La Marcheuse – entretien avec le réalisateur Naël Marandin
10 février 2016 | Posté par Marion sous Cinéma, Tous les articles |
Trigger warning : il sera question de violences faites aux femmes et de prostitution.
Mercredi 3 février est sorti en salle le 1er long métrage de Naël Marandin, La Marcheuse. Le film retrace le parcours de Lin Ayu, une femme sans-papier dans la quarantaine se prostituant sur les trottoirs de Belleville. Lin vit avec Cerise, sa fille adolescente, chez un vieux monsieur qui les héberge gracieusement. En échange, Lin s’occupe de lui, le soigne et lui prépare ses repas. Le quotidien de la mère et de sa fille est bouleversé le jour où Daniel, un petit caïd en fuite, s’introduit de force dans l’appartement…
Le film met en lumière les rapports de domination et d’oppression au sein de la société française mais ne réduit jamais, pour autant, son personnage à un statut de victime. Au contraire, il dresse le portrait d’une femme forte et combattive, qui se bat pour rester maitresse de sa vie.
J’ai eu l’occasion de rencontrer le réalisateur et de l’interroger sur sa façon d’envisager son travail et sur son engagement, dans ses films comme dans sa vie. Compte-rendu de nos échanges :
***
Marion : Ton film se déroule à Belleville et nous plonge dans le quotidien de prostituées chinoises. Peux-tu nous raconter comment sont nées l’idée et l’envie de faire ce film ?
Lin Ayu, une femme chinoise travailleuse du sexe sans-papier
Naël : C’est toujours difficile de dire d’où viennent les idées, c’est un long processus.
J’ai fait mes études en Chine où j’ai appris le chinois. De retour en France, j’ai voulu garder un lien avec ce pays mais aussi m’engager dans mon quartier, à Belleville, et dans la vie qui m’entourait. J’ai donc rejoint comme bénévole une mission de Médecin du Monde qui s’appelle Le Lotus Bus.
En quoi consiste cette mission ?
C’est une mission qui fait de l’accès au soin pour les femmes chinoises qui se prostituent à Paris. Par exemple, on met à leur disposition des informations en chinois sur des pratiques sexuelles sans risque, on distribue aussi du matériel de prévention, et on fait de l’accès au soin.
C’est-à-dire ?
On accompagne les femmes dans leurs parcours médicaux. Il faut savoir que ces femmes chinoises ont souvent peu accès aux soins, soit par méconnaissance, soit parce qu’elles ne maitrisent pas la langue, soit parce qu’elles sont aussi stigmatisées en tant que prostituées.
On les suit également dans leurs parcours juridiques. Ces femmes sont très souvent victimes de violence (de la part de certains clients – pas tous ! – dans la rue, etc.) et on les accompagne pour qu’elles puissent porter plainte.
La santé, c’est un terme plus polysémique qu’il n’y paraît. Pour notre mission, il s’agit de faire en sorte que les gens puissent être acteurs de leur vie. On est donc très axés sur une politique d’auto-support, d’empowerment. Les femmes doivent pouvoir devenir actrices de leur santé et surtout autonomes.
On les incite également à s’engager au sein de notre association pour qu’elles la modifient de l’intérieur et qu’elles agissent pour elles-mêmes. Un petit nombre a sauté le pas… Elles sont maintenant autant bénéficiaires que volontaires et il y a un an environ, elles ont crée leur propre association, « Les Roses d’Acier » !
Tu as l’air de très bien connaître le contexte que tu évoques dans La marcheuse. Pourquoi as-tu décidé de faire une fiction et pas un documentaire ?
La première raison c’est que je viens de la fiction. J’ai envie de raconter des histoires !
