Répondre à: Bande de filles – Céline Sciamma
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Je me permets de répondre partiellement, bien que, je le précise, je n’ai personnellement pas vu le film.
Le sujet, c’est pas une famille banche: il n’y avait donc aucun intérêt à « comparer » avec des Blancs. Dire qu’il existe de la violence familiale chez les Noirs n’est pas raciste. A aucun moment le film ne sous-entend qu’il n’y a pas de violence familiale chez les Blancs.
Sorti du contexte général de la production cinématographique française actuelle, il n’est effectivement pas raciste de mettre en scène des violences exclusivement au sein des familles racisées car, bien évidemment, elles existent. Pour peu que les principaux protagonistes en soient tou(te)s issu(e)s, bien entendu, comme cela semble être en le cas ici. Seulement voilà, ce film n’est pas le premier à porter un regard exclusif sur la violence, notamment familiale (les fameux « grands frères »), au sein de certaines de ces populations, en gommant au passage tout l’aspect social, pourtant fondamental, de la question.
Se focaliser sur les violences intra-familiales au sein des classes populaires, alors qu’elles sont sans doute au moins aussi importantes chez les classes plus aisées, est déjà un biais contestable. Mais là où cela devient vraiment problématique, c’est lorsque ces classes populaires sont majoritairement dépeintes comme non-blanches, ce qui essentialise ainsi les violences qui peuvent s’y produire.
Alors oui, il est à peu près certain que les non-blanc(he)s ont davantage de chances d’appartenir aux classes défavorisées que les blanc(he)s, mais je ne pense pas non plus trop me tromper en affirmant que les classes populaires comptent dans leurs rangs au moins autant d’individus blancs que non-blancs. Or, cette réalité n’est pas toujours facile à établir au regard de la production cinématographique française contemporaine, et notamment la plus visible.
D’ailleurs, n’oublions pas non plus que Céline Sciamma est elle-même blanche, tout comme l’immense majorité des membres de sa profession.
Un frère qui tape sur la gueule de sa soeur parce qu’elle couche, ça n’existe pas? C’est de la science fiction? Ca sort de l’imagination de la réalisatrice? Il aurait fallut consacrer 10 minutes de film pour expliquer qu’en fait c’est parce qu’il aime sa soeur qu’il fait ça? Au contraire, je trouve le parti pris du film intéressant parce que justement, il ne s’attarde pas sur le pourquoi de la violence du frère. Ce qui compte c’est elle. Pour une fois, le sujet n’est pas traité en victime expiatoire qui va chercher des « excuses » ou des « justifications » au comportement du frère qui « aime sa soeur tellement fort qu’il ne supporte pas de la voir prendre des risques ».
Encore une fois, je pense que l’on ne peut pas faire, à propos des personnages masculins, abstraction de la dimension raciale qu’ils véhiculent et donc des représentations racistes auxquelles ils renvoient dans l’inconscient collectif (ou blanc, tout du moins). Mais surtout, j’ai envie de dire qu’il y a une différence entre « expliquer » et « excuser » : que l’on le veuille ou non, la violence, tout comme le reste, ne sort pas de nul part, elle a une cause. Et ce n’est en aucun cas minimiser la gravité de cette violence que de chercher à en montrer l’origine. Au contraire, mettre en scène une violence comme purement « gratuite » la dépolitise et empêche donc de réfléchir à comment l’empêcher.