à Starbuck qui fait face à une mutinerie ; il se fait enfin tirer dessus et fini complètement paralysé.
Lee est tout aussi soumis à aux désirs de la jeune femme: lorsqu’elle l’embrasse avec force pendant la mutinerie, lorsqu’elle couche avec lui sur New Caprica et se marie le lendemain avec Sam. Starbuck n’est pas la seule héroïne qui joue ainsi un rôle actif dans sa vie sexuelle : Kat, avant de mourir, s’impose à son ex-petit ami et Laura Roslin, en véritable femme cougar, couche avec l’un de ses anciens élèves, bel éphèbe, avant la chute des colonies.
Les corps de ses femmes sont rarement érotisés par le maquillage ou les habits : Kat et Starbuck sont des athlètes en uniformes militaires, Roslin est en tailleur sobre et son corps malade la plupart du temps ne lui permet pas de toute façon de faire des folies. Un épisode, au début de la saison 1 pour la fête coloniale, présente une exception en montrant Kara en robe bleue très féminine pour impressionner Lee.
Une fois n’est pas coutume, Kara se met en robe.
Lee n’en revient pas.
Enfin, à ces personnages féminins actifs viennent s’ajouter des personnages jouant un rôle plus traditionnel. Dee est ainsi l’archétype de la douce jeune femme qui rêve de romance avec Billy mais lui préfère un homme plus viril et plus mature en Lee Adama. Mariée, elle subira en femme trompée et meurtrie mais fièrement silencieuse les escapades de son époux avec sa rivale de toujours, Kara Thrace. Cally aussi, dans sa relation avec Tyrol, joue un rôle plus conformiste : amoureuse silencieuse et ignorée de Galen lorsqu’il couche avec Boomer, elle se fait sévèrement battre par lui alors qu’il sort d’un cauchemar. Cela ne l’empêchera pas de se marier avec lui peu après et avoir un fils. Plus tard, elle sera la femme délaissée qui garde son enfant toute seule alors que son mari passe ses soirées au bar à y noyer ses malheurs. Pour autant ni Dee ni Cally ne peuvent être véritablement qualifiées de femmes « faibles » : Dee quitte Lee pendant le procès de Baltar, Cally dit tout haut ce qu’elle pense. Mais leurs personnages sont indéniablement en retrait et dépendants des hommes auxquelles elles sont attachées.
Notons enfin que toutes les relations dans la série sont hétérosexuelles. Il y a cependant une exception notable, et encore n’est-elle mentionnée que dans le film Razor. Cain a entretenu une relation avec une Cylon Six Gina, avant de se rendre compte de la vraie nature de son amante et de l’emprisonner et la torturer (Gina l’assassinera par la suite). Gina parle de sa relation à Kendra Shaw, un peu surprise, en ses termes: Cain aussi a des « besoins » (ces « besoins » qui nécessitent l’autre, même si Cain est totalement indépendante) car elle est aussi « humaine ». Pourtant Cain n’hésitera pas à ordonner la torture et le viol de Gina, retournant facilement sa manche dans cette relation. C’est ainsi à Helena Cain, symbole extrême de l’émancipation des femmes dans le film et dont le personnage est proprement diabolisé que l’on prête la seule relation homosexuelle de la série.
L’hécatombe chez les personnages féminins
En mars 2009, Juliet Lapidos écrit pour le magazine Slate une chronique intitulée : « Chauvinist Pigs in Space » ou « Why Battlestar Galactica is not so frakking feminist after all » (« Les Machos dans l’espace » ou « Pourquoi Battlestar Galactica n’est pas si féministe après tout ») [1]. Si certains des éléments qu’elle soulève présentent une argumentation contestable, d’autres sont par contre difficilement réfutables. Par exemple le fait que les personnages féminins majeurs soient toutes vouées à mourir tôt ou tard ou bien sont des Cylons alors que la grande représentativité des femmes était justement une force de la série. Ceci est particulièrement frappant dans les dernières scènes. Effectivement, à l’exception des Cylons Ellen, Caprica Six et Athena, quasiment toutes les femmes qui ont joué un rôle important dans le scénario sont mortes ou en train de mourir : Starbuck, Roslin, Kat, Dee, Cally, Tory, Boomer, Helena Cain, Kendra Shaw, D’Anna, Racetrack, Elosha (la prêtresse qui conseille Roslin).
Dee se suicide après la déception de la découverte de la Terre. Cally, sur les bords du suicide également en découvrant que son mari est un Cylon, se fait finalement expulser dans le vide spatial par Tory. Starbuck aussi se suicide, Kat également même si de manière héroïque peu après la mise au jour de sa double identité. Kendra Shaw, dans le film Razor, se sacrifie sous le poids de la culpabilité ; elle et Kat se droguent d’ailleurs pour « tenir le coup ». Roslin se meurt d’un cancer du sein. Boomer et Tory sont assassinées, l’une pour ses divers faits de trahison, l’autre pour avoir tué Cally. Ellen aussi est tuée par Tigh pour avoir trahi la résistance sur New Caprica. Maya, Elosha, Racetrack sont des victimes de guerre. D’Anna s’éclipse du scénario en choisissant de rester sur la Terre de la 13e colonie car elle abandonne la partie, ce qui la condamne à plus ou moins long terme à la mort. Du côté des hommes, le bilan est loin d’être aussi lourd : Zarek et Gaeta sont exécutés pour avoir voulu mener une révolte militaire et politique. Anders est réduit à l’état de légume à cause d’une balle logée dans son crâne. Billy Keikeya est tué pendant une prise d’otage. John Cavil se suicide en voyant sa défaite finale. Il faut retenir aussi les modèles Un, Quatre et Cinq éradiqués à la fin de l’épisode final.
Quelles conclusions faut-il en tirer ? La seule différence en termes quantitatifs concerne les suicides, pas les victimes de combat, d’assaut ou les jugements pour trahison – mis à part le fait que les femmes soient tuées par un acte de justice personnelle lorsque les hommes le sont officiellement pour leurs actions. Juliet Lapidos suggère qu’un des messages qui est transmis est que les femmes sont psychologiquement moins résistantes lorsqu’elles traversent des périodes difficiles. Un échange entre Lee Adama et Kara Thrace à la fin du film Razor est aussi éclairant. Lee demande pourquoi Kendra Shaw s’est sacrifiée pour détruire un vaisseau Cylon (c’est moi qui souligne):
Lee : Tu sais pourquoi elle l’a fait ?
Kara : Elle voulait peut-être se faire pardonner. Peut-être qu’elle l’avait cherché.
Lee : On l’a tous cherché.
Si, donc, les femmes se suicident c’est bien parce qu’elles le méritent, qu’elles doivent payer les actions dont elles ne supportent pas les conséquences psychologiques (en l’occurrence, le massacre de civils). Fisk, le second de l’Amirale Cain qui était lui aux côtés de Shaw lors du massacre ne présente pas de telles séquelles psychologiques.
Ce déséquilibre a aussi pour conséquence que les scènes de l’arrivée de la flotte sur la nouvelle Terre – un moment très important puisqu’il s’agit du dénouement final – sont exclusivement masculines. La première scène sur Terre compte Dr Cottle, Saul Tigh, William Adama, Louis Hoshi et Gaius Baltar allongés dans l’herbe pour parler de la civilisation qui peuple la planète, de sa compatibilité ADN avec la leur et donc des possibilités de survie de l’humanité. La deuxième scène est une conversation entre Lee Adama, Hoshi et Romo Lampkin, Président intérimaire. La troisième et dernière scène est un tête à tête entre Adama père et fils. Il faut attendre la scène suivante, de retour sur le vaisseau, pour voir les Cylons survivantes prendre part aux décisions qui sont faites.
Les hommes discutent de l’avenir de l’humanité sur Terre.
Bromance vs. jalousies et tromperies féminines
Lapidos relève également qu’il n’y a pas de mise en scène d’une amitié féminine alors que la bromance entre Adama et Tigh est un fil conducteur pendant toute l’intrigue. En cherchant un équivalent chez les relations entre femmes, on rejoint vite la conclusion que les interactions féminines sont limitées dans le temps et sérieusement entamées par des jalousies et des trahisons.