Ensuite je crois au pouvoir de la fiction, à la capacité de la fiction à créer de l’empathie et donc in fine de la compréhension par un partage du commun, du sensible. Dans mon film, je mets en scène des personnages qui sont à priori loin de « nous » – bon alors là, il faut définir le nous ! J’aurais dû dire : des personnages loin de ceux qui sont représentés généralement dans les médias… Le récit est également très loin des intrigues qu’on voit la plupart du temps sur les écrans et qui mettent en scène des blancs hétérosexuels de classe moyenne ! Bref, quand on travaille sur une forme d’altérité, il peut y avoir une barrière entre le personnage et le spectateur. La barrière peut être sociale, linguistique, culturelle, etc. Attention, je ne dis pas du tout que c’est bien ! Je constate juste le phénomène… Et cette barrière peut mettre à distance. Je crois que la fiction, parce qu’elle nous fait partager au plus près le quotidien d’un personnage, son ressenti, à le pouvoir de faire disparaître ces barrières qui ne sont au fond qu’apparentes…
Dans ton film, tu montres la prostitution de manière très frontale. D’un côté, tu n’esthétises rien mais tu ne « sur-dramatises » rien non plus. On est donc assez loin de tous les fantasmes et autres clichés que l’on peut voir fréquemment à l’écran sur la question des prostituées. Qu’est-ce que tu peux nous dire sur le sujet ?
Je me garderais bien de parler de toutes les formes de prostitution, je ne peux parler que de la situation particulière des femmes chinoises de Belleville, parce que je la connais. La première chose à savoir c’est que ce sont des femmes autonomes. Il y a beaucoup de fantasmes autour des proxénètes mais en fait ces femmes ne travaillent pas dans des réseaux. Souvent, elles sont venues seules en France. Elles viennent du nord de la Chine et peinent à s’intégrer dans la communauté Wenzhou (originaires d’une province du sud) plus anciennement installée à Paris. Elles sont sans-papier et ne parlent pas français et ont donc des difficultés à trouver un travail. Elles font le choix de se prostituer parmi les quelques rares options qu’elles ont.
Dans le quartier, il y a un business autour de la prostitution – des gens qui louent des appartements, qui vont offrir des services intermédiaires – mais il ne s’agit pas de réseaux coercitifs ou mafieux.
Cache-cache quotidien avec la police
Le film articule les trajectoires de différents personnages et met en lumière différents niveaux d’oppression, plusieurs « couches d’oppressions » pourrait-on dire : des hommes sur les femmes, des inclus sur les exclus, etc. Je pense, entre autres, à cette scène assez violente où Lin et ses amies se font mettre à la porte d’un restaurant wenzhou parce que le patron ne veut pas de « putes » chez lui, mais aussi à la scène finale où un policier force l’héroïne à lui faire une fellation en échange de son aide…
Est-ce qu’on peut dire que La marcheuse est un film sur les rapports de force au sein de la société et sur la question de l’oppression ?
Dès l’écriture du scénario, j’ai réfléchi à la façon de montrer différents types de domination (des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, des français sur les étrangers, etc.) et aussi comment ces dominations s’additionnent et sont interconnectées. Est-ce que c’est un film sur l’oppression ? Oui, je crois, mais c’est aussi un film sur la dépendance.
Qu’est-ce que tu veux dire par dépendance ?
Je m’attache à montrer qu’il y a une dépendance (économique notamment) entre dominés et dominants. On présente souvent, dans les médias, les femmes chinoises prostituées comme étant à la marge de la société… À l’inverse, une des choses que je voulais montrer c’est à quel point ces femmes sont au contraire DANS la société… Certes, elles sont dans une position très défavorable, très inconfortable, mais elles ne sont pas du tout en marge ou « en dehors »… Elles ont des liens, des relations, avec toutes les autres franges de la société. Par exemple, dans le film Lin vit chez un docteur à la retraite, sa meilleure amie, prostituée elle aussi, sort avec un flic, etc. Bref, c’est pas un « à côté », c’est un « dedans dominé »… Et c’est ça que je veux dire par le terme de « dépendance ».
C’est un film sur les rapports de force et comment ces rapports de forces viennent influencer des relations humaines particulières. Et ces rapports de force sont aussi ambivalents. Il est évident que le vieux monsieur peut employer Lin à domicile parce qu’il est riche et il y a quelque chose de fondamentalement inégalitaire dans leur rapport mais il se tisse quand même entre eux une relation plus intime. La quotidienneté crée un attachement et j’avais aussi envie de montrer cette ambivalence là.