Au sein de l’équipage militaire, Kara et Dee entretiennent logiquement une relation assez froide du fait des liens amoureux entre Starbuck et son mari Apollo : c’est l’épouse légitime et la maîtresse. Cally déteste Boomer parce qu’elle couche avec Tyrol. Kat et Starbuck ont une relation conflictuelle alors qu’elles partagent un certain nombre de points communs : Kat défie constamment Starbuck, les deux femmes se disputent le titre de meilleure pilote de la flotte. Racetrack provoque souvent Starbuck en lançant ses piques. La relation entre Roslin et Tory n’atteint jamais le degré d’intimité qu’avait la Présidente avec Billy, elle reste beaucoup plus froide. D’ailleurs elle se terminera par une rupture nette entre les deux femmes, Roslin n’acceptant pas que Tory soit adepte de la secte de Baltar, et cette dernière ne digérant pas les ordres et les humiliations de sa patronne. En comparaison, les Trois, Six et Huit paraissent beaucoup plus unis même si D’Anna fait bande à part dans sa recherche de l’identité des cinq Cylons restants.
Enfin, la confrontation entre Ellen Tigh et Caprica Six lorsque la femme de Saul revient à bord du Galactica en tant que Cylon est une vraie scène de jalousie. Du point de vue d’Ellen, la relation entre Caprica Six et Tigh est de l’inceste : Six est l’une de leurs enfants, l’un des modèles Cylons qu’ils ont créés ensemble. Une scène de couple entre Saul et Ellen au chevet d’Anders fait passer Ellen pour particulièrement jalouse, indécente, obnubilée par le sujet alors que les autres Cylons discutent de savoir s’ils doivent rester ou abandonner la flotte. Plus tard, le tête à tête entre Ellen et Caprica Six montre la manière vicieuse, calculée et méchante – qui serait vue comme typiquement féminine par certains – avec laquelle Ellen vient faire du mal à Caprica pour semer le trouble dans son couple avec Saul. La manœuvre semble d’autant plus cruelle que Caprica Six n’est plus la femme fatale des visions de Baltar : c’est une femme enceinte, émotionnellement très sensible qui a été battue, torturée. C’est aussi une confrontation entre la femme d’âge mûr qu’est Ellen et la jeune Cylon en pleine santé peut-être plus apte à avoir des enfants. Ellen l’appelle avec condescendance « little girl », pour montrer sa naïveté en termes de manipulation et dans les relations amoureuses.
La relation d’amitié entre Tigh et Adama est beaucoup plus simple en comparaison : ce sont des tête-à-tête systématiquement arrosés d’alcool parfois ponctués de petites bagarres. C’est saouls que les deux hommes font leur plus intimes confidences. C’est dans la violence qu’ils règlent leurs conflits. Lorsqu’Adama découvre que Tigh est un Cylon, il est absolument dévasté. On est loin de la simple réaction de surprise de Roslin face à Tory.
Adama, ivre, dans les bras de son fils après avoir appris que Tigh est un Cylon. La scène montre le personnage dans toute sa faiblesse, loin de son image d’autorité.
Les femmes sont parfois des objets de discorde, pas parce qu’elles sont un obstacle à leur relation – Ellen a compris depuis longtemps que Tigh est plus loyal à Adama qu’à toute autre femme ou même à son enfant – mais parce qu’elles sont l’objet d’actions de la part de chacun des deux hommes que l’autre ne comprend pas forcément (par exemple, lorsque Adama décide d’attendre le retour de Roslin seul dans un raptor). Elles sont aussi instrumentalisées pour faire souffrir l’autre : Adama parle à dessein des multiples aventures extra-conjugales d’Ellen pour provoquer Tigh.
Finalement, ce qui aurait pu le plus ressembler à un début d’amitié entre femmes sont les quelques tête à tête entre Starbuck et Roslin ou Starbuck et l’Amirale Cain. Malheureusement, aucune des deux relations ne durent.
Les femmes aussi peuvent discuter après le boulot autour d’un verre. Dommage que Starbuck ait pour mission d’assassiner l’Amirale Cain sur ordre d’Adama.
Des violences sexuelles réservées aux femmes
Un autre sujet vient alimenter les débats autour de la série : la question des violences sexuelles et du viol. Si d’aucuns veulent voir dans les scènes de ménage à trois de Baltar, Caprica Six et D’Anna l’expression d’une violence sexuelle [2], c’est mésestimer la réceptivité sexuelle de Baltar qui, dès que l’occasion se présente, ne rechigne jamais à répondre aux avances de ses partenaires. Même lorsque Tory joue sadiquement à éveiller plaisir et douleur chez Baltar, cela reste une expérience érotique. De fait, aucune violence sexuelle n’est exercée sur les hommes pendant qu’ils se font torturer. Lorsque Boomer se fait passer pour Athena et couche avec Helo, c’est Athena qui en souffre psychologiquement le plus, les séquelles chez Helo sont quasi-absentes. On se demande d’ailleurs pourquoi Athena reste à regarder passivement la scène : capable de voir, est-elle donc incapable de faire du bruit dans le casier métallique dans lequel elle est enfermée ?
Ce sont les Cylons qui sont violées ou manquent de l’être : Athena et Gina, la Six prisonnière sur le Pegasus sous les ordres de Cain. La question du viol pendant les séances de torture devient épineuse lorsqu’elle se pose sous les ordres d’une femme : ne devrait-elle pas contrôler ses hommes en la matière, être particulièrement attentive à ce que cela ne se produise pas ? Le fait est que pour Cain comme pour d’autres, habité-e-s d’une haine féroce pour les Cylons, Gina n’est pas une femme, c’est une machine : il n’y a donc pas de viol puisqu’une machine n’a ni droit ni sentiment. Qui plus est, du fait de la relation intime qu’elle a entretenue avec Gina, peut-être y-t-il un fond de vengeance sexuelle dans l’histoire. Si pour les personnages de la série, les Cylons ne sont que des machines, les spectateurs/rices en revanche ont été dès le début les témoins de la volonté d’Athena et des Six de se rapprocher au maximum des êtres humains. C’est par l’intermédiaire d’Helo et Baltar et de leur réaction – Helo affolé qui vole au secours d’Athena avec Tyrol, Baltar qui libère Gina et lui donne une arme pour qu’elle aille se venger de Cain – que les spectateurs/rices considèrent ces personnages comme de « vraies » femmes.
Dans l’épisode de la ferme sur Caprica, les rôles sont inversés : les Cylons capturent les femmes survivantes et les transforment en machines à procréer, câblant des appareils dans leurs entrailles. Le viol est plus clinique, c’est l’asservissement des femmes à leur corps voué à ne plus remplir qu’une seule fonction, celle de la reproduction.
Des « machines à bébé ».
Procréation, survie de l’espèce et maternité
Après l’extermination de pratiquement tous les habitants des Douze Colonies, la question de la survie de l’humanité se pose forcément. La série aborde ainsi le sujet du droit à l’avortement. La Présidente Roslin, à contrecœur, annonce que l’avortement sera interdit : chaque enfant serait capital lorsque l’espèce ne compte plus que quelques dizaines de milliers d’individus. La procréation est un enjeu majeur. Mais est-ce que le fait d’interdire les avortements constitue vraiment une politique viable d’encouragement à la procréation ? L’argument anti-avortement est d’autant plus pervers qu’il est mis dans la bouche d’une féministe avérée, Roslin, qui a combattu toute sa vie pour les droits des femmes et qui finalement capitule. Lorsque la survie de l’espèce est en jeu, la femme doit renoncer à ses droits sur son corps et se retrouve asservie à l’espèce. Les auteurs du scénario n’ont pas introduit l’idée d’interdire la contraception ou une description d’une vraie politique qui favoriserait par exemple les couples ayant des enfants. Les raisons qui motivent l’interdiction sont de la plus haute importance puisqu’elles touchent à la survie de l’espèce et pourtant le scénario se contente de parler de l’avortement. L’écho de cet argumentaire dans notre société actuelle est problématique : tout à fait anti-féministe, il projette l’idée qu’en donnant trop de contrôle aux femmes sur leur corps, l’avenir de l’espèce peut être mis en danger. [3]
La question de la procréation est aussi centrale pour les Cylons qui, une fois privé-e-s du hub de résurrection, sont incapables de se reproduire. Deux grossesses sont ainsi au premier plan de l’intrigue : celle, malheureuse, de Caprica Six et Saul Tigh (un enfant 100% cylon) et celle d’Athena qui mettra au monde Hera, la première enfant moitié humaine, moitié cylonne : la « Mère de l’humanité », pour faire référence au titre de l’épisode final.
Six et Baltar contemplant dans un berceau l’avenir de l’humanité et des Cylons.
La série met en scène un certain nombre de femmes qui élèvent seules leur enfant, le père étant absent de la famille ou en tout cas hors du champ de la caméra : Maya, la mère adoptive d’Hera, Jeanne qui demande à Baltar de sauver son fils malade, la mère du jeune homme originaire de Sagitarron qui meurt de maladie, la mère de Kacey, une fillette enlevée par les Cylons. Tyrol laisse souvent Cally seule avec leur fils que ce soit parce qu’il est engagé dans la résistance sur New Caprica ou parce qu’il se désengage du couple. Un seul exemple, assez original, met en scène un père seul au commande : lorsque Cally meurt, Tyrol se retrouve à élever celui qu’il pense être son fils. En découvrant que c’est Hotdog le vrai père, le scénario met en scène les deux hommes face à l’enfant. A un Hotdog désemparé (« J’y connais rien moi, au rôle de père. »), Tyrol répond, verbalisant le malaise du rôle qu’il a eu du mal à jouer durant les dernières années : « C’est chiant. Mais des fois c’est loin de l’être. » La série semble suggérer que le manque d’implication de Galen auprès de l’enfant semble être dû au fait qu’il ne s’agissait pas de son vrai fils (ce qu’il aurait instinctivement senti). Qu’importe le temps et l’amour qu’il lui a consacré : c’est à son « vrai » père, c’est-à-dire son père biologique qu’il revient la responsabilité d’élever l’enfant. Galen ne semble rester qu’en raison de l’inexpérience de Hotdog.
Au chevet de son fils, c’est l’heure de la « leçon de paternité » pour Hotdog.
Cet instinct paternel reste bien maigre en rapport de « l’instinct maternel » mis en scène. Dans le couple Agathon, c’est Athena qui a l’intuition qu’Adama a tué sa fille Hera. Une force la meut quand elle sait qu’elle est vivante et aux mains des Cylons – elle n’hésite pas à mourir pour se retrouver sur le vaisseau Cylon grâce au téléchargement de sa mémoire dans un nouveau corps. Elle a des visions du danger que court sa fille dans le rêve final à l’Opéra. Les émotions, que soit la colère ou l’accablement et le désespoir le plus profond, s’expriment avec beaucoup plus de violence que chez son mari Helo. Quant à Saul Tigh, il préférerait renier épouse, maîtresse et enfant à naître pour rester avec son ami Adama.
Sur New Caprica, c’est en éveillant un sentiment maternel chez Kara (en lui faisant croire qu’elle est la mère d’une petite fille Kacey) que Leoben Conoy arrive à toucher la jeune femme prisonnière, à casser ses défenses. Non pas que le processus soit immédiat : Starbuck est d’abord très méfiante, male à l’aise avec l’enfant. La déception de Kara, lorsqu’elle apprend de retour sur le Battlestar que Cassie n’est pas sa fille mais une enfant enlevée à sa mère au début de l’occupation, est bien visible mais intériorisée. Mais les effets s’arrêtent là : un instinct maternel ou une envie d’enfant ne constituera pas, dans la suite de l’histoire, une quelconque motivation ou recherche de la part de la jeune femme : ce n’est pas ainsi que se réalisera Starbuck. En fait, les femmes qui ont un vrai pouvoir – Roslin, Cain – n’ont pas d’enfant, même si la relation entre Roslin et Billy pourrait être rapprochée d’une tendresse mère-fils.
A la recherche de l’essence de l’humanité : amour et mort
Les Cylons sont des créatures humanoïdes physiquement quasiment indiscernables des humains. Cherchant leur destinée, leur humanité, ils jouent le rôle, plus ou moins clair, de révélateur. Ce qui représente une barrière entre condition Cylon et humaine, ce qui est présenté comme l’apanage de l’organique sur la machine, c’est l’amour et la reproduction (en tant que survie de l’espèce mais surtout production de nouveaux individus). Les Cylons sont des ennemis immortels qui « gagnent » leur mortalité lorsqu’à la dernière saison, les rebelles et la flotte détruisent le hub de résurrection. D’abord machines impitoyables, puis humanoïdes qui connaissent le privilège de la résurrection et la liberté, ils se rapprochent peu à peu des humains – ils aiment, ils se rebellent, ils ont des enfants – jusqu’à se fondre avec eux en un seul peuple sur la nouvelle Terre. La Six Natalie, cheffe de la rébellion Cylon, s’adressera en ces mots au Quorum : « Nous avons commencé à sentir l’impression du temps. […] Pour que notre existence ait une quelconque valeur, il faut qu’elle se termine. »
Les Cylons sont arrivés à la conclusion que c’est la mort qui donne leur complétude aux humains. Dans la série, ceux ou plutôt celles qui recherchent le plus ardemment cette « humanité » sont les modèles féminins : Athena et Caprica Six passent par l’expérience de l’amour avec un être humain et la maternité. Leoben ou D’Anna sont plutôt obnubilés par leur recherche mystique et la percée de certains mystères. Le dieu unique des Cylons les « aiment tels qu’ils sont ». En revanche, les modèles Cylons masculins restants sont cyniques, froidement rationnels et particulièrement réfractaires à ces expériences.
Parallèlement, dans l’épisode 8 de la saison 4, Roslin est mise face à elle même. Dans une vision ou une manifestation de son subconscient, la prêtresse Elosha, la guide spirituel de Roslin décédée pendant la première saison sur Kobol, remet les pendules à l’heure. Elosha pointe du doigt le manque d’amour et de compassion de Roslin qui s’est isolée dans sa fonction politique. Femme de pouvoir qui a bien vécu sa vie, Roslin n’en est plus à chercher aveuglément un idéal amoureux. L’amour est plutôt représenté comme nécessaire à l’être humain pour que son âme ne se dessèche pas. « Peut-être y a-t-il quelque chose pour moi là-bas » dit alors Roslin en pensant au Galactica et à Adama : minée par le cancer, Roslin reprend espoir dans la vie. William Adama, quant à lui, connaissait depuis longtemps ses sentiments envers Roslin : « Pas trop tôt » dit-il à Roslin lorsqu’ils se retrouvent et s’embrassent finalement. Dans ce couple, Adama était celui à l’écoute de ses sentiments tandis que Roslin était isolée par le pouvoir et la maladie : encore une fois, Adama apparaît comme la personnalité qui est la plus équilibrée au pouvoir, la plus humaine (cf. la première partie de cette analyse qui approfondit le comportement au pouvoir des principaux leaders).
L’échec du progrès
Les Douze Colonies sont un monde technologiquement plus avancé que le nôtre (ce qui participe à la surprise du dénouement final de la série qui situe temporellement l’histoire par rapport à la nôtre). Ce monde connaît la physique nucléaire, les voyages spatiaux avec un système de propulsion qui permet de passer d’un point à un autre de l’univers par un trou de ver. Et bien sûr il a donné naissance aux Cylons, des super robots si évolués qu’ils ont finalement fait sécession. Le représentant de cette science est le docteur Gaius Baltar. Baltar est un personnage ambivalent par bien des aspects. De scientifique reconnu et médiatisé sur Caprica avant l’attaque des Cylons, il devient Président, puis dissident politique, puis gourou d’une nouvelle religion – celle des Cylons qui croient en un dieu unique – pour finir par revenir à ses sources qu’il a toujours cherché à fuir : un homme de la terre, un fermier comme son père. Baltar est un véritable génie : ses connaissances couvrent la physique nucléaire, l’astrophysique, la médecine, la biologie, l’informatique. Il est l’un des plus grands cerveaux de son temps.
Les autres scientifiques du Battlestar comptent Felix Gaeta et ses connaissances en navigation spatiale et en informatique, le médecin en chef de l’armée Dr Cottle, un médecin civil. Le Cylon spécialiste en médecine est un modèle Quatre, Simon. Dans le monde scientifique, les cerveaux sont tous masculins même s’il faut compter avec les techniciennes – subalternes – du vaisseau dont fait partie Cally, les pilotes d’avions qui ont certaines connaissances techniques de leurs machines (Kara bricole un vaisseau Cylon pour s’extirper du sol d’une planète) et les infirmières. Et bien sûr l’ensemble des Cylons, un peu à part étant donné leur nature de machine : par exemple, Sharon Agathon se connecte directement au système informatique du Battlestar pour envoyer un virus aux attaquants Cylons. Dans l’épisode final, Dr Cottle veut participer à la dernière expédition pour récupérer Hera aux mains des Cylons. Mais Adama oppose son veto : la flotte ne peut pas se permettre de perdre un médecin. C’est donc Layne Ishay, une femme infirmière qui a notamment sauvé Adama lorsque Boomer lui a tiré dessus (et dont on peut manifestement se passer donc) qui assurera, et avec professionnalisme, les responsabilités de l’infirmerie pendant l’assaut final.
La science est certes masculine, mais elle a montré ses limites. Le progrès technologique, symbolisé par les Cylons, représente un péril : c’est ce qui a mis en danger l’humanité toute entière. La force de frappe nucléaire s’est finalement retournée vers ses maîtres, a provoqué la fin d’un monde et d’une civilisation. Sur le Battlestar Galactica, un vieux vaisseau bien obsolète en comparaison du Pegasus, Adama interdit la mise en réseau des terminaux informatiques pour éviter une compromission générale des systèmes à la suite d’une attaque informatique cylon, quitte à perdre en puissance de calcul. Les survivants renoncent in fine à toutes leurs avancées scientifiques et technologiques pour repartir à zéro sur la nouvelle Terre. La note finale de la série montre le développement menaçant de la technique terrienne et en particulier de la robotique : « All of this has happened before, all of this will happen again » (« Tout ceci est déjà arrivé, tout ceci arrivera encore »).
Religion et mysticisme : le terrain de l’irrationnel féminin
La religion prend une place très importante dans la série. Face à l’échec de la technologie après la destruction des mondes, il n’est pas étonnant de voir surgir un regain d’intérêt pour la religion. C’est même le moteur principal de l’intrigue et c’est ce qui assure incidemment l’importance de certains personnages féminins : c’est en suivant les instructions du livre de la Pythie que la flotte pourra rejoindre la planète légendaire Terre. Une aura imprégnée d’ésotérisme et de mysticisme habite ainsi un certain nombre d’épisodes de la série.
Ce monde religieux, irrationnel est majoritairement féminin. Laura Roslin est la cheffe mourante qui conduira la flotte vers la Terre dont parlent les écritures. Côté Cylon, c’est D’Anna qui par des expériences mystiques cherche à percer le mystère des 5 Cylons finaux. Kara Thrace accepte sa destinée, gouvernée par on ne sait qui, et prendra la figure d’un ange envoyé pour guider la flotte vers sa destination finale. Deux femmes ont un don de prescience ou de voyance qui vont aider respectivement D’Anna à trouver Hera et Kara à accepter sa destinée. C’est une prêtresse, Elosha, qui guide spirituellement Roslin dans ses visions. Les Six et les Trois (D’Anna) sont particulièrement versées dans la spiritualité. C’est l’alter ego Six de Baltar qui l’initie à la croyance d’un dieu unique et c’est une communauté religieuse majoritairement féminine (en tout cas au début) qu’il l’accueille après son procès. La vision finale de Roslin, Caprica Six et Sharon est centrale au dénouement de l’intrigue mais encore une fois exclusivement féminine. Certes Baltar apparaît dans ses visions : mais il ne les partage pas, il les subit comme il subit bon nombre des péripéties qui lui arrivent. Galen Tyrol, dans l’épisode « The Eye of Jupiter », est fasciné par l’édifice qu’il découvre et son aura mystique, mais le sens et la fonction du bâtiment lui resteront hermétiquement fermés.
La communauté religieuse qui accueille Baltar.
On retrouve ainsi le motif d’un mystère féminin, d’une liaison sacrée entre l’Univers et les femmes : les femmes font partie intégrante de la Nature. Soumis à ses lois parfois incomprises, les femmes sont privées d’une partie de leur libre arbitre : toute sa vie, Kara Thrace est soumise à l’idée de cette destinée qui gouvernera totalement le personnage à partir de la fin de la troisième saison. Si les femmes savent les décisions qui doivent être prises, elles sont bien incapables d’en expliquer les raisons précises : Kara sait où se trouve la Terre mais n’en connaît ni les coordonnées ni le chemin pour s’y rendre. Les femmes fournissent par ce biais des motifs d’action aux hommes : Adama, et donc la flotte, décide de suivre Roslin sur Kobol ou donne un vaisseau à Starbuck pour qu’elle retrouve la Terre. Parce que les hommes sont aux commandes des ressources logistiques et militaires, ils peuvent bloquer l’action ou au contraire la relancer. C’est encore Kara qui convainc Lee devenu Président que les quatre Cylons lui ont montré le chemin vers la Terre. Dubitatif par le fait que tout soit orchestré par une puissance étrangère lorsque Kara lui expose ses convictions, c’est lui qui fait progresser l’histoire en proposant une alliance aux Cylons – une première ! – pour rejoindre la Terre ensemble.
Les modèles Cylons féminins aussi partagent ces visions mystiques : D’Anna est obsédée par l’identité des cinq Cylons finaux, les Six sont très religieuses et les Huit semblent suivre les Six sur ce sujet. Le Deux Leoben Conoy, obsédé par Kara, est lui aussi mystiquement inspiré. Les Un au contraire sont très rationnels et méprisants de ces croyances. Si l’un d’eux apparaît en prêtre sur le Battlestar, c’est pour utiliser la position socialement stratégique que lui confère cette fonction. La Six des visions de Baltar est l’envoyée de Dieu. On pourra remarquer que si ce dieu unique est masculin, puisqu’on y fait référence en tant que « Père », ses « anges » prennent eux des formes aussi bien féminines que masculines (et ne sont pas des formes supposément androgynes mais représentées par des formes masculines).
Une nouvelle ère : vers un patriarcat terrien
On voit bien, à l’issue de cet exposé, que la série navigue entre deux eaux. Le pouvoir civil est tenu entre les mains d’une femme, la Présidente Laura Roslin, et le gouvernement est paritaire. Le monde militaire, en revanche, est dominé par les hommes qui sont aux commandes des postes clés. Les femmes sont loin d’être des personnages faibles et passifs : ce sont des combattantes qui n’hésitent pas à recourir à la violence, entre elles ou face aux hommes. Sexe et séduction sont traités selon plusieurs approches en fonction des personnages: certaines utilisent le sexe comme d’une arme, d’autres comme un moyen de détente ou d’amusement. La nudité à l’écran touche aussi bien les femmes que les hommes. Le scénario a le mérite de dépeindre des femmes aux caractères forts, qui ont de la valeur pour leurs compétences et non leurs atouts physiques. Ceci participe à produire une image positivement et explicitement féministe : l’univers dans lequel évoluent les hommes et les femmes du Battlestar semble égalitaire. Les hommes peuvent être faibles, les femmes fortes – et inversement. Tout comme les « méchants » ont parfois raison et les « gentils » ont tort car rien n’est jamais manichéen dans Battlestar.
Starbuck a mis KO Hotdog.
C’est bien cette série que Dirk Benedict, dans son texte « Lost In Castration » [4], dépeignait avec virulence comme la conséquence d’une guerre gagnée contre la masculinité :
« Witness the « re-imagined » Battlestar Galactica. It’s bleak, miserable, despairing, angry and confused. Which is to say, it reflects, in microcosm, the complete change in the politics and mores of today’s world as opposed to the world of yesterday. »
« Contemplez le monde ré-imaginé de Battlestar Galactic. Il est pessimiste, pitoyable, désespérant, en colère et perdu. C’est-à-dire qu’il reflète, dans un microcosme, le changement radical dans la politique et dans les mœurs du monde aujourd’hui à l’opposé du monde d’hier.»
Et pourtant, bien des éléments soulignent les limites féministes de la série : la mort de quasiment toutes les héroïnes féminines ; l’exclusion des femmes des domaines scientifiques ; l’asservissement de leur corps à la Nature que ce soit pour assurer la survie de l’espèce dans la reproduction ou pour guider les hommes sur les traces de la Terre en transmettant les instructions d’un au-delà ; les violences sexuelles réservées aux femmes, le traitement du personnage de Cain et de Gaeta qui expose l’homophobie de la série ; l’absence d’amitié féminine durable. Le monde de Battlestar Galactica est violent, militaire. Le scénario semble faire gagner les valeurs de l’amour et de la coopération entre Cylons et êtres humains, mais l’usage de la force et la suprématie militaire ne sont jamais remis en cause. Les femmes gagnent leur place en se montrant aussi solides et violentes que les hommes, sinon plus, ou alors en les manipulant/dominant par le sexe.
On pourrait éventuellement « expliquer » ces limitations par le fait que le scénario doit créer des ponts entre notre société et celle des douze colonies – parce que Battlestar Galactica raconte l’histoire de nos origines. L’histoire étant un cycle infini, il est possible d’envisager cette régression d’une société égalitaire (ou presque) vers une société patriarcale. Les modèles Cylons féminins cherchent leur humanité, leur place auprès des humains : ce sont les Six et les Huit qui ont le plus souvent recours à une attitude féminine « traditionnelle ». Caprica Six est la femme fatale qui séduit Baltar pour obtenir les codes nucléaires. Boomer est la séductrice et la traitresse. Athena est la mère, que Helo épargne initialement parce qu’elle porte son enfant. Ellen joue allègrement de ses charmes pour manipuler la gente masculine. Or à la fin de la saga, parmi les héroïnes, ce sont justement ces femmes qui ont survécu. Le dernier dialogue entre Helo et Athena sur Terre laisse un arrière-goût un peu amer :
Helo : Il y a beaucoup de gibier sur cette planète. Tu sais que je suis très grand chasseur.
Athena : (rires) Ah oui ! C’est ça !
H : Qu’est-ce qui te fait rire ?
A : Le cerf, sur Caprica… !
H : Arrête, c’est pas juste ! N’écoute pas maman. Papa est un grand chasseur.
A : Non, c’est maman qui t’apprendra à chasser. La vraie chasse. Et je vais aussi t’apprendre à construire une maison, à planter des graines.
H : Maman t’apprendra ça, mais c’est papa qui t’apprendra la chasse.
Papa t’apprendra à chasser, maman à construire une maison et faire pousser des graines : l’ordre des choses à venir.
La race humaine et la race cylonne, après une odyssée dans l’espace, se posent enfin sur Terre. Leur survie est assurée : une nouvelle ère commence. Une ère qui préfigure l’avènement d’une société patriarcale dans laquelle les mères s’occupent de la maison et du jardin tandis que les hommes vont à la chasse.
Arroway
EDIT
EDIT du 15/09/2013: Comme il a été souligné dans certains commentaires, une autre relation homosexuelle est mise en scène dans les webisodes « The Face of The Enemy », prenant place chronologiquement à la saison 4 avant la tentative de coup d’état de Felix Gaeta. Le webisode 1 révèle que Gaeta et Louis Hoshi ont une relation amoureuse, et de manière plus explicite que dans Razor puisqu’on les voit s’embrasser à l’écran. Des flashbacks montrent aussi comment, sur New Caprica, Gaeta et une Huit ont entretenu une relation qui s’est soldée par la trahison de la Cylon (suivant le modèle de Boomer dans le schéma de séduction/manipulation). S’il est positif de voir prêter à deux personnages importants de l’intrigue des inclinaisons homosexuelles, on ne pourra s’empêcher de remarquer que chacun des deux cas est mis en scène dans des épisodes annexes à la série principale et n’est pas explicité au-delà. Tout comme Cain est diabolisée, Gaeta prend finalement une figure de double-agent et de traître, déjà esquissée pendant les épisodes sur New Caprica. C’est le traumatisme de sa relation avec la Huit qui motivera sa haine des Cylons et sa tentative de coup d’état, que ne viendra tempérer ou empêcher à aucun moment sa relation avec Hoshi. La série a donc, certes, le mérite de montrer de relations homosexuelles à l’écran mais on peut objecter sur le traitement qu’elle en fait.
Notes
[1] « Chauvinist Pigs in Space », Juliet Lapidos : http://www.slate.com/articles/double_x/xxfactor_xxtra/2009/03/chauvinist_pigs_in_space.html
[2] « The Men Who Make Battlestar Galactica Feminist », Analee Newitz (en réponse à l’article de Lapidos répertorié ci-dessus) : http://io9.com/5165920/the-men-who-make-battlestar-galactica-feminist
[3] Pour un panorama du traitement du sujet de l’avortement dans les séries américaines, on pourra se reporter à l’article d’Amandine Prié : http://feuilletons.blogs.liberation.fr/series/2011/02/lavortement-dans-les-s%C3%A9ries-am%C3%A9ricaines.html
[4] « Lost In Castration », Dirk Benedict : http://www.dirkbenedictcentral.com/home/articles-archive.php
Autres articles en lien :
- Battlestar Galactica : une odyssée féministe semée d’embûches (I)
- Contact (1997) : une femme dans les étoiles
- Le Visiteur du Futur : le poids de la fin du monde sur les épaules
Bonjour,
Quel pavé pour une série qui le méritait largement ! Je suis néanmoins un peu surpris par la taxation d' »homophobie ».
D’abord, ce n’est pas le seul cas d’homosexualité, alors que vous le décrivez comme tel, il y a également le cas de Félix Gaeta et de Louis Hoshi, dont le couple est certes moins central, mais pose des implacations absolument saisissante si on s’y attarde (sans doute qu’il aurais été préférable que ce soit le scénario qui s’y attarde, et non qu’on réfléchisse soit même aux implications hors caméra)
Ainsi est t’il posé que Gaéta entretienne une relation homosexuel avec Louis Hoshi (et c’est dit explicitement dans la série, c’est étonnant que vous l’ayez raté). Par contre, on retrouvera plus tard le même Louis, après la rébellion fomenté par Félix, se laisser guider par Adama père dans la reconquête du pouvoir.
On en conclu donc que 1: Louis n’était ni au courant, ni complice des intentions de Gaeta.
2: Qu’en toute logique il a prit fait et cause contre son amant, et le scénario ne nous montre aucune reflexion, ni aucun doute.
Pire: il est explicitement dit que seul Baltar rend visite à Gaeta dans sa prison. Ce qui signifit que l’ex-amant ne fait preuve d’aucune curiosité quant aux agissements de celui qui partagait son lit
Encore une fois, ces trois points sont quasiment des extrapolation, vu qu’à part la pose explicite de la relation homosexuelle rien de plus n’est dit.
Il me semble également qu’à la toute fin, un Un entretient une relation avec un Quatre.
Malgrés la mauvaise pub de Cain et de Gaeta, parler d’homophobie me semble un peu exagéré. Certes ces relations tournent de la trahison, et souvent autours de personnage trouble. On peut aussi s’étonner de retrouver Gaeta en relation avec un homme, alors que sa précédante relation était avec une femme… relation qui a mal tourné ceci dit, et l’orgine de sa haine pour les cylons… A se demander si ce n’est pas un traumatisme qui l’aurais pousser à « changer de bord ».
Pourtant, l’homosexalité n’est pas évité. On en parle. Une fois vraiment, une seconde fois alors qu’un bon morceau reste caché, et une troisième fois alors que ca sert d’élèment de background sans impact réel sur le scénario.
D’abord, si un couple, homosexuel ou non, est central dans une intrigue, c’est qu’il va poser problème. Le spectateur ne perd pas de temps à se pencher sur un couple sans histoire. Ensuite comme dit plus haut, on évite pas le sujet, et ca ca fait plaisir.
Personnellement, pour l’histoire de Caine, c’est de la vengeance que je voit dans le traitement de la 6, tout simplement.
Bonjour Victo,
la relation de Gaeta avec Hoshi n’a pas été abordée pour la bonne raison que… je n’ai pas vu la mini-série diffusée sur Internet. On pourrait d’ailleurs remarquer au passage que les 2 relations homosexuelles mises à l’écran le sont en dehors des séries « officielles » (la relation de Cain étant traitée dans Razor) et qu’elles n’arrivent qu’à la saison 4 ^^ (mieux vaut tard que jamais… !) Pour la relation entre un Un et un Quatre, j’avoue ne pas trop voir la référence…
D’abord, si un couple, homosexuel ou non, est central dans une intrigue, c’est qu’il va poser problème. Le spectateur ne perd pas de temps à se pencher sur un couple sans histoire.
Que veut dire « poser problème » ou « sans histoire » (est-ce qu’un tel couple existe même d’ailleurs dans la vraie vie). Parle-t-on de problèmes au sein du couple ? De problèmes qui impactent l’intrigue à un niveau plus général ? Par exemple je ne considère pas le couple Cally/Galen comme essentiel à l’intrigue (pas comme celui d’Athena/Helo par exemple), tout comme les épisodes de l’amour impossible entre Lee et Kara prennent une bonne place à l’écran simplement pour le plaisir de suivre ce genre de rebondissements sans fin. Je trouve que tous les couples hétérosexuels avec des personnages majeurs de la série occupent une bonne place à l’écran, avec des scènes amoureuses/sexuelles plus ou moins explicites.
A l’inverse, la relation entre Cain et Gina est mise en scène par un simple pressement de la main de Gina sur le bras de Cain à un dîner et à quelques échanges de regards en public. Je trouve ça plutôt discret. Est-ce le traitement de Gaeta et Hoshi est de ce type ?
Mais le problème c’est surtout que Cain est diabolisée et que Gaeta finit en véritable traître. Dans Razor, je trouve aussi que la réaction de Kendra Shaw lorsqu’elle comprend que Cain et Gina sont ensembles est un peu bizarre : très en retenue, surprise, et dans la suite son dialogue avec Gina pourrait suggérer qu’elle ne comprend pas cette relation (explicitement, c’est parce que pour elle Cain est très « auto-suffisante », donc qu’elle ait une relation la surprend… pourquoi pas).
Personnellement, pour l’histoire de Caine, c’est de la vengeance que je voit dans le traitement de la 6, tout simplement.
Le côté que je qualifie d’homophobe, ce n’est pas que Cain traite Gina de cette manière (j’ai d’ailleurs écrit dans la partie I que c’était de la vengeance à mon sens), c’est que ce soit un personnage qui torture, tue, sacrifie des civils – bref, nettement négatif – qui soit posé comme l’un des rares personnages non-hétérosexuels de la série.
Après une courte recherche, il semblerais qu’effectivement ces infos proviennent de la web série. Perso, je n’ai pas revu la série depuis sa fin, ce qui explique les mélanges ^^
Tenez, on en sait plus ici:
http://battlestar-galactica.hypnoweb.net/personnages/personnages-secondaires/cic/louis-hoshi.124.811/
Je m’abstiendrais dans dire dans le détail comment on comprend la relation entre ces deux là, vu que vous voulez quelque chose de pointu et de précis, et que mes souvenirs ne sont pas fiables, tout ce que je peut vous dire, c’est que c’est explicite.
Ce que je veut dire par poser problème, c’est que « Roméo et Juliette » ca ne c’est pas bien passé. Et bien sûr les histoires d’amour ne sont pas toutes centrales, mais hormis Cally/Gallen, vous m’avez rafraichis la mémoire concernant Appolo/Starbuck, que j’avais complètement zappé, alors que ce sont deux persos principaux ! Cally, perso très secondaire, m’a plus marqué dans son approche de Gallen, puis dans la situation qui a suivi.
« Mais le problème c’est surtout que Cain est diabolisée et que Gaeta finit en véritable traître. »
Vous l’avez dit vous même: rien n’est manichéen dans BSG. Surtout c’est étrange de s’entendre dire que le problème n’est pas qu’ils soit gays, mais gays et méchants… Ils n’ont pas le droit d’être gay si trop méchant ? Et vice versa ? Qu’en est t’il de Hoshi dans ce cas ?
Ceci dit, je suppose que vous connaissez le lien entre les 12 modèles de cylon, les 12 Seigneurs de Kobol, et les 12 divinités olympienne grecques ? Si je ne suis pas sur de toute les corrélation, celle d’Aphrodite/Six me semble idéal. Du coup… Hey bien c’est le Cylon qui use de la séduction… Bien sûr les 8 le font aussi, mais de façon bien moins marqué…
Bref… C’était une Six qui devait séduire dans le but de manipuler. Aurais t’il fallu que Cain soit un homme ?
Vous l’avez dit vous même: rien n’est manichéen dans BSG. Surtout c’est étrange de s’entendre dire que le problème n’est pas qu’ils soit gays, mais gays et méchants… Ils n’ont pas le droit d’être gay si trop méchant ? Et vice versa ? Qu’en est t’il de Hoshi dans ce cas ?
C’est la proportion qui gêne un peu. C’est comme pour les personnages féminins qui meurent : ce n’est pas gênant qu’elles meurent, se suicident etc. Ce qui l’est c’est qu’elles sont quasiment toutes mortes à la fin alors que les personnages majeurs masculins sont vivants… Pour les gays/lesbiennes c’est pareil. Certes il y a Hoshi, mais comme dans la série « officielle » on ne remarque pas grand’chose sur ses inclinaisons, et que d’après ce que vous expliquez dans le premier post, il ne semble pas très proche de Gaeta dans la suite… Bref, je ne peux pas m’aventurer plus loin sur son sujet, n’ayant pas vu les épisodes concernés 🙂 Ceci dit, je crois que je vais ajouter un edit en fin d’article pour mentionner la relation entre Gaeta et Hoshi, pour plus d’exactitude.
Ceci dit, je suppose que vous connaissez le lien entre les 12 modèles de cylon, les 12 Seigneurs de Kobol, et les 12 divinités olympienne grecques ? Si je ne suis pas sur de toute les corrélation, celle d’Aphrodite/Six me semble idéal. Du coup… Hey bien c’est le Cylon qui use de la séduction… Bien sûr les 8 le font aussi, mais de façon bien moins marqué…
Le chiffre douze se réfère explicitement aux 12 signes du Zodiac qui n’ont pas, je crois, de lien avec les 12 divinités olympiennes. On parle de la flèche d’Apollon, d’Athena, etc, c’est peut-être de là que vient la confusion.
J’ai lu ça et là que les 12 colonies pouvaient faire référence aux tribus juives, etc. Mais je ne crois pas que les 12 modèles Cylons correspondent aux douze divinités olympiennes (à voir si on peut faire les identifications, mais à vu de nez ça me parait tendu).
Bref… C’était une Six qui devait séduire dans le but de manipuler. Aurait-il fallu que Cain soit un homme ?
Je ne suis pas sûr de voir là où vous voulez en venir… ?
Parlant de la proportion de personnages qui meurent, c’est un peu lointain pour que je me rappelle de tout le monde mais j’ai l’impression que la série n’est pas tendre non plus avec les personnages non-blancs, je me trompe ? On perd Dee, Tory, Gaeta (ces deux-là font en plus preuve de trahison/sournoiserie avant de mourir), Athéna survit mais Boomer et un bon paquet de modèles meurent… J’en oublie ?
Ah ouais, carrément et on peut rajouter: Kat, Elosha (la prêtresse), Maya (la mère adoptive d’Hera), Kendra Shaw.
Et, en fait, je crois bien qu’à part Athena il ne reste que des personnages blanc-hes… :/
Merci pour l’observation, j’avais pas du tout fait attention à ça !
Vraiment ?
Ne vous êtes vous pas plaint de la jalousie d’Hélène Tigh qui se comporte en véritable Héra, Reine des dieux, et épouse de Zeus ? En l’occurrence, elle est l’épouse de Saul Tigh, Cylon le plus gradé à bord. Le même Saul Tigh qui seras qualifier de « Père » par une huit mourante.
Commençons par la plus évidente dans ce cas: Athéna, qui porte tout simplement ce nom. Pendant un long moment, elle est emprisonné par les humains, usant du seul outil qu’on lui accorde pour les aider: la parole. Elle conseille Adama père, seuls dans son bureau, une véritable déesse de la sagesse. Il est notable qu’elle est la première Cylon pro-humain de la série, tout comme la déesse Athéna a aider Prométhée a arracher le feu du ciel pour les humains, alors que Zeus les en avait privé.
Je ne sait pas ce qu’il vous faut pour ne pas voir Aphrodite en numéro 6 ^^
Cayvil ? L’origine de tout ceci… Arès le Dieu de la guerre. Il est celui qui refuse toutes forme de paix, y compris l’aliénation de new Caprica. Seul exception: le modèle de « The plan », dont la conscience ne sera pas réinjecter.
Galen Tyrol ? Héphaïstos. Il maintient le vaisseau en état.
Vous avez dit que seul les femmes poursuivaient la quête mystique. Vous avez oublié Leoben Connoy, celui là même qui inspire des visions, de ci de là, à Laura Roslin, et à Kara Thrace… Un véritable dieu des prophétie, un véritable Apollon.
Alors ensuite, ca devient plus délicat, ne serais ce que parce ce que les 12 divinités grecques sont parfois 14, la faute à Poséidon et Hadès, qui sont parfois intégré, parfois considérer comme n’habitant pas l’Olympe, donc non Olympienne. Mais franchement: la religion des humains est la religion grec. On ne ressasse que « c’est déjà arrivé, et cela arrivera encore » sous entendant que l’histoire est un cycle en éternel recommencement. Kobol était un monde ou les « dieux » et les « hommes » cohabitaient. Quel était la différence de nature entre ces deux peuples ? Ne serais ce pas là des « proto-cylon » et des « proto-humains » ?
« Je ne suis pas sûr de voir là où vous voulez en venir… ? »
Comme toujours: une histoire est raconté, et elle n’aurais pas du être ainsi, ou comme ca. On est en plein dedans, la, justement. Puisque le meilleur moyen pour un scénariste d’éviter le problème que vous soulever… c’est de ne pas l’aborder. Cain n’est pas coupable parce qu’elle est homosexuelle… Personne ne le sous entends !
Je suis d’accord sur les références à la religion greco-romaine qui essaiment la série (comment faire autrement : cette page https://en.wikipedia.org/wiki/Lords_of_Kobol est assez explicite). Je suis aussi d’accord que certains personnages sont identifiables à des dieux greco-romains. En revanche identifier spécifiquement les 12 modèles Cylons aux douze divinités me paraît tiré par les cheveux.
Ne vous êtes vous pas plaint de la jalousie d’Hélène Tigh qui se comporte en véritable Héra, Reine des dieux, et épouse de Zeus ? En l’occurrence, elle est l’épouse de Saul Tigh, Cylon le plus gradé à bord. Le même Saul Tigh qui seras qualifier de « Père » par une huit mourante.
Il y a déjà un personnage explicitement nommé « Hera » et il s’agit de la fille d’Athena et Helo…
Je ne vois pas non plus comment considérer Saul Tigh en Zeus : la Huit appelle peut-être Tigh son père mais c’est parce que chacun des derniers 5 modèles Cylons a participé à créer les 7 modèles. Dans la série c’est plutôt Helen Tigh qui se comporte véritablement comme la mère, la créatrice des 7 modèles. A aucun moment on ne peut dire de Tigh qu’il a un comportement de dieu de l’olympe : il est incapable de tenir la tête du commandement à bord du Galactica, son équipage se moque de lui, il ne multiplie pas les conquêtes au contraire de sa femme. En fait, ce serait plutôt Adama qui serait Zeus, il est d’ailleurs le père d’Apollo (Lee Adama).
Pour Athena, votre interprétation collerait. Encore ne s’applique-t-elle qu’à un seul individu, et non à l’ensemble des Huit.
Ares est le dieu de la guerre, mais une guerre violente, sauvage, physique en contraste avec la guerre stratégique et intelligente d’Athena : or s’il y a bien quelque chose qui caractérise les Un, c’est leur rationalité, leur gout de la planification, leur goût du calcul et de la ruse (The Plan).
Les Six ne sont pas que des amantes manipulatrices : elles peuvent combattre, elles sont à la tête de la rébellion des Cylons, se font élire pour représenter les Cylons au Quorum. Pas vraiment l’image que j’aurai d’une Aphrodite…
En fait c’est la même chose qu’avec Athena/les Huit : ce n’est pas un modèle qui est identifiable à une déesse/un dieu, c’est un individu.
Vous avez dit que seul les femmes poursuivaient la quête mystique. Vous avez oublié Leoben Connoy,
Non, relisez ce que j’ai écrit dans la partie qui traite de ce sujet : je ne dis pas que seules les femmes ont des expériences mystiques, je dis que ce sont « majoritairement » des femmes, et surtout je parle bien de Connoy, ainsi que de Galen et de Baltar.
Kobol était un monde ou les « dieux » et les « hommes » cohabitaient. Quel était la différence de nature entre ces deux peuples ? Ne serais ce pas là des « proto-cylon » et des « proto-humains » ?
Les hommes vivaient sur Kobol avec leurs dieux (gréco-romains donc). Ils y ont créés les Cylons (qui plus tard ont formé la 13e colonie). Il ne s’agit donc pas des dieux Cylons et de son peuple humain…
Pour moi les 13 colonies (en comptant la terre qui est désignée comme mythique 13e colonie dans le pilote) faisaient référence aux 13 colonies qui furent a l’origine des Etat Unis d’Amerique.
De très nombreuses références en début de série donnent l’impression que toute l’humanité se résume aux USA (fonctionnement fédéral, le vaisseau du président qui se nomme « Colonial One », le nombre des colonies, mode de vie libéral capitaliste…).
Au début je balançait entre voir ça comme un tropisme culturo-centré des auteurs Etatsuniens ou comme une représentation volontaire de l’humanité du futur comme toute entière ralliée au bon mode vie Américain (la « fin de l’histoire » de Francis Fukuyama?). Mais la fin venant situer chronologiquement la série a l’époque de cro-magnon, je ne sais qu’en penser.
Cet aspect patriotico-chiant (pour le spectateur non Etatsunien ^^) s’efface heureusement assez vite.
Ah oui, c’est bien vu pour les 13 colonies.
J’ai l’impression que le mode de vie américain, capitaliste, etc, est surtout présent sur Caprica. Dès qu’on parle un peu plus des autres planètes, on trouve d’autres modèles. D’ailleurs il y aurait matière à analyser les cultures et les rapports de force entre chacune des colonies. Il y a le racisme envers les Sagitterons par exemple, et puis la nette domination de Caprica sur les autres… On en revient à parler du tropisme etatsunien, ça serait un bon angle d’analyse à développer 🙂
De fait, on a déjà reproché à cette série de faire un abus de symbolisme.
On est en plein dedans, avec tout ce qu’on peut faire de ce 12+1
ahah ! perso, j’avais lu quelque part les douze tribus de Kobol pour les douze tribus juives. Mais bon, on en fait pas grand chose… Le nombre 12, on peut le retrouver à toutes les sauces ^^
Ah, et j’oubliais la prestation de serment de Roslin, avec la main levée et sur le livre sacre, qui fait très américain aussi.
Et le fait qu’elle le fasse a bord de Colonial One m’a vachement fait penser a la prestation de serment de Lyndon Johnson a bord d’Air Force One après l’assassinat de Kennedy.
Sur l’avortement: il ne s’agit pas d’un asservissement de la femme. Il ne faut pas exagérer. L’argument libéral selon lequel on peut tout faire de son corps et que l’individu passe avant le collectif, je ne suis pas d’accord avec cela. La condition nécessaire mais non suffisante de la survie d’une culture donnée passe par le nombre des individus appartenant à la dite culture. Et l’important, c’est la survie du collectif, surtout lorsque ce dernier a un futur incertain. La « femme » en question s’inscrit dans une culture menacée d’extinction. Elle a des droits mais aussi des devoirs envers ce collectif. L’ensemble des savoirs qu’elle pratique doit se transmettre aux prochaines générations… On trouverait inadmissible de faire avorter une femelle panda alors que l’espèce est en danger.
Et pour l’avortement en général, j’estime si une culture humaine est en voie de disparition, qu’il s’agit d’un crime. Si par contre, la culture humaine est en surpopulation, il s’agit d’une bonne chose. Mais l’argument libéral que l’on dispose de son corps, non, désolé, je n’y adhère pas. Le collectif d’abord.
Si l’on pousse jusqu’au bout ce raisonnement cela implique que, si la survie de l’espèce est en danger :
1) on devrait *obliger* les femmes à avoir des enfants qu’elles le veuillent ou non. Parce que oui, éviter quelques avortements par-ci par-là, ce n’est pas suffisant pour repeupler. Je l’ai souligné dans l’article: dans une société où il y a un accès à la contraception et/ou les connaissances du fonctionnement de la reproduction, le véritable enjeu n’est pas d’éviter des avortements, c’est d’encourager les naissances. Dans une région qui est menacée d’être ensablée, il ne suffit pas d’interdire de couper les arbustes : il faut en replanter pour regagner du terrain.
2) Mais si on oblige les femmes à avoir des enfants, alors cela signifie aussi de les obliger à avoir des rapports hétérosexuels non consentis. Donc si je vais jusqu’au bout : parce que le collectif est en danger, on autoriserait et encouragerait le viol ? Ben oui, si on nie le droit des femmes à refuser une grossesse et un enfant, on peut tout aussi bien lui nier son droit à refuser des rapports hétérosexuels.
Elle a des droits mais aussi des devoirs envers ce collectif.
Breaking news: voilà que rentre en scène « LA » femme, cette éternelle asservie à l’espèce, dans son rôle premier et *naturel* de Reproductrice. Tous ses droits sont niés, rien ne doit lui permettre d’échapper à la condition de génitrice dans laquelle la société l’a placé. Cela voudrait donc dire qu’au cas où l’espèce humaine est menacée dans sa survie, elle abandonnerait tous les principes qui fondent les civilisations et les sociétés qui la composent. En d’autres mots, une sorte de retour à un état de nature, dans lequel l’espèce humaine, finalement, ne se distinguerait pas tellement de l’espèce des pandas. Cette comparaison que tu fais est d’ailleurs intéressante : finalement, une femelle panda ou une femelle humaine, c’est à peu près pareil. La femelle s’efface devant la grandeur de la tâche qui doit être accomplie, la femelle s’écrase afin de faire vivre l’Espèce.
Mais allons encore plus loin : dans un contexte d’extinction où l’on peut présumer que les ressources sont limitées (c’est le cas dans la série), j’imagine que les droits du « collectif » à survivre à n’importe quel prix impliquent que les « devoirs » des malades, des personnes âgées, des personnes stériles, des femmes ménopausées sont de se suicider, pour laisser plus de chances, de nourriture, d’espace, d’oxygène aux individus en bonne santé et fertiles ?
Est-ce que cela ne ressemble pas à l’extinction de la société, le contraire de ce qu’on l’on cherchait ?
Pendant qu’on y est, franchissons le pas de l’eugénisme et éliminons à la naissance les enfants handicapés, les roux et ceux qui ne sont pas blonds (j’effleure un point de Godwin, mais je résiste à la tentation), histoire d’accélérer le processus de sélection naturelle.
L’ensemble des savoirs qu’elle pratique doit se transmettre aux prochaines générations…
Je trouve cela assez intriguant que tu parles de la conservation des « savoirs » en parlant de survie de l’espèce. Parce que si c’est vraiment de la conservation du savoir dont se préoccupent les gens alors que leur survie en tant qu’espèce est menacée, il existe des modes de conservation de la connaissance (comme la gravure sur pierre) pour préserver le savoir pour quand les aliens débarqueront sur une Terre déserte, ou alors illes pourraient apprendre ce qu’illes savent aux autres espèces intelligentes vivant sur Terre (les pandas par exemple).
Et pour l’avortement en général, j’estime si une culture humaine est en voie de disparition, qu’il s’agit d’un crime. Si par contre, la culture humaine est en surpopulation, il s’agit d’une bonne chose.
Là encore, tu ne vas pas au bout des choses : « Si par contre, la culture humaine est en surpopulation, il faut tuer les enfants qui naissent dès qu’un quota par famille ou par communauté donnée est dépassé.> » Parce que de la même façon qu’interdire l’avortement n’est pas un moyen efficace de favoriser la natalité, l’autoriser n’empêchera pas les enfants d’être conçus initialement. Il faut institutionnaliser l’infanticide pour protéger l’Espèce menacée d’Extinction pour quand il n’y aura plus assez de ressources pour nourrir tous les individus.
Et même si la survie de la population n’est pas *réellement* en jeu, pourquoi n’appliquerions nous pas ces directives ? Par prévoyance. Par principe de précaution. Et puis même, pas principe tout court, puis que personne ne dispose, ne devrait disposer de son corps (ahlala, mais quelle dérive libérale).
Mais l’argument libéral que l’on dispose de son corps, non, désolé, je n’y adhère pas.
Je te propose à ce moment là de donner librement, comme tout-e bon-ne citoyen-ne en a le « devoir » de donner chacun de tes organes à des personnes qui méritent plus que toi de vivre et de respirer selon des critères définis de manière objectives par le « collectif » : plus intelligent-e, plus beau/belle, plus fort-e. Et en fait, tu n’en pas le devoir, tu en as l’obligation : parce que tu ne disposes pas de ton corps, il est la propriété de la société qui peut en disposer quand elle le veut, avec ou contre ton bon vouloir.
Le collectif d’abord. Ah oui, mais seulement si on est du bon côté de la barrière
Juste à propos des amitiés féminines, je voulais mettre en comparaison les amitiés masculine. A part celle entre Adama et Tigh, il n’y en a quasiment aucune autre, Lee et Helo se parlent peu, Gaeta est plutot isolé aussi, en fait les amitié se jouent majoritairement entre homme et femmes,elles impliquent souvent une relation amoureuse, mais surtout une vraie relation de confiance.
Lee a comme meilleur ami Kara, oui il en est amoureux, mais elle est aussi son compagnon d’arme comme de boisson.Il n’est proche d’aucun homme comme il est proche de Kara. Billy et la présidente, Hélo et Boomer/Athena (là aussi sentiment mis-à part, quand il était avec Boomer au début de la série on voit bien qu’ils sont amis, et encore une fois il n’est pas aussi complice avec aucun homme)
La seule bromance est entre Adama et son second, ce que je trouve plutot peu, même si elle n’a pas de réciproque féminine non?
C’est vrai qu’il n’y a pas tant de bromances que cela. Pourtant j’ai l’impression qu’elle prend relativement beaucoup de place à l’écran et dans l’intrigue, et que du coup ça fait ressortir son importance, et à l’opposé l’absence de relations féminines similaires.