J’ai effectivement eu l’impression que le film était très ambivalent dans le sens où le regard n’est jamais manichéen. Les personnages exercent des rapports de force les uns sur les autres mais ne sont jamais présentés et réduits à un statut de « méchants » ou de « gentils ».
Je ne fais pas ce film pour montrer du doigt, pour juger. Pour moi, si on veut essayer de comprendre quelqu’un, de comprendre une situation, il faut se défaire de tout jugement. À partir du moment où je décide que ce personnage là sera le personnage de mon film, je raconte sa vie sans poser de jugement moral dessus. J’essaie de comprendre les choix du personnage, sa rationalité, de comprendre ce qui l’a mené à se retrouver dans telle situation.
Je n’ai de jugement moral sur aucun des personnages de mon film. Ce qui m’intéresse c’est de montrer des mécanismes à l’œuvre, ce n’est pas de tenir un discours, c’est d’incarner une situation, d’en montrer les ressorts.
Des femmes unies…
Le film dresse le portrait d’une femme soumise à de nombreuses oppressions. Lin est une femme d’origine chinoise, sans papier et prostituée. Pour autant, tu ne la « victimises » jamais et le personnage marque surtout par sa force de caractère, sa détermination. J’ai également été frappée par des scènes très belles de solidarités entre les différentes prostituées du boulevard qui s’épaulent et s’entraident face à l’adversité et notamment face au machisme d’une société patriarcale.
Oui, le film pointe de nombreuses situations d’oppression mais ça me paraissait aussi important de raconter les formes de solidarité – et notamment de solidarité féminine – qui se tissent au quotidien. Bien évidemment, il y a des rivalités interpersonnelles, des animosités, elles ne sont pas des anges, mais sur le trottoir, ces femmes chinoises ne sont pas des rivales, elles sont ensemble à lutter pour leur survie. Elles se donnent des conseils, s’épaulent, partagent des informations sur les clients violents, les descentes de police…
La plupart de ces femmes chinoises viennent en France seule (c’est le cas du personnage dans le film), elles sont sans-papiers et s’il leur arrive quelque chose personne ne sera au courant… Et c’est pour ça qu’elles veillent les unes sur les autres. C’est ce que j’ai vu à Belleville et que je voulais mettre dans mon film.
… Et solidaires sur le trottoir
Du coup, te considères-tu comme un réalisateur « féministe », est-ce un enjeu important pour toi ?…
Ce que j’espère montrer dans mon film c’est que malgré les difficultés, Lin ne perd jamais son statut d’individu autonome. Elle vit dans un monde où très peu d’options s’offrent à elle, mais la limitation du nombre d’options n’annihile en rien sa capacité à juger, à faire des choix et à être actrice de sa vie.
Aujourd’hui, le terme de « féministe » est revendiqué par des gens qui ont des positions très différentes. Le féminisme d’ »Osez le féminisme » ou celui du « Collectif du 8 mars pour toutes » n’est pas du tout le même… Donc qu’est-ce que je dis si j’affirme « je suis un réalisateur féministe » ? Je ne sais pas… Le constat que je fais c’est qu’on vit dans une société où il y a toutes sortes de dominations et d’inégalités et la domination genrée est extrêmement présente. Elle traverse tous les pans de la société. Il y a autant de machisme chez les bourgeois blancs que dans les quartiers habités par des populations issues de l’immigration. Je fais ce constat et donc à travers mon film, je met ça en lumière, est-ce que c’est féministe du coup ?
Moi j’aurais tendance à dire que oui…
Et pour dérouler cette question du féminisme, il y a un autre aspect qui m’a frappé dans ton film, c’est qu’on voit une grande diversité de corps et notamment des corps qui ne répondent pas aux canons de beauté du cinéma « mainstream ». Le film s’ouvre notamment sur une très belle scène où Lin lave le corps du vieux monsieur dont elle s’occupe. Comment as-tu travaillé cette question ?
Je trouve que le traitement des corps au cinéma est souvent extrêmement genré. On déshabille beaucoup plus les femmes que les hommes, on cadre avec des plans plus larges les silhouettes des femmes pour mettre en valeur leur plastique, etc. C’était quelque chose que je voulais absolument éviter et j’ai essayé de faire attention à filmer tous les corps de la même manière et notamment de ne pas esthétiser plus certains corps que d’autres. Pas plus les corps de femmes que les corps des hommes et pas plus les corps jeunes que les corps vieux…
On revient sur cette question du non-jugement…
Tout à fait. Dans la même optique, dans les scènes de rapport sexuel, j’ai pris soin à ce qu’on voit les corps nus de mes deux protagonistes de la même manière, à les cadrer de la même façon tous les deux. Mais attention! Le non-jugement ne veut pas dire qu’on ne prend pas position. Avec ce refus du jugement, je choisis mon camp !
Puisqu’on parle des acteurs-rices, peux-nous parler de ton casting ? Il s’agit pour la plupart de non-professionnel.les ou bien d’acteurs-rices peu connu.e.s du grand public. Est-ce que la question de prendre des acteurs « célèbres » s’est posée ? Et comment y as-tu répondu ?
Il y a un enjeu économique énorme sur la question du casting… Faut en avoir conscience ! Quand on monte un film, on chercher des financements et il faut donc rassurer les financeurs sur le fait qu’on va faire des entrées et la présence d’un casting est un élément très important pour ça… Donc ne pas prendre de casting connu, c’est aussi prendre le risque d’une moindre visibilité.
Pour autant, je ne voulais absolument pas d’une top modèle qui marche sur les trottoirs de Belleville. Je voulais ancrer ce film dans une forme de réalité. Par exemple, Lan, comme son personnage, vient du Nord de la Chine et parle vraiment le mandarin du Dongbei. Et puis je crois aussi que les classes sociales peuvent se lire sur les corps. Pas systématiquement bien sûr mais quand même… Y a un physique de classe. C’est pour ça que j’ai fait le choix de travailler avec des non-professionnel.les et c’est évident que ce choix là m’a fermé des portes en terme de financement et sûrement en terme de diffusion…
Est-ce que des travailleuses du sexe de Belleville ont participé au film ?
On n’a pas proposé à des femmes sans-papiers prostituées de jouer dans le film pour une raison toute simple : on a fait le film grâce à de l’argent public (CNC, région Île-de-France, etc.) et il fallait donc qu’on puisse rendre de comptes et faire des contrats de travail en règle… Mais certaines ont assisté au tournage et conseillaient mes « comédiennes », elles leur ont aussi appris leur jargon de la rue, le mandarin qui s’invente sur les trottoirs de Belleville.
À ce propos, d’où vient le terme de « marcheuse » ?
Les marcheuses c’est le nom qui est donné par les médias aux femmes chinoises qui se prostituent… Ce terme remonte à loin… Au 19ème siècle déjà, les travailleuses du sexe sur les boulevards étaient appelées les marcheuses. C’est un mot qui a été ramené à la mode par un reportage d’Envoyé Spécial (en 2007, je crois) et depuis c’est le nom qui est resté pour ces femmes.
Est-ce que c’est un terme que les femmes chinoises revendiquent ?
Non, ce n’est pas un terme qu’elles revendiquent. En fait, elles se nomment peu. La seule fois où elles se sont nommées, c’est assez récent c’est quand elles ont crée leur association « les Roses d’Acier » en novembre 2014. Aujourd’hui, elles s’appellent ainsi : les Roses d’Acier. Je trouve que c’est classe comme nom !
Mais alors pourquoi as-tu choisi de mettre en avant ce nom, « les marcheuses », qui est celui utilisé par les dominants plutôt que le nom qu’elles se sont données ou éventuellement un autre nom encore ?
Il y a une dimension clairement marketing ! On s’est dit que c’était une bonne façon de parler du film, que c’était un nom qu’on retiendrait sur l’affiche au milieu des autres sorties.
Mais au delà du cynisme, le terme de « marcheuse », ça me plaisait bien par rapport au personnage. J’ai toujours imaginé mon personnage principal comme un petit soldat, comme quelqu’un qui avance quoi qu’il arrive, qui se prend les difficultés en pleine face mais qui continue à tracer sa route. Si « fantassin » avait existé au féminin, j’aurais appelé le film comme ça !
On peut aussi décider de féminiser les noms…
(Rire) Oui, mais on est parti dans un autre débat là !
Lin, fantassine…
Tu es un homme blanc cis de classe moyenne et tu parles donc d’une position de privilégié… Comment envisages-tu ta place ? N’y a-t-il pas un risque, en faisant un film sur une population minorée et opprimée comme tu le fais, d’usurper une parole qui n’est pas la tienne ?
Absolument, y a un risque ! D’ailleurs tu peux même rajouter homme blanc cis bourgeois et hétérosexuel, comme ça le panel est complet…
Bon sérieusement, c’est une vaste question…
Déjà, je ne parle pas au nom des prostituées chinoises, je parle en tant que réalisateur qui fait un film. En aucun cas, je prétends être le porte-parole de ces femmes. Je ne vois pas du tout mon travail comme « donner une voix à celles et ceux qui n’en ont pas ». D’ailleurs, les travailleuses du sexe chinoises s’organisent très bien toutes seules, à travers leur association.
Ce qui m’intéresse c’est de montrer les rapports de domination entre les différents personnages de mon film. En faisant cela, j’ai l’impression de porter un regard sur la société française dans son fonctionnement, et sur les rapports humains. En tant que citoyen français engagé, je me sens du coup tout à fait légitime pour tenir ce discours là.
Après, effectivement, même si je ne suis pas un « porte-parole », j’estime qu’il y a une responsabilité à avoir vis à vis des gens que je mets en scène. Cette responsabilité là, j’y réponds en me documentant. Ça fait 8 ans que je suis volontaire sur le terrain et que je côtoie ces femmes. A chaque fois que j’avais des doutes, j’allais les interroger. Mais je dois avouer que je ne leur ai pas fait lire le scénario.
Elles ont toutes vues le film ?
Toutes non ! Je l’ai montré en fin de montage à celle dont je suis le plus proche. Et le jour de la sortie, les Roses d’Acier ont organisé une sortie collective au cinéma. C’était très émouvant. Elles sont ressorties enthousiastes.
Ma question c’est : est-ce que le cinéma va être poursuivi pour proxénétisme puisque les femmes ont payé leurs billets avec l’argent de la prostitution ? (Rire)
Comment ont-elles réagi ?
Elles m’ont dit que leur seule réserve était sur la présence de Cerise, la fille de Lin, qui est très jeune. Elles m’ont dit qu’elles mêmes n’auraient pas fait venir une fille si petite ! Et c’est vrai que c’est une liberté que j’ai pris parce que ça me semblait plus fort en terme de fiction.
Cerise, la fille de Lin
Je me suis aussi fait engueuler parce que pour la scène de la descente de police, j’ai fait venir un camion de flic sur le boulevard toute une après-midi. Elles, elles savaient que c’était un « faux » mais ça a fait fuir les clients !
Par ailleurs, elles m’ont dit que j’avais bien présenté leurs conditions de vie, et ça c’est une sacrée reconnaissance!
Question bonus pour conclure : « faire politiquement des films ou faire des films politiques » ?
Bah, je ne suis pas un inconditionnel de Godard mais je vais quand même essayer de répondre…
On ne peut pas dire que j’ai fait politiquement ce film dans le sens où j’ai tout fait pour l’inscrire dans le système et qu’on l’a financé de manière très classique. J’ai eu le CNC, l’aide d’une région, on a un distributeur bien installé… J’aurais pu faire ce film de manière plus sauvage mais je tenais au contraire à le développer au sein de l’industrie cinématographique pour essayer de faire en sorte qu’il soit le plus vu possible. Ce que je vise, c’est m’inscrire dans le système pour pouvoir le changer de l’intérieur et proposer d’autres types de récit, d’autres types de représentations…
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C’est »marrant » comme ce discret passage à la not_all_men vient se glisser comme ça dans le discours.
Au delà de ça, il y a beaucoup de passages qui suggèrent de grands renforts de la dialectique maître-esclave hégélienne (le dominant »esclave » de la relation de domination car incapable d’en sortir et étant »dépendant » du travail de l’esclave) ; toujours un peu crispant, en particulier parce que ça fait quand même plus d’un siècle et demi qu’elle est remise en cause et justement critiquée